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- 1054. La plainte est présentée dans une communication du 15 avril 2002 de la Confédération syndicale des travailleurs du Togo (CSTT). La CSTT a présenté des informations complémentaires à l’appui de sa plainte par communication du 14 mai 2002.
- 1055. Le gouvernement a répondu par communications en date des 6 juin et 31 décembre 2002.
- 1056. Le Togo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 1057. La CSTT indique qu’elle a été saisie des informations à l’origine de sa plainte par le Syndicat national des industries agro-alimentaires (SYNIAT) par la voie de son secrétaire général, M. Roger Boko Awity, lui-même ancien employé de la société Nouvelle industrie des oléagineux du Togo (NIOTO); la lettre de ce dernier demandant à la CSTT de porter plainte devant le comité est jointe à la plainte.
- 1058. La plainte présente deux griefs: d’une part, le licenciement par la société NIOTO de M. Awity, précédé d’actes d’intimidation dans le cadre de ses activités syndicales et, d’autre part, le refus de la société NIOTO d’organiser les élections des délégués du personnel et d’autoriser ses employés syndiqués à participer à des formations organisées à leur intention par le syndicat.
- 1059. Sur le premier grief, la CSTT indique que, lorsqu’elle traversait une période de chômage technique, la société NIOTO a procédé, à compter du 1er novembre 2001, au licenciement économique de M. Awity (avec paiement d’une indemnité compensatrice et règlement de tous les droits) avec 11 autres employés; une copie de la lettre de licenciement de M. Awity est annexée à la plainte. La CSTT soutient que, contrairement à ce que prévoit la convention collective interprofessionnelle du Togo en son article 21, ce licenciement n’a tenu compte ni de la qualification professionnelle ni de l’ancienneté, ni des charges familiales des travailleurs. De plus, ce licenciement fait suite à des intimidations et des menaces dont M. Awity a fait l’objet dans le cadre de ses activités syndicales. La CSTT fait état d’«une certaine aversion pour les syndicats» de la part de la société NIOTO. La CSTT précise que le dossier du licenciement fait actuellement l’objet d’une assignation devant le tribunal du travail de Lomé. Enfin, la CSTT indique que depuis un licenciement en date du 8 octobre 2002 la société NIOTO a recruté plusieurs travailleurs au mépris du droit de réembauchage des salariés licenciés, prévu à l’alinéa 6 de l’article 21 de la convention collective interprofessionnelle du Togo.
- 1060. Sur le second grief, la CSTT soutient que la société NIOTO, dont les employés sont en nombre considérable membres du SYNIAT, refuse d’organiser les élections de délégués du personnel. La CSTT précise à cet égard que par une note d’information en date du 7 février 2002, dont copie est annexée à la plainte, la société a informé son personnel qu’elle n’avait reçu aucun acte de candidature pour ces élections; en conséquence, elle portait ce fait à la connaissance de l’inspection du travail et de lois sociales «pour le constat d’usage afin d’autoriser le personnel non syndiqué de se présenter au vote». La CSTT souligne que dans sa réponse en date du 11 février 2002 (dont copie est annexée à la plainte) l’inspecteur du travail compétent a estimé que seuls les employés et non les syndicats en tant que tels avaient été informés de l’organisation des élections. En conséquence, il a enjoint la société à recommencer la procédure d’organisation des élections, en adressant aux syndicats intéressés des lettres leur demandant de soumettre des listes de candidats; selon la CSTT, jusqu’à ce jour, la société NIOTO s’est refusée à organiser les élections une nouvelle fois. Dans la lettre qu’il a adressée à la CSTT afin qu’elle porte plainte devant le comité, M. Awity allègue que le directeur de la société aurait indiqué aux délégués du personnel sortants que « son devoir n’était pas de traiter avec les syndicats. Il n’a à traiter qu’avec ses employés.»
- 1061. Enfin, la CSTT prétend que la société NIOTO refuse d’autoriser les employés exerçant des fonctions syndicales à participer aux formations organisées à leur intention par le syndicat. La CSTT joint à la plainte copie de la lettre portant refus d’une autorisation d’absence d’un des employés de la société – M. Abotsi-Adjossou – adressée au secrétaire général adjoint de la CSTT.
- 1062. Au soutien de ces allégations, la CSTT fait valoir que l’attitude de la société NIOTO va à l’encontre: a) de la protection contre le licenciement des délégués du personnel et des responsables syndicaux prévue par l’article 8 de la convention collective des industries du Togo; et b) du droit de réembauchage des salariés licenciés pour motif économique ou cause de restructuration. Une telle attitude porte donc préjudice aux droits des travailleurs syndiqués de la société.
- 1063. Dans sa communication du 14 mai 2002, la CSTT joint à titre d’informations complémentaires une nouvelle lettre de l’inspecteur du travail en date du 27 février 2002 adressée au directeur général de la société. Cette lettre fait suite à la contestation par ce dernier de la procédure, telle qu’énoncée par l’inspecteur du travail dans son courrier du 11 février et à suivre pour informer les syndicats de l’organisation des élections. Le directeur général estimait en effet qu’une telle procédure n’était pas expressément prévue dans l’arrêté no 321-54/ITLS du 2 avril 1954. En réponse, l’inspecteur du travail réitère les termes de sa précédente lettre et met le directeur général en garde contre la tenue d’élections sans que les syndicats n’en aient été informés au préalable. Par ailleurs, la CSTT soumet copie de l’article 21 de la convention collective interprofessionnelle du Togo concernant les licenciements collectifs et mentionné dans sa plainte.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1064. Dans sa première communication du 6 juin 2002, le gouvernement traite du premier grief énoncé dans la plainte en faisant valoir que, en saisissant le tribunal du travail, M. Awity a utilisé une voie de recours appropriée pour résoudre son cas individuel.
- 1065. S’agissant du second grief, dans la communication du 31 décembre 2002, le gouvernement présente les arguments suivants. Il souligne qu’après enquête menée sur cet aspect de la plainte il ressort que la législation ne fait pas obligation à l’employeur de saisir nommément les syndicats aux fins de leur demander de désigner leurs candidats aux fonctions de délégués du personnel. Le gouvernement se fonde à cet égard sur le texte de l’article 4 de l’arrêté no 321-54 du 2 avril 1954 qu’il cite dans sa réponse dans les termes suivants: «les délégués sont élus sur les listes établies par les organisations les plus représentatives, s’il en existe au sein de chaque établissement pour chaque catégorie de personnel». Le gouvernement ajoute que, dans le silence des textes, une pratique s’est développée consistant pour le chef d’établissement à porter l’information aux travailleurs et à leurs représentants par voie d’affichage aux emplacements habituellement réservés à cet effet.
- 1066. Le gouvernement en conclut qu’il ne peut qu’inviter les parties à s’en référer à l’autorité judiciaire compétente en la matière en vertu de l’article 176 du Code du travail, soit le tribunal du travail.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1067. Le comité note que la plainte soulève, d’une part, la question de savoir si le licenciement de M. Awity par la société NIOTO a été motivé en tout ou partie par ses activités syndicales, notamment en tant qu’il aurait été prétendument précédé par d’autres actes de discrimination antisyndicale en cours d’emploi. D’autre part, la plainte soulève la question de savoir si, eu égard à l’élection des délégués du personnel et au refus d’autorisation d’absence pour participer à une formation organisée par le syndicat, il y a eu de la part de la société NIOTO non-respect des principes de la liberté syndicale.
- 1068. Sur la première question, le comité note que la CSTT soutient que le licenciement de M. Awity a été décidé d’une manière arbitraire et qu’il fait suite à de nombreux actes d’intimidation et de menaces dont ce dernier a fait l’objet dans le cadre de ses activités syndicales. Le comité note par ailleurs qu’une action judiciaire est en cours et que la CSTT soutient que la société NIOTO a récemment embauché plusieurs travailleurs au mépris de la priorité devant être accordée aux travailleurs licenciés dans le cadre d’un licenciement collectif, en vertu de la convention collective interprofessionnelle du Togo. Le comité note que le gouvernement se limite à se référer à l’action judiciaire engagée par M. Awity et qu’il estime être la voie de recours appropriée pour résoudre un tel cas individuel.
- 1069. Sur la deuxième question, le comité note que la CSTT prétend que la société NIOTO refuse d’organiser les élections des délégués du personnel. Le comité note à cet égard que les deux lettres de l’inspecteur du travail transmises par la CSTT font apparaître une divergence d’opinions entre l’inspecteur et la société NIOTO sur la procédure à suivre pour informer les organisations de travailleurs de la tenue de ces élections afin qu’elles présentent des candidats. A cet égard, le comité observe que, selon le gouvernement, il n’y a pas d’obligation pour l’employeur de saisir nommément les syndicats pour leur demander de désigner des candidats aux fins des élections des délégués du personnel; en conséquence de quoi, le gouvernement invite les parties à s’en référer à l’autorité judiciaire.
- 1070. Enfin, le comité prend note de la lettre du directeur de la société NIOTO au secrétaire général adjoint de la CSTT refusant d’autoriser l’absence de M. Abotsi-Adjossou, employé de la société NIOTO, «pour nécessité de service». Le comité constate que la réponse du gouvernement ne traite pas de cette question.
- 1071. Sur la première question, le comité souhaite rappeler les principes suivants. D’une manière générale, nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice des activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 696.] Le comité souligne à cet égard que tous les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les dirigeants syndicaux. En outre, le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 738.] Enfin, le comité rappelle qu’en cas de licenciement de syndicalistes en raison de leur affiliation ou de leurs activités syndicales le comité a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux dirigeants et aux membres du syndicat qui ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes d’obtenir leur réintégration dans leurs postes de travail et d’appliquer aux entreprises les sanctions légales pertinentes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 756.]
- 1072. Pour ce qui est du cas d’espèce, le comité note que, d’après les informations fournies par la CSTT, M. Awity a été licencié à compter du 1er novembre 2001 alors que la société NIOTO traversait une période de chômage technique et que 11 autres employés ont été licenciés en même temps; le comité note à cet égard que la CSTT ne précise pas si ces derniers avaient un engagement ou des activités syndicales. Par ailleurs, il ne ressort pas clairement de la formulation de plainte que le caractère arbitraire du licenciement visait tout particulièrement M. Awity ou s’il concernait également les 11 autres employés. Enfin, le comité note que la CSTT se réfère à un autre licenciement auquel la société NIOTO aurait procédé en date du 8 octobre 2002; le comité observe qu’il n’est pas précisé si ce licenciement a affecté aussi des membres ou dirigeants d’un syndicat. Tout en prenant note de l’allégation selon laquelle le licenciement de M. Awity fait suite à une série d’intimidations et de pressions dans le cadre de ses activités syndicales – sans plus de précision –, le comité ne peut que constater que, à ce stade du moins, il n’est pas clairement établi que le licenciement de M. Awity implique, ne serait-ce qu’en partie, une discrimination antisyndicale. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l’action judiciaire concernant le licenciement de M. Awity. S’il apparaissait que ce licenciement eût été effectivement motivé par une discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour que M. Awity soit réintégré et, le cas échéant, de le tenir informé à cet égard.
- 1073. Pour ce qui est de la seconde question, le comité souhaiterait souligner ce qui suit. Pour que la liberté syndicale soit authentique, les organisations de travailleurs doivent être en mesure de défendre et de promouvoir les intérêts de leurs membres, et elles doivent bénéficier de toutes les facilités nécessaires pour exercer convenablement leurs fonctions. Si tel n’était pas le cas, il serait porté atteinte au droit des travailleurs de s’affilier librement à l’organisation de leur choix et au droit des organisations de travailleurs d’exercer librement leurs activités.
- 1074. Pour ce qui est de l’élection des délégués du personnel en cause dans le cas présent, le comité constate qu’elle concerne les élections de représentants des travailleurs au sein de l’entreprise et ne sont donc pas internes aux organisations de travailleurs. Par ailleurs, d’après les indications fournies par le gouvernement, ce sont les organisations représentatives qui doivent établir des listes de candidats sur la base desquelles les délégués du personnel sont élus. Enfin, le comité constate qu’il y a un désaccord entre l’inspecteur du travail et la société NIOTO sur l’obligation pour l’employeur d’informer les syndicats en tant que tels de la tenue des élections. Le comité constate aussi que, tout en reconnaissant que la procédure qu’il préconise ne trouve son fondement dans aucune disposition législative ou réglementaire précise, l’inspecteur du travail se dit convaincu (sic) que les syndicats n’ont pas été dûment informés de la tenue des élections et que la procédure utilisée par la société NIOTO (dans le passé et pour l’élection en cause) est entachée de défaillances. Le comité a également pris note de la mise en garde de l’inspecteur du travail à l’encontre de la société NIOTO et constate que l’allégation de la CSTT selon laquelle la société NIOTO n’a pas, jusqu’à ce jour, organisé des élections n’est pas réfutée par le gouvernement. Tout en notant la position de ce dernier sur l’absence de toute obligation pour l’employeur de saisir nommément les syndicats en vue de la désignation de leurs candidats, le comité remarque que la désignation des candidats aux élections des délégués du personnel rentre dans l’exercice normal de ses fonctions par une organisation représentative de travailleurs. Aussi, et sans se prononcer sur l’interprétation ou l’application de l’arrêté no 321-54 du 2 avril 1954, le comité demande au gouvernement d’examiner la question et de faire en sorte que les élections soient effectivement organisées et que les organisations de travailleurs intéressées soient en mesure d’exercer librement leurs attributions et notamment de désigner leurs candidats aux élections des délégués du personnel. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 1075. Enfin, pour ce qui est de l’autorisation d’absence de M. Abotsi-Adjossou, le comité rappelle que, si les responsables syndicaux peuvent être tenus d’obtenir la permission de leur employeur avant de prendre congé pour exercer leurs activités syndicales, cette permission ne devrait pas leur être refusée de manière déraisonnable. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement d’examiner cet aspect de la plainte et de le tenir informé des raisons liées à la nécessité de service invoquée par la société NIOTO au soutien de son refus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1076. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Sur le licenciement de M. Awity par la société NIOTO:
- i) constatant qu’il n’est pas clairement établi que ce licenciement implique une discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l’action judiciaire concernant le licenciement de M. Awity;
- ii) s’il apparaissait que ce licenciement a été effectivement motivé par une discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour que M. Awity soit réintégré et de le tenir informé des mesures qui auraient été prises le cas échéant.
- b) Sur les élections des délégués du personnel: notant que la désignation des candidats aux élections des délégués du personnel rentre dans l’exercice normal des fonctions d’une organisation représentative de travailleurs, le comité demande au gouvernement de faire en sorte que les élections soient effectivement organisées et que les organisations de travailleurs intéressées soient en mesure de désigner leurs candidats aux élections en question.
- c) Sur le refus d’autorisation d’absence: le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur les raisons précises de la société NIOTO pour refuser d’autoriser l’absence de M. Abotsi-Adjossou aux fins de participer à une formation syndicale.