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- 39. La Confédération des associations professionnelles du Danemark (AC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Danemark dans des communications datées des 15, 27 et 30 avril 1992. Elle a également fourni des informations complémentaires dans des communications en date des 5 novembre 1992, 24 février, 21 octobre et 24 novembre 1993, et 28 avril 1994.
- 40. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans des communications datées des 2 octobre 1992, 12 janvier et 30 juin 1993, et 25 février 1994.
- 41. Le Danemark a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 42. Dans ses lettres des 15, 27 et 30 avril 1992, l'AC allègue que l'amendement du 27 décembre 1991 de la loi générale de 1991 sur les offres d'emplois aux personnes sans emploi constitue une violation par le gouvernement des conventions nos 87 et 98. La loi no 929 portant modification de la loi précédente, et entrée en vigueur le 1er janvier 1992, comprend un nouvel article 1 a), selon lequel les personnes occupées dans le secteur public ne peuvent pas recevoir plus de 80 couronnes danoises de l'heure dans le cadre du programme d'offres d'emplois. L'organisation plaignante explique que le programme d'offres d'emplois dans le secteur public garantit un emploi dans ce secteur aux personnes qui sont au chômage pour une période d'au moins sept mois.
- 43. Selon l'organisation plaignante, les personnes bénéficiant du programme d'offres d'emplois dans le secteur privé - qui ne sont pas touchées par cette limite de rémunération - continuent d'être payées conformément aux conventions collectives en vigueur pour les différents domaines d'emploi. Tout en reconnaissant que le programme d'offres d'emplois dans la fonction publique prévoit toujours le versement de certaines indemnités (pour heures supplémentaires et travail de nuit, par exemple), l'organisation plaignante souligne qu'en réalité la fixation de ce plafond de rémunération diminue le niveau des salaires. Elle cite deux exemples: l'accord du 28 mai 1991 entre le ministère des Finances et certaines associations affiliées à l'AC et l'accord du 28 septembre 1991 entre les municipalités et les autorités régionales, d'une part, et des membres de l'AC, d'autre part, établissent tous deux des échelles de rémunération pour les travailleurs; si l'on respecte le nouveau plafond de rémunération horaire, le manque à gagner par heure et par rapport au taux de rémunération établi s'élèverait à 9,56 couronnes danoises au bout d'un an, à 53,85 couronnes au bout de huit ans et à 83,65 couronnes au bout de quinze ans. L'organisation plaignante estime que 1 600 de ses membres devaient bénéficier du programme d'offres d'emplois dans le secteur public en 1992 et qu'ils devront donc se contenter d'un taux de rémunération inférieur à celui de leurs collègues qui jouissent des conditions prévues par les conventions collectives existant dans leurs branches d'activité.
- 44. L'AC prétend que cette mesure n'est pas le résultat de négociations ou d'une convention collective et qu'elle a été imposée aux syndicats par voie législative, ce qui a été reconnu par plusieurs orateurs au cours du débat parlementaire où il a été souligné qu'il fallait établir des contacts avec les organisations présentes sur le marché du travail si l'on voulait que la loi soit appliquée.
- 45. L'organisation plaignante estime que la loi modificatrice constitue une ingérence dans un domaine couvert par les conventions collectives existantes. Selon l'AC, le fait que le nouvel article 1 a) dispose que le plafond de rémunération horaire "ne devra en aucun cas entraîner le licenciement de salariés réguliers" confirme que le programme d'offres d'emplois couvre bien des descriptions des emplois et des fonctions identiques à celles des emplois existants et que, si ce n'était pas le cas, il n'y aurait aucun risque de licenciement pour ceux qui travaillent déjà. La loi modificatrice a été adoptée pour réduire les dépenses publiques en 1992, sans consultation préalable des syndicats en cause, et elle établit un niveau de rémunération sensiblement inférieur à celui qui est prévu par les conventions collectives en vigueur: elle équivaut donc à ignorer des conventions existantes. L'AC ajoute que la modification apportée à la loi précédente limite considérablement les possibilités de conclure de nouvelles conventions collectives et de faire appliquer celles qui existent déjà dans la fonction publique sur une question qui présente pourtant un intérêt vital pour tous les syndicats, celle des salaires.
- 46. Se référant à la ratification, par le Danemark, des conventions nos 87, 98, 122 et 151, l'organisation plaignante déclare que l'adoption de la loi modificatrice n'a manifestement pas été conforme aux dispositions de l'article 8 de la convention no 151. Elle indique également que l'article 1, paragraphe 3, de la convention no 122 prévoit que tout Membre ayant ratifié la convention formulera et appliquera une politique active visant à lutter contre le chômage, mais en tenant compte des autres objectifs économiques et sociaux comme la protection et le soutien des conventions collectives en vigueur. Par conséquent, les mesures de lutte contre le chômage - comme le programme d'offres d'emplois dans le cas présent - ne devraient pas servir à démanteler les conventions collectives existantes. L'AC ajoute que les modifications apportées par la loi introduisent, entre les travailleurs du secteur public et ceux du secteur privé, une différence de traitement pour un travail de valeur égale qui est tout à fait contraire aux dispositions de la convention no 111.
- 47. L'organisation plaignante fournit une version anglaise de l'article 1 a) qui a la teneur suivante:
- 1) Les offres d'emplois devront être conformes aux conditions de rémunération et d'emploi prévues par les conventions collectives. 2) Le salaire correspondant à l'emploi proposé dans le secteur public (Etat, comtés et municipalités) ne devra cependant pas dépasser 80 couronnes danoises de l'heure, à l'exclusion des congés payés, etc. Le taux horaire maximum devra être ajusté sur une base forfaitaire conformément à l'ajustement du barème des salaires dans la fonction publique. 3) Ce système de rémunération ne devra en aucun cas entraîner le licenciement de salariés réguliers. 4) Le ministre danois du Travail aura la possibilité de prendre de nouvelles dispositions en ce qui concerne les alinéas 2) et 3).
- L'organisation plaignante joint une version en anglais de l'ordonnance no 957 du 27 décembre 1991 adoptée conformément à la loi modificatrice et entrée en vigueur le 1er janvier 1992, qui porte modification de l'ordonnance de 1989 sur les offres d'emplois; elle est ainsi conçue:
- Disposition 11 1). Un emploi sera proposé chez un employeur privé dans un lieu de travail ordinaire, conformément aux conditions de rémunération et d'emploi prévues par les conventions collectives. Disposition 11 3). Un emploi sera proposé chez un employeur public dans un lieu de travail ordinaire conformément aux dispositions générales des conventions collectives; toutefois, la rémunération maximale d'une heure de travail ne devra pas dépasser 80 couronnes danoises, à l'exclusion des congés payés, des primes de congé et d'une éventuelle rémunération des dimanches et des jours fériés.
- 48. Dans sa communication du 5 novembre 1992, l'organisation plaignante exprime sa préoccupation au sujet de certains passages de la réponse du gouvernement dont elle a pris connaissance. Premièrement, l'AC conteste la déclaration du gouvernement selon laquelle celui-ci respecterait ses engagements et ses obligations envers l'OIT, car l'attitude du gouvernement dans le passé en ce qui concerne l'application des obligations qu'il a contractées auprès de l'Organisation est déplorable, comme en témoignent les nombreux cas de violation des principes de l'OIT signalés au cours de ces dernières années. Elle cite ensuite des déclarations faites par le ministre du Travail en 1988 et en 1989 devant le Parlement et en public, dans lesquelles il a laissé entendre que l'attitude de l'OIT face aux cas antérieurs se fondait sur une méconnaissance de la situation existant sur le marché danois du travail et sur une idée fausse de l'évolution qui avait eu lieu au Danemark dans le domaine de la négociation collective.
- 49. L'organisation plaignante réfute l'argument du gouvernement selon lequel les emplois proposés dans le cadre des programmes de création d'emplois ne sont pas des "emplois" dans le sens où on l'entend dans la législation danoise du travail et dans les principes de l'OIT. L'AC affirme que, du point de vue de l'OIT, il n'y a pas à déterminer si un emploi est considéré ou non comme tel dans une législation nationale. Le facteur déterminant est le suivant: "Peut-on considérer les emplois proposés dans le cadre des programmes d'offres d'emplois comme tels sur la base des principes de l'OIT?" En tout état de cause, l'AC fait observer que, jusqu'en décembre 1991, les emplois offerts au Danemark au titre de ces programmes étaient tenus pour des "emplois" ordinaires au regard de la loi et étaient couverts par les réglementations ordinaires relatives au marché du travail, y compris les droits syndicaux tels que le droit de négociation collective, le droit d'appliquer les conventions collectives en vigueur, etc. Citant l'article 1 a) de la loi no 929, qui dispose que "les offres d'emplois devront être conformes aux conditions de rémunération et d'emploi prévues par les conventions collectives" (italiques ajoutés), l'AC fait valoir que l'alinéa 2 de cet article introduit une modification, en ce sens qu'il supprime les droits à la rémunération tels qu'ils sont prévus par les conventions collectives. D'après l'AC, il est une règle fondamentale de la législation danoise du travail selon laquelle une convention collective, à moins qu'il y soit clairement indiqué qu'elle ne s'applique qu'aux membres du syndicat visé, s'applique à tous les emplois dans la branche d'activité en question, quelle que soit la personne employée ou la façon dont celle-ci s'acquitte de ses fonctions. Les conventions collectives du 28 mai 1991 et du 23 septembre 1991 citées par l'AC ne contiennent aucune clause dérogeant explicitement ou implicitement à ce principe de base.
- 50. L'AC ne peut pas être d'accord avec le gouvernement, pour qui 1) le fait que le programme d'offres d'emplois est établi par voie législative, et 2) l'inclusion, dans certaines directives, du libellé "un contrat de travail doit être établi indiquant les conditions de rémunération et d'emploi, le cas échéant, en faisant référence à une convention collective existante" doivent être interprétés comme une renonciation aux droits syndicaux existants. Le fait qu'une loi peut prescrire certaines conditions d'emploi ne légitime pas une ingérence dans les droits syndicaux garantis par les conventions de l'OIT. En outre, le fait que les directives mentionnent les conventions collectives applicables corrobore l'opinion de l'AC, à savoir que les droits syndicaux ordinaires, y compris les conventions collectives en vigueur, sont applicables.
- 51. Rappelant le principe de la proportionnalité, l'organisation plaignante souligne que, si le gouvernement choisit d'adopter un programme d'offres d'emplois plutôt que de recourir aux prestations de chômage, l'emploi proposé dans le cadre du programme devrait satisfaire aux normes et aux obligations internationales en matière de travail. L'AC estime que cette condition est prévue par la convention no 122 de l'OIT, dans laquelle la promotion de l'emploi ne peut pas être interprétée comme une clause permettant de déroger à toutes les autres conventions de l'OIT. Un programme d'offres d'emplois ne peut pas être utilisé pour contourner des droits établis.
- 52. En conclusion, l'organisation plaignante rappelle qu'aucune négociation réelle n'a été engagée avant l'adoption de la loi no 929, que le concept d'"emploi" dans la législation du travail et dans les usages au Danemark inclut les emplois offerts dans le cadre de programmes de création d'emplois, que le choix entre différents mécanismes du marché du travail pour lutter contre le chômage est d'ordre politique, mais que, si le gouvernement opte pour les programmes de création d'emplois, ces programmes ne peuvent être appliqués qu'en tenant compte des droits syndicaux reconnus sur le plan international, et que le concept d'"emploi", tel qu'il figure dans les principes de l'OIT, devrait être interprété indépendamment des concepts nationaux.
- 53. Dans sa communication du 24 février 1993, l'organisation plaignante réaffirme notamment qu'il n'y a pas d'accord entre les parties sur l'interprétation de la législation danoise. Jusqu'à la modification de cette législation, les conventions collectives s'appliquaient aux personnes employées dans le cadre du programme d'offres d'emplois. Ces conventions collectives n'étaient pas seulement appliquées comme méthode de fixation des salaires mais étaient aussi reconnues comme base des conditions d'emploi offertes dans le programme. L'organisation plaignante réaffirme également que les partenaires sociaux n'ont pas été consultés et n'ont pas coopéré à la mise en oeuvre de la loi. Elle souligne qu'il semble y avoir un accord entre les parties sur le fait que les fonctions exercées dans le programme sont identiques à celles exercées en dehors du programme. La seule différence réside dans la relation d'emploi et non dans la nature du travail. Les emplois en question sont en effet offerts non sur un modèle d'offre-demande, mais sur une base de politique publique. En conséquence, ils devraient se conformer aux normes du travail, et en particulier aux conventions collectives. Si l'OIT acceptait une définition étroite du travail, ceci aurait pour les travailleurs des conséquences néfastes d'une grande portée.
- 54. Dans sa communication du 21 octobre 1993, à laquelle était jointe une évaluation juridique concernant la question de savoir si un emploi proposé à des membres de l'AC dans le cadre du programme de création d'emplois aurait été couvert par les conventions collectives de l'AC applicables dans la fonction publique si la législation n'avait pas contenu des dispositions limitant expressément le taux de rémunération, l'organisation plaignante conteste l'affirmation du gouvernement selon laquelle "c'est en tout premier lieu la nature du travail qui différencie les programmes d'emplois des emplois ordinaires". A son avis, il a été présumé au départ que tous les travailleurs dont l'emploi s'inscrit dans la branche d'activité visée par la convention collective en question seraient traités et rémunérés conformément aux dispositions de la convention collective. L'organisation plaignante conclut que les membres de l'AC qui se sont vu proposer un emploi correspondant à ceux auxquels s'appliquent les conventions collectives de l'AC auraient dû être rémunérés conformément aux dispositions contenues dans ces conventions. La rémunération pourrait être modifiée uniquement si les conventions collectives en prévoyaient expressément la possibilité ou si pareille exception était par ailleurs sous-entendue. L'organisation plaignante prétend en outre que la loi modificatrice no 929 contraint en fait le travailleur à accepter une offre d'emploi, car un refus lui ferait perdre son droit à l'allocation de chômage.
- 55. Dans sa communication du 24 novembre 1993, l'organisation plaignante exprime de nouveau sa préoccupation devant le fait que la loi no 434 adoptée le 30 juin 1993 contient la même démarche que la loi no 929, ce qui tend à prouver que l'ingérence dans les conventions collectives en ce qui concerne les emplois dans le secteur public offerts aux chômeurs n'était pas un fait isolé mais l'une des composantes de la législation récente du gouvernement concernant le marché du travail.
- 56. Enfin, dans une communication du 28 avril 1994, l'organisation plaignante réitère son opinion selon laquelle le travail effectué dans le cadre du programme sur les offres d'emplois constitue un "travail" au sens juridique ordinaire du terme et devrait continuer à être couvert par les conventions collectives en vigueur.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 57. Dans sa communication du 2 octobre 1992, le gouvernement nie avoir enfreint les conventions nos 87, 98, 111 ou autres. Il explique que, le 20 décembre 1991, le Parlement a adopté en troisième lecture un projet de loi introduisant un plafond de rémunération horaire pour les personnes occupées dans la fonction publique dans le cadre de la loi sur les offres d'emplois aux chômeurs. Cette limitation a été adoptée car le gouvernement souhaitait ajuster la législation sur les offres d'emplois à la fois pour des raisons financières et dans le cadre de sa politique générale d'emploi. Lorsque cette modification a été décidée, il a été convenu que toutes les autres clauses et conditions liées aux offres d'emplois devraient correspondre aux conditions de rémunération et d'emploi prévues par les conventions collectives de la catégorie d'emplois visée. Il a été clairement convenu, lors de la préparation de cette loi, que, dans le cadre de la décision politique visant à introduire ce plafond de rémunération, "les parties à la convention collective de la fonction publique devront engager des négociations sur le moyen de transformer cette convention en un ensemble de nouvelles règles". Ces négociations - qui ne visaient pas le montant de la rémunération - ont été menées à bien avec les parties intéressées et sont à la base de l'ordonnance no 957 du 20 décembre 1991 adoptée par le ministère du Travail. Il est donc important de noter que les partenaires sociaux ont réellement participé à la mise en oeuvre de cette partie de la législation sur les offres d'emplois. Le gouvernement déclare que, si les partenaires sociaux n'ont pas été plus nombreux à participer aux négociations, c'est parce que la loi de finances au Danemark et la législation connexe doivent être adoptées avant la fin d'une année donnée. Il était donc impossible de procéder à de nouvelles consultations.
- 58. Le gouvernement explique le contexte dans lequel a été adoptée la loi de base. La législation sur les offres d'emplois date de la fin des années soixante-dix, c'est-à-dire d'une époque où le chômage augmentait rapidement et où un grand nombre de personnes qui cotisaient au régime d'assurance chômage risquaient d'être contraintes d'abandonner le marché du travail, perdant ainsi leur droit aux indemnités de chômage. En 1978, le Parlement a adopté une loi visant à faire en sorte que ces groupes ne soient pas forcés de quitter le marché du travail. Cette loi garantissait une "offre d'emploi" à tous les chômeurs de longue durée afin de les recycler avant qu'ils perdent leur droit aux indemnités de chômage, généralement au bout de plusieurs années d'inactivité. Il fut alors convenu que le système d'offres d'emplois proposerait en premier lieu des emplois dans le secteur privé, à des conditions équivalant aux conditions de rémunération et d'emploi prévues par les conventions collectives pour la catégorie d'emplois visée, et que l'employeur recevrait une compensation financière. La prime de recyclage versée à l'employeur devait compenser en partie la capacité de travail réduite du chômeur de longue durée qu'il avait embauché.
- 59. Le gouvernement considère que ces offres d'emplois ne constituent pas une forme d'emploi ordinaire et que les conventions collectives ne leur sont donc pas applicables. Il ajoute que, dès le début, l'une des caractéristiques fondamentales du programme d'offres d'emplois résidait dans son adoption par voie législative, et qu'il a été modifié d'une façon régulière par la même voie. La raison en est la totale reconnaissance du fait que les offres d'emplois faites aux chômeurs de longue durée ne pouvaient pas être considérées comme des possibilités d'emploi ordinaires et n'entraient donc pas dans le cadre des conventions collectives existantes. Cela signifie que c'était la loi qui définissait les conditions de rémunération et d'emploi correspondant à ces offres d'emplois particulières.
- 60. Selon le gouvernement, la raison pour laquelle il a été décidé au départ que les offres d'emplois ne constituaient pas des possibilités d'emploi ordinaires et n'entraient donc pas dans le cadre des conventions collectives existantes est que ce programme présente un certain nombre de particularités: 1) ce système a été introduit en vue de faire baisser le taux de chômage; 2) des subventions ont été accordées par le gouvernement aux employeurs qui recrutaient des chômeurs de longue durée; 3) la mesure est temporaire; 4) le programme s'inscrit dans le cadre d'un système global d'incitations et de prestations de chômage; 5) les emplois proposés ne sont pas des emplois qui auraient pu être occupés par des salariés ordinaires; et 6) les procédures habituelles d'approbation de la rémunération par l'employeur ne sont pas applicables. Ces différents facteurs montrent bien que les emplois proposés dans le cadre du programme en question ne relèvent pas des emplois ordinaires.
- 61. A l'appui de ses affirmations, le gouvernement indique que, lorsqu'il a fallu mettre au point des directives plus détaillées concernant l'introduction du programme d'offres d'emplois, cette opération a été effectuée en consultation avec les partenaires sociaux. Ces directives prévoient notamment que, "lorsqu'une relation d'emploi est conclue, un contrat de travail doit être établi indiquant les conditions de rémunération et d'emploi (le cas échéant, en faisant référence à une convention collective existante)". En outre, ces directives prévoient que "toutes autres clauses et conditions applicables à des emplois similaires devront également être appliquées à cette relation d'emploi". En conséquence, la référence aux conventions collectives résulte d'un accord avec les partenaires sociaux et de leur approbation, étant entendu que les conventions collectives existantes ne s'appliquent pas à ce type de programme d'emploi.
- 62. Bien que le programme d'offres d'emplois n'entre pas dans le cadre des conventions collectives, il a été décidé à l'époque - notamment pour des questions de recyclage et de motivation - que les conditions de rémunération et d'emploi devraient correspondre aux conditions générales de rémunération et d'emploi dans des branches d'activité données. Il aurait été possible, à ce stade, de procéder autrement, par exemple en décidant que la rémunération de ce type d'emploi serait proportionnelle aux salaires ordinaires ou encore en appliquant un taux de rémunération horaire spécifique (inférieur), sans que ces mesures n'eussent été contraires aux conventions en vigueur sur le marché du travail.
- 63. Selon le gouvernement, étant donné que les personnes qui bénéficient de ce programme sont des chômeurs de longue durée (parfois en chômage depuis trois ans), il n'était pas possible de demander aux employeurs de supporter la totalité des dépenses salariales courantes pour ces chômeurs de longue durée, en raison de leur capacité de travail réduite. La solution était donc, comme il a été indiqué, d'accorder des subventions salariales importantes aux employeurs, ce qui a permis aux chômeurs de longue durée de recevoir, de facto, un salaire correspondant à celui qui était prévu par les conventions collectives. Bien que les emplois proposés dans le cadre de ce programme ne soient pas des emplois ordinaires, il a été jugé à l'époque qu'il convenait d'appliquer à l'emploi des chômeurs de longue durée les mêmes conditions de rémunération et d'emploi que celles qui étaient prévues par les conventions collectives pour un emploi similaire. Cette position a été modifiée par la loi modificatrice adoptée en décembre 1991 pour les raisons indiquées précédemment.
- 64. En ce qui concerne la violation alléguée des conventions nos 87 et 98 que constituerait l'adoption de la loi amendée, le gouvernement souligne qu'il est parfaitement attentif aux engagements internationaux pris par le Danemark. Toutefois, il estime injustifié de prétendre que les conventions nos 87 et 98 n'ont pas été respectées. En effet, les emplois proposés aux chômeurs conformément à la loi sur les offres d'emplois ne sont pas des "emplois" dans le sens où l'entendent les conventions collectives. Par conséquent, ces offres d'emplois n'entrant pas dans le cadre des conventions collectives, aucune convention collective n'a pu être violée, et il en va de même pour les conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Le gouvernement souligne à cet égard que le programme d'offres d'emplois n'a pas eu d'incidences négatives sur les conventions collectives existantes ou sur les possibilités de négociation entre les parties à ces conventions. Il fait remarquer qu'aucun travailleur danois n'a vu ses droits au titre d'une convention collective modifiés en conséquence de la législation danoise sur les offres d'emplois. Ceci apparaît clairement si l'on considère que le programme d'offres d'emplois ne fonctionne qu'à condition que la personne recrutée ne prenne pas la place d'un salarié régulier.
- 65. En ce qui concerne les autres conventions de l'OIT, le gouvernement explique qu'il existe au Danemark un certain nombre de programmes et de politiques d'emploi orientés vers le marché du travail et qui cherchent à préserver la participation des chômeurs au marché du travail ordinaire. La caractéristique de ces programmes réside en ceci que l'on a essayé d'introduire des réglementations, avec l'approbation des partenaires sociaux, pour atténuer les effets de la baisse du niveau de l'emploi qui frappe le Danemark depuis 1975. Le gouvernement ajoute que l'OIT a approuvé et même soutenu ces mesures. Il fait notamment référence à la convention no 122 selon laquelle tout Etat Membre "formulera et appliquera en vue de résoudre le problème du chômage et du sous-emploi, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi". De plus, la convention no 122 prévoit que "ladite politique devra tenir compte du stade et du niveau de développement économique ainsi que des rapports existant entre les objectifs de l'emploi et les autres objectifs économiques et sociaux, et sera appliquée par des méthodes adaptées aux conditions et aux usages nationaux". C'est exactement ce qui a été fait par l'introduction d'un programme d'offres d'emplois. Cette mesure a été prise au vu du résultat global de l'économie nationale, afin de lutter le plus efficacement possible contre le chômage.
- 66. Le gouvernement rappelle que la convention no 151 porte sur le droit d'organisation et de négociation dans la fonction publique. Avec les adaptations nécessaires à ce secteur, cette convention aborde les mêmes questions que les conventions nos 87 et 98, ce qui signifie - pour les raisons exposées précédemment - que cette convention n'a pas non plus été violée.
- 67. En ce qui concerne la convention no 111, le gouvernement estime que toute infraction à ces dispositions doit partir de l'hypothèse d'une violation des critères énumérés à l'article 1, paragraphe 1 a). Or il considère que ce n'est pas le cas car les critères définis dans cette convention n'ont aucune incidence sur les faits mentionnés. Enfin, le gouvernement note qu'il est inopportun de mentionner la convention no 154, que le Danemark n'a jamais ratifiée.
- 68. En conclusion, le gouvernement réfute les allégations selon lesquelles il aurait contrevenu à des conventions de l'OIT en adoptant la loi no 929 du 27 décembre 1991. Une offre d'emploi public n'est pas une forme d'emploi ordinaire et n'entre donc pas dans le cadre des conventions collectives existantes. Au contraire, le gouvernement affirme s'être efforcé d'agir conformément aux termes de la convention no 122, car les seules solutions de remplacement des offres d'emplois auraient été essentiellement des indemnités de chômage ou des mesures de soutien à travers la sécurité sociale dont les conséquences auraient été encore pires pour les chômeurs, tant sur le plan financier que sur celui des perspectives sur le marché du travail. A cet égard, le gouvernement souligne que le programme d'offres d'emplois a largement atteint son but: les personnes formées avec le soutien du secteur public sont demeurées en grande partie sur le marché ou ont été accueillies par le système d'enseignement/formation.
- 69. Dans sa lettre datée du 12 janvier 1993, le gouvernement répond aux nouvelles observations formulées par l'AC dans sa communication en date du 5 novembre 1992. Il souligne que les emplois offerts dans le cadre du programme d'offres d'emplois ne sont pas des emplois ordinaires dans le sens où l'entendent la législation nationale et les conventions de l'OIT. Il rappelle les raisons qui l'ont amené à adopter ce point de vue, à savoir que le programme a été créé en vue de réduire le chômage; que des subventions salariales sont accordées par les pouvoirs publics aux employeurs qui recrutent des chômeurs de longue durée; que les offres d'emplois et les subventions sont temporaires; que les emplois proposés ne sont pas des emplois qui auraient pu être occupés par des salariés ordinaires, et que, si la relation d'emploi se poursuivait après l'expiration de l'offre d'emploi, elle serait soumise aux conditions d'emploi ordinaires en vigueur, et qu'il n'y aurait alors plus lieu, dans le secteur public, d'appliquer le taux horaire de 80 couronnes danoises. Le gouvernement ajoute que le Parlement danois a adopté, il y a quelques années, une loi prévoyant que les conditions d'emploi et de rémunération liées aux offres d'emplois devraient correspondre à celles qui sont fixées par les conventions collectives, et que cette décision témoigne de sa volonté d'agir. Cette mesure s'est révélée être une solution satisfaisante, notamment pour des raisons liées au recyclage et à la motivation des chômeurs. Il reste que le gouvernement n'était en aucun cas obligé de prendre une telle mesure, ni de négocier avec les partenaires sociaux avant l'adoption des programmes susmentionnés. Toujours est-il que, dans la plupart des cas, il a estimé qu'il était utile et possible d'engager le dialogue avec les partenaires sociaux avant d'établir les conditions de rémunération et d'emploi liées aux offres d'emplois.
- 70. Dans ses communications du 30 juin 1993 et du 25 février 1994, le gouvernement réaffirme que c'est la nature du travail qui différencie les programmes d'emploi des emplois ordinaires. Il ajoute néanmoins que d'autres critères tels que l'objet du travail ont leur importance pour déterminer si les conventions collectives devraient être directement applicables. La rémunération offerte pour une période limitée ne constitue pas une contestation du contenu des conventions de l'OIT en ce qui concerne les conditions qui doivent s'appliquer aux emplois ordinaires. En conséquence, la forme d'emploi choisie ne viole pas les conventions de l'OIT. Le gouvernement souligne dans sa communication du 30 juin 1993 que les conventions collectives s'appliqueront si une personne sans emploi obtient un emploi permanent à la fin de sa période de recyclage dans le cadre du programme d'offres d'emplois.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 71. Le comité note que ce cas porte sur une allégation d'ingérence dans le contenu des conditions d'emploi prévues par les conventions collectives en raison de l'adoption d'une loi établissant un plafond de rémunération horaire pour les emplois occupés dans la fonction publique dans le cadre d'un programme national d'offres d'emplois. Après avoir étudié la réponse du gouvernement et le texte de la législation en cause (loi no 929 entrée en vigueur le 1er janvier 1992) portant modification de la loi générale sur les offres d'emplois aux chômeurs, il apparaît clairement au comité que la loi de base ne place pas les salariés intéressés dans une situation semblable à celle des salariés réguliers en leur appliquant les conventions collectives, mais qu'elle utilise les conditions d'emploi définies dans les conventions collectives comme critère de comparaison afin de déterminer la rémunération des bénéficiaires du programme. Comme l'a fait observer le gouvernement, la loi de base aurait pu utiliser d'autres indicateurs, et notamment définir elle-même le taux de rémunération horaire ou déterminer la rémunération en pourcentage du taux négocié. Il se trouve que le gouvernement a choisi à l'époque d'adopter le taux qui avait été convenu dans les conventions collectives pour les salariés réguliers et qu'il a estimé, fin 1991, qu'il fallait abandonner ce critère de comparaison pour établir un plafond horaire de 80 couronnes danoises.
- 72. Le comité prend note en particulier de l'explication du gouvernement selon laquelle le contenu des conventions collectives existantes et applicables aux salariés réguliers - y compris les membres de l'organisation plaignante - n'est absolument pas affecté par la loi amendée et que les mécanismes de négociation restent inchangés. En effet, les deux conventions collectives de la fonction publique citées comme exemples par l'organisation plaignante ne sont pas affectées par la nouvelle loi et ne sont utilisées par elle qu'à titre comparatif, pour indiquer combien de couronnes vont perdre les travailleurs qui acceptent de participer au programme d'offres d'emplois par rapport au taux horaire négocié par l'AC et qui est encore appliqué aux travailleurs protégés par les conventions collectives de cette confédération. Il apparaît donc clairement que l'allégation relative à l'ingérence dans un domaine couvert par les conventions collectives existantes ne peut pas être retenue.
- 73. La nouvelle loi a introduit en réalité un nouvel ensemble de règles pour déterminer la rémunération de cette catégorie particulière de salariés - qui connaîtraient sinon un chômage de longue durée du fait de leur manque de familiarité avec le marché du travail - qui acceptent un emploi dans la fonction publique pour une période limitée dans le cadre du programme du gouvernement. Il n'appartient pas au comité de décider s'il est équitable ou non que des travailleurs temporaires et des salariés réguliers de la fonction publique effectuent les mêmes tâches avec un taux de rémunération horaire différent. Les allégations relatives aux conventions nos 111 et 122 ont été transmises à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Le rôle du comité est de déterminer, sur la base des faits qui lui sont présentés, si la modification des règles constitue ou non une violation des principes de la négociation collective.
- 74. Le comité note par ailleurs que les opinions divergent sur un aspect crucial du cas, soit le statut des employés temporaires acceptant de participer au programme, par rapport aux employés réguliers couverts par une convention collective. Cet aspect est pertinent pour déterminer si l'adoption de la loi constituait ou non une violation des principes de la négociation collective. Conscient que cette question fait actuellement l'objet d'un débat au Danemark, le comité n'est pas en mesure de statuer sur ce problème complexe et nouveau sur la base des renseignements disponibles en l'espèce.
- 75. Le comité souligne que, aux termes de la loi, l'offre d'emplois temporaires aux travailleurs qui participent au programme ne doit pas avoir pour effet de compromettre les postes de fonctionnaires réguliers. Il note que l'article 11(10) de l'arrêté sur les offres d'emplois, tel qu'il a été modifié par l'arrêté no 957 du 27 décembre 1991, dispose qu'un emploi devra être proposé aux chômeurs pour une durée minimale de sept mois dans le secteur public (selon le gouvernement, l'emploi offert est limité à sept mois) et que l'article 1(3) de la loi générale no 556 du 17 juillet 1991 sur les offres d'emplois dispose d'une manière générale que les chômeurs ayant reçu une offre d'emploi n'auront pas le droit d'en recevoir une nouvelle, mais prévoit des exceptions pour certaines catégories de chômeurs. Le comité espère par conséquent que le gouvernement veillera, dans la pratique, à ce que l'offre d'emploi demeure temporaire et ne devienne pas l'occasion d'offrir des postes permanents à des chômeurs dont le droit de négocier collectivement leur salaire est limité.
- 76. Enfin, le comité note avec intérêt que, d'après le gouvernement, les partenaires sociaux prennent part en ce moment même aux efforts visant à assurer l'application des modifications introduites par la nouvelle législation. Il est toutefois regrettable que des consultations n'aient pas eu lieu avec les partenaires sociaux avant la soumission de ces amendements.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 77. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que le cas présent n'appelle pas un examen plus approfondi.