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- à négocier, dont une grève du zèle pacifique
- à laquelle ont participé 14 syndicats. Elles dénoncent également le dépôt d’une plainte
- par un tiers non partie prenante à la négociation collective et une intervention judiciaire restreignant le droit de grève des syndicats
- 1113 La plainte figure dans une communication en date du 27 septembre 2006. La Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir (FITTHC) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) se sont associées à la plainte dans des communications datées respectivement du 30 octobre et du 6 décembre 2006.
- 1114 Le gouvernement a formulé ses observations dans des communications datées respectivement du 8 février et du 14 mai 2007.
- 1115 Sri Lanka a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 1116. Dans la communication du 27 septembre 2006, les organisations plaignantes allèguent que, en mars 2006, un conflit sur la question des augmentations salariales a opposé l’Autorité portuaire de Sri Lanka (SLPA) – une entreprise publique responsable du développement, de l’entretien et du fonctionnement des ports sri-lankais, dont ceux de Colombo, de Galle et de Trincomalee – à plusieurs syndicats représentant les travailleurs de la SLPA. Les plaignants affirment avoir tenté par tous les moyens possibles de régler ce conflit par la négociation, et avoir écrit tant à la direction de la SLPA qu’au ministre responsable des ports pour demander satisfaction de leurs exigences ou une occasion de discuter de la question. Malgré ces appels réitérés, la SLPA et le ministre ont refusé d’entamer des négociations sur la question soulevée.
- 1117. Par la suite, le 13 juillet 2006, les plaignants ont commencé une «grève du zèle» au cours de laquelle les travailleurs ont observé à la lettre les obligations normales énoncées dans leurs contrats de services et ont refusé tout travail supplémentaire ou «facultatif». Les plaignants soutiennent que cette initiative était entièrement pacifique, aucune atteinte à l’ordre public n’ayant été signalée pendant la grève, et qu’un total de 14 syndicats y ont participé.
- 1118. Le 19 juillet 2006, en pleine action syndicale, le ministre des Ports a tenu une conférence de presse, au cours de laquelle il a déclaré que le gouvernement ne négocierait pas avec les syndicats au sujet des revendications à l’origine de la grève. Le refus du gouvernement de négocier a obligé les grévistes à poursuivre leur action. Le soir du 19 juillet 2006, toutefois, le ministre s’est entretenu avec les travailleurs portuaires; il a alors consenti à accéder à certaines de leurs revendications et à charger un comité de se pencher sur les autres points, en s’engageant à y trouver une solution définitive dans les trois mois. Sur la foi des promesses du ministre, les syndicats ont décidé de suspendre leur action le 20 juillet 2006. Des négociations ont suivi, au cours desquelles un certain nombre de points ont été débattus. Selon les plaignants, c’est au beau milieu de ces négociations et faits nouveaux encourageants que le Joint Apparel Association Forum (JAAF), une association d’employeurs du secteur de l’habillement, a entamé une procédure judiciaire devant la Cour suprême.
- 1119. Le 21 juillet 2006, le JAAF a déposé une requête devant la Cour suprême de Sri Lanka sous prétexte que, par suite de la «grève du zèle» entamée par les syndicats portuaires, ses activités commerciales normales d’importation et d’exportation en avaient souffert et que les syndicats avaient violé son droit fondamental à l’égalité et à l’exercice d’une activité légale. Le JAAF a donc réclamé l’interdiction de l’action syndicale entreprise et l’obtention d’une ordonnance de réquisition pour obliger les travailleurs à revenir à leurs heures normales de travail.
- 1120. Selon les plaignants, le JAAF est une organisation œuvrant essentiellement pour la protection et l’avancement des intérêts des fabricants de vêtements, de tissus et d’accessoires et des acheteurs de vêtements de Sri Lanka. En font partie un grand nombre d’entreprises des catégories précitées, en activité essentiellement dans les zones franches d’exportation (ZFE), zones économiques spéciales et enclaves fiscales de Sri Lanka.
- 1121. Le 21 juillet 2006, la Cour suprême a émis une ordonnance provisoire selon laquelle, au vu de l’illégalité apparente de l’action syndicale entreprise et des pertes importantes et continues subies par le pays dans son ensemble, elle accédait à la requête du JAAF et consentait à ce dernier un redressement provisoire en interdisant toute action syndicale dans les ports jusqu’au 25 juillet 2006. En outre, la Cour a ordonné à l’inspecteur général de police de déployer des agents en nombres suffisants et, au besoin, d’obtenir l’aide des forces armées pour faire appliquer l’ordonnance provisoire. Le 25 juillet 2006, la Cour suprême a émis une ordonnance prolongeant jusqu’au 25 novembre 2006 l’interdiction de toute action syndicale.
- 1122. Les plaignants affirment que, du fait de l’ordonnance émise par la Cour suprême, les membres des syndicats portuaires ont été contraints par la force de cesser toute action syndicale et d’offrir leurs services à la SLPA, à des conditions qu’ils n’ont pas choisies, pour assurer la stabilité économique du JAAF.
- 1123. Selon les plaignants, l’interprétation donnée par la Cour suprême de l’action des syndicats – qu’elle a qualifiée de «grève perlée» – est trompeuse, fausse et arbitraire. Aucune preuve n’a été présentée par le JAAF ni invoquée par la Cour démontrant que les membres des 14 syndicats portuaires n’avaient pas respecté la norme de travail stipulée dans le contrat de services qu’ils ont conclu avec leur employeur; si une telle preuve avait été fournie, allèguent les plaignants, des mesures disciplinaires auraient pu être prises contre les travailleurs visés, pour violation des conditions du contrat. Toutefois, pas un seul travailleur n’a été accusé de non-respect de la norme de travail spécifiée au contrat, ce qui démontre la légitimité de la conduite des travailleurs dans l’exercice de leurs droits. Les plaignants ajoutent que l’action entreprise par les syndicats portuaires, qu’elle soit qualifiée de «grève perlée» ou de «grève du zèle», est acceptable en vertu des principes de la liberté syndicale définis par l’OIT. Elle est également légale et protégée en vertu de la législation nationale – l’ordonnance sur les syndicats en particulier.
- 1124. Selon les plaignants, le JAAF est un tiers parti qui utilise les ports de la SLPA pour importer et exporter des vêtements et des matières premières. A ce titre, il n’a pas voix au chapitre dans le conflit de travail opposant les 14 syndicats portuaires à la SLPA, ledit conflit relevant strictement de la relation contractuelle entre ces deux dernières parties. Les plaignants allèguent que la requête du JAAF visant à contraindre les 14 syndicats portuaires au retour à la pleine productivité porte atteinte, en fait, au droit des travailleurs de décider librement et sans contrainte de leurs propres conditions d’emploi. En outre, la requête du JAAF s’appuie sur un droit fondamental supposé à l’égalité et à l’exercice d’une activité légale qui n’est pas reconnu dans la Constitution.
- 1125. En ce qui a trait à l’ordonnance provisoire émise par la Cour suprême, les plaignants déclarent que, pour pouvoir invoquer une violation des droits fondamentaux, l’action incriminée doit être exécutive ou administrative, comme il est énoncé à l’article 126 de la Constitution. L’action incriminée, toutefois, est purement syndicale, telle qu’elle est reconnue à l’article 2 et protégée aux articles 26 et 27 de l’ordonnance sur les syndicats. Selon les plaignants, la Cour a fait une erreur de jugement en qualifiant l’action des syndicats d’exécutive ou d’administrative et, en outre, a établi un précédent déterminant qui limitera l’exercice du droit de grève en permettant à une requête déposée par un tiers pour violation de droits fondamentaux, comme celle présentée par le JAAF, d’aboutir à l’interdiction d’une action syndicale légitime, restreignant ainsi la capacité des syndicats de forcer les employeurs à s’engager dans des négociations collectives. En outre, par suite de l’ordonnance provisoire, les militants syndicaux craindront d’entreprendre à l’avenir une action syndicale. A la lumière de ce qui précède, l’ordonnance de la Cour suprême devrait être déclarée invalide et non conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98 de l’OIT.
- 1126. Par ailleurs, les plaignants allèguent que, en réponse à l’action syndicale majeure entreprise dans les ports, le gouvernement a modifié, le 3 août 2006, le décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers) en y incorporant une liste de services jugés essentiels. Un nombre important de services figurent sur la liste alors qu’ils ne sont pas essentiels au sens strict du terme, tel qu’il est défini par l’OIT: services fournis par la Banque centrale; services liés à l’approvisionnement en carburants, produits pétroliers et gaz; les services postaux et des télécommunications; services liés à l’exportation de marchandises, de vêtements et autres produits; services de transport public et ferroviaire. Sont également énumérés tous les services requis des agents ou fonctionnaires de tous les ministères, organismes gouvernementaux et sociétés publiques – la SLPA en est une. Dans sa version modifiée, selon les plaignants, le règlement restreint gravement le droit des syndicats de faire grève ou d’entreprendre une autre action syndicale.
- 1127. Plusieurs annexes sont jointes par les plaignants, dont les documents suivants: une liste des syndicats qui ont participé à l’action syndicale; une copie de la requête déposée le 21 juillet 2006 par le JAAF devant la Cour suprême; une copie de l’ordonnance provisoire émise le 25 juillet 2006 par la Cour suprême; et une copie de la modification apportée le 3 août 2006 au décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers). Ce dernier document est reproduit dans la présente à l’annexe 1.
- B. Réponse du gouvernement
- 1128. Dans sa communication du 8 février 2007, le gouvernement indique que le conflit de travail opposant les syndicats portuaires à la SLPA a commencé en mars 2006. Des négociations ont eu lieu pour tenter d’éviter la grève, mais ont échoué dès le départ. Entretemps, les syndicats ne se sont pas prévalu du mécanisme de règlement prévu aux termes de la loi sur les conflits de travail ni n’ont présenté leurs revendications au commissaire général du travail.
- 1129. En ce qui a trait à la légitimité de l’action syndicale, le gouvernement indique que le droit de grève est reconnu dans la législation du travail à Sri Lanka, particulièrement dans la loi sur les conflits de travail (IDA) et l’ordonnance sur les syndicats, mais moyennant certaines restrictions qui sont énoncées dans les articles pertinents de l’IDA et du chapitre 40 de l’ordonnance sur la sécurité publique. L’article 32 de l’IDA prévoit un délai de préavis avant le lancement d’un ordre de grève dans un service essentiel, tandis que l’article 40 restreint le droit de grève lorsqu’une telle action est en violation d’une convention collective, d’une sentence arbitrale ou d’une décision judiciaire. En outre, de nouveaux règlements concernant les services essentiels ont été émis, en vertu de l’ordonnance sur la sécurité publique, le 3 août 2006 – trois semaines après le début de l’action des syndicats portuaires.
- 1130. Le gouvernement se réfère à la décision d’un tribunal de district rendue le 19 juillet 2006 concernant le cas no 7662, dans lequel la SLPA a demandé au tribunal une injonction interdisant des actes d’intimidation présumés perpétrés par le syndicat à l’endroit des travailleurs ne participant pas à la «grève perlée» qui avait débuté le 13 juillet 2006, ainsi qu’une injonction interdisant aux syndicats de poursuivre cette «grève perlée» (une copie du cas est jointe à la réponse du gouvernement). Selon le gouvernement, les deux injonctions ont été accordées pour une semaine dans l’attente de l’audience sur le fond.
- 1131. Pour ce qui concerne les injonctions accordées par le tribunal de district, le gouvernement soutient que de telles restrictions ou interdictions temporaires applicables au droit de grève, lorsque l’action syndicale pourrait causer un préjudice grave à la nation tout entière, sont recevables en vertu des principes de la liberté syndicale définis par l’OIT.
- 1132. Le gouvernement ajoute que, par suite des mesures d’injonction prises par le tribunal de district, le ministre responsable des Ports et de l’Aviation s’est entretenu avec les syndicats impliqués dans la grève perlée et a réglé le conflit de travail. La SLPA a alors retiré la cause portée devant le tribunal de district, dispensant ainsi les syndicats des restrictions imposées à leur action par le tribunal de district.
- 1133. Sur la question de la requête en violation des droits fondamentaux présentée le 21 juillet 2006 par le JAAF à la Cour suprême, le gouvernement indique que la SLPA et le ministre des Ports étaient eux-mêmes nommés comme défendeurs en l’espèce. Le JAAF a fait valoir notamment que le secteur de l’habillement exporte par jour pour environ 1 milliard de roupies de produits manufacturés et importe pour environ 500 millions de roupies de matières premières, via le port de Colombo principalement. L’action des syndicats a fait chuter de 60 pour cent le volume des activités dans le port de Colombo; le secteur de l’habillement s’en est gravement ressenti et les membres du JAAF ont subi de lourdes pertes. Le JAAF a ajouté que les syndiqués avaient également recours à des menaces et autres actes d’intimidation, empêchant ainsi les employés de la SLPA de s’acquitter de leurs fonctions normales, et que la situation dans le port de Colombo avait déclenché une crise d’envergure nationale affectant l’économie de l’ensemble du pays. Le gouvernement indique que, le 21 juillet 2006, le tribunal a émis une injonction interdisant ces actions et a autorisé le JAAF à donner suite à sa requête; les audiences requises à cet effet ont été fixées au 19 mars 2007. Le gouvernement soutient que, l’affaire étant en cours, il ne convient pas d’en commenter le fond. En outre, comme les plaignants n’ont pas encore épuisé tous les recours internes possibles, la Cour suprême, plutôt que l’OIT, demeure l’instance la plus qualifiée pour soulever les questions liées à la présente plainte.
- 1134. Selon le gouvernement, nonobstant les arguments des plaignants, l’illégalité de la grève perlée est bien établie par la jurisprudence sri-lankaise, comme en font foi de nombreuses affaires judiciaires.
- 1135. Le gouvernement indique que, tout en se conformant aux recommandations des organes de contrôle de l’OIT, il ne saurait s’ingérer dans des affaires en instance devant les tribunaux. Une telle ingérence, en tout premier lieu, serait prématurée, comme la Cour suprême ne s’est pas encore prononcée définitivement sur les questions soulevées dans la requête du JAAF et énoncées dans la présente plainte; elle constituerait, en outre, une violation des droits fondamentaux des parties en présence qui compromettrait l’ensemble de l’appareil judiciaire. Il serait donc contre-indiqué que l’OIT ou tout autre organe international porte un jugement sur une décision de la Cour suprême de Sri Lanka, particulièrement si cette décision n’a pas encore été rendue.
- 1136. Au sujet de l’ordonnance sur les services essentiels promulguée récemment en vertu de l’ordonnance sur la sécurité publique, le gouvernement indique que l’ordonnance sur les services essentiels du 3 août 2006 évoquée par les plaignants comporte effectivement une liste de services élargie mais, après sa publication, le président a clairement laissé entendre que les syndicats ne seraient pas visés par ledit règlement. En outre, l’ordonnance a fait l’objet d’un débat au Conseil consultatif national du travail et, au vu des préoccupations exprimées par les syndicats, le président a annulé la liste de services, par un décret publié au Journal officiel no 1456/28 du 4 août 2006. [Bien qu’elle soit désignée comme étant le document A5 et faisant partie de la réponse, cette notification n’est pas jointe à la communication du gouvernement.] Le comité a néanmoins obtenu copie de la notification au Journal officiel no 1456/28. Il s’agit d’une proclamation présidentielle selon laquelle, à cause d’un danger public exceptionnel à Sri Lanka, les dispositions de la partie II de l’ordonnance sur la sécurité publique doivent prendre effet dans tout le pays le 4 août 2006. La notification est reproduite dans le présent document à l’annexe 2.
- 1137. A sa communication du 14 mai 2007, le gouvernement joint une communication du 7 mars 2007 dans laquelle la SLPA indique que, dès le début de l’action syndicale lancée le 13 juillet 2006, deux réunions ont eu lieu entre les autorités portuaires et les représentants des syndicats participant à l’action – soit le 14 juillet et le 20 juillet 2006, respectivement. Dans sa communication, la SLPA précise également que la dernière réunion, à laquelle a participé le ministre des Ports, a donné lieu à plusieurs décisions visant respectivement à saisir la National Salaries and Cadre Commission des propositions salariales des syndicats et obtenir ses recommandations dans les trois mois, à verser des indemnités aux employés de la SLPA en attendant les recommandations de cette commission, et à tenir tous les trois mois une réunion avec la SLPA, le ministre des Ports et les syndicats pour faire le point sur les progrès accomplis.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1138. Le comité note que le présent cas concerne les allégations suivantes: une injonction judiciaire interdisant une grève perlée présumée entreprise par plusieurs syndicats dans les ports administrés par la SLPA, et la modification du décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers) visant à y incorporer une liste élargie des services considérés comme essentiels.
- 1139. Le comité note tout d’abord que, selon le gouvernement, il serait déplacé de sa part de porter un jugement sur ces questions, alors qu’elles font l’objet d’une action en justice devant la Cour suprême. A cet égard, le comité rappelle que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu’en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n’est pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales de recours. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 30 de l’annexe 1.] Le comité, tout en gardant à l’esprit le fait que certaines questions soulevées dans la plainte sont en instance devant les tribunaux, dans le respect de l’indépendance judiciaire et des procédures en cours, poursuit donc son examen du cas.
- 1140. Le comité note les allégations des plaignants selon lesquelles, par suite d’un conflit avec la SLPA concernant des augmentations salariales, 14 syndicats ont entamé une grève du zèle le 13 juillet 2006. Des entretiens entre les syndicats et le ministre des Ports ont eu lieu le 19 juillet 2006, à l’issue desquels le ministre s’est engagé à accéder à certaines des revendications des syndicats et à charger un comité de se pencher sur les autres; les syndicats ont alors décidé de suspendre leur action à compter du 20 juillet 2006. Le 21 juillet 2006, toutefois, le JAAF – une association d’employeurs qui n’est pas partie au conflit – a déposé une requête devant la Cour suprême de Sri Lanka pour l’obtention d’une injonction interdisant l’action entreprise par les syndicats sous prétexte que, du fait de cette action, ses activités commerciales normales d’importation et d’exportation en avaient gravement souffert, ce qui violait son droit fondamental à l’égalité et à l’exercice d’une activité légale. Pour sa part, le gouvernement déclare que la SLPA a sollicité une injonction contre l’action des syndicats et qu’elle s’est vu accorder une injonction d’une semaine par le tribunal de district de Colombo, le 19 juillet 2006. La SLPA a alors retiré la cause portée devant le tribunal de district, mais a ensuite été désignée – avec les syndicats et le ministre des Ports – comme défendeur dans une requête déposée devant la Cour suprême par le JAAF le 21 juillet 2006. Le gouvernement ajoute que, dans sa requête, le JAAF a invoqué les lourdes pertes financières subies par ses membres du fait de la baisse des activités résultant de l’action des syndicats. Le 21 juillet 2006, la Cour suprême, au vu de «l’illégalité apparente» de l’action des syndicats et du préjudice grave causé à la nation tout entière, a émis une injonction contre l’action syndicale et autorisé le JAAF à donner suite à sa requête en violation des droits fondamentaux; ladite action devait faire l’objet d’audiences en mars 2007.
- 1141. Le comité note que, en accordant l’injonction contre la grève perlée, la Cour suprême a invoqué, entre autres faits ayant influé sur sa décision, le préjudice grave causé à la nation tout entière. Notant en outre que, selon le gouvernement, les restrictions temporaires applicables au droit de grève sont recevables lorsque l’action syndicale peut causer un préjudice grave à la nation tout entière, le comité rappelle que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576.] Pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 581.]
- 1142. Le comité rappelle que les ports ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil, paragr. 587.] Le comité rappelle que ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. Finalement, le comité rappelle que le principe relatif à l’interdiction des grèves dans les «services essentiels» risquerait de perdre tout son sens s’il s’agissait de déclarer illégale une grève dans une ou plusieurs entreprises qui ne fournissent pas un «service essentiel» au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit, paragr. 582 et 583.] Il fait observer, toutefois, que la grève a duré six jours avant l’émission de l’injonction du tribunal de district et que – mis à part l’argument invoqué par le JAAF concernant la perte économique qui en a résulté – aucune preuve n’a été avancée pour démontrer la présence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité ou la santé dans tout ou partie de la population. En outre, le comité constate, avec inquiétude, que l’injonction aurait apparemment une période de validité prolongée jusqu’à l’audience finale par la Cour suprême, prévue d’abord pour octobre 2006, puis reportée à mars 2007. Dans ces circonstances, le comité tend à considérer que la restriction imposée à l’action des travailleurs portuaires par l’injonction émise par la Cour suprême est contraire aux principes énoncés ci-dessus.
- 1143. Pour ce qui concerne l’illégalité présumée de la grève perlée, le comité rappelle que, qu’il s’agisse d’une grève du zèle ou d’une grève perlée, il a toujours reconnu le droit de grève des travailleurs comme moyen légitime de défendre leurs intérêts économiques et sociaux et que ce principe vaut pour diverses formes d’action syndicale (paralysies intempestives, grèves perlées, grèves des bras croisés, grèves du zèle, occupation de l’entreprise ou du lieu de travail, grèves sur le tas); des restrictions imposées à ces diverses formes d’action ne se justifieraient que si la grève perdait son caractère pacifique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545.] Notant qu’une audience sur la requête du JAAF a été prévue pour mars 2007, le comité demande au gouvernement d’indiquer si une décision finale sur la question de la prétendue grève perlée a été rendue et, dans l’affirmative, de lui faire parvenir copie du jugement de la Cour suprême. Dans l’éventualité où l’affaire serait toujours en instance devant la Cour suprême, le comité demande au gouvernement de faire le nécessaire pour accélérer l’instance et pour que les conclusions du comité, particulièrement celles qui concernent l’exercice du droit de grève, soient soumises à l’examen de la Cour suprême.
- 1144. Concernant l’ordonnance sur les services essentiels, le comité note que la liste figurant dans le décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers), tel qu’il a été modifié le 3 août 2006, énumère un certain nombre de services qui ne sont pas considérés comme essentiels au sens strict du terme, soit: services dans le secteur pétrolier; le service postal; la Banque centrale; les services d’exportation; le transport public et ferroviaire; les sociétés publiques; les plantations de thé, de café et de cocotiers; et les services de diffusion. En ce qui a trait aux travailleurs employés dans les sociétés publiques, le comité rappelle que les «employés publics» des entreprises commerciales ou industrielles de l’Etat devraient pouvoir négocier des conventions collectives, bénéficier d’une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, et même jouir du droit de grève dans la mesure où l’interruption des services qu’ils fournissent ne met pas en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op cit., paragr. 577.] Bien que le gouvernement indique que la liste des services a été abrogée le 4 août 2006, le comité constate que la notification au Journal officiel no 1456/28 (annexe 2) ne semble pas en tenir compte puisque, selon toute apparence, elle indique seulement que les dispositions de la partie II de l’ordonnance sur la sécurité publique prendront effet le 4 août 2006. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs et en tenant compte des circonstances particulières du pays, pour réviser et amender la liste de services essentiels prévue au décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers), tel qu’il a été modifié le 3 août 2006 pour le mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Si le décret a déjà été abrogé, le comité demande au gouvernement de fournir copie du décret ordonnant son abrogation.
- 1145. Finalement, le comité rappelle au gouvernement qu’il peut bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1146. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement d’indiquer si une décision finale sur la question de la prétendue grève perlée a été rendue et, dans l’affirmative, de lui faire parvenir copie du jugement de la Cour suprême. Dans l’éventualité où l’affaire serait toujours en instance devant la Cour suprême, le comité demande au gouvernement de faire le nécessaire pour accélérer l’instance et pour que les conclusions du comité, particulièrement celles qui concernent l’exercice du droit de grève, soient soumises à l’examen de la Cour suprême.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs et en tenant compte des circonstances particulières du pays, pour réviser et amender la liste de services essentiels prévue au décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers), tel qu’il a été modifié le 3 août 2006 pour le mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Si le décret a déjà été abrogé, le comité demande au gouvernement de fournir copie du décret ordonnant son abrogation.
- c) Le comité demande rappelle au gouvernement qu’il peut bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
Annexe 1
Annexe 1- Le Journal officiel de la République socialiste démocratique de Sri Lanka – Extraordinaire (no 1456/27)
- (Jeudi 3 août 2006)
- Partie I – Section (1) – Généralités
- Notifications du gouvernement
- L’ordonnance sur la sécurité publique (chapitre 40)
- RÈGLEMENTS établis par le Président en vertu de l’article 5 de l’ordonnance sur la sécurité publique (chapitre 40).
- Le Président,
- Mahinda RAJAPAKSA,
- Colombo, 3 août 2006.
- Règlements
- Le décret d’exception no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers) publié au Journal officiel extraordinaire no 1405/14 du 13 août 2005 et réputé être en vigueur en vertu de l’article 2A de l’ordonnance sur la sécurité publique, avec ses modifications successives, est ainsi modifié:
- 1) par la modification du règlement 2 de ce décret par l’insertion immédiatement après la définition de l’expression «décret d’urgence» de la définition suivante:
- «‘service essentiel’ s’entend de tout service qui est d’utilité publique ou essentiel à la sécurité nationale ou pour la préservation de l’ordre public ou de la vie de la collectivité et désigne tout ministère du gouvernement ou service ministériel mentionné dans la présente et doit également inclure tout service susceptible d’être à tout moment après cette date déclaré comme tel aux termes du règlement 40 des présents règlements»;
- 2) par l’insertion immédiatement après le règlement 39 des présents règlements du nouveau règlement suivant:
- 40. 1) Lorsqu’un service est déclaré, par décret présidentiel pris en vertu du règlement 2, être un service essentiel, toute personne qui, le ou après le 13 août 2005, a été engagée ou employée à tout travail en relation avec ce service,
- …
- b) omet ou refuse à l’expiration d’un délai d’un jour à compter de la date d’un tel décret, d’accomplir le travail que son employeur ou une personne agissant sous l’autorité de son employeur peut de temps à autre lui demander de faire au moment ou dans le délai qui peut être spécifié par un tel employeur ou une telle personne pour l’exécution d’un tel travail (qu’un tel moment ou délai se situe au cours ou en dehors des heures normales de travail ou pendant les jours fériés), qu’elle ait omis ou refusé de s’exécuter aux fins d’une grève ou autre action organisée, elle sera
- i) réputée avoir immédiatement mis fin à son emploi ou l’avoir quitté, nonobstant toute disposition à l’effet contraire contenue dans toute autre loi ou dans les conditions de tout contrat de travail;
- ii) en outre, déclarée coupable d’une infraction.
- …
- 4) Lorsque le Président juge que les membres de toute organisation se rendent coupables ou complices de tout acte mentionné au paragraphe 3 du présent règlement, il peut, par décret publié dans le Journal officiel, déclarer une telle organisation proscrite;
- …
- 3) par l’ajout immédiat à la fin des présents règlements de la liste suivante:
- «Liste
- a) les services fournis par la Banque centrale ou toute autre institution bancaire tels que définis au paragraphe 1 de l’article 127 de la loi monétaire (chapitre 422), ou par la State Mortgage and Investment Bank, établie en vertu de la State Mortgage and Investment Bank Law, no 13 de 1975;
- b) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement à l’entretien des hôpitaux, dispensaires ou autres établissements relevant du ministère de la Santé et de la Condition féminine, et à la réception, à l’alimentation, aux soins infirmiers et au traitement des patients qui s’y trouvent;
- c) tous les services liés à l’approvisionnement en carburants, y compris les produits pétroliers et le gaz, et à leur distribution;
- d) tous les services liés à l’approvisionnement en électricité;
- e) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement à l’entretien des services postaux et des télécommunications, y compris les services de télécommunications outre-mer;
- f) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis par des agents ou des fonctionnaires de tous les ministères, services gouvernementaux et sociétés publiques;
- g) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement à l’entretien des routes, chemins de fer et autres services de transport public;
- h) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement à l’entretien et à la gestion des plantations de thé, de caoutchouc et de cocotiers ou à la production et à la fabrication de thé, de caoutchouc et de noix de coco;
- i) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement à l’exportation de marchandises, de vêtements et d’autres produits;
- j) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement au maintien de tous les services de diffusion et de télévision;
- k) tous les services ou travaux de toutes sortes nécessaires ou requis relativement à la vente, à la fourniture ou à la distribution de tout aliment ou médicament ou de tout autre article requis par un membre du public.»
- Annexe 2
- Le Journal officiel de la République socialiste démocratique de Sri Lanka – Extraordinaire (no 1456/28)
- (Vendredi 4 août 2006)
- Partie I – Section (1) – Généralités
- Proclamations &c., par le Président
- Proclamation par Son Excellence le Président
- ATTENDU QUE j’estime opportun, par suite d’un danger public exceptionnel à Sri Lanka, d’agir ainsi dans l’intérêt de la sécurité publique, la protection de l’ordre public et le maintien des approvisionnements et services essentiels à la vie de la collectivité;
- Sachez que moi, Mahinda Rajapaksa, Président, en vertu des pouvoirs qui me sont confiés par l’article 2 de l’ordonnance sur la sécurité publique (chapitre 40) modifiée par la loi no 8 de 1959, la loi no 6 de 1978 et la loi no 28 de 1988, je déclare par la présente proclamation que les dispositions de la partie II de ladite ordonnance prendront effet dans tout Sri Lanka le 4 août 2006.
- Faite à Colombo le 4 août 2006.
- Sur ordre de Son Excellence,
- Le secrétaire du Président.