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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 320, Marzo 2000

Caso núm. 2023 (Cabo Verde) - Fecha de presentación de la queja:: 26-ABR-99 - Cerrado

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  1. 415. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Union nationale des travailleurs du Cap-Vert-Centrale syndicale (UNTC-CS) datée du 26 avril 1999. L'UNTC-CS a présenté de nouvelles allégations dans une communication du 25 août 1999. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 16 août 1999.
  2. 416. Le Cap-Vert a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 417. Dans sa communication du 26 avril 1999, l'Union nationale des travailleurs du Cap-Vert -Centrale syndicale (UNTC-CS) affirme que le gouvernement a dissous, par le décret-loi no 34/98 (Agence de presse du Cap-Vert et Nouveau journal du Cap-Vert), deux organes de communication sociale de l'Etat et les a remplacés par un seul organe dénommé INFORPRESS. L'organisation plaignante indique que les journalistes qui travaillaient pour ces deux organes ont appris la dissolution de ces derniers par le Journal officiel et n'ont à aucun moment été informés de leur avenir professionnel. Face à cette situation, ils se sont adressés au Syndicat des transports, des télécommunications, de l'hôtellerie et du tourisme (SITTHUR) qui, par une communication datée du 17 février 1998, a demandé au ministre adjoint au Premier ministre de lui fournir des explications à ce sujet avant le 19 février. Le SITTHUR n'ayant pas reçu de réponse à cette date, il a adressé au ministre adjoint une nouvelle communication, datée du 20 février 1998, dans laquelle il l'a informé que le 23 février il organiserait une manifestation de protestation et lui remettrait un document. L'organisation plaignante ajoute que, le 19 février 1998, le conseil municipal de Praia et le chef de la police de Praia ont été informés de la date, du lieu de départ et du parcours de la manifestation.
  2. 418. D'après l'organisation plaignante, le 23 février 1998, alors que les journalistes s'étaient réunis devant les locaux du SITTHUR, et que la manifestation allait commencer, un groupe de policiers s'est présenté et a empêché, par des menaces, le déroulement de la manifestation et s'est emparé des pancartes que tenaient les manifestants. L'organisation plaignante indique qu'un petit groupe de journalistes, dirigés par le secrétaire permanent du SITTHUR, Carlos Fermino Monteiro Lopes, s'est malgré tout rendu au cabinet du ministre adjoint afin de lui remettre, comme prévu, le document qui lui était destiné. Ce document une fois remis, le secrétaire permanent du SITTHUR et un autre dirigeant syndical de l'UNTC-CS, Juliao Varela, ont été arrêtés par trois agents de police alors qu'ils se dirigeaient vers leurs lieux respectifs de travail et ont été emmenés au commissariat de Facenda, dans la ville de Praia, où ils ont été détenus plus de quatre heures. Le même jour, ils ont été traduits en justice à Praia; le tribunal a ordonné leur mise en liberté immédiate et a fixé au 3 mars 1998 la date de leur jugement. Les dirigeants syndicaux ont été accusés, d'une part, de désobéissance qualifiée pour avoir organisé une manifestation avant 18 heures et sans autorisation de la police et, d'autre part, d'outrage à agents de la force publique pour avoir insulté les policiers qui les avaient arrêtés.
  3. 419. S'agissant du premier délit qui leur est imputé, l'organisation plaignante reconnaît qu'une disposition de la loi no 81/III/90 du 29 juin 1990 interdit effectivement l'organisation de cortèges et de défilés avant 18 heures en semaine, mais estime que cette disposition avait été tacitement abrogée du fait de l'instauration du régime démocratique en 1991, et en particulier de l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution de 1992. L'organisation plaignante indique que le tribunal a disculpé les dirigeants syndicaux du délit de désobéissance qualifiée mais, n'ayant pas pu réfuter les déclarations faites par les policiers à propos du délit d'outrage, il les a condamnés à un mois de prison (peine qui a été commuée en une amende).
  4. 420. L'organisation plaignante se dit préoccupée par la teneur de l'arrêt rendu par la Cour suprême de justice à la suite du recours introduit par les dirigeants syndicaux condamnés pour outrage, arrêt dans lequel la Cour a en effet estimé que la loi no 81/III/90 du 29 juin est conforme à la Constitution en ce qu'elle a pour objet de réglementer l'exercice du droit de manifestation et qu'elle ne constitue pas une restriction de ce droit. Pour l'organisation plaignante, il s'agit là d'une restriction excessive au droit des travailleurs du Cap-Vert de manifester, puisque ceux-ci ne pourront plus organiser de manifestations qu'à partir de 18 heures, c'est-à-dire la nuit.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 421. Dans sa communication du 16 août 1999, le gouvernement déclare que, le 19 février 1998, l'organisation syndicale SITTHUR a adressé au conseil municipal de Praia et au premier escadron de police d'Achada de Santo Antonio une note les informant que, le 23 février 1998, les travailleurs de l'Agence de presse du Cap-Vert et du Nouveau journal du Cap-Vert organiseraient une manifestation à partir de 10 heures. Le 23 février 1998, un officier de police s'est rendu dans les locaux de l'organisation syndicale SITTHUR et a informé le dirigeant syndical Carlos Lopes qu'en application de la loi la manifestation ne pourrait débuter qu'après 18 heures. Le dirigeant syndical a répondu que la manifestation devait avoir lieu étant donné que les travailleurs se trouvaient déjà dans les locaux de l'organisation syndicale.
  2. 422. D'après le gouvernement, l'officier de police a alors ordonné à ses subordonnés de s'emparer des pancartes et de disperser les manifestants. Le gouvernement ajoute qu'un groupe de huit à dix travailleurs s'est rendu au ministère de la Communication sociale pour y remettre un document au ministre. Le gouvernement précise que les dirigeants syndicaux qui se dirigeaient vers le ministère ont rencontré un officier de police qui leur a rappelé qu'on leur avait déjà dit à deux reprises qu'ils ne devaient pas réaliser de manifestation car celle-ci était totalement illégale. D'après le gouvernement, les dirigeants syndicaux, MM. Carlos Lopes et Juliao Varela ont proféré des injures à l'encontre des policiers et ont, en conséquence, été arrêtés.
  3. 423. S'agissant de l'affirmation selon laquelle les dirigeants syndicaux auraient été détenus pendant plus de huit heures puis traduits en justice et que le tribunal aurait ordonné leur mise en liberté immédiate, le gouvernement indique que ces faits, dont il ne conteste pas la véracité, démontrent que la durée de la détention des personnes en question a été tout juste suffisante pour rédiger le rapport les concernant et le soumettre au tribunal. Le gouvernement indique que les faits décrits plus haut ayant été établis, le tribunal a condamné les dirigeants syndicaux pour outrage à agent de la force publique. S'agissant du délit de désobéissance, les intéressés ont bénéficié d'un non-lieu, le tribunal ayant estimé que la manifestation n'avait pas eu lieu. Le gouvernement ajoute que le tribunal de première instance a estimé que le droit de manifestation ne devrait pas faire l'objet de réglementation de la part du législateur et déclaré la loi de 1990 partiellement inconstitutionnelle. Par contre, la Cour suprême de justice, saisie d'un recours à cet égard, a conclu à la constitutionalité de ladite loi, considérant qu'elle est pleinement en vigueur dans l'ordre juridique du Cap-Vert. Le gouvernement souligne qu'en tout état de cause les dirigeants syndicaux en question ont été condamnés pour outrage à agents de police et que cette condamnation ne constitue pas une violation du droit de manifestation. Enfin, le gouvernement affirme que le Cap-Vert connaît un état de droit démocratique qui consacre les libertés publiques et la séparation des pouvoirs, considérées comme des piliers du système démocratique. Quant à la loi sur les manifestations dont l'organisation plaignante conteste le bien-fondé, le gouvernement dit ne pas avoir compétence pour la modifier, une telle tâche relevant de l'Assemblée nationale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 424. Le comité relève que dans le présent cas l'organisation plaignante affirme que la police a empêché la réalisation d'une manifestation de protestation convoquée par le Syndicat des transports, des télécommunications, de l'hôtellerie et du tourisme (SITTHUR) pour protester contre la dissolution de l'Agence de presse du Cap-Vert et du Nouveau journal du Cap-Vert, et que deux dirigeants syndicaux ont été arrêtés et poursuivis pour désobéissance qualifiée (non-respect des dispositions de la loi no 81/III/90 qui interdit l'organisation de cortèges et de défilés avant 18 heures en semaine) et outrage.
  2. 425. S'agissant de l'allégation concernant l'interdiction d'une manifestation de protestation convoquée par l'organisation syndicale SITTHUR, le comité note que le gouvernement déclare que: 1) la police a informé l'organisation syndicale qu'en application d'une disposition législative la manifestation devait avoir lieu après 18 heures et non le matin; 2) le tribunal de première instance a déclaré partiellement inconstitutionnelle la loi de 1990, considérant que le droit de manifester ne devrait faire l'objet d'aucun type de réglementation de la part du législateur mais, par la suite, la Cour suprême de justice est parvenue à la conclusion que la loi de 1990 est parfaitement constitutionnelle et pleinement en vigueur dans l'ordre juridique du Cap-Vert. A cet égard, le comité rappelle que "les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 132.) C'est pourquoi le comité considère que la restriction concernant les horaires qu'impose la législation au droit de manifestation ne se justifie pas et peut rendre les manifestations inopérantes en pratique. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation afin que les organisations de travailleurs puissent jouir librement du droit de manifestation pacifique sans aucune restriction déraisonnable, notamment en ce qui concerne les horaires. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  3. 426. S'agissant des allégations relatives à la détention, pendant quatre heures, des dirigeants syndicaux du SITTHUR, MM. Carlos Fermino Monteiro Lopes et Juliao Varela, à leur jugement et à leur condamnation pour un prétendu délit d'outrage, le comité relève que les versions de l'organisation plaignante et du gouvernement concordent partiellement, à savoir que la police s'est présentée dans les locaux du SITTHUR, a empêché le déroulement d'une manifestation et s'est emparée des pancartes des manifestants. Le comité observe que, selon l'organisation plaignante, le groupe de travailleurs et les dirigeants syndicaux ont été détenus après avoir remis un document au ministre de la Communication sociale alors que, selon le gouvernement, ils ont été détenus quand ils se dirigeaient vers le ministère. En tout état de cause, le comité observe que les dirigeants syndicaux en question ont été maintenus en détention pendant quatre heures et condamnés par le tribunal pour outrage mais ont bénéficié d'un non-lieu en ce qui concerne le délit de désobéissance - qui leur avait aussi été imputé - car le tribunal a estimé que la manifestation n'avait pas eu lieu.
  4. 427. En ce qui concerne la condamnation pour le délit d'outrage - un mois de prison (d'après l'organisation plaignante, cette peine a été commuée en amende) -, le gouvernement déclare que les dirigeants syndicaux ont insulté les policiers tandis que l'organisation plaignante indique qu'ils ont été condamnés pour ne pas avoir été en mesure de réfuter les affirmations de la police. Le comité constate que la police est intervenue à deux reprises pour empêcher le déroulement de la manifestation pacifique, qui est une activité syndicale légitime, qu'elle s'est emparée des pancartes des manifestants, qu'elle a arrêté deux syndicalistes et dirigeants syndicaux, pour délit de désobéissance ayant essayé de manifester avec un autre groupe de travailleurs (le tribunal a estimé par la suite qu'il n'y avait pas lieu de les poursuivre pour ce délit) et délit d'outrage commis au moment de leur arrestation. Vu que les prétendues injures auraient été proférées à la suite d'une arrestation motivée par la commission du délit de désobéissance qui, d'après le tribunal, n'a finalement pas été retenu, le comité déplore qu'une amende ait été infligée aux syndicalistes pour le délit d'outrage.
  5. 428. Dans ces conditions, étant donné que les dirigeants syndicaux ont été détenus pendant quatre heures, d'après le gouvernement, afin que soit rédigé le rapport les concernant, le comité rappelle que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales constituent, quel que soit leur caractère ou leur durée, un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. Le comité demande au gouvernement de tenir compte de ce principe à l'avenir.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 429. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation (loi no 81/III/90) afin que les organisations de travailleurs puissent jouir librement du droit de manifestation pacifique sans restrictions déraisonnables, en particulier en ce qui concerne les horaires. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) Rappelant le principe selon lequel les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales constituent, quel que soit leur caractère ou leur durée, un obstacle à l'exercice des droits syndicaux, le comité demande au gouvernement de respecter pleinement à l'avenir ce principe.
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