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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 292, Marzo 1994

Caso núm. 1688 (Sudán) - Fecha de presentación de la queja:: 18-DIC-92 - Cerrado

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  1. 411. Le comité a examiné ce cas lors de sa réunion de mai 1993 (voir 287e rapport du comité, paragr. 506 à 519, approuvé par le Conseil d'administration à sa 256e session (mai 1993)), au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.
  2. 412. Dans une communication datée du 28 octobre 1993, le gouvernement a fait parvenir une réponse complémentaire.
  3. 413. Le Soudan n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 414. A sa session de mai 1993, le comité a examiné des allégations concernant la détention de syndicalistes et des actes de violence et de torture commis à leur encontre par les autorités dans des maisons dites "fantômes". L'organisation plaignante avait notamment cité quatre syndicalistes qui auraient été gravement torturés: Magdi Muhamadani, Salah, Mamoun et Abdalla. Le gouvernement n'avait pas nié que les trois premières personnes mentionnées avaient été emprisonnées pour des motifs politiques, mais il n'avait fourni aucune réponse quant aux allégations selon lesquelles elles auraient été torturées. Le comité avait noté que les trois personnes en question avaient été libérées et qu'elles avaient repris leur travail. Quant à la quatrième personne citée, Abdalla, le gouvernement avait indiqué qu'il ne disposait d'aucune information à son égard, mais qu'aucune personne de ce nom n'avait été torturée.
  2. 415. Lors de cette session, le comité a formulé les recommandations suivantes (voir 287e rapport du comité, paragr. 519):
    • a) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations de tortures perpétrées contre trois syndicalistes et lui demande d'ouvrir une enquête concernant cette plainte afin que des mesures appropriées puissent être prises, y compris pour réparer les préjudices subis.
    • b) Le comité déplore que le gouvernement ait détenu les syndicalistes en question.
    • c) Le comité demande au gouvernement de lui indiquer quels chefs d'accusation spécifiques ont été retenus contre les trois syndicalistes Magdi Muhamadani, Salah et Mamoun ou, en l'absence de telles accusations, quels motifs ont fondé leur détention. Le comité demande également au gouvernement de lui indiquer si leur détention a été approuvée par un juge et de lui préciser le lieu où ces personnes ont été emprisonnées.
    • d) Le comité demande au plaignant de fournir des informations plus détaillées sur l'identité du quatrième syndicaliste, Abdalla, de manière que le gouvernement puisse donner une réponse précise aux allégations.
    • e) Le comité considère que les dispositions de la loi sur la sécurité nationale relatives à la procédure d'appel contre les décisions d'arrestation et de détention auprès du Conseil de la Révolution qui n'est pas une autorité judiciaire ainsi que celles portant sur la prolongation du délai de détention provisoire à trois mois et sur l'immunité, limitée à un mois, contre toute nouvelle arrestation, ne constituent en aucune manière des garanties d'une procédure régulière. Le comité demande instamment au gouvernement de revoir ces dispositions législatives et de garantir le plein accès à des organes judiciaires indépendants. Il demande également au gouvernement d'expliquer avec précision ce que signifie le droit du détenu d'être informé "en temps voulu" des motifs de son arrestation.

B. Réponse complémentaire du gouvernement

B. Réponse complémentaire du gouvernement
  1. 416. Dans sa communication du 28 octobre 1993, le gouvernement déclare être convaincu que les allégations présentées par la CISL sont dénuées de tout fondement et qu'il ne s'agit que d'une provocation politique visant à porter atteinte au Soudan, à ses tendances politiques et à ses choix de civilisation. Il se déclare toutefois prêt, dans un esprit de coopération avec l'OIT, à répondre aux allégations. Il indique qu'il attend en contrepartie de l'OIT qu'elle traite les allégations avec objectivité et neutralité et qu'elle tienne compte du fait que l'opposition politique soudanaise vise à paralyser le processus du développement dans le pays. N'ayant pas trouvé place à l'intérieur du mouvement syndical national soudanais, cette opposition s'est alors tournée vers les organisations syndicales étrangères qui sont totalement éloignées de la réalité de la vie au Soudan et des changements radicaux qui s'y opèrent dans le cadre de la Révolution du salut national, et qui croient les mensonges et les calomnies qui ont été portés à la tribune de l'OIT.
  2. 417. Le gouvernement réaffirme que la liberté syndicale est garantie au Soudan pour tous les syndicats et les syndicalistes afin de leur permettre d'exposer leurs préoccupations et de résoudre leurs problèmes avec le gouvernement par l'intermédiaire des mécanismes officiels et de la procédure légale. Par ailleurs, la Confédération des syndicats des travailleurs du Soudan dispose d'assez de puissance et d'efficacité pour affronter de telles plaintes lorsque l'objectif est véritablement de régler les différends du travail et non les surenchères politiques.
  3. 418. Le gouvernement formule ensuite quelques observations quant à la forme de la plainte présentée par la CISL. Il observe que la plainte ne mentionne pas les noms complets des médecins qui ont été détenus et qui auraient été torturés, c'est-à-dire leur nom, celui de leur père et grand-père, afin de pouvoir les identifier, puisque des milliers de personnes au Soudan portent le prénom de Mamoun, Magdi, Salah et Abdalla. La plainte n'indique pas non plus l'adresse professionnelle ou le domicile de ces médecins; toutefois, le gouvernement a voulu par tous les moyens parvenir à identifier les médecins afin de les interroger et de pouvoir répondre aux allégations. Elle ne précise pas les rapports de la confédération plaignante avec les plaignants ou avec les auteurs de la plainte (aucun des trois médecins, selon leurs dépositions personnelles, n'a présenté de plainte à la confédération en question ou à tout autre organisme à l'intérieur ou à l'extérieur du Soudan), ni les rapports de la CISL avec la Confédération des syndicats des travailleurs du Soudan. Enfin, la plainte n'a pas été transmise par l'intermédiaire de cette dernière qui a une existence légitime et légale, élue par tous les travailleurs du Soudan et à laquelle il incombe de protéger les droits de ses membres et de sauvegarder leurs intérêts, quelle que soit leur appartenance politique.
  4. 419. Pour ce qui est du fond du cas, le gouvernement déclare qu'il est établi que les motifs de l'arrestation des trois médecins n'étaient pas syndicaux mais qu'ils ont été détenus pour avoir commis des infractions à la législation en vigueur, dont la loi sur la sécurité nationale, le règlement sur l'état d'urgence, le Code pénal et le deuxième décret constitutionnel. L'allégation de tortures est nulle et non fondée. Son but est de tromper l'OIT et les organisations syndicales étrangères et de déformer la vérité, puisque les personnes prétendument torturées ont nié catégoriquement l'avoir été.
  5. 420. Le gouvernement indique ensuite que le procureur général a chargé un conseiller juridique de mener l'enquête nécessaire sur les allégations présentées. Le conseiller juridique a rencontré les trois médecins - Magdi Muhamadani, Mamoun et Salah - qui ont indiqué qu'ils n'étaient pas au courant de cette plainte et qu'ils n'ont présenté aucune plainte ni directement ni par l'intermédiaire de personnes, organismes ou organisations syndicales à quelque organisme que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du Soudan. Le conseiller juridique a également posé à chacun d'eux les questions suivantes: Où et quand a eu lieu la détention? Quel était le motif de la détention, les chefs d'accusation, les jugements rendus? Est-ce que les jugements ont fait l'objet d'un appel? Ont-ils eu droit à l'assistance d'un avocat? Ont-ils fait l'objet de mauvais traitements, de tortures ou d'exactions au cours de la détention, de l'instruction ou du procès de la part des agents de la sécurité ou d'autres? Quel était le lieu de la détention?
  6. 421. D'après le gouvernement, le docteur Mamoun a déclaré qu'il a été arrêté le 28 novembre 1989 pour avoir présidé une réunion de médecins à Khartoum, réunion qu'il avait convoquée pour le 26 septembre 1989, ainsi que pour avoir annoncé une grève pour une durée de sept jours dans le but de réclamer une augmentation des salaires et une amélioration des services. Accusé de plusieurs infractions au Code pénal, au règlement sur l'état d'urgence et au deuxième décret constitutionnel, il a été condamné à mort. Il a fait appel par l'intermédiaire de son avocat. Suite à une demande de grâce présentée par les médecins au chef de l'Etat, il a été amnistié, ainsi que ses collègues qui avaient été condamnés. Il a également déclaré que la grève était illégale, qu'il n'avait pas présenté une note écrite sur les revendications et que la grève n'avait pas été précédée des différentes étapes du règlement des différends. D'après lui, il n'a pas été torturé et n'a fait l'objet d'aucun mauvais traitement, torture ou exaction et il a été traité d'une manière normale. Depuis le 28 novembre 1989, date de son arrestation, jusqu'au 12 décembre 1990, il se trouvait dans un bâtiment au centre de Khartoum appartenant au service de sécurité; l'appartement se composait de deux chambres, d'un séjour, de deux salles de bain, d'un W.C, d'une cuisine et d'une grande salle; Magdi Muhamadani et Salah y étaient également détenus. Après son jugement, il a été transféré à la prison de Kober, où, toujours selon ses dires, le niveau de vie était excellent: la prison dispose d'une bibliothèque et comporte diverses activités, ce qui permet de ne pas se sentir prisonnier. Les résidents sont répartis dans des comités sociaux, sanitaires, sportifs et culturels et choisissent eux-mêmes leurs menus. Pour ce qui est de la comparaison entre la maison où il avait été détenu et la prison de Kober, il a signalé que la maison était un lieu de détention de courte durée destiné à l'interrogatoire et à la détention provisoire, alors que la prison était mieux aménagée parce qu'elle concernait des séjours qui pouvaient se prolonger. Il a indiqué que le ministre de l'Intérieur lui a rendu visite dans la prison pour s'enquérir de sa situation et lui a demandé s'il se plaignait de mauvais traitements ou de tortures; que les procureurs et les juges passaient le voir régulièrement dans les lieux de détention, lui demandaient s'il avait des problèmes, l'invitaient à parler en toute franchise et sans peur, lui disaient qu'ils étaient là pour l'écouter.
  7. 422. Le docteur Magdi Muhamadani a déclaré qu'il a été arrêté le 23 août 1992 et mis en détention provisoire, conformément au règlement sur l'état d'urgence, et que sa détention n'avait pas un caractère antisyndical. Il a indiqué qu'il était membre du Front démocratique, qu'il a été interrogé mais n'a fait l'objet d'aucune accusation et n'a pas été jugé. Il a été libéré le 17 octobre 1992. Il a été détenu dans le même bâtiment du service de sécurité que le docteur Salah et a ensuite été transféré à la prison de Kober où il est resté jusqu'à sa libération. Il n'a pas été torturé et était traité normalement. En ce qui concerne la vie à la prison, il a déclaré que chaque chambre était occupée par quatre personnes et que trois repas étaient fournis avec du thé à chaque repas.
  8. 423. Le docteur Salah, pour sa part, a déclaré qu'il a été convoqué en vertu d'une assignation à comparaître devant la présidence du service de sécurité pour le 23 août 1992, jour où il a été arrêté, tout comme le docteur Magdi Muhamadani. Il a été interrogé mais aucun chef d'accusation n'a été retenu contre lui. Il a été libéré le 17 octobre 1992. Il n'a pas été jugé et a été détenu dans un bâtiment du service de sécurité situé au centre de Khartoum, dans le même bâtiment que le docteur Magdi Muhamadani. En ce qui concerne les conditions de sa détention, il a répondu qu'il s'agissait d'une sorte de routine quotidienne qui commençait par la prière du matin et la lecture du Coran, pour les personnes qui le désirent. A 6 heures du matin, le thé leur était servi. Les prisonniers étaient autorisés à boire le thé ensemble le soir et à bavarder. Plus tard, ils ont été autorisés à se déplacer à l'intérieur du bâtiment. Chacun pouvait se déplacer avec les autres détenus et leur rendre visite dans leurs chambres. Ils pouvaient laver leurs vêtements et se laver sans aucune restriction. Sa famille a été autorisée à lui rendre visite deux fois. Trois repas leur étaient fournis ainsi que le thé. La nourriture était la même que ce qu'on trouvait chez n'importe quelle famille soudanaise ordinaire. Il était bien traité, n'a eu aucun problème avec les responsables et n'a subi aucun mauvais traitement ou torture. Pour ce qui est du bâtiment où il a été détenu, il a déclaré qu'il s'agit d'une des maisons où logent les fonctionnaires de l'Etat, située dans le centre de Khartoum, et dont les chambres sont bien équipées et où l'éclairage est suffisant. Il y a une bibliothèque, un téléviseur et un réfrigérateur. A la question relative à ses activités politiques, il a répondu qu'il n'exerçait aucune activité politique et n'a aucune appartenance politique; qu'il n'a jamais été syndicaliste, ne s'est jamais présenté à des élections syndicales, n'a jamais occupé de poste syndical, ni participé à des grèves, qu'elles soient légales ou illégales. Son traitement a continué à lui être versé pendant la période de sa détention. Après sa libération, il a réintégré son travail sans aucune difficulté. A la question relative aux maisons "fantômes", il a souri et a dit qu'il en a entendu parler, mais n'en a jamais vu et ne sait pas ce qu'elles désignent.
  9. 424. Le gouvernement ajoute à cet égard qu'il n'existe pas de maisons "fantômes", qui est un terme étranger à la terminologie soudanaise et utilisé par l'opposition politique dans un but de surenchère politique.
  10. 425. En ce qui concerne le dénommé Abdalla, le gouvernement indique que l'organisation plaignante n'a jamais transmis des informations relatives à cette personne. Les services compétents au Soudan ont tenté par tous les moyens de l'identifier et n'ont eu connaissance d'aucun infirmier arrêté, qu'il se prénomme ou non Abdalla, et les registres de la sécurité ne font état d'aucun infirmier arrêté. De plus, les trois médecins ont indiqué qu'il n'y avait aucun infirmier parmi les détenus. Le gouvernement estime donc que l'allégation est nulle et ne se fonde sur aucun fait réel. Le gouvernement réaffirme que ses services de sécurité n'ont recours à aucune forme de torture parce que celle-ci est interdite par la loi. Tout responsable convaincu d'avoir torturé un détenu est sanctionné. La torture est une pratique inhumaine contraire à la civilisation, à la religion, aux traditions et aux valeurs soudanaises. L'histoire du Soudan ne connaît aucune pratique de tortures ou d'assassinats.
  11. 426. Pour ce qui est de la loi sur la sécurité nationale de 1990, modifiée en 1992, le gouvernement signale tout d'abord qu'il convient de rectifier certaines erreurs involontaires qui figuraient dans sa réponse antérieure où il avait déclaré que "la détention a lieu avec l'approbation du juge pour une période de trois mois; que l'appel, la prolongation de la période ou une nouvelle arrestation sont de la compétence du Conseil de commandement de la révolution qui peut, s'il l'estime nécessaire et pour des raisons de sécurité, prolonger la période de détention pour une autre période de trois mois". Le gouvernement déclare que la vérité est que les décisions sur la prolongation de la période de détention préventive ou de nouvelles arrestations ont lieu complètement sous le contrôle de l'autorité judiciaire qui jouit d'une indépendance totale à l'abri du pouvoir exécutif, et que ni le Conseil de la Révolution ni toute autre autorité exécutive n'a de pouvoir sur elle. Toutes les décisions prises après l'arrestation sont du ressort incontestable de l'autorité judiciaire. A la tête de cette autorité se trouve un juge du tribunal suprême, conformément à l'article 40 a) de la loi sur la sécurité nationale. D'autre part, celle-ci donne le droit à tout individu qui prétend avoir subi un préjudice, une torture ou de mauvais traitements d'intenter une action en justice contre le service de sécurité ou l'un ou l'autre de ses membres.
  12. 427. Toujours selon le gouvernement, la détention provisoire a lieu sur la base d'informations dont disposent les services de sécurité au sujet d'une infraction qui a été commise ou qui est sur le point de l'être et qui est signalée dans la loi, qu'il s'agisse du règlement sur l'état d'urgence ou du Code pénal, et ce en vue de mener l'enquête nécessaire; lorsqu'aucune accusation n'est prouvée, le détenu est libéré sans délai.
  13. 428. Enfin, le gouvernement signale que l'expression "en temps voulu" figure par erreur dans sa réponse antérieure; l'expression exacte qui correspond aux termes arabes est "à un moment approprié". Le droit du détenu d'être informé dans un délai approprié après son arrestation des motifs de son arrestation signifie qu'après son arrestation le détenu doit être interrogé dans un délai ne dépassant pas les soixante-douze heures et doit être informé des motifs de son arrestation. Si cette période ne suffit pas à terminer l'enquête, le directeur peut prolonger la période de l'interrogatoire pour une durée ne dépassant pas un mois.
  14. 429. Le gouvernement ajoute que des bureaux au Cabinet du procureur général et auprès du corps judiciaire sont accessibles aux citoyens pour recevoir les requêtes contre le service de sécurité et ses membres. Il fait noter qu'aucun des trois médecins, ni même le prénommé Abdalla qui aurait été torturé, n'a présenté de requête contre un membre du service de sécurité pour tortures ou mauvais traitements, ce qui prouve, d'après lui, le mensonge et la calomnie de la part de ceux qui ont présenté la plainte à la CISL.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 430. Avant d'aborder l'examen quant au fond du présent cas, le comité souhaite formuler quelques observations sur les déclarations du gouvernement d'après lesquelles les allégations présentées par la CISL sont dénuées de tout fondement et il ne s'agit que d'une provocation politique visant à porter atteinte au Soudan.
  2. 431. Le comité attire l'attention du gouvernement sur la fonction de l'Organisation internationale du Travail en matière de liberté syndicale et de protection de l'individu qui est de contribuer à la mise en oeuvre effective des principes généraux de la liberté syndicale qui est l'une des garanties primordiales de la paix et de la justice sociale. Sa fonction est de garantir et de promouvoir le droit d'association des travailleurs et des employeurs. Elle n'est pas de porter des charges contre des gouvernements ou de les condamner. En accomplissant sa tâche, le comité a toujours pris le plus grand soin, dans le déroulement de la procédure qui s'est développée au cours des années, d'éviter de traiter de questions qui n'entrent pas dans sa compétence spécifique. La pratique constante du comité a été de déterminer, dans chaque cas d'espèce, si le gouvernement avait bien veillé à ce que les droits syndicaux puissent librement s'exercer sur son territoire. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 23 et 25.)
  3. 432. Pour ce qui est des observations du gouvernement quant à la forme de la plainte déposée par la CISL, le comité doit signaler au gouvernement que la plainte est parfaitement recevable puisqu'elle émane d'une organisation jouissant du statut consultatif général auprès de l'OIT. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 34.)
  4. 433. Pour ce qui est du fond du présent cas, le comité observe que le gouvernement indique qu'une enquête a été menée sur l'ordre du procureur général en vue d'éclaircir les faits allégués. Le comité observe que les trois médecins interrogés dans le cadre de cette enquête, Magdi Muhamadani, Salah et Mamoun, ont déclaré qu'ils n'ont présenté aucune plainte ni directement ni par l'intermédiaire de personnes, organismes ou organisations syndicales à quelque organisme que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du Soudan.
  5. 434. En ce qui concerne les chefs d'accusation spécifiques retenus contre ces trois personnes ou les motifs qui ont fondé leur détention, le comité observe que le gouvernement indique, pour ce qui est des docteurs Magdi Muhamadani et Salah, que ces personnes ont été arrêtées en date du 23 août 1992 et remises en liberté le 17 octobre 1992, qu'elles avaient fait l'objet d'un interrogatoire mais n'ont pas été accusées ni jugées. Elles auraient également déclaré ne pas avoir été détenues pour des motifs syndicaux. En ce qui concerne le docteur Mamoun, le comité note que, toujours selon le gouvernement, il avait appelé à une grève en violation des dispositions législatives, qu'il a été arrêté le 28 novembre 1989 et accusé de plusieurs infractions conformément au Code pénal, au règlement sur l'Etat d'urgence et au deuxième décret constitutionnel, et condamné à mort. Il a été libéré par la suite, après avoir été amnistié.
  6. 435. Le comité observe que, selon les déclarations du gouvernement, les trois intéressés ont décrit en détail leurs conditions de vie en détention, qualifiées de normales voire d'excellentes, et ont nié avoir subi des mauvais traitements. Ils auraient en outre retrouvé leur emploi sans problème après leur libération.
  7. 436. Le comité ne peut que constater que toutes les allégations de l'organisation plaignante, d'une nature extrêmement grave, sont démenties par les déclarations du gouvernement. Compte tenu des circonstances particulières de ce cas, cette complète contradiction peut, de l'avis du comité, jeter un doute sérieux sur le caractère impartial et approfondi de l'enquête menée par les autorités soudanaises.
  8. 437. Le comité relève que le gouvernement ne nie pas que MM. Magdi Muhamadani et Salah ont été détenus sans avoir été accusés ni jugés. Le comité attire à cet égard l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales des mesures d'arrestation. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 97.) Le comité déplore profondément que ces deux personnes ont été détenues et demande au gouvernement de veiller à ce que les mesures de détention préventive soient limitées à 72 heures et uniquement destinées à faciliter le déroulement d'une enquête judiciaire.
  9. 438. Pour ce qui est de M. Mamoun, il apparaît au comité que son arrestation, sa détention et sa condamnation à mort ont bien un lien avec le fait que cette personne avait lancé une grève et incité les médecins à arrêter le travail. Tout en notant que M. Mamoun a été ensuite grâcié par le chef de l'Etat et remis en liberté, le comité exprime sa vive consternation devant la condamnation à mort prononcée à l'encontre de cette personne. Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les dirigeants syndicaux et les syndicalistes ne fassent pas l'objet de mesures de détention et de condamnation lorsqu'elles exercent leurs fonctions ou activités syndicales en vue de défendre les intérêts de leurs mandants.
  10. 439. Devant la contradiction entre la plainte et la réponse du gouvernement en ce qui concerne les allégations de tortures ou autres mauvais traitements, le comité ne peut que souligner à nouveau l'importance qu'il convient d'attacher au principe consacré dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques selon lequel toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect de dignité inhérente à la personne humaine. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 86.)
  11. 440. S'agissant du quatrième syndicaliste, Abdalla, cité dans les allégations, le comité regrette que l'organisation plaignante n'ait pas fourni des informations plus détaillées sur son identitié. Il note que le gouvernement indique que les services compétents au Soudan ont tenté par tous les moyens de l'identifier mais n'ont eu connaissance d'aucun infirmier arrêté, qu'il se prénomme ou non Abdalla, et que les registres de la sécurité ne font état d'aucun infirmier arrêté.
  12. 441. Pour ce qui est des dispositions de la loi sur la sécurité nationale relatives à la procédure d'appel contre les décisions d'arrestation et de détention auprès du Conseil de la Révolution, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement qui rectifient ses déclarations précédentes. Toutes les décisions prises après l'arrestation sont du ressort de l'autorité judiciaire, supervisée par un juge du tribunal suprême, conformément à l'article 40 a) de la loi sur la sécurité nationale. D'autre part, celle-ci donne le droit à tout individu qui prétend avoir subi un préjudice, une torture ou de mauvais traitements, d'intenter une action en justice contre le service de sécurité ou l'un ou l'autre de ses membres. En outre, le détenu doit être interrogé dans un délai de soixante-douze heures et être informé des motifs de son arrestation.
  13. 442. Le comité prend note de ces explications ainsi que des extraits de la loi sur la sécurité nationale que le gouvernement transmet dans sa réponse (voir en annexe). Le comité note en premier lieu avec regret que cette loi ne semble pas avoir été appliquée aux docteurs Magdi Muhamadani et Salah, étant donné que ceux-ci ont déclaré ne jamais avoir été inculpés ni jugés. En second lieu, le comité reste d'avis que les dispositions prévoyant que le détenu doit être avisé dans un délai qui peut être prolongé jusqu'à un mois des motifs de son arrestation ainsi que celles portant sur la prolongation de la période de détention provisoire pour des exigences de sécurité nationale et sur l'immunité limitée à un mois ne constituent en aucune manière des garanties d'une procédure régulière. Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces dispositions législatives soient modifiées et pour garantir ainsi que les syndicalistes détenus, comme les autres personnes, puissent bénéficier d'une procédure régulière et avoir le droit à une bonne administration de la justice, à savoir notamment, être informés des accusations qui pèsent contre eux, disposer du temps nécessaire à la réparation de leur défense, communiquer sans entrave avec le conseil de leur choix et être jugés sans retard par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Il demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 443. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité observe avec préoccupation que le gouvernement n'a répondu que partiellement à la demande spécifique qu'il avait antérieurement formulée. Le comité ne peut que déplorer profondément que les docteurs Magdi Muhamadani et Salah aient fait l'objet d'une détention sans avoir été inculpés ni jugés. Il demande instamment au gouvernement de veiller à ce que les mesures de détention préventive soient limitées à la période de 72 heures et uniquement destinées à faciliter le déroulement d'une enquête judiciaire.
    • b) Tout en notant que M. Mamoun a été grâcié par le chef de l'Etat et remis en liberté, le comité exprime sa vive consternation devant la condamnation à mort prononcée à l'encontre de cette personne. Il demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les dirigeants syndicaux et les syndicalistes ne fassent pas l'objet de mesures de détention et de condamnation lorsqu'elles exercent leurs fonctions ou activités syndicales en vue de défendre les intérêts de leurs mandants.
    • c) Le comité souligne à nouveau l'importance qu'il convient d'attacher au principe consacré dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect de dignité inhérente à la personne humaine.
    • d) Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions de la loi sur la sécurité nationale soient modifiées et pour garantir ainsi que les syndicalistes détenus, comme les autres personnes, puissent bénéficier d'une procédure régulière et avoir le droit à une bonne administration de la justice, à savoir, notamment, être informés des accusations qui pèsent contre eux, disposer du temps nécessaire à la préparation de leur défense, communiquer sans entrave avec le conseil de leur choix et être jugés sans retard par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Il demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • EXTRAITS DE LA LOI SUR LA SECURITE NATIONALE
  • DANS SA TENEUR MODIFIEE EN 1992
  • (Extraits fournis par le gouvernement dans sa réponse)
  • Article 40 a):
    • - Paragraphe 2: le détenu est avisé, dans un délai approprié
  • après son
  • arrestation, des motifs de son arrestation. La traduction exacte
  • de "dans un
  • délai approprié" est "at appropriate time" et non "in good
  • time", comme
  • indiqué dans la réponse. Cela signifie que le détenu doit être
  • avisé dans les
  • trois jours des motifs de son arrestation, délai qui peut être
  • prolongé pour
  • une durée d'un mois.
    • - Paragraphe 5: le détenu peut recourir devant le juge lorsque
  • les règles
  • relatives à la détention, visées dans ce paragraphe, ne sont
  • pas observées. Le
  • juge peut rendre la décision qu'il estime adéquate pour
  • supprimer
  • l'infraction.
    • - Paragraphe 7: toute décision concernant la période de
  • détention provisoire
  • doit être soumise au juge, accompagnée de ses motifs, dans
  • les trois jours qui
  • suivent la date à laquelle elle est prise.
    • - Paragraphe 8: le juge peut, après avoir apprécié les motifs et
  • entendu le
  • détenu ou avoir pris connaissance de toute réclamation de sa
  • part, autoriser
  • la prolongation de la période de détention provisoire, s'il estime
  • que les
  • exigences de la sécurité nationale le nécessitent, ou ordonner
  • la libération
  • du détenu, dans le cas contraire.
    • - Paragraphe 9: il est interdit de procéder à une nouvelle
  • arrestation
  • provisoire d'un individu qui a été libéré par le juge avant
  • l'expiration d'un
  • délai d'un mois ou sans une autorisation du juge.
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