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Informe provisional - Informe núm. 318, Noviembre 1999

Caso núm. 2006 (Pakistán) - Fecha de presentación de la queja:: 11-FEB-99 - Cerrado

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  1. 324. Dans une communication datée du 11 février 1999, la Fédération des syndicats du Pakistan (APFTU) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Pakistan. L'Internationale des services publics (ISP) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) se sont associées à cette plainte, par leurs communications datées respectivement des 16 février et 27 avril 1999. L'APFTU a fourni des informations complémentaires dans ses communications datées des 8 et 10 avril, 25 mai et 25 juin 1999. La Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) a également présenté une plainte pour infractions à la liberté syndicale par communication datée du 8 juin 1999.
  2. 325. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 2 septembre 1999.
  3. 326. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 327. Dans sa plainte, l'APFTU déclare que le gouvernement, par l'ordonnance présidentielle no XX du 22 décembre 1998 (une copie de cette ordonnance présidentielle est annexée à la plainte) suspendant les droits de se syndiquer et de négocier collectivement pour plus de 130 000 travailleurs employés par la plus grande entreprise publique du pays, l'Agence de développement des ressources en eau et de l'énergie du Pakistan (WAPDA), qui assure la production, le transport et la distribution de l'électricité, le développement des ressources en eau et d'autres services, a violé les conventions nos 87 et 98.
  2. 328. Plus précisément, l'APFTU allègue que cette ordonnance présidentielle a suspendu l'application à l'égard de la WAPDA de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail, laquelle réglemente la formation, l'enregistrement et le fonctionnement d'une organisation syndicale en tant qu'agent de négociation collective ainsi que l'application des conventions collectives conclues entre un syndicat et l'employeur. L'APFTU allègue en outre que l'application à l'égard de la WAPDA de l'ordonnance de 1968 (portant règlement permanent) de l'emploi dans l'industrie et le commerce, qui concerne la sécurité de l'emploi des travailleurs, a été suspendue par l'ordonnance présidentielle no XX et que, d'autre part, des modifications ont été apportées à la loi de 1958 (art. 17-1A) portant création de la WAPDA, de sorte qu'il est devenu possible à la WAPDA de mettre un terme aux services de ses salariés par voie de mise à la retraite sans avoir à spécifier aucun motif. L'APFTU ajoute que les droits qui étaient reconnus à son affilié, le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA, en qualité d'agent de négociation collective, ont été annulés. L'APFTU souligne que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA, qui est le plus important syndicat de branche du pays, représente depuis cinquante ans les intérêts des travailleurs de la WAPDA et venait à nouveau d'être déclaré agent de négociation collective pour ces travailleurs à l'issue d'un référendum tenu au niveau national le 29 décembre 1997. L'APFTU indique que la direction de la WAPDA a, quant à elle, émis une directive stipulant que l'ordonnance présidentielle no XX suspendait à l'égard de l'entreprise l'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail et de l'ordonnance de 1968 (portant règlement permanent) de l'emploi dans l'industrie et le commerce pour une période de deux ans à compter du 22 décembre 1998 (une copie de cette directive est jointe à la plainte).
  3. 329. L'APFTU allègue ensuite que l'ordonnance présidentielle no XX a placé la gestion de la WAPDA sous l'autorité des forces armées. Le gouvernement a en effet recruté environ 35 000 militaires pour administrer la WAPDA, soi-disant dans le but de mettre un terme au piratage d'électricité. L'APFTU souligne cependant que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA coopérait avec la direction pour éliminer ces piratages. De plus, les militaires auraient été recrutés par le gouvernement moyennant des salaires exorbitants, auxquels se seraient ajoutées des primes dont le montant serait 150 fois supérieur à celles qui étaient accordées aux salariés ordinaires de la WAPDA.
  4. 330. L'APFTU affirme que la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX a eu en corollaire les graves suites détaillées ci-après. Dans une communication datée du 7 février 1999, la direction principale de la WAPDA a adressé à tous les directeurs généraux, directeurs exécutifs et chefs de division une directive stipulant qu'"aucune cotisation syndicale ne saurait désormais être déduite des salaires des travailleurs, puisque les activités syndicales sont interdites pour une durée de deux ans avec effet à compter du 22 décembre 1998" (une copie de cette directive est jointe à la plainte). Dans une notification datée du 20 mars 1999, le Greffier adjoint de la Commission nationale des relations du travail a annulé l'enregistrement du Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA et annoncé que ce syndicat cessait d'exister avec effet à compter du 22 décembre 1998 (une copie de cette notification d'annulation de l'enregistrement est jointe à la plainte). L'APFTU déclare que son affilié a fait appel de cette décision devant la Haute Cour de Lahore et enfin que, par communication datée du 5 mai 1999, la direction de la WAPDA a ordonné la fermeture de tous les centres sociaux des diverses centrales électriques, qui permettaient jusque-là aux travailleurs de la WAPDA d'avoir des activités de loisirs (une copie de cette communication est jointe à la plainte).
  5. 331. En dernier lieu, l'APFTU affirme que, bien que l'ordonnance présidentielle no XX du 22 décembre 1998 soit arrivée à échéance le 22 avril 1999, le gouvernement a promulgué le 24 mai 1999 l'ordonnance no V de 1999 ayant la même teneur, le même objectif et les mêmes effets que la précédente. L'APFTU estime que le gouvernement doit annuler ces mesures qui, outre qu'elles constituent une violation flagrante de la liberté syndicale, sont interprétées comme des restrictions inconstitutionnelles à l'égard de l'organisation qui lui est affiliée selon plusieurs composantes de la société civile, à savoir le président de la Commission des droits de l'homme du Pakistan, l'ancien président de la Haute Cour du Pakistan et le doyen du Barreau près la Cour suprême.
  6. 332. Dans sa communication datée du 8 juin 1999, la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) dénonce le fait qu'aux termes de deux ordonnances présidentielles promulguées le 27 mai 1999 le gouvernement a exclu la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC) du champ d'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail et a autorisé la direction de cette entreprise à mettre à la retraite n'importe lequel de ses salariés sans avoir à donner de motif. Cette grave décision a eu pour corollaire la fermeture forcée du local du syndicat en position d'agent de négociation collective ainsi que l'interdiction de ce syndicat par la nouvelle direction de la KESC avec effet à compter du 31 mai 1999. Ainsi, son affiliée, la KESC Democratic Mazdoor Union, élue en bonne et due forme comme agent négociateur au sein de l'entreprise au terme d'un référendum tenu le 23 février 1999, a subi un grave préjudice du fait de ces mesures gouvernementales. La FOGSEW considère que ces très graves atteintes aux droits syndicaux justifient la constitution d'une commission d'enquête contre le gouvernement du Pakistan.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 333. Dans sa communication du 2 septembre 1999, le gouvernement commence par donner des informations de caractère général sur la WAPDA. Il indique que cette compagnie a été créée par la loi de 1958 pour développer les ressources en eau et en énergie du pays. A cette fin, elle a réalisé et exploite aujourd'hui des retenues, des barrages, des canaux, des puits, des centrales électriques, des stations de distribution, des lignes de transport et de distribution de l'électricité au service de plusieurs secteurs: international, agricole, commercial et intérieur. Le gouvernement souligne que la WAPDA a contribué largement au développement de l'économie du pays grâce à la réalisation de sept barrages, 14 centrales thermoélectriques, 11 centrales hydroélectriques et 456 sous-stations de distribution. A ce titre, la WAPDA peut légitimement être présentée comme l'épine dorsale de l'économie du Pakistan.
  2. 334. Ensuite, le gouvernement décrit succinctement l'organisation administrative de la WAPDA. Cette compagnie, qui a à sa tête un président et un vice-président, s'articule selon trois volets -- un pour chacune des branches que constituent l'énergie, l'eau et les finances -- qui sont placés sous l'autorité de directeurs exécutifs et de directeurs généraux exerçant chacun leur action dans leur domaine de compétence. L'effectif total des salariés s'élève à 137 693: a) celui des cadres, relevant des catégories 16 à 21 du barème de rémunération élémentaire, à 8 816; b) celui des salariés (ouvriers), relevant des catégories 1 à 16, à 128 877; et enfin c) celui des salariés syndiqués à 95 545.
  3. 335. Le gouvernement indique que la capacité électrique installée du Pakistan est de 14 957 mégawatts. La production varie en fonction de la demande. L'estimation des pertes d'électricité pour raisons techniques telles que les pertes dans les lignes et dans le réseau s'élève à 20 pour cent. Le piratage ou vol de courant ajoute encore 20 pour cent à ce chiffre. Le piratage a été rendu possible par la complicité active du personnel de terrain de la WAPDA -- des personnes ayant un contact direct avec le public. Les conséquences d'un tel piratage de l'électricité sont: a) un manque à gagner pour la compagnie, qui la handicape non seulement dans la prestation de ses services mais aussi pour ce qui est de l'amélioration du réseau en vue de la réduction des pertes techniques; b) la multiplication des délestages, surtout pendant les mois d'été, alors que les températures dépassent les 40 degrés centigrades presque partout dans le pays -- dans le secteur rural, qui dépend largement de l'eau amenée par canalisation ou des nappes phréatiques, les délestages de courant compromettent gravement la production agricole du fait que les puits de pompage restent inactifs pendant de longues périodes; et c) un accroissement du nombre des plaintes des consommateurs.
  4. 336. Le gouvernement explique que le piratage revêt le plus souvent les formes suivantes: a) raccordements non autorisés; b) manipulation du compteur; et c) falsification des factures -- et que ce sont les gens ordinaires qui font les frais de ces pratiques. Le public a rapidement perdu confiance dans la capacité de la WAPDA de s'acquitter de sa mission. Des groupements de consommateurs ont de plus en plus fréquemment réclamé la privatisation de cette compagnie, dont la viabilité s'est trouvée gravement compromise par une corruption rampante et une inefficacité à tous les niveaux et par le manque à gagner qui en résultait.
  5. 337. Le gouvernement déclare que, fin 1998, le déficit de la WAPDA atteignait 45 milliards de roupies (environ 870 millions de dollars E.-U.). S'il avait laissé faire, ce déficit aurait atteint 74 milliards de roupies (environ 1,43 milliard de dollars E.-U.) en juin 1999. La catastrophe financière qui s'en serait suivie aurait abouti à la liquidation de la WAPDA et, comme la compagnie n'aurait pas eu les fonds nécessaires au paiement des salaires, des dizaines de milliers d'emplois auraient été perdus, le pays entier s'en serait trouvé paralysé et la vie même de la société serait devenue pratiquement impossible.
  6. 338. Le gouvernement évoque la part de responsabilité des syndicats dans ces pratiques. Alors que la direction de la WAPDA avait vainement tenté par diverses mesures de rétablir la viabilité financière de la compagnie et d'introduire une culture d'efficacité, de responsabilité et de discipline, la direction n'a pas pu prendre de sanctions disciplinaires à l'encontre des éléments délinquants et corrompus essentiellement en raison des interférences et pressions syndicales. Il était ainsi devenu pratiquement impossible de muter dans une autre région un contrôleur de compteurs ou un tireur de lignes corrompu, ce qui avait conduit l'administration de la WAPDA à une paralysie presque totale. Aucune menace de sanctions disciplinaires n'avait plus prise sur les contrôleurs et autres employés de cette catégorie, lesquels usaient de leur appartenance syndicale pour s'y soustraire. A l'occasion, des militants du syndicat en situation d'agent de négociation collective protégeaient ces éléments, ce qui ne pouvait que contribuer à perpétuer la gabegie et les vols massifs d'électricité. Alors que la Commission nationale des relations du travail (NIRC) n'avait approuvé la désignation que de 75 délégués syndicaux comme agents négociateurs, ce dernier en nomma plus de 10 000 aux différents degrés de la hiérarchie. Les pressions syndicales interdisaient à la direction toute mutation de ces délégués syndicaux, alors que certains d'entre eux étaient directement impliqués dans la protection d'éléments corrompus agissant au sein de la WAPDA.
  7. 339. Pour éviter l'effondrement total de la WAPDA, qui aurait entraîné beaucoup de souffrances humaines et de crises économiques, le gouvernement fédéral a dû recourir à l'assistance des forces armées, dans les conditions prévues par l'article 245 de la Constitution de la République islamique du Pakistan (Note 1). L'armée a donc reçu l'ordre d'aider la direction de la WAPDA à rétablir une situation financière saine dans cette entreprise en mettant un terme au piratage ou vol de courant. Le gouvernement souligne qu'il a agi en dernier recours et uniquement pour rétablir la viabilité de la WAPDA.
  8. 340. L'implication de l'armée dans la WAPDA s'est effectuée en deux phases. Au cours de la première, qui s'est achevée le 25 juillet 1999, 31 444 militaires ont été détachés auprès de cet organisme. Après le 25 juillet 1999, 10 pour cent seulement environ de ces personnels ont été maintenus en place, les autres ayant regagné leurs unités. Les militaires ont aidé l'entreprise à: a) supprimer les raccordements non autorisés, qui se chiffraient, ainsi qu'il est apparu, par dizaines de milliers; b) remplacer les compteurs défectueux; c) établir une facturation correcte dans les délais réglementaires; d) assurer le contrôle des compteurs par des équipes de surveillance; e) assurer le recouvrement des sommes dues en cas de découverte de vols; f) assurer l'entretien du réseau pour réduire les pertes techniques; et g) mener une campagne de recouvrement des créances publiques.
  9. 341. Le gouvernement déclare que la campagne lancée par l'armée et les équipes de la WAPDA a eu les résultats suivants: a) une progression de 43 pour cent de la facturation et des encaissements sur la période janvier-juin 1999, par rapport à la même période de 1998, soit, en chiffres absolus, de plus de 20,9 milliards de roupies (environ 400 millions de dollars); b) une réduction de 93 milliards de roupies (1,7 milliard de dollars) des impayés; c) plus de 7 pour cent de diminution des pertes sur le réseau; et d) une réduction du piratage à moins de 1 pour cent.
  10. 342. Outre le renversement des tendances négatives, les éléments positifs suivants ont été constatés: a) 406 805 nouveaux raccordements ont été effectués au cours de la période janvier-juin 1999, contre 235 066 pour la même période en 1998; b) les plaintes de la part des usagers sont tombées à 48 837; et c) aucun délestage n'est plus pratiqué où que ce soit dans le pays.
  11. 343. Pour ce qui est du statut actuel du syndicat au sein de la WAPDA, le gouvernement fait valoir que les activités de ce syndicat ont été seulement suspendues pour une durée limitée en réponse à une situation spécifique. Il souligne que l'ordonnance no XX de 1998 n'abroge pas le droit pour les travailleurs de se syndiquer puisque la structure administrative légale du syndicat reste intacte. De plus, le statut d'agent négociateur du syndicat, qui a pour secrétaire général M. Khurshid Ahmed, reste pratiquement non affecté. Ce syndicat continue de représenter les travailleurs devant toutes les instances. Son secrétaire général a notamment participé comme délégué à la 87e session de la Conférence internationale du Travail cette année pour représenter les travailleurs du Pakistan. A cela s'ajoute qu'après la suspension des activités syndicales aucune mesure n'a été prise à l'encontre de l'un quelconque des membres du syndicat en raison de l'exercice de son droit légitime de se syndiquer. En fait, pas un seul cas de recours à la force, pas une seule mesure d'emprisonnement et pas un seul acte de harcèlement n'a été relevé. Les relations entre la direction et les travailleurs sont restées saines et constructives. Des commissions, dans lesquelles les travailleurs participent de manière officielle, ont été constituées au niveau des compagnies de distribution. Ces commissions fonctionnent, témoignant de ce fait du dialogue entre le patronat et les salariés. Enfin, la situation reste constamment sous observation. Il n'est pas exclu, moyennant la coopération et le soutien des travailleurs, de rétablir entièrement les activités syndicales avant l'échéance du délai de deux ans spécifié par l'ordonnance no XX de 1998.
  12. 344. Le gouvernement précise néanmoins qu'en raison de la gravité de la situation, qui était telle que l'entreprise avait besoin d'un certain délai pour redevenir viable et productive, l'ordonnance no XX de 1998 a fait l'objet d'une nouvelle promulgation en tant qu'ordonnance no V (1999) avec effet à compter du 24 mai 1999. Conformément à la Constitution, la durée d'une ordonnance est de quatre mois, de sorte que les mesures prises par le gouvernement au sujet de la WAPDA ont essentiellement un caractère temporaire.
  13. 345. Dans ses conclusions, le gouvernement déclare que c'est en dernier recours qu'il s'est prévalu des dispositions de l'article 245 de la Constitution. S'il ne l'avait pas fait, la WAPDA aurait cessé d'exister, avec des conséquences extrêmement graves non seulement pour les dizaines de milliers de ses salariés mais pour le pays tout entier. Tout en respectant pleinement le droit fondamental des travailleurs de se syndiquer, il estime que les décisions qu'il a prises en ce qui concerne la WAPDA, qui revêtaient un caractère exceptionnel, étaient essentielles pour le bien-être de la société et la santé de l'économie du pays. Enfin, il s'est déclaré disposé à rétablir le syndicat de la WAPDA dès que la situation financière de cet organisme le permettrait, et même avant l'échéance du délai de deux ans spécifié par l'ordonnance no XX du 22 décembre 1998.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 346. Le comité note que le présent cas porte sur le déni des droits des travailleurs de l'Agence de développement des ressources en eau et de l'énergie du Pakistan (WAPDA) et de la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC) de se syndiquer et de négocier collectivement, en conséquence de la promulgation des ordonnances présidentielles soustrayant ces deux entreprises publiques du champ d'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail.
  2. 347. En ce qui concerne la situation des travailleurs de la WAPDA, le comité note qu'aux dires de la Fédération des syndicats du Pakistan (APFTU) l'ordonnance présidentielle no XX en date du 22 décembre 1998 suspendait, pour les quelque 130 000 travailleurs de la WAPDA, les droits de se syndiquer et de négocier collectivement du fait qu'elle suspendait l'application à cette entreprise de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail, laquelle réglemente la formation, l'enregistrement et le fonctionnement d'une organisation syndicale en tant qu'agent de négociation collective, de même que l'application des conventions collectives conclues entre un syndicat et l'employeur. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas cette affirmation et que, bien au contraire, il semble justifier la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX en indiquant que cette mesure, qui revêtait un caractère exceptionnel, s'imposait pour le bien-être de la société et la santé de l'économie du pays. Sur ce point, le comité rappelle que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a souligné que les conventions sur la liberté syndicale ne contiennent pas de dispositions permettant d'invoquer l'excuse d'un état d'exception pour motiver une dérogation aux obligations découlant des conventions aux termes de celles-ci ou une suspension de leur application. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 186.) Cependant, en ce qui concerne les pays qui se trouvent dans un état de crise politique ou viennent de passer par une période de troubles graves (guerre civile, révolution, etc.), le comité a considéré nécessaire, en étudiant les diverses mesures prises par les gouvernements, y compris certaines mesures à l'encontre d'organisations syndicales, de tenir compte de telles circonstances exceptionnelles pour se prononcer sur les plaintes quant au fond. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 197.) En l'espèce, le comité ne considère pas que le piratage d'électricité au préjudice de la WAPDA et le manque à gagner qui en résulte constituent des circonstances d'une gravité telle qu'elle justifierait des restrictions des droits de se syndiquer et de négocier collectivement. De plus, sans méconnaître que, aux dires du gouvernement, un certain nombre de militants du syndicat en situation d'agent de négociation collective (le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA) étaient directement ou indirectement impliqués, au sein de cette entreprise, dans des faits de corruption ayant pour conséquence des vols massifs d'électricité, le comité estime que le fait de priver de leur organisation syndicale plusieurs milliers de travailleurs au motif des activités illégales menées par certains de ses dirigeants ou membres constitue une claire violation des principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 667.) Le comité considère que, dans le cas où il aurait été avéré que certains membres du syndicat ont commis des actes outrepassant l'activité syndicale normale, des poursuites auraient pu être engagées sur le fondement de dispositions précises de la loi et selon la procédure judiciaire normale, sans que cela n'entraîne la suspension, puis la dissolution de l'ensemble d'un mouvement syndical. (Voir rapport de la Commission d'enquête sur l'observation par la Pologne des conventions nos 87 et 98, Bulletin officiel (vol. LXVII), 1984, paragr. 492.)
  3. 348. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle l'ordonnance no XX de 1998 n'abroge pas le droit, pour les travailleurs, de se syndiquer et que la structure administrative légale du syndicat reste intacte. Le comité souligne tout d'abord que cette déclaration est contradictoire dans la mesure où le gouvernement reconnaît lui-même dans sa réponse que les activités syndicales au sein de la WAPDA ont été suspendues, quand bien même cette décision résulte d'une situation spécifique. En outre, de l'avis du comité, l'affirmation du gouvernement selon laquelle l'ordonnance présidentielle no XX n'abroge pas le droit pour les travailleurs de se syndiquer ne semble pas reposer sur des faits. Le comité note que, selon les allégations de l'APFTU -- sur lesquelles le gouvernement ne fait aucun commentaire --, la direction de la WAPDA a décidé, aux termes d'une directive de février 1999, que les cotisations syndicales ne seraient désormais plus déduites des salaires des travailleurs en conséquence de l'ordonnance présidentielle no XX (voir annexe I). La direction de la WAPDA a par ailleurs décidé par une autre directive, de mai 1999, de la fermeture de tous les centres sociaux des différentes centrales énergétiques. Le comité considère que la suspension de la pratique de déductions des cotisations syndicales, conjuguée à la suspension des activités syndicales, compromet l'existence même de l'affilié de l'APFTU, le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA. Enfin, il ne voit pas comment la structure administrative légale du syndicat resterait intacte à partir du moment où le Greffier adjoint de la Commission des relations du travail a annulé l'enregistrement du syndicat, en mars 1999 (voir annexe II). Sur ce plan, le comité souligne que l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat par le Greffier (ou le Greffier adjoint) des syndicats équivaut à la suspension ou à la dissolution de cette organisation par l'autorité administrative, ce qui constitue une claire violation de l'article 4 de la convention no 87 et du principe selon lequel l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat ne peut se faire que par la voie judiciaire. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 669 et 670.) En l'espèce, le comité note que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA a fait appel devant la Haute Cour de Lahore de la décision du Greffier adjoint. Le comité prie le gouvernement de lui faire connaître le verdict que la Haute Cour de Lahore aura rendu.
  4. 349. Pour toutes les raisons susmentionnées, le comité regrette profondément la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX de 1998, qui a suspendu les droits syndicaux des travailleurs de la WAPDA et a empêché le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de cette entreprise de mener ses activités syndicales normales, notamment de percevoir ses cotisations. Il prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à des mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative, qui constituent de graves atteintes aux principes de la liberté syndicale. Il note que l'ordonnance présidentielle no XX est venue à échéance le 22 avril 1999 du fait que, en vertu de la Constitution du Pakistan, une telle ordonnance a une durée d'effet de quatre mois. Le comité constate cependant avec grave préoccupation que l'ordonnance no XX de 1998 a été à nouveau promulguée par l'ordonnance no V de 1999, prenant effet à compter du 24 mai 1999. Il prie le gouvernement de confirmer que cette ordonnance no V est devenue caduque le 24 septembre 1999 et, dans la négative, il le prie instamment de l'abroger immédiatement afin de rétablir l'enregistrement du Syndicat des travailleurs des centrales électriques de WAPDA. Il le prie également de rétablir sans tarder la pratique de déduction des cotisations syndicales à la source. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner effet à ces recommandations.
  5. 350. Le comité note avec grave préoccupation que, selon les allégations contenues dans la communication de la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) en date du 8 juin 1999, le gouvernement a exclu la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC) du champ d'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail en prenant deux ordonnances présidentielles, promulguées le 27 mai 1999, ayant eu pour répercussion l'interdiction de l'affilié de la FOGSEW, le KESC Democratic Mazdoor Union, par la nouvelle direction du KESC à compter du 31 mai 1999. Constatant que le gouvernement n'a pas répondu à ces graves allégations, le comité le prie instamment de communiquer sans délai ses observations à ce sujet.
  6. 351. Le comité déplore en outre le fait que certains dirigeants syndicaux de WAPDA et de KESC ont été obligés de prendre une retraite anticipée.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 352. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à faire siennes les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore que le gouvernement ait violé ses obligations découlant des conventions nos 87 et 98.
    • b) Notant que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA du Pakistan a fait appel devant la Haute Cour de Lahore de la décision du Greffier adjoint d'annuler son enregistrement, le comité prie le gouvernement de faire connaître le verdict que cette instance aura rendu.
    • c) Regrettant la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX de 1998, qui a suspendu les droits syndicaux des travailleurs de la WAPDA et a empêché le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA de mener ses activités syndicales normales, le comité prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à des mesures de suspension ou de dissolution par la voie administrative, lesquelles constituent de graves atteintes aux principes de la liberté syndicale.
    • d) Le comité prie le gouvernement de confirmer que l'ordonnance no V de 1999 ayant pour effet de promulguer à nouveau l'ordonnance no XX de 1998 est venue à échéance le 24 septembre 1999. Dans la négative, il prie instamment le gouvernement d'abroger immédiatement cette ordonnance no V de 1999 en vue d'établir l'enregistrement du Syndicat des travailleurs des centrales hydro-électriques de WAPDA du Pakistan. Il le prie également de rétablir sans tarder la pratique des déductions de cotisations syndicales à la source. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner effet à ces recommandations.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans délai sa réponse sur les allégations de la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) contenues dans la communication de cette organisation en date du 8 juin 1999.
    • f) Le comité déplore que certains dirigeants syndicaux de WAPDA et de KESC ont été obligés de prendre une retraite anticipée.

Z. Annexe I

Z. Annexe I
  • Agence de développement des ressources en eau et de
  • l'énergie du Pakistan
  • (WAPDA)
  • Direction du personnel et des affaires sociales
  • WAPDA Sunny View Lahore
  • No DLW-09770/1517-1816
  • Date: 7 février 1999
  • Directive administrative
  • Il a été signalé à de nombreuses reprises que notre circulaire
  • no
    1. DLW-09720/35-1385 datée du 8 janvier 1999 n'est appliquée
  • ni dans sa lettre ni
  • dans son esprit.
  • Du fait de la promulgation de l'ordonnance no XX de 1998, il
  • n'existe pas de
  • syndicats fonctionnant au sein de la WAPDA. De tels
  • syndicats ne peuvent
  • exercer aucune fonction dans les établissements de la
  • WAPDA. Il est rappelé
  • clairement qu'aucune cotisation syndicale ne saurait désormais
  • être déduite
  • des salaires des travailleurs puisque les activités syndicales
  • sont interdites
  • pour une durée de deux ans avec effet à compter du 22
  • décembre 1998.
  • Tous les directeurs généraux/directeurs exécutifs et chefs de
  • division sont
  • priés de veiller à la stricte application de l'ordonnance no XX
    1. de 1998.
  • Shabbir Ahmed,
  • Directeur (personnel et questions sociales), WAPDA.
  • Annexe II
    1. No 3(19)/73
  • Gouvernement du Pakistan
  • Commission nationale des relations du travail
  • Secteur G-5/2, Islamabad
  • De: M. Zakaullah Khan Khalil
  • Greffier adjoint
  • Date: le 20 mars 1999
  • Le secrétaire général
  • Syndicat des travailleurs
  • des centrales hydroélectriques du Pakistan
  • Bakhtiar Labour Hall,
    1. 28 Nisbat Road, Lahore
  • Objet: Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques
  • du Pakistan
  • Le soussigné est chargé de déclarer que, par effet de
  • l'ordonnance no XX de
    1. 1998, entrant en vigueur le 22 décembre 1998, un nouvel
  • article 17A est inséré
  • dans la loi WP XXXI de 1958. L'article en question a la teneur
  • suivante:
  • Certaines lois ne doivent pas s'appliquer à l'emploi au sein de
  • la Compagnie:
  • aucune disposition de l'ordonnance de 1968 du Pakistan
  • occidental (portant
  • règlement permanent) de l'emploi dans l'industrie et le
  • commerce (ordonnance
  • WP VI de 1968) ou de l'ordonnance de 1969 sur les relations
  • du travail (XXXIII
    1. de 1969) ne s'applique à ou en relation avec la compagnie ou
  • l'un des
  • responsables ou salariés engagés par elle.
  • Par la présente, vous êtes avisés qu'à compter de l'entrée en
  • vigueur de
  • l'ordonnance susmentionnée votre syndicat, le "Syndicat des
  • travailleurs des
  • centrales hydroélectriques du Pakistan", enregistré par la
  • commission sous le
  • certificat no 46/73 en qualité de syndicat de branche des
  • travailleurs
  • employés par la WAPDA, a cessé d'exister avec effet à
  • compter du 22 décembre
    1. 1998 du fait que l'ordonnance de 1969 n'est pas applicable à
  • l'emploi dans cet
  • établissement.
  • Par ordre de la commission
  • (Zakaullah Khan Khalil)
  • Greffier adjoint
  • cc: le Président de la WAPDA, Maison de la WAPDA, Lahore
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