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- 448. La plainte faisant l’objet du présent cas figure dans une communication conjointe de la Fédération des syndicats des conducteurs de taxis pour le transport terrestre et la Fédération professionnelle des travailleurs des produits chimiques, en date du 29 mars 2001.
- 449. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 4 janvier 2002.
- 450. Le Liban n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 451. Dans leur communication du 29 mars 2001, la Fédération des syndicats des conducteurs de taxis pour le transport terrestre et la Fédération professionnelle des travailleurs des produits chimiques expliquent qu’en date du 21 février 2001 certains membres du conseil exécutif de la Confédération générale du travail ont demandé au ministère du Travail de fixer une date afin que soit élu un nouveau bureau pour cette organisation. La tenue de ces élections anticipées (le mandat de l’ancien bureau n’était censé arriver à échéance que deux ans et demi après le 21 février) a été autorisée par le ministère du Travail par la décision no 24/1 (du 1er mars), et ce en violation de plusieurs articles du règlement interne et des statuts de la confédération.
- 452. En effet, en vertu de l’article 21 du règlement de la confédération, la durée du mandat du bureau, renouvelé il y a un an et demi, est de quatre ans. D’autre part, conformément à l’article 22 du statut de ladite organisation syndicale, c’est au président de la confédération qu’il revient de présider les séances du conseil exécutif, du bureau et de la conférence générale, de les convoquer (...), en consultation avec le secrétaire général, qui signe avec lui les procès-verbaux ainsi que la correspondance. Malgré cela, la demande de convocation des élections avait émané en l’espèce de certains membres du bureau n’ayant ni la qualité ni la compétence nécessaire à cet effet, et l’ancien bureau ne s’était pas dûment réuni afin de décider de cette convocation. Finalement, la disposition de l’article 23 du statut, en vertu duquel un membre n’est déchu d’office de sa qualité de membre du bureau qu’en cas d’absence sans excuse légale trois fois consécutives ou cinq fois intermittentes au cours d’une même année, ou en cas de démission ou décès, n’a pas empêché que le bureau décide de son autodissolution.
- 453. Ainsi, les élections souhaitées ayant finalement été convoquées pour le 15 mars 2001, et gagnées par la faction dissidente, l’ancien bureau en allègue la nullité ainsi que celle de leurs résultats.
- 454. Les plaignants déclarent qu’ils ont, en conséquence, interjeté un recours en nullité contre la décision no 24/1 auprès du Conseil d’Etat ainsi que du ministère du Travail, et qu’ils poursuivront leur action auprès des instances judiciaires compétentes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 455. Dans une communication du 4 janvier 2002, le gouvernement déclare que les élections contestées ne présentaient aucune des anomalies invoquées par les plaignants, puisqu’elles se sont tenues conformément aux procédures et au règlement intérieur de la Confédération générale du travail. Le gouvernement joint, à titre informatif, les décisions rendues par le Conseil d’Etat déboutant les parties requérantes de leurs prétentions.
- 456. Celui-ci, après avoir examiné le recours en révision visant à surseoir à l’exécution de la décision no 24/1 autorisant la tenue des élections anticipées, a décidé que ce sursis n’était pas justifié. En effet, il ne ressort pas du dossier présenté par les requérants au Conseil d’Etat, qui est un organe judiciaire, que la décision contestée par les requérants «infligerait des préjudices graves au requérant ou que le recours serait fondé sur des motifs graves et importants». D’autre part, cette décision est pleinement justifiée d’un point de vue juridique, puisqu’elle vise à protéger l’intérêt public en évitant tout ajournement électoral qui risquerait de semer un grave désordre dans les rangs de la confédération. Le Conseil d’Etat a ainsi confirmé la validité des élections et la légitimité de leurs résultats.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 457. Le comité note que le présent cas concerne des allégations d’ingérence des autorités publiques dans les affaires internes de la Confédération générale du travail. Il note en particulier que, selon les plaignants, le ministère du Travail a autorisé la tenue d’élections anticipées du bureau du syndicat en violation des règlements et statuts de ladite confédération, et que ces élections ont donné la victoire à la faction syndicale dissidente. Le comité note également que le recours interjeté par les plaignants dans le but de surseoir à l’exécution de cette autorisation a été rejeté par le Conseil d’Etat qui, au lieu de se prononcer sur la légalité de la convocation, a centré sa décision sur la procédure électorale elle-même et confirmé les résultats des élections.
- 458. Constatant d’emblée que ce cas porte sur des dissensions entre deux directions rivales au sein d’une même organisation syndicale, le comité indique à titre liminaire qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d’une organisation. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 965.]
- 459. Le comité rappelle qu’à sa session de novembre 1997 [308e rapport, paragr. 501 à 585] il s’est déjà penché sur un cas relatif au Liban (no 1920) dans lequel le plaignant dénonçait, entre autres, la promulgation par le gouvernement du décret no 8275 du 19 avril 1996, permettant au gouvernement d’intervenir, dans certaines conditions, pour fixer la date des élections syndicales. Le comité avait notamment rappelé qu’une réglementation trop détaillée des élections syndicales par un gouvernement peut être considérée comme une limitation du droit des syndicats d’élire librement leurs propres représentants.
- 460. Notant précisément que, dans le cas présent, dans sa décision no 24/1 du 1er mars 2001, le gouvernement a autorisé la faction dissidente du bureau de la confédération à convoquer des élections anticipées deux ans et demi avant l’échéance du mandat de l’ancien bureau, établie statutairement, le comité rappelle au gouvernement que le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les autorités publiques fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats et que leur intervention ne puisse être interprétée comme favorisant un groupe au détriment d’un autre au sein d’un syndicat. [Voir Recueil, ibid., paragr. 761.]
- 461. Notant finalement que les plaignants ont interjeté un recours de sursis à l’exécution de la décision no 24/1 auprès du Conseil d’Etat, et que celui-ci l’a rejeté au motif que la décision contestée n’infligeait pas de préjudices graves au requérant et ne se fondait pas sur des motifs sérieux et importants, sans se prononcer sur la violation alléguée des statuts, le comité considère que ce rejet revient à avaliser l’ingérence alléguée des autorités dans les affaires syndicales.
- 462. Dans ces conditions, le comité rappelle au gouvernement, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait dans le cas no 1920, que les élections syndicales doivent se tenir conformément aux procédures et modalités d’élection des dirigeants syndicaux, librement établis dans les statuts des syndicats sans ingérence des autorités publiques. Constatant qu’en l’espèce l’ingérence des autorités s’est fondée sur des dispositions non conformes aux principes de la liberté syndicale prévoyant que le ministère du Travail autorise et confirme les élections syndicales, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les principes de non-ingérence des autorités dans les affaires internes des syndicats soient respectés et reflétés dans la législation nationale, de sorte qu’à l’avenir soit évitée toute intervention administrative de nature à entraver le déroulement des élections syndicales, depuis leur convocation jusqu’à la proclamation de leurs résultats. Il demande donc au gouvernement de s’abstenir d’avoir recours à des décrets permettant une ingérence des autorités. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 463. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle au gouvernement que le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les autorités publiques fassent preuve d’une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats et que leur intervention ne puisse être interprétée comme favorisant un groupe au détriment d’un autre au sein d’un syndicat.
- b) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les principes de non-ingérence des autorités dans les affaires internes des syndicats soient respectés et reflétés dans la législation nationale, de sorte qu’à l’avenir soit évitée toute intervention administrative de nature à entraver le déroulement des élections syndicales, depuis leur convocation jusqu’à la proclamation de leurs résultats.
- c) Le comité demande au gouvernement de s’abstenir d’avoir recours à des décrets permettant une ingérence des autorités.
- d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.