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Examen de la comptabilité de certains syndicats
- Examen de la comptabilité de certains syndicats
- 272 La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) datée du 27 mai 1994. Par la suite, la CLAT a envoyé des informations complémentaires dans une communication datée du 26 juillet 1994.
- 273 Devant le manque d'informations fournies par le gouvernement en réponse aux allégations, le comité a dû ajourner à deux reprises l'examen de ce cas et a adressé un appel pressant au gouvernement lors de sa réunion de mars 1995. Depuis lors, le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans une communication du 29 mai 1995.
- 274 Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 275. Dans ses communications des 27 mai et 26 juillet 1994, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) allègue, d'après les informations reçues de son organisation affiliée, la Centrale nationale des travailleurs (CNT), que M. Sebastián Larrosa, syndicaliste du secteur rural, a été assassiné lors de la grève générale du 2 mai 1994 à Tacuara, San Estanislao. L'organisation plaignante indique que l'objectif essentiel de cette grève générale était d'interpeller le gouvernement sur les mesures qu'il était en train de mettre en place et de rechercher des solutions aux graves problèmes sociaux, et que la participation massive de tous les secteurs et de toutes les organisations syndicales nationales à ce mouvement de protestation témoignait de la gravité de la situation. L'organisation plaignante précise également que, selon les informations reçues, le pouvoir judiciaire mène actuellement une enquête pour identifier les auteurs de cet assassinat mais que, malgré différents témoignages concernant la culpabilité d'un sous-officier des forces armées, le juge a rendu un non-lieu innocentant l'intéressé.
- 276. Par ailleurs, la CLAT déclare que la Centrale nationale des travailleurs (CNT) et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) ont indiqué que, sans respecter les principes de la liberté syndicale, la "commission parlementaire bicamérale chargée d'enquêter sur les actes illicites" a décidé d'ouvrir une enquête sur la comptabilité de ces organisations afin de rechercher des informations sur les actes de violence commis lors de la grève générale. L'organisation plaignante se réfère également à une communication de la CNT et de la CUT, dont un exemplaire est joint à la plainte, adressée à la commission parlementaire susmentionnée, indiquant notamment, à propos de la décision d'enquêter sur la comptabilité pour rechercher des informations sur les actes de violence précités, que la police était seule responsable de ces actes mais qu'il convenait de respecter l'intervention judiciaire en se réservant le droit de mettre en cause cette intervention si elle violait les principes de la liberté syndicale. Enfin, il est indiqué que les comptes n'ont aucune relation avec les actes de violence, que les représentants des centrales fourniront à la commission parlementaire leur version des faits et que toute intervention, sans raison valable, dans les affaires internes des syndicats serait ressentie comme un dangereux précédent.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 277. Dans sa communication du 29 mai 1995, le gouvernement déclare, à propos de la grève générale du 2 mai 1994, que le ministère de la Justice et du Travail, conscient de sa responsabilité historique et conformément à la volonté du gouvernement qui souhaitait garantir le bon déroulement de la grève, a créé un bureau chargé de coordonner la grève afin que celle-ci ait lieu conformément aux dispositions prévues dans la Constitution nationale et le Code du travail qui garantissent le droit de grève pacifique et la liberté du travail (le gouvernement reproduit les dispositions pertinentes). Ce bureau de coordination n'a pas eu d'autre prétention que de garantir le déroulement normal de la grève afin d'éviter que celle-ci n'engendre des conflits et ne porte atteinte à l'intégrité physique et matérielle des travailleurs, des employeurs, des représentants de l'ordre public et des tiers en général. A cette fin, les trois centrales syndicales ont été invitées à désigner des représentants pour participer activement aux travaux de ce bureau. Des inspecteurs du travail ont été détachés, des télécopieurs, des téléphones et des moyens de transport ont notamment été mis à disposition pour éviter qu'une grève axée, selon les déclarations de ses principaux organisateurs, sur des revendications sociales ne se transforme en une manifestation violente mettant en péril, comme cela s'est malheureusement produit, l'exercice de ce droit.
- 278. Le gouvernement a indiqué qu'aucune centrale syndicale n'avait envoyé de représentant pour éviter ou pour régler les conflits susceptibles de se poser; en outre, leur participation au bureau de coordination cité plus haut aurait peut-être évité les actes de violence qui ont causé des dommages physiques et matériels aux travailleurs, aux employeurs, aux grévistes et aux agents de police et qui ont provoqué la réaction des organismes de l'Etat chargés de garantir l'ordre public.
- 279. Pour ce qui est des allégations de violence, le gouvernement a indiqué que la grève avait commencé à minuit le 2 mai sous la forme d'un acte symbolique et pacifique des trois syndicats de travailleurs dans un contexte de maturité civique et syndicale, mais qu'à mesure qu'avançait le petit matin les choses avaient commencé à se compliquer et à s'aggraver à la suite du blocage d'une artère importante reliant la capitale à l'intérieur du pays et aux cités-dortoirs qui l'entourent, des pneus avaient été enflammés et d'autres actes avaient été accomplis. Le gouvernement avait lancé des appels au calme et le bureau de coordination s'était efforcé d'éviter les violences. De même, un groupe de syndicalistes avait coupé la voie qui relie toute la région occidentale, ou Chaco, au reste du pays, occupant la chaussée et bloquant la circulation avec des poteaux télégraphiques et des troncs d'arbres notamment, violant manifestement le droit de libre circulation et le droit au travail de ceux qui n'étaient pas en faveur de la grève. Devant ces agissements qui sont allés bien au-delà de l'exercice normal du droit de grève, le gouvernement s'était efforcé de faire appel à la raison afin de mettre un terme aux actions illégales, mais les grévistes n'ont pas respecté les garanties constitutionnelles et légales, malgré l'intervention du président de la Commission des droits de l'homme de la Chambre des députés, ce qui témoigne de la mauvaise préparation de la grève (pour ce qui est de la définition de ses objectifs et de sa portée ainsi que des procédés utilisés). Le gouvernement indique qu'il n'y a eu aucun acte de répression qui ne fût motivé par les agissements insensés de certains syndicalistes prétendant imposer, par la frayeur et la violence, leurs idées à ceux qui ne voulaient pas participer à la grève, notamment en bloquant des voies d'accès, en occupant le terrain, en brûlant des pneus, en cassant les pare-brise des véhicules de transport public au moyen de pierres et d'armes à feu, en semant des clous destinés à crever les pneus ainsi qu'en faisant pression sur les chauffeurs et utilisateurs des transports publics pour qu'ils rentrent chez eux.
- 280. Le gouvernement indique également, à propos de la dispersion de la manifestation qui a eu lieu à Tacuara, dans le département de San Pedro, que, selon certains témoignages, la presse et la radio et les rapports de police, il avait été indiqué aux manifestants qu'il était illégal de bloquer la route nationale qui relie toute la région nord à la capitale, au centre, au sud et à l'est du pays. Par la suite, après avoir demandé aux manifestants d'abandonner la chaussée et constatant que ceux-ci refusaient obstinément d'entendre raison et de respecter la loi, le gouvernement s'était efforcé de disperser la manifestation avec des gaz lacrymogènes, alors que les manifestants réagissaient violemment en lançant des pierres et d'autres objets contondants contre les forces de sécurité; c'est à ce moment que se produisit le regrettable incident dans lequel M. Sebastián Larrosa a perdu la vie.
- 281. L'enquête sur le décès de ce citoyen a fait l'objet d'une instruction pénale et de toute une série de recherches de preuves pour parvenir à la vérité, avec la participation de la partie plaignante et des représentants du ministère public et de la défense de l'accusé. Cette instruction a eu lieu conformément aux dispositions du code de procédure pénale qui prévoit des procédures de recours pour invalider et corriger tout écart éventuel par rapport à la procédure légale.
- 282. A propos de l'allégation concernant une enquête éventuelle de la commission parlementaire sur la comptabilité de la Centrale nationale des travailleurs et de la Centrale unitaire des travailleurs, le gouvernement indique qu'une telle enquête n'a jamais eu lieu et qu'aucun indice sérieux ne permet de prédire qu'elle aura lieu.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 283. Le comité note que les allégations ont trait à la mort violente d'un syndicaliste du secteur rural, M. Sebastián Larrosa, lors de la grève générale du 2 mai 1994 à Tacuara, San Estanislao, de même qu'à la décision d'enquêter sur la comptabilité des deux centrales syndicales pour rechercher des informations sur les actes de violence perpétrés durant la grève.
- 284. Le comité observe que, selon le gouvernement, les grévistes ont commis différents actes de violence (routes bloquées, menaces à l'encontre des travailleurs non grévistes, bris de pare-brise de véhicules de transport public) et que les actes de répression ont été la conséquence de ces agissements. De même, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles M. Larrosa a été tué au cours d'un affrontement entre les forces de sécurité et un groupe de manifestants.
- 285. Le comité déplore profondément la mort violente de ce syndicaliste et note que l'organisation plaignante et le gouvernement ont indiqué qu'une enquête judiciaire avait été ouverte pour éclaircir les faits. Le comité exprime l'espoir que cette enquête permettra d'établir les responsabilités, d'éclaircir les faits et de punir les coupables. Il demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête.
- 286. Pour ce qui est de la décision d'enquêter sur la comptabilité des deux centrales syndicales afin de chercher des éclaircissements sur les actes de violence perpétrés durant la grève, le comité note, d'après le gouvernement, que cette enquête n'a pas eu lieu et qu'il n'existe aucun indice sérieux permettant de prédire qu'elle aura lieu. A cet égard, compte tenu du fait que le gouvernement ne rejette pas expressément la possibilité qu'une enquête de ce type ait lieu dans ce cas ou dans un autre et que la commission parlementaire avait initialement décidé de mener une enquête (bien que, par la suite, cette décision ne se soit pas matérialisée), le comité souhaite rappeler le principe selon lequel "les perquisitions des locaux syndicaux ne devraient avoir lieu que sur mandat de l'autorité judiciaire ordinaire lorsque cette autorité est convaincue qu'il y a de solides raisons de supposer que l'on trouvera sur les lieux les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit de droit commun et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1985, paragr. 205.) En outre, dans le cas présent, le comité, s'il comprend l'intérêt qu'il y a à mener à bien une enquête pour obtenir des éclaircissements sur ces actes de violence, ne croit pas à l'utilité, dans cette optique, d'une perquisition des locaux syndicaux. Une perquisition de ce type ne devrait avoir lieu que sur mandat de l'autorité judiciaire.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 287. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore profondément la mort violente du syndicaliste, M. Sebastián Larrosa, et exprime l'espoir que l'enquête judiciaire en cours permettra d'établir les responsabilités, d'éclaircir les faits et de sanctionner sévèrement les coupables de cet acte de violence répréhensible. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête judiciaire.
- b) Le comité invite le gouvernement à garantir le respect du principe selon lequel toute perquisition des locaux syndicaux ne doit avoir lieu que sur mandat de l'autorité judiciaire.