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Informe definitivo - Informe núm. 272, Junio 1990

Caso núm. 1492 (Rumania) - Fecha de presentación de la queja:: 20-FEB-89 - Cerrado

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  1. 78. Le comité a examiné ce cas quant au fond à sa session de novembre 1989 où il a présenté un rapport intérimaire qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 244e session. (Voir 268e rapport, paragr. 588-636.) Depuis lors, le gouvernement a envoyé de nouvelles observations sur ce cas dans une communication en date du 19 avril 1990.
  2. 79. En outre, suite à une demande de la Confédération internationale du travail (CISL) motivée par les changements survenus à la fin de l'année 1989 en Roumanie, le Conseil d'administration, à sa session de février 1990, a chargé le Directeur général du BIT de mener les consultations voulues avec le gouvernement roumain afin d'envoyer rapidement une mission de contacts directs dans ce pays. (Voir 270e rapport, paragr. 12.) Cette mission, composée de M. Bernard Gernigon, chef du Service de la liberté syndicale, et de M. Patrick Carrière, fonctionnaire de ce même service, s'est déroulée du 22 au 26 avril 1990. Le rapport de la mission figure en annexe au présent rapport.
  3. 80. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 81. Dans le rapport intérimaire présenté au Conseil d'administration en novembre 1989, le comité avait noté que les allégations formulées par la CISL concernaient des mesures de représailles et de répression (arrestations, détentions, condamnations, violences, licenciements) qui auraient été exercées contre des travailleurs ayant créé des organisations indépendantes de la structure syndicale existante ou ayant encouragé leur création, ou qui auraient participé à des mouvements de protestation ou à des grèves.
  2. 82. Le comité avait formulé les recommandations suivantes:
    • "a) Au sujet des allégations relatives à l'usine Six mars de Zarnesti, le comité demande au gouvernement:
      • - de fournir des informations précises sur les allégations concernant la convocation à la police de Marin Brinconveanu, les violences qu'il aurait subies et la résiliation de son contrat de travail;
      • - d'effectuer les recherches nécessaires pour déterminer si Mihai Torjo et Marian Lupou ont été antérieurement employés dans l'usine Six mars et, dans l'affirmative, d'indiquer les motifs précis de leur départ de l'entreprise;
      • - de fournir des informations sur l'arrestation et les violences qui auraient été exercées contre M. Serban et sur les raisons de son éventuel transfert;
      • - d'indiquer si Mihai Torjo et Marian Lupou ont fait l'objet d'interpellations par la police et, si oui, dans quelles circonstances.
    • b) Au sujet des allégations relatives aux événements de Brasov de novembre 1987, le comité demande au gouvernement de fournir des informations précises sur le nombre d'arrestations et de condamnations intervenues et sur les motifs qui en étaient à l'origine, ainsi que sur les six morts qui seraient survenues lors des manifestations et sur les licenciements qui auraient affecté 215 travailleurs.
    • c) Au sujet des allégations relatives à la constitution d'une organisation syndicale indépendante Libertatea, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur le sort des personnes qui auraient fondé cette organisation et, en particulier, sur les circonstances de l'émigration de certaines d'entre elles et sur les motifs d'éventuelles arrestations et condamnations prononcées à l'encontre de Radu Filipescu et sur les allégations selon lesquelles il est régulièrement arrêté et maltraité.
    • d) Le comité rappelle l'importance qu'il attache au principe selon lequel les travailleurs et les employeurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer les organisations de leur choix. Le comité attire l'attention du gouvernement sur la nécessité de mettre la législation en conformité avec la lettre et l'esprit de la convention no 87 et signale cet aspect du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
    • e) Au sujet des allégations concernant les mesures prises contre d'autres travailleurs, le comité demande au gouvernement de fournir des informations précises sur les motifs et les faits précis qui sont à l'origine de la condamnation de Dumitru Iuga, ainsi que sur les représailles dont auraient été victimes Valer Sabau et Nicolae Litoin.
    • f) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant le licenciement de 150 travailleurs à la suite d'une grève qui aurait été organisée à Iasi en février 1987."

B. Nouvelles observations du gouvernement

B. Nouvelles observations du gouvernement
  1. 83. Dans sa communication du 19 avril 1990, le gouvernement déclare sur un plan général que la majorité des allégations formulées par la CISL dans la présente plainte contre l'ancien gouvernement sont fondées. Il ajoute que le nouvel organe dirigeant "le Conseil du Front de Salut National", instauré après la révolution de décembre 1989, a pris rapidement une série de mesures ouvrant la voie à la reconstruction économique et sociale du pays, ainsi qu'au respect des droits de l'homme et des normes internationales, y compris celles des conventions nos 87 et 98.
  2. 84. Parmi les mesures prises, le gouvernement signale notamment:
    • - l'abandon du rôle dirigeant du parti unique et l'établissement d'un système pluraliste de gouvernement (décret-loi publié le 28 décembre 1989, point I);
    • - l'abolition du régime de domicile forcé imposé pour opinions politiques et la libération immédiate des personnes qui y étaient soumises. Les personnes déportées pour avoir participé aux grèves de la Vallée de Jiu et de Brasov sont maintenant rentrées chez elles, ont été réintégrées dans leurs anciens postes de travail et ont recouvré leurs droits;
    • - le décret-loi du 3 janvier 1990 prévoyant l'amnistie des délits politiques commis après le 30 décembre 1947 (les délits politiques étaient définis de façon extrêmement large, englobaient pratiquement toute activité visant l'obtention de droits démocratiques et comprenaient le délit d'opinion).
  3. 85. Par ailleurs, le gouvernement a abrogé une série de lois, décrets, règlements, etc., injustes et discriminatoires qui lésaient gravement la liberté de l'individu et les droits de l'homme et, notamment:
    • - le décret no 68/1976 imposant le changement de domicile dans les villes déclarées "grandes villes" par la loi;
    • - le décret no 56/1978 concernant la systématisation du territoire et des localités urbaines et rurales;
    • - la loi no 25/1976 imposant l'embauchage dans un travail utile;
    • - le décret no 367/1980 concernant l'utilisation rationnelle du personnel des unités socialistes.
  4. 86. Le décret-loi no 8 adopté le 31 décembre 1989 a permis de réglementer l'enregistrement et le fonctionnement des partis politiques et organisations civiques. Aux termes de ce décret-loi et des autres lois en vigueur, notamment la loi no 52 de 1945, des syndicats libres et indépendants ont été créés dans pratiquement toutes les entreprises. De plus, 30 fédérations et deux confédérations ont été créées et ce processus se poursuit activement.
  5. 87. Enfin, les projets de loi suivants ont été élaborés et transmis au Conseil provisoire d'union nationale (le Parlement de la Roumanie):
    • - la loi sur les syndicats;
    • - la loi concernant la négociation collective;
    • - la loi concernant le règlement des conflits collectifs de travail et l'exercice du droit de grève;
    • - la loi abrogeant certaines dispositions du Code du travail ou des autres lois normatives contraires aux dispositions des conventions internationales adoptées par l'OIT.
  6. 88. En ce qui concerne les cas concrets mentionnés dans la plainte, les recherches effectuées ont mis en lumière les faits suivants:
    • - MM. Marin Brinconveanu, Mihai Torjo, M. Serban et Marian Lupan de l'Usine Six mars de Zarnesti avaient été convoqués à la police et interpellés, puis transférés à d'autres postes de travail pour avoir essayé de constituer l'organisation syndicale "Libertatea". Toutes les personnes mentionnées plus haut sont revenues maintenant à leurs anciens postes de travail et elles ont recouvré tous leurs droits, les deux premières étant élues au comité du syndicat libre créé à l'usine Six mars de Zarnesti.
    • - Après les événements de Brasov en novembre 1987, 60 personnes avaient été arrêtées et condamnées, avec suspension de leur peine mais accomplissement de celle-ci au lieu de travail. Aucun décès n'a été enregistré. Environ 200 ouvriers ont été transférés d'une manière forcée dans d'autres postes de travail. Au mois de janvier 1990, le Tribunal du district de Brasov a jugé de nouveau les 60 personnes, les acquittant toutes. A présent, toutes les personnes condamnées ou transférées sont revenues à leur poste de travail et ont recouvré tous leurs droits.
    • - M. Radu Filipescu a participé à la révolution et a été élu au Comité du Front de Salut National; il est maintenant actif dans le Parti républicain.
    • - M. Litoin Nicolae avait été condamné à 12 ans de prison pour complot et propagande contre le système socialiste en 1981. Le 3 janvier 1990, il a été mis en liberté et habite la commune Dumbraveni dans le district de Prahova.
    • - M. Dumitru Iuga avait été condamné pour propagande contre le système socialiste; il a été libéré le 3 janvier 1990 et réintégré dans tous ses droits à la télévision roumaine. A présent, il est le dirigeant du syndicat de la radiotélévision roumaine.
  7. 89. Le gouvernement ajoute par ailleurs que M. Valer Serban n'a pu être identifié et qu'il a été impossible, jusqu'à présent, de confirmer que quelque 150 ouvriers auraient été licenciés lors d'une grève en février 1987 à Iasi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 90. Le comité prend note du rapport de la mission du BIT qui s'est rendue en Roumanie du 22 au 26 avril 1990. Il se félicite de ce que la mission a bénéficié tout au long de son séjour d'une large coopération du gouvernement. Le comité prend note également des informations écrites que le gouvernement a fournies en réponse aux demandes d'information qu'il avait formulées dans son rapport antérieur.
  2. 91. Les allégations présentées par la CISL dans le présent cas concernaient des mesures de représailles et de répression qui avaient été exercées contre des travailleurs ayant créé des organisations indépendantes de la structure syndicale existante ou ayant participé à des mouvements de protestation ou de grèves. La CISL avait notamment mentionné des arrestations, des condamnations, des violences ainsi que des licenciements ou actes préjudiciables dans l'emploi.
  3. 92. Depuis le dépôt de la plainte et le premier examen du cas par le comité, des changements politiques sont intervenus en Roumanie où un nouveau gouvernement assume le pouvoir depuis décembre 1989.
  4. 93. Le comité note avec intérêt que le nouveau gouvernement a fourni des réponses exhaustives aux allégations en instance tant par écrit qu'oralement au cours de la mission que le BIT a effectuée sur place.
  5. 94. En ce qui concerne les condamnations et arrestations de dirigeants et militants syndicaux indépendants, le comité note avec intérêt que l'ensemble des personnes nommément désignées dans la plainte de la CISL ont maintenant recouvré la liberté en application du décret-loi du 3 janvier 1990 portant amnistie des délits politiques commis après le 30 décembre 1947. Cette mesure d'amnistie inclut notamment les personnes condamnées dans le cadre d'activités déployées pour le respect des droits de l'homme, l'obtention des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et la satisfaction de revendications démocratiques. Seule une des personnes mentionnées dans la plainte n'a pu être identifiée en raison, semble-t-il, d'une confusion dans son patronyme. Le comité note également que ces informations sur la libération des personnes mentionnées dans la plainte ont été confirmées par l'ensemble des interlocuteurs que la mission du BIT a pu rencontrer au cours de son séjour.
  6. 95. Il ressort également des informations écrites du gouvernement et du rapport de mission que les travailleurs licenciés pour activités syndicales ont été réintégrés dans leur emploi. Certains occupent d'ailleurs maintenant des fonctions de dirigeants syndicaux dans des organisations créées depuis le changement de gouvernement.
  7. 96. Le comité prend note de ces informations avec intérêt. Il relève cependant que le rapport de mission fait état de difficultés que rencontrent les personnes victimes de licenciements sous l'ancien gouvernement pour récupérer l'ensemble de leurs droits, notamment en matière d'ancienneté. Le comité prend note de la déclaration du ministre du Travail selon laquelle cette question serait examinée et qu'il serait remédié à cette situation. Le comité exprime l'espoir que ces problèmes encore en suspens feront l'objet de discussions avec les travailleurs concernés et qu'ils trouveront rapidement une solution permettant d'annihiler tout préjudice que les intéressés pourraient encore subir du fait de leurs activités syndicales sous l'ancien gouvernement.
  8. 97. Le comité note par ailleurs que le gouvernement déclare qu'il n'a pas pu obtenir confirmation des licenciements qui seraient intervenus à Iasi en février 1987. Compte tenu de ce que les allégations sur ce point étaient formulées en termes relativement vagues (sans mention de noms ni des usines concernées) et qu'aucun interlocuteur de la mission n'a fourni d'informations à cet égard, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cette question.
  9. 98. En ce qui concerne l'état de la législation, le comité note avec intérêt que, par décret-loi publié le 28 décembre 1989, le rôle dirigeant du parti communiste dans l'activité des organisations de masse - y compris les syndicats - a été aboli. Il note également avec intérêt que, sur la base de la loi no 52 de 1945 sur les syndicats professionnels, ont été créées de nombreuses organisations syndicales, dont, en particulier, 30 fédérations et deux confédérations.
  10. 99. Le comité note également que des projets de législation sont en cours sur les syndicats, sur les conflits collectifs du travail et la grève ainsi que sur la négociation collective. Il se félicite de ce que les deux premiers projets, qui sont déjà élaborés, ont pu faire l'objet de discussions avc la mission du BIT qui a été ainsi à même de formuler certains commentaires sur plusieurs dispositions, à la lumière des principes des organes de contrôle de l'OIT. Le comité note que ces projets vont maintenant faire l'objet d'une publication dans les médias pour susciter une discussion publique sur leur contenu. Le comité rappelle à cet égard au gouvernement l'importance d'une consultation préalable des organisations d'employeurs et de travailleurs avant l'adoption de toute loi dans le domaine du droit du travail. Il exprime donc l'espoir que des consultations sur les trois projets mentionnés pourront être menées à bien rapidement. Enfin, le comité prend note de l'engagement pris par le gouvernement de consulter le BIT sur les projets de loi en préparation, tels que reformulés avant leur adoption. Le comité encourage le gouvernement à agir de cette manière afin que les commentaires que le BIT pourrait formuler sur lesdits projets soient pris en considération en vue d'assurer leur conformité avec les conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Roumanie.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 100. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prend note du rapport de la mission qu'a effectuée le BIT en Roumanie et se félicite de la large coopération que le gouvernement a accordée à la mission.
    • b) Le comité prend note avec satisfaction des mesures prises par le nouveau gouvernement - notamment de la libération des syndicalistes détenus et de la réintégration des travailleurs licenciés - qui mettent fin aux graves violations des principes de la liberté syndicale qui avaient été commises sous le gouvernement précédent.
    • c) Le comité exprime l'espoir que les problèmes encore en suspens au sujet des travailleurs réintégrés dans leur emploi - notamment quant au droit à l'ancienneté des personnes concernées - trouveront rapidement une solution.
    • d) Le comité exprime l'espoir que les projets de législation actuellement en préparation sur les syndicats, sur les conflits collectifs de travail et la grève ainsi que sur la négociation collective feront l'objet de consultations préalables avec les partenaires sociaux. Il encourage le gouvernement à consulter le BIT avant l'adoption desdits projets en vue d'assurer leur conformité avec les conventions nos 87 et 98.

RAPPORT SUR LA MISSION DE CONTACTS DIRECTS

RAPPORT SUR LA MISSION DE CONTACTS DIRECTS
  1. EFFECTUEE EN ROUMANIE
  2. I. Introduction
  3. La mission décrite dans le présent rapport, qui a eu lieu du 22
  4. au 26 avril
  5. 1990, s'inscrit dans le cadre de la procédure d'examen de la
  6. plainte en
  7. violation des droits syndicaux (cas no 1492), présentée en
  8. 1989 contre le
  9. gouvernement de la Roumanie par la Confédération
  10. internationale des syndicats
  11. libres (CISL).
  12. Depuis la présentation de la plainte en février 1989, le Comité
  13. de la liberté
  14. syndicale du Conseil d'administration a examiné le cas en
  15. novembre 1989, puis
  16. en février 1990 où, sur demande de l'organisation plaignante
  17. et compte tenu
  18. des bouleversements survenus en Roumanie à la fin de
  19. l'année 1989, il fut
  20. décidé de mener les consultations voulues avec le
  21. gouvernement afin d'envoyer
  22. rapidement une mission de contacts directs, chargée
  23. d'examiner les questions
  24. de fait restées en suspens dans le cadre de la plainte et
  25. d'explorer les
  26. sphères d'action où le BIT pourrait apporter son aide dans le
  27. domaine
  28. syndical, notamment sur le plan législatif.
  29. Depuis la session de février 1990 du comité, le gouvernement
  30. a envoyé une
  31. communication, datée du 19 avril 1990, apportant des
  32. réponses sur les cas
  33. concrets soulevés dans la plainte, ainsi que des
  34. renseignements sur divers
  35. textes législatifs adoptés, en cours d'adoption ou en voie
  36. d'élaboration.
  37. La mission, qui s'est rendue à Bucarest et Brasov, était
  38. composée de MM.
  39. Bernard Gernigon et Patrick Carrière, respectivement chef et
  40. fonctionnaire du
  41. Service de la liberté syndicale. La mission a eu deux
  42. rencontres avec le
  43. ministre du Travail et ses collaborateurs, les 23 et 26 avril. Elle
  44. a
  45. également rencontré deux hauts fonctionnaires du ministère
  46. des Affaires
  47. étrangères. Du côté syndical, la mission a rencontré les
  48. représentants de la
  49. Confédération nationale des syndicats libres, de la
  50. Confédération des
  51. syndicats indépendants Fraternité ("Fratia") et de l'Union des
  52. syndicats
  53. libres/Polygraphie, ainsi que le correspondant en Roumanie de
  54. la Confédération
  55. internationale des syndicats libres. De plus, la mission s'est
  56. rendue à Brasov
  57. où, lors d'une assemblée de dirigeants syndicaux, elle a pu
  58. recueillir des
  59. témoignages et répondre à diverses questions. La mission a
  60. obtenu du
  61. gouvernement toutes les facilités et la coopération voulues
  62. pour mener ses
  63. travaux à bien et s'entretenir avec les organisations et les
  64. personnes qu'elle
  65. souhaitait. La liste complète des personnes rencontrées se
  66. trouve à l'annexe
  67. I. La mission n'a malheureusement pu rencontrer de
  68. représentants d'employeurs
  69. car, selon les renseignements recueillis, il n'existe pas encore
  70. de telles
  71. organisations en raison de l'état embryonnaire du secteur
  72. privé, les quelques
  73. entreprises privées existant actuellement étant d'ailleurs dans
  74. leur
  75. quasi-totalité de type familial.
  76. Il convient aussi de noter que les divers syndicats et
  77. fédérations ont réservé
  78. un accueil chaleureux à la mission tout en exprimant - avec
  79. insistance dans
  80. certains cas - les besoins importants et urgents d'information
  81. sur
  82. l'Organisation, les structures et les activités syndicales
  83. démocratiques.
  84. Certains ont également demandé qu'une aide en ce sens leur
  85. soit apportée
  86. rapidement; la mission a donc été amenée, à l'occasion, à
  87. expliquer et
  88. préciser le rôle, la composition et le mandat de l'OIT, du BIT et
  89. du Service
  90. de la liberté syndicale.
  91. II. La situation actuelle en Roumanie
  92. Des élections générales sont prévues pour le 20 mai 1990 et
  93. quelque 67 partis
  94. se disputent les suffrages. La date des élections elle-même fait
  95. l'objet de
  96. controverses; certains groupes ont demandé son report
  97. jugeant qu'elle favorise
  98. le Front de salut national (FSN), actuellement au pouvoir; des
  99. critiques sont
  100. également adressées à certains dirigeants du FSN qui auraient
  101. collaboré avec
  102. l'ancien régime. Des manifestations se sont déroulées de
  103. façon ininterrompue
  104. sur ce thème durant la semaine où la mission s'est déroulée;
  105. selon les médias,
  106. d'autres rassemblements et contre-manifestations se sont
  107. poursuivis la semaine
  108. suivante. Il existe une certaine agitation et les attentes de la
  109. population
  110. sont grandes sur tous les plans.
  111. La situation syndicale, reflet du climat politique et social, se
  112. caractérise
  113. par une activité intense et une certaine instabilité,
  114. conséquences normales de
  115. l'abolition des anciennes structures et de la mise en place du
  116. nouveau paysage
  117. syndical roumain. Pour résumer, on peut dire qu'il existe
  118. actuellement: une
  119. multitude de syndicats indépendants non affiliés à une
  120. confédération, le plus
  121. souvent constitués au niveau de l'entreprise ou selon
  122. l'occupation
  123. professionnelle et parfois regroupés sur une base territoriale au
  124. niveau d'une
  125. ville ainsi que deux confédérations, la Confédération nationale
  126. des syndicats
  127. libres (CNSL) et la Confédération des syndicats indépendants
  128. Fraternité
  129. ("Fratia"). Sur le plan pratique, toutes ces organisations sauf,
  130. semble-t-il,
  131. la CNSL (voir ci-dessous), font face à des difficultés
  132. considérables dans
  133. leurs activités quotidiennes en raison du manque de
  134. financement et des moyens
  135. matériels les plus élémentaires (téléphone, photocopieurs,
  136. matériel de
  137. bureau).
  138. En ce qui concerne les syndicats indépendants, au lendemain
  139. des événements de
  140. décembre 1989-janvier 1990, de très nombreux syndicats
  141. libres et indépendants
  142. ont été créés en application de la loi no 52 sur les syndicats de
  143. 1945, dont
  144. les dispositions essentielles sont toujours en vigueur. La
  145. mission a
  146. d'ailleurs perçu chez plusieurs porte-parole de ces syndicats
  147. une nette
  148. réticence à l'affiliation fédérale ou confédérale, ce qui
  149. s'explique par le
  150. rejet généralisé du régime syndical antérieur très centralisé,
  151. mais aussi
  152. peut-être par un manque d'expérience syndicale
  153. démocratique.
  154. Quant aux confédérations, il existe, d'une part, la
  155. Confédération nationale
  156. des syndicats libres (CNSL) qui affirme regrouper 19
  157. fédérations représentant
  158. 2.800.000 membres, dont 1.800.000 appartiennent à des
  159. fédérations qui ont déjà
  160. tenu leur congrès. La CNSL est dirigée par un Conseil national
  161. provisoire,
  162. désigné après que l'ancienne structure syndicale regroupée
  163. dans l'Union
  164. générale des syndicats roumains (UGSR) eut été dissoute
  165. après les événements
  166. de décembre 1989. Le siège de la CNSL est installé dans les
  167. locaux de
  168. l'ex-UGSR, dans le même édifice que le ministère du Travail.
  169. Au sein des
  170. syndicats indépendants rencontrés par la mission, il existe une
  171. méfiance
  172. certaine, voire un rejet total à l'idée de toute affiliation à la
  173. CNSL. Cette
  174. dernière n'est pas pour l'instant affiliée à une confédération
  175. internationale,
  176. même si certaines discussions ont eu lieu à ce sujet; la
  177. décision sera prise
  178. lors du congrès général prévu vers les 14-15 mai 1990 (avant
  179. les élections).
  180. Selon les représentants des autres syndicats que la mission a
  181. rencontrés, la
  182. CNSL semble toujours avoir accès, sinon aux fonds et aux
  183. cotisations des
  184. anciens syndicats, du moins aux facilités et au matériel de
  185. l'ex-UGSR. Sur un
  186. plan général, la CNSL déclare avoir d'assez bonnes relations
  187. avec le
  188. gouvernement; elle reproche à l'autre confédération "Fratia"
  189. sa coloration
  190. politique et ses prises de position sur le partage du patrimoine,
  191. qu'elle juge
  192. irréalistes.
  193. La Confédération des syndicats indépendants Fraternité
  194. ("Fratia") créée après
  195. les événements de décembre 1989, déclare pour sa part
  196. regrouper 38 syndicats
  197. indépendants (dont quatre fédérations) et plus d'un million de
  198. membres dont
  199. 830.000 cotisants. Cette confédération fait face à d'énormes
  200. problèmes
  201. matériels et doit compter sur le travail de bénévoles pour sa
  202. gestion
  203. quotidienne. La question de la répartition du patrimoine revêt
  204. une importance
  205. cruciale pour Fratia, selon qui de nombreux syndicats ne se
  206. sont affiliés à la
  207. CNSL qu'en raison des avantages importants, notamment
  208. matériels et financiers,
  209. qu'ils peuvent en retirer. Dès que la situation aura été clarifiée,
  210. Fratia
  211. estime que la majeure partie de ces syndicats viendront
  212. s'affilier à elle
  213. (voir ci-dessous les commentaires relatifs au partage du
  214. patrimoine syndical).
  215. La mission a pu constater, à cet égard, que certaines
  216. organisations
  217. indépendantes non liées actuellement à une confédération se
  218. sont dit beaucoup
  219. plus proches de Fratia, et ont exclu toute affiliation à la CNSL
  220. qu'elles
  221. considèrent comme trop identifiée à l'ancienne UGSR, liée au
  222. régime précédent.
  223. Les réticences constatées à l'égard de l'affiliation à une
  224. confédération se
  225. rencontrent également dans le domaine de la législation
  226. syndicale: selon le
  227. ministère du Travail, certains syndicats auraient même déclaré
  228. ne pas voir la
  229. nécessité de lois concernant les syndicats, la négociation
  230. collective, les
  231. grèves, etc. La mission a eu l'occasion de souligner aux
  232. représentants de
  233. Fratia qu'un cadre législatif adéquat, loin de constituer une
  234. entrave, pouvait
  235. garantir les droits syndicaux.
  236. III. Questions relatives aux allégations restées en suspens (cas
  237. no 1492)
  238. Lors de sa première rencontre avec la mission, le ministre du
  239. Travail a
  240. confirmé les renseignements donnés dans la communication
  241. du 19 avril, et
  242. indiqué que toutes les personnes concernées ont maintenant
  243. recouvré leurs
  244. droits et réintégré leur poste de travail dans le cadre de
  245. l'amnistie
  246. concernant les délits politiques adoptée le 3 janvier 1990.
  247. L'ensemble des
  248. organisations syndicales rencontrées ont également abondé
  249. dans ce sens.
  250. Toutefois, un dirigeant syndical du combinat de Brasov,
  251. détenu et licencié à
  252. la suite des grèves organisées dans cette ville en 1987, a
  253. déclaré à la
  254. mission que, bien qu'ayant été réintégré dans ses fonctions et
  255. acquitté en
  256. janvier 1990 des condamnations prononcées contre lui en
  257. 1987 (comme 60 autres
  258. travailleurs), il n'a pas obtenu un dédommagement intégral,
  259. notamment au titre
  260. des droits d'ancienneté, des jours de congé et des allocations
  261. familiales. Il
  262. a été également déclaré à la mission qu'un collectif de
  263. travailleurs victimes
  264. de représailles sous l'ancien gouvernement avait été constitué
  265. et que des
  266. démarches avaient été entreprises auprès du président du
  267. Front de salut
  268. national pour que les intéressés soient pleinement rétablis dans
  269. leurs droits.
  270. Lors de la dernière réunion avec le ministère du Travail, la
  271. mission a porté
  272. ce fait à l'attention du ministre qui s'est engagé à prendre les
  273. mesures
  274. nécessaires pour s'informer et remédier à la situation.
  275. Enfin les autorités ont indiqué que les investigations se
  276. poursuivaient au
  277. sujet de M. Valer Sabau (ou Serban) qui n'avait pu être encore
  278. identifié.
  279. IV. La question du patrimoine des syndicats
  280. La mission a abordé cette question avec toutes les personnes
  281. et organisations
  282. rencontrées; elles ont donné des évaluations différentes du
  283. patrimoine en
  284. question, qui représente de toutes façons un actif
  285. considérable: de 3 à 4,3
  286. milliards de lei en espèces (soit de 136 à 200 millions de dollars
  287. E.-U., au
  288. cours officiel actuel: 1 dollar = 22 lei), et un important
  289. patrimoine
  290. immobilier (nombreux centres de loisirs, de tourisme,
  291. installations
  292. récréatives et équipement divers) allant de 30 à 100 milliards
  293. de lei. Cette
  294. question est cruciale pour tous les syndicats car aucun n'a de
  295. ressources pour
  296. assurer son fonctionnement, à l'exception de la CNSL, qui
  297. aurait hérité des
  298. locaux, du matériel et de l'organisation de l'ex-UGSR, tous
  299. éléments cruciaux
  300. pour une réorganisation rapide. Les autres organisations
  301. déclarent craindre
  302. que la CNSL ne profite de cette situation de fait qui leur
  303. impose un lourd
  304. handicap, pour se structurer rapidement, réunir de nombreux
  305. membres et
  306. syndicats, obtenir une part disproportionnée du patrimoine lors
  307. d'un partage
  308. éventuel (qu'elle pourrait d'ailleurs influencer) et perpétuer ainsi
  309. sa
  310. prééminence.
  311. La position actuelle du gouvernement semble être de ne pas
  312. vouloir intervenir
  313. dans le partage du patrimoine et de laisser les différentes
  314. organisations en
  315. négocier les modalités. Le ministre du Travail a également
  316. indiqué que le
  317. patrimoine des syndicats est actuellement bloqué. Au moins
  318. une rencontre entre
  319. les différents courants du mouvement syndical (CNSL, Fratia)
  320. et syndicats
  321. indépendants a eu lieu le 19 avril 1990 afin de discuter des
  322. modalités du
  323. partage et de créer une commission qui en serait chargée. Il
  324. aurait été alors
  325. entendu et consigné par écrit dans un procès-verbal (dont
  326. copie a été remise à
  327. la mission) que, dans l'immédiat, une somme de 100 lei par
  328. syndiqué serait
  329. prélevée sur les fonds des anciens syndicats et versée aux
  330. syndicats actuels
  331. afin de leur assurer un financement minimum. Selon Fratia,
  332. l'accord a été
  333. dénoncé le 20 avril par la CNSL; Fratia envisageait de tenir
  334. une réunion le 2
  335. mai afin de constituer un front commun des syndicats libres et
  336. indépendants
  337. sur cette question. La CNSL a déclaré pour sa part que le
  338. patrimoine devrait
  339. rester unitaire jusqu'à ce qu'une décision soit prise lors d'un
  340. congrès "...
  341. où Fratia serait invitée". La CNSL a exprimé ses réserves
  342. quant aux éventuels
  343. pouvoirs de la commission de partage, soulignant qu'elle n'était
  344. pas mandatée
  345. pour parler au nom des quelque 7 millions de syndiqués que
  346. comptait l'UGSR et
  347. qu'elle devrait se borner aux questions techniques. La CNSL
  348. nie notamment
  349. avoir signé le procès-verbal remis à la mission et affirme qu'il y
  350. aurait eu
  351. falsification du document.
  352. Lors des rencontres avec l'Union des syndicats de la
  353. Polygraphie et à Brasov,
  354. les représentants syndicaux se sont dits en accord avec le
  355. principe d'un gel
  356. du patrimoine, avec distribution immédiate de certaines
  357. sommes calculées en
  358. fonction du nombre de membres, puis répartition ultérieure de
  359. l'actif total
  360. selon des modalités à définir démocratiquement entre les
  361. syndicats.
  362. L'assemblée des syndicats indépendants de Brasov a émis
  363. l'idée que, compte
  364. tenu du fait que les actifs immobiliers sont concentrés dans
  365. certaines régions
  366. et ne peuvent être partagés, il conviendrait de constituer une
  367. société par
  368. actions dont les titres - et les bénéfices d'exploitation - seraient
  369. distribués aux divers syndicats proportionnellement au nombre
  370. de membres.
  371. La mission a expliqué, lors de toutes les rencontres, avec
  372. exemples à l'appui,
  373. diverses possibilités permettant un partage du patrimoine en
  374. pareille
  375. situation: négociation entre syndicats avec médiation
  376. indépendante éventuelle
  377. en l'absence de consensus; répartition proportionnelle des
  378. biens en fonction
  379. des effectifs calculés lors d'élections tenues parallèlement. La
  380. mission a
  381. insisté sur l'importance d'un processus de partage équitable à
  382. la fois pour la
  383. satisfaction des syndicats dans l'immédiat, et pour l'avenir des
  384. relations
  385. professionnelles. Lors de la dernière réunion avec le ministère
  386. du Travail, ce
  387. dernier s'est engagé à examiner la possibilité de favoriser la
  388. reprise des
  389. discussions entre les confédérations et syndicats
  390. vraisemblablement dans le
  391. cadre de la commission de partage du patrimoine.
  392. V. Les aspects législatifs
  393. En ce qui concerne la situation actuelle, sur le plan législatif, le
  394. ministre
  395. a indiqué lors de la première réunion que les principales
  396. dispositions de la
  397. législation roumaine qui ont suscité par le passé les
  398. observations des organes
  399. de contrôle de l'OIT ont été abrogées, notamment les articles
  400. établissant les
  401. liens entre le Parti communiste et les syndicats, imposant
  402. l'unicité syndicale
  403. et interdisant aux syndicats d'élaborer librement leurs statuts.
  404. Les autres
  405. dispositions de la loi 52 de 1945 restent en vigueur et
  406. établissent le cadre
  407. législatif applicable en la matière.
  408. Comme le gouvernement l'avait annoncé dans sa
  409. communication écrite du 19 avril
  410. 1990, trois projets de loi sont en cours d'élaboration:
  411. - la loi sur la négociation collective;
  412. - la loi sur les syndicats;
  413. - la loi sur le règlement des conflits collectifs de travail et
  414. l'exercice du
  415. droit de grève.
  416. Le ministère du Travail a indiqué que trois principes directeurs
  417. avaient
  418. présidé à l'élaboration des projets: respect des conventions et
  419. recommandations internationales de l'OIT; rédaction de textes
  420. les plus
  421. démocratiques possibles; et utilisation, dans la mesure du
  422. possible, des
  423. organes d'Etat existants (ministère du Travail et organes
  424. territoriaux du
  425. ministère), afin de favoriser une certaine stabilité.
  426. En ce qui concerne la loi modifiant le Code du travail, un projet
  427. de texte est
  428. actuellement discuté par les commissions permanentes
  429. spécialisées du Conseil
  430. provisoire d'union nationale (actuel Parlement). Lors de la
  431. première réunion
  432. avec la mission, le gouvernement a déclaré envisager la
  433. possibilité d'une
  434. publication dans les médias afin de susciter un débat public.
  435. Le projet de loi
  436. sur les contrats collectifs est actuellement à l'étude, le
  437. gouvernement
  438. préférant en repousser la discussion et l'adoption à 1991,
  439. puisque les
  440. employés de l'Etat représentent actuellement au moins 90 pour
  441. cent des
  442. travailleurs.
  443. S'agissant du projet de loi sur les syndicats, dans l'ensemble
  444. acceptable par
  445. rapport aux conventions internationales du travail, la mission
  446. ayant examiné
  447. une version française du projet a attiré l'attention du ministère
  448. sur quelques
  449. dispositions dont la rédaction était soit ambiguë, soit
  450. incompatible avec les
  451. conventions internationales, notamment:
  452. - l'article 2 (1) qui pourrait être interprété comme permettant
  453. seulement la
  454. constitution de syndicats d'entreprise;
  455. - l'article 11 restreignant l'exercice de fonctions de direction
  456. syndicale aux
  457. seuls citoyens roumains ayant travaillé un minimum de cinq ans
  458. dans
  459. l'entreprise;
  460. - l'article 43 permettant l'imposition d'une peine sévère
  461. d'emprisonnement aux
  462. dirigeants syndicaux dans certaines situations;
  463. - l'article 45 (2) qui n'envisage pas la création d'unions
  464. territoriales de
  465. syndicats à partir de la base.
  466. La mission a également obtenu des clarifications sur certaines
  467. dispositions
  468. obscures, ou trop larges en apparence.
  469. Quant au projet de loi sur le règlement des conflits collectifs de
  470. travail et
  471. l'exercice du droit de grève, le ministre du Travail a déclaré
  472. que son
  473. adoption par le Parlement était imminente (le mardi 24 avril) et
  474. en a expliqué
  475. verbalement les grandes lignes. La mission a commenté
  476. certaines dispositions
  477. qui semblaient à priori poser problème en regard des
  478. conventions
  479. internationales, souligné l'importance d'une consultation
  480. préalable des
  481. principaux acteurs sociaux concernés avant l'adoption de la
  482. législation, et
  483. demandé à pouvoir examiner une version française du projet,
  484. qui lui a été
  485. remise au cours de son séjour. La mission a appris entre-temps
  486. que le projet
  487. était suspendu et que le texte serait publié dans les médias
  488. afin de permettre
  489. un débat et d'éventuelles propositions d'amendement. Les
  490. deux confédérations
  491. s'attribuaient le mérite de ce report, tandis que selon le
  492. Syndicat
  493. Polygraphie, la présence de la mission en Roumanie et
  494. l'entretien préliminaire
  495. avec les autorités n'y étaient pas étrangers.
  496. Le projet de loi concernant le règlement des conflits collectifs
  497. de travail et
  498. l'exercice du droit de grève soulevait certaines questions
  499. fondamentales,
  500. notamment l'annexe 2 de la loi qui dresse une liste très large
  501. des unités de
  502. travail où la grève est interdite. La mission a exposé la position
  503. des organes
  504. de contrôle sur ce sujet, en indiquant les secteurs où une
  505. interdiction de la
  506. grève serait clairement incompatible avec les principes de la
  507. liberté
  508. syndicale et en expliquant la possibilité de recourir à la notion
  509. de service
  510. minimum qui, sans aboutir à une interdiction générale du droit
  511. de grève, peut
  512. permettre d'en limiter les conséquences. La mission a
  513. également attiré
  514. l'attention du gouvernement sur l'article 11 (3), qui dispose
  515. qu'une personne
  516. condamnée pour transgression de ce décret-loi (dont l'annexe
  517. fait partie
  518. intégrante) ne peut être élue déléguée des salariés.
  519. Deuxième aspect important, l'article 29 semblait instaurer un
  520. système voisin
  521. de l'arbitrage obligatoire à l'initiative d'une partie, un juge
  522. pouvant
  523. statuer sur le bien-fondé des prétentions des grévistes. Selon
  524. les
  525. explications des experts du ministère du Travail, la volonté du
  526. gouvernement
  527. sur ce point n'était pas d'instaurer un système d'arbitrage
  528. obligatoire, mais
  529. de s'assurer que les conditions procédurales préalables au
  530. déclenchement de la
  531. grève avaient bien été respectées. La mission a néanmoins
  532. insisté pour que cet
  533. article soit reformulé afin d'éviter toute ambiguïté.
  534. La mission a également attiré l'attention du ministère sur
  535. plusieurs autres
  536. dispositions:
  537. - article 11 (3), inéligibilité au poste de délégué des grévistes
  538. des
  539. personnes condamnées pour une des infractions énumérées à
  540. l'annexe 1 (très
  541. détaillée);
  542. - article 19 (2), déclenchement de la grève subordonné à
  543. l'accord de 2/3 des
  544. salariés;
  545. - article 19 (4), interdiction des "grèves à caractère politique",
  546. sans
  547. définition précise de cette notion;
  548. - article 22 (3), durée de la grève établie à l'avance par les
  549. organisateurs.
  550. Sur tous ces points, la mission a exposé les principes adoptés
  551. par les organes
  552. de contrôle, fait des suggestions et indiqué certains exemples
  553. de législations
  554. du travail adoptées relativement récemment par des pays
  555. passés d'un régime
  556. dirigiste au pluralisme politique et syndical.
  557. Les commentaires et suggestions de la mission à l'égard des
  558. deux projets de
  559. loi ont semblé rencontrer un écho favorable auprès du
  560. ministère, qui a
  561. manifesté sa ferme volonté de coopérer avec le BIT.
  562. Deux commentaires s'imposent quant aux réactions des
  563. organisations syndicales
  564. face à ces deux projets de loi. Premièrement, elles ont
  565. unanimement déploré le
  566. caractère insuffisant, voire inexistant, des consultations en vue
  567. de
  568. l'élaboration des textes. Il semble qu'un seul débat public
  569. télévisé ait eu
  570. lieu sur le sujet.
  571. Deuxièmement, les réactions quant aux dispositions de fond
  572. des deux projets
  573. ont été très différentes selon les interlocuteurs. La CNSL n'a
  574. pas formulé de
  575. critiques fondamentales sur leur orientation, exposant sa
  576. conception de la
  577. grève comme l'arme ultime de la lutte sociale, qui doit être
  578. précédée de
  579. pétitions, protestations et d'une procédure de conciliation.
  580. Selon la CNSL, la
  581. grève est actuellement utilisée de façon irresponsable,
  582. presque automatique.
  583. Pour sa part, Fratia s'est dit en désaccord profond avec le
  584. projet de loi sur
  585. le règlement des conflits collectifs, notamment en ce qui
  586. concerne l'absence
  587. de définition des grèves "politiques" et le nombre excessif
  588. d'exceptions au
  589. droit de grève. Par ailleurs, Fratia a déclaré trouver plus
  590. acceptable le
  591. projet de loi sur les syndicats, mais a néanmoins formulé
  592. certaines critiques.
  593. La position de Fratia semble partagée par les syndicats
  594. indépendants
  595. rencontrés.
  596. Le débat est de toute façon maintenant bien engagé sur le
  597. sujet et il reste à
  598. voir dans quelle mesure le texte final adopté reflétera les
  599. commentaires et
  600. suggestions de la mission et les réactions des organisations
  601. syndicales.
  602. Quoiqu'il en soit, le gouvernement s'est non seulement montré
  603. réceptif aux
  604. commentaires de la mission, mais a également exprimé son
  605. désir profond de
  606. collaboration avec le BIT, sollicitant d'ailleurs son aide sous
  607. forme
  608. d'exemples de textes de loi d'autres pays, considérés comme
  609. étant conformes
  610. aux normes internationales. Le gouvernement, sur invitation de
  611. la mission,
  612. s'est engagé à soumettre au BIT les projets de loi tels que
  613. modifiés pour
  614. consultation avant leur adoption.
  615. Enfin, sur un plan plus général, la mission a fait observer au
  616. gouvernement
  617. que l'évolution radicale de la situation en Roumanie permettait
  618. d'envisager
  619. rapidement, sans obstacles majeurs, la ratification d'autres
  620. conventions,
  621. notamment les conventions nos 135 et 144.
  622. Au terme de ce rapport, la mission tient à exprimer sa gratitude
  623. aux autorités
  624. roumaines pour leur courtoisie, leur réceptivité et les facilités
  625. qu'elles lui
  626. ont accordées durant le séjour, notamment l'effort fait par le
  627. ministère du
  628. Travail pour lui fournir dans un très bref délai, une traduction
  629. des projets
  630. de loi ci-haut mentionnés. La mission souhaite également
  631. remercier pour leur
  632. coopération les représentants des diverses organisations et
  633. confédérations
  634. syndicales rencontrées.
  635. B. Gernigon, P. Carrière.
  636. Appendice
  637. A. Ministère du Travail et de la Sécurité sociale (23 et 26 avril)
  638. M. Mihnea MARMELIUC, Ministre
  639. M. J. MOREGA, Ministre adjoint
  640. M. Gheorghe BADICA, Directeur, Direction de la législation, de
  641. la synthèse et
  642. du contrôle économiques
  643. M. Coriolan ATANASIU, Chef, Service des relations
  644. extérieures
  645. M. Jon PACURARU, Conseiller du ministre
  646. M. Babeanu CONSTANTIN Spécialiste, relations extérieures
  647. B. Ministère des Affaires étrangères (23 avril)
  648. M. Valeriu TUDOR, Directeur
  649. M. N. CEAUSU, Directeur adjoint, Organisations
  650. internationales
  651. C. Union des syndicats libres/Polygraphie (24 avril)
  652. M. Mihaï IONESCU, Président, Union des syndicats libres de
  653. typographes de
  654. Roumanie
  655. M. George MORMAN, Chef, Syndicat libre des typographes
  656. (Combinat polygraphique
  657. de Bucarest)
  658. M. Ilarian TENE, Secrétaire, Syndicat libre du Combinat
  659. polygraphique de
  660. Bucarest
  661. D. Confédération nationale des syndicats libres,
  662. Comité national provisoire (24 avril)
  663. M. Stefan CALINESCU, Coordonnateur général
  664. M. Gavrila HENTER, Coordonnateur
  665. M. Adrian MIRCEA, Fédération des syndicats libres de la
  666. métallurgie et de la
  667. sidérurgie, membre du Comité national CNSL
  668. M. Eugen CORLAN, Syndicat libre des centrales atomiques
  669. Cernavoda, membre du
  670. Comité national CNSL
  671. E. Confédération des syndicats indépendants/Fraternité
  672. ("Fratia"), 24 avril
  673. M. Ian POPESCU, Vice-président
  674. M. Paul FLORESCU, Expert économique
  675. M. Sorin MAYER, Syndicat des chauffeurs, relations
  676. internationales
  677. F. Correspondant de la CISL en Roumanie
  678. M. Mihaï TUDOSIE
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