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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 286, Marzo 1993

Caso núm. 1668 (Chipre) - Fecha de presentación de la queja:: 16-SEP-92 - Cerrado

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  1. 291. Par une communication du 16 septembre 1992, la Fédération démocratique du travail de Chypre (DEOK) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de Chypre. L'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans une communication du 18 septembre 1992.
  2. 292. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 15 janvier 1993.
  3. 293. Chypre a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 294. Dans sa plainte, la DEOK allègue que, le 16 septembre 1992 à 9 h 30, la police a arrêté les gardes portuaires de Limassol qui étaient en grève, le secrétaire de l'Union des syndicats de Limassol, le secrétaire du Syndicat des travailleurs du port et un membre du comité exécutif de la branche portuaire de l'Union des fonctionnaires pancypriotes.
  2. 295. L'organisation plaignante explique que les gardes portuaires étaient en grève depuis le 4 septembre, après l'échec des efforts déployés en vue d'aboutir à un accord négocié sur les revendications présentées l'année précédente par les syndicats des travailleurs portuaires.
  3. 296. Lorsque la police est intervenue, les travailleurs faisaient un piquet de grève pacifique devant l'entrée principale du port de Limassol. L'une des personnes arrêtées, le secrétaire de l'Union des syndicats, ne participait pas au piquet mais faisait une collecte pour les fonds de grève. Le secrétaire du Syndicat des travailleurs du port, quant à lui, s'approchait de l'entrée pour se rendre compte de ce qui se passait quand il fut arrêté.
  4. 297. Avant de procéder aux arrestations, la police utilisa la force. C'est ainsi que l'un des grévistes fut blessé et dû être transporté à une clinique proche par ambulance.
  5. 298. Selon la DEOK, l'intervention de la police était illégale et en violation de la Constitution nationale, qui garantit en son article 27 le droit de grève, ainsi que de la loi sur les syndicats, qui protège le droit aux piquets de grève pacifiques.
  6. 299. L'organisation plaignante poursuit en indiquant que les personnes arrêtées ont été libérées à l4 heures le même jour, après leur inculpation. Pour la DEOK, ces mesures, probablement utilisées pour la première fois dans l'histoire de la République de Chypre, constituent un grave précédent.
  7. 300. Enfin, la DEOK souligne que, pendant les treize jours de grève, le Conseil des directeurs de l'autorité portuaire de Chypre et le ministre des Communications sont demeurés silencieux et ont maintenu leur attitude. Ce n'est que le 15 septembre que le ministre a rencontré une délégation de travailleurs, mais il a refusé d'examiner leurs revendications.
  8. 301. Dans sa communication du 18 septembre 1992, la DEOK indique que la grève continue. Le jour même, un piquet de grève a été organisé à 7 h 30. Moins de cinq minutes après, la police est arrivée sur les lieux et a indiqué aux grévistes qu'elle avait reçu l'ordre de les arrêter. Les grévistes ont été emmenés aux quartiers de la police à Limassol où ils ont été gardés pendant près de sept heures. Ils furent libérés après avoir été inculpés.
  9. 302. Suite à la protestation du conseiller juridique de la DEOK auprès du Procureur général à Nicosie, celui-ci a contacté la police, a donné des instructions pour la libération des grévistes et a demandé communication du dossier pour se prononcer sur la légalité de l'intervention des forces de l'ordre. La police a indiqué que les arrestations se fondaient sur l'obstruction de la circulation dans la zone portuaire. Les membres de l'Union des fonctionnaires pancypriotes de Limassol ont observé une grève de solidarité de deux heures. Selon la DEOK, le gouvernement et les autorités portuaires refusent toujours de négocier. Le secrétaire général de la DEOK a proposé une possible médiation du ministre du Travail mais, malgré la bonne volonté de ce dernier, ceci n'a encore eu aucun résultat.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 303. Dans une communication du 15 janvier 1993, le gouvernement transmet les observations de la police et des autorités portuaires concernées par cette affaire. Il indique que le procureur général consulté a estimé que les accusations de la DEOK alléguant l'arrestation de grévistes qui auraient mis en place des piquets de grève pacifique étaient infondées. Selon le procureur, aucune violation intentionnelle ou réelle des droits syndicaux et constitutionnels des grévistes n'a eu lieu. En revanche, des délits pénaux ont été commis qui ont conduit à leur arrestation aux termes de la loi.
  2. 304. Les observations de la police sont contenues dans une lettre du 12 octobre 1992 qui fait suite à une demande d'information adressée par le gouvernement le 18 septembre 1992 concernant la plainte de la DEOK. Dans cette lettre, la police confirme que, le 4 septembre 1992, ll gardes portuaires de Limassol se sont mis en grève pour appuyer leurs revendications. Au cours de la grève, les gardes ont accroché des banderoles portant des slogans syndicaux sur la grille de l'entrée principale du nouveau port et ils ont mis en place des piquets de grève devant ladite porte et à l'entrée de la zone des containers de 7 h 30 à 14 heures. De plus, de temps à autre, ils formaient une chaîne humaine et bloquaient l'entrée du port. Le blocage durait environ une heure par jour, ce qui avait pour résultat de provoquer de graves embouteillages, les grévistes ne laissant entrer ni les piétons ni les véhicules. En outre, la présence d'une foule de travailleurs, d'employés, de chauffeurs et d'autres agents maritimes regroupés à l'entrée et à la sortie du port constituait un véritable trouble de l'ordre public qui a obligé la police à demeurer en service afin de prévenir tout incident entre grévistes et personnes dont le travail était affecté du fait qu'elles étaient empêchées d'entrer dans le port.
  3. 305. Le 11 septembre, l'adjoint à la capitainerie du port et à la police navale a fait appeler M. Panicos Mamonides, l'un des représentants syndicaux des gardes de l'autorité portuaire de Chypre, Limassol, du syndicat DEOK, et lui a indiqué que les grévistes ne devaient pas bloquer l'entrée et la sortie du port et qu'ils devaient libérer la circulation. Ce syndicaliste a répondu que le blocage constituait la seule arme à la disposition des grévistes pour soutenir leurs revendications et qu'ils ne pouvaient pas y mettre fin. Le commandant du port a demandé à plusieurs reprises à la police, verbalement et par écrit, de prendre des mesures pour que les allées et venues à l'intérieur et à l'extérieur du port des véhicules et des piétons ne soient pas gênées par les grévistes.
  4. 306. Le 15 septembre 1992 vers 8 heures du matin, les grévistes et leurs dirigeants, MM. Soteriades et Mamonides, ont obstrué l'entrée et la sortie des véhicules et des piétons par la mise en place d'une chaîne humaine. A 9 heures, les grévistes ont été avertis par l'adjoint à la capitainerie qu'ils devaient évacuer les entrées pour permettre la libre circulation des véhicules et des piétons. Il leur a été indiqué en même temps qu'ils pouvaient continuer leur grève près de la zone où ils se trouvaient mais que, s'ils refusaient de libérer les entrées, ils seraient arrêtés. Ayant refusé d'obtempérer vers 9 h 30, neuf d'entre eux ainsi que leurs deux dirigeants syndicaux ont été arrêtés, en application de la loi. Les personnes arrêtées ont été libérées le jour même à l4 h 10 mais elles ont été inculpées de faute grave (article 188 d) du Code pénal) et d'obstruction à la liberté de circulation des véhicules transportant des marchandises dans le port (articles 15 et 128 du règlement des autorités portuaires de 1976). Par ailleurs, M. Soteriades, dirigeant de la DEOK, a été accusé d'attaque contre l'adjoint de la capitainerie. Les personnes arrêtées n'ont pas été molestées; en revanche, un dirigeant syndical de la DEOK a bousculé l'adjoint à la capitainerie. Quant au garde Xenophon Theologou, qui, selon les allégations, aurait été jeté à terre et blessé, il s'est lui-même étendu sur le sol à l'entrée de la porte principale dès que la police a commencé à procéder aux arrestations pour éviter, semble-t-il, d'être arrêté ou pour fermer l'entrée du port. Il est ensuite resté étendu sur le sol. Il n'a pas été arrêté, ayant quitté l'endroit où la grève se déroulait quand les arrestations ont commencé. Vers 10 h 20 du matin, il s'est de lui-même présenté à la police, se plaignant d'avoir perdu une bague et des clés de voiture près de la porte d'entrée. Le 18 septembre, vers 7 h 30 du matin, la même scène s'est répétée: formation d'une chaîne humaine obstruant l'entrée, dirigée par M. Prentzas, secrétaire général de la DEOK et député, avertissement, embouteillage, protestation de non-grévistes, arrestations, libération des personnes arrêtées le même jour dès 13 h 20; les mêmes charges ont été retenues contre elles.
  5. 307. En conclusion, selon la police, les grévistes et les dirigeants syndicaux ont été arrêtés pour avoir commis des délits pénaux. La police n'a pas eu recours à la violence; au contraire, c'est l'adjoint à la capitainerie qui a été attaqué par un dirigeant syndical dans l'exercice de ses fonctions de maintien de l'ordre.
  6. 308. Le représentant du directeur général des autorités portuaires, dans une lettre du 11 novembre 1992, indique, quant à lui, que les gardes avaient déposé une demande de modification de leur plan de service ainsi que de réévaluation de leurs postes. La demande a été discutée une dizaine de fois en commission mixte paritaire (MEPALC), conformément aux procédures acceptées par les autorités du port et le syndicat. Le gouvernement annexe le règlement du MEPALC. Malgré de longues discussions, le conflit a abouti à une impasse. A la demande du syndicat lui-même, le conflit a été renvoyé au ministre des Communications pour médiation. Le ministre a entendu les parties à deux reprises et il a décidé, le 11 août 1992, de ne pas augmenter l'échelle des salaires des gardes au-delà de ce que proposaient les autorités portuaires. Les gardes n'ont pas accepté la décision du ministre et ils ont engagé une grève - indéfinie - à partir du 4 septembre, grève qui s'est transformée en grève de la faim à partir du 29 septembre. Les quatre autres syndicats - représentant 95 pour cent des travailleurs du port - n'ont pas donné leur accord à cette grève, y compris l'Union des fonctionnaires pancypriotes (PASYDY), à laquelle les gardes appartenaient pour la plupart. PASYDY n'ayant pas accepté la grève, celle-ci s'est déroulée en violation de la loi syndicale 71/65, telle qu'amendée en 1992. Afin de remédier à cette situation, les grévistes sont également devenus membres de la DEOK.
  7. 309. Le représentant du directeur général précise que, jusqu'à présent, les décisions du ministre des Communications ont toujours été respectées et qu'elles lient les deux parties employeur et syndicat. Si la décision avait été favorable au syndicat, les autorités portuaires l'auraient respectée, comme elles l'ont toujours fait dans le passé. Elles croyaient que le syndicat en ferait autant, ce d'autant plus qu'il avait lui-même introduit un recours en médiation devant le ministre des Communications, et que tant les autorités portuaires que les quatre autres syndicats avaient respecté la procédure. En application des règles du MEPALC, les questions pour lesquelles aucun accord n'est intervenu, et pour lesquelles le comité mixte a décidé que les discussions étaient terminées, ne devraient pas être réouvertes à la discussion avant un an. La DEOK aurait dû se plier à cette condition puisqu'elle avait participé à l'adoption de ces règles.
  8. 310. Pour conclure, le représentant du directeur général des autorités portuaires estime que les grévistes ont gêné le travail dans le port, bloqué l'entrée et causé des problèmes pour ceux qui voulaient entrer et sortir du port, et des troubles pour les travailleurs du port et les usagers, en violation de la loi syndicale, de la réglementation en vigueur et du Code pénal. Les grévistes n'ont été molestés par personne, comme l'atteste le fait qu'une tente avait été dressée dans la zone du port, qu'ils pouvaient circuler librement et qu'ils gênaient les activités du port. Avant de procéder à leur arrestation, la police a certainement vérifié qu'il y avait violation de la législation cypriote pour les raisons susmentionnées. Il ajoute par ailleurs que les autorités portuaires, étant investies d'une responsabilité publique, ne pouvaient aller au-delà des limites raisonnables pour satisfaire les demandes des gardes, puisque ceci aurait inévitablement risqué de conduire à des inégalités graves en matière de salaires.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 311. Le comité observe que ce cas porte sur des allégations de représailles antisyndicales exercées contre des travailleurs grévistes. Tant les plaignants que le gouvernement confirment qu'une grève a été déclenchée le 4 septembre 1992 après l'échec des négociations ayant trait à des revendications professionnelles présentées par les gardes portuaires de Limassol, qu'à deux reprises des grévistes ont été détenus les 16 et 18 septembre 1992 pendant quelques heures et relâchés le jour même et qu'ils sont passibles de poursuites.
  2. 312. Les plaignants estiment que l'intervention de la police pour faire dégager leurs piquets de grève pacifiques a eu lieu en violation de la Constitution cypriote et de la loi sur la liberté syndicale, que les grévistes ont été molestés et qu'ils font injustement l'objet de poursuites pénales.
  3. 313. En revanche, pour le gouvernement, les grévistes avaient refusé de se plier à la décision du ministre des Communications dont ils avaient eux-mêmes demandé la médiation, conformément à la procédure régissant les règles de la commission mixte paritaire MEPALC. La grève a cependant pu se dérouler librement dans la zone du port. La police, qui n'a pas eu recours à la violence, a effectivement procédé à des arrestations pour rétablir la liberté de circulation dans le port. Les grévistes et les dirigeants syndicaux ont été détenus pendant quelques heures pour avoir commis des délits pénaux, sans avoir été molestés.
  4. 314. Le comité constate donc que le problème en cause dans le présent cas n'est pas celui de la reconnaissance du droit de grève mais celui des actions exercées par les piquets de grève qui ont entravé la circulation sur le port. Le comité note à cet égard que des poursuites pénales ont été intentées contre les grévistes. Compte tenu du caractère contradictoire des versions des plaignants et du gouvernement sur ces événements, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue des poursuites pénales en question et de lui fournir le texte du jugement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 315. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue des poursuites pénales intentées contre les grévistes du port de Limassol et de lui fournir le texte du jugement.
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