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Informe definitivo - Informe núm. 348, Noviembre 2007

Caso núm. 2530 (Uruguay) - Fecha de presentación de la queja:: 28-NOV-06 - Cerrado

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  1. 1166. La plainte figure dans une communication de la Fédération uruguayenne du transport professionnel de marchandises (ITPC) de novembre 2006. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication du 9 avril 2007.
  2. 1167. L’Uruguay a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 1168. Dans sa communication de novembre 2006, la Fédération uruguayenne du transport professionnel de marchandises (ITPC) conteste la résolution du ministère de Travail et de la Sécurité sociale du 25 octobre 2006 aux termes de laquelle les transports par voie terrestre sont déclarés services essentiels. La résolution en question prévoit ce qui suit:
  2. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale décide que:
  3. 1) les activités de transport par voie terrestre réglementées par le ministère des Transports et des Travaux publics et qui sont détaillées ci-après sont des services essentiels et elles devront être accomplies conformément au préambule de la présente résolution:
  4. a) la distribution des combustibles en général;
  5. b) le transport et la distribution des aliments et des produits nécessaires à leur élaboration;
  6. c) le transport et la distribution des produits périssables;
  7. d) les opérations normales dans les ports et les aéroports commerciaux devront être garanties;
  8. e) le transport du matériel et des déchets hospitaliers;
  9. f) tout autre transport qui, de l’avis du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, implique les conséquences qui sont mentionnées dans le paragraphe VI du préambule de la présente résolution;
  10. 2) les services essentiels auxquels il a été fait référence précédemment devront être assurés sous le contrôle, la direction et la responsabilité des entreprises de transport de marchandises par voie terrestre;
  11. 3) le respect effectif des dispositions de cette résolution est recommandé aux ministères et organismes compétents;
  12. 4) la présente résolution entrera en vigueur à dater de ce jour et pour un délai allant jusqu’à trente jours;
  13. 5) il faut procéder à la communication, à la publication, etc.
  14. L’ITPC fait observer que les dispositions de cette résolution sont contraires à ce que le Comité de la liberté syndicale entend par «services essentiels».
  15. 1169. L’ITPC fait savoir que l’article 57 de la Constitution déclare que la grève est un droit syndical. Cette reconnaissance apparaît comme une conséquence de l’amplification sur le plan social des déclarations classiques relatives aux droits, aux devoirs et aux garanties individuelles. Le constituant ne crée pas un droit, mais il reconnaît son existence et le dote de garanties contre d’éventuelles limitations d’ordre législatif. Plus encore, il fait de cette reconnaissance un droit fondamental de l’individu. Même si le fait que le lock-out garanti par l’article 57 de la Constitution est remis en question, il n’en reste pas moins qu’il est expressément prévu dans l’article 3 de la loi no 13720 qui réglemente le procédé. Il n’y a aucun doute que le lock-out est un moyen de lutte à la disposition de l’employeur, même si ce n’est pas le plus utilisé, compte tenu de son coût économique élevé. Personne ne peut nier actuellement que la fermeture totale ou partielle de l’entreprise à l’initiative de l’employeur est une mesure transitoire ayant pour finalité de faire pression sur la négociation et qu’elle est licite, conformément au droit uruguayen.
  16. 1170. L’ITPC fait savoir qu’elle est une organisation du deuxième degré rassemblant 19 syndicats du premier degré qui représentent tout le secteur des entreprises du transport de marchandises en Uruguay. La personnalité juridique lui a été octroyée par le ministère de l’Education et de la Culture, le 26 septembre 2001. Cette même année, de par la loi no 17296, elle a été autorisée à se faire représenter au sein d’un organisme d’Etat chargé de contrôler la régularité, la légalité et la promotion du transport professionnel de marchandises. De par la loi, cet organe a aussi pour finalité d’aider le pouvoir exécutif. Par conséquent, l’ITPC est sans aucun doute la représentante légitime du secteur à tous les niveaux. C’est dans ce contexte qu’elle a été appelée, tant par le secteur public que par le secteur privé, à participer activement à tous les événements qui sont liés directement ou indirectement au transport des marchandises. Plus spécifiquement, l’ITPC est représentée au Conseil supérieur tripartite qui est, en Uruguay, l’organe ultime de délibération pour ce qui est des questions de travail. Par ailleurs, elle a participé, à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à l’élaboration du rapport qui est présenté ces jours-ci par le ministère des Relations extérieures à l’ONU et qui porte sur la situation en matière d’application des conventions internationales du travail en Uruguay. A cet égard, on peut affirmer que cette organisation syndicale est reconnue, notamment parce qu’elle assure la promotion de la professionnalisation des travailleurs et des chefs d’entreprise qui tentent de développer cette activité, et parce qu’elle pratique un respect absolu des normes émanant de l’Etat.
  17. 1171. L’ITPC fait savoir que, depuis sa prise de fonctions, le gouvernement a créé une importante expectative dans tous les secteurs productifs du pays en évoquant la fixation éventuelle d’un prix différentiel pour le combustible utilisé communément dans ces secteurs, à savoir le gasoil. Le coût de ce facteur de production est très élevé, au point que, comparé à son prix dans les autres pays de la région comme l’Argentine, il est 86 pour cent plus cher en Uruguay. Pendant de longs mois, au cours de longues réunions auxquelles l’ITPC a participé, la méthode d’application de ce prix différentiel a été discutée, sans que l’on parvienne cependant à concrétiser cette proposition. L’ITPC a fait savoir que, le 28 septembre 2006, par le décret no 347/2006, le gouvernement a décidé que le gasoil verrait son prix augmenter de 1,053 (un peso et 53 000e de peso) par litre afin de créer un capital fiduciaire qui permettrait de subventionner une réduction du prix du billet dans les services publics de transports collectifs de passagers. Il faut préciser que l’ITPC n’est pas opposée à la mesure qui consiste à baisser le prix du billet du transport public des passagers, mais qu’elle est bel et bien opposée à l’augmentation du prix du gasoil, qui vient ruiner les expectatives de réduction des coûts suscitées par le gouvernement lui-même. Elle estime que, bien qu’il soit souhaitable d’appliquer des mesures favorisant le développement des services publics, il faut les accompagner d’autres mesures qui encouragent et facilitent le développement des secteurs productifs du pays. Or, dans ce cas, c’est le contraire qui se produit, puisque l’application de la réduction du prix du billet prévue par le gouvernement porte directement préjudice aux secteurs productifs qui doivent supporter l’augmentation du prix du gasoil.
  18. 1172. Par ailleurs, le gouvernement a élaboré un projet de loi de réforme fiscale qui est actuellement examiné par le Parlement, mais dont l’approbation est imminente. Lorsque cette loi sera approuvée, il sera dérogé à toutes les exonérations prévues auparavant et seules seront appliquées celles qui sont prévues par la loi susmentionnée. Par conséquent, lorsque cette loi entrera en vigueur au début de l’année 2007, étant donné qu’elle ne prend pas en compte les acquis du secteur, ceux-ci seront définitivement perdus. Ces acquis ont été obtenus à diverses occasions, après des années de négociations, au cours desquelles le gouvernement avait compris que les exigences des professionnels du transport leur permettraient de se maintenir sur le marché et d’être à peu près compétitifs au niveau régional, car les coûts de maintenance de l’entreprise en Uruguay sont très élevés.
  19. 1173. L’ITPC fait savoir que, compte tenu de cette situation, et ayant pris connaissance en outre du décret no 347/2006, au motif de l’augmentation annoncée du prix du gasoil les syndicats de professionnels du transport de marchandises de tout le pays se sont réunis pour proposer au gouvernement de nouvelles mesures, afin de trouver une solution à la problématique du secteur et, au cas où aucune solution ne pourrait être trouvée par la négociation, pour faire usage du droit légitime de grève que la législation octroie aux employeurs. Les négociations avec le gouvernement ont abouti à une proposition qui ne prenait pas en compte les principales aspirations des professionnels du transport mais qui, une fois soumise à leur examen, a été acceptée, même s’ils l’ont jugée insuffisante, car elle était très en dessous des demandes présentées au gouvernement par le secteur. En conséquence, une assemblée s’est réunie et a décidé de paralyser les activités à partir du 23 octobre 2006.
  20. 1174. Il faut souligner que, depuis que le lock-out a été décidé, et bien que les services du secteur ne constituent pas des services publics, l’ITPC a pris les mesures nécessaires pour garantir les services qui assurent la santé, l’alimentation, la sécurité de la personne et d’autres services essentiels, de telle manière que la mesure décidée ne porte aucunement préjudice à la population. D’une manière permanente, et grâce aux délégués des divers syndicats, la prestation des services nécessaires a été assurée. L’ITPC est à même de prouver que, sans aucun doute, les services assurés allaient bien au-delà des services essentiels. Pendant le deuxième jour de grève, l’entité nationale ANCAP (Administration nationale des combustibles, de l’alcool et du ciment) a envoyé à l’ITPC une liste de services qu’elle lui demandait d’accomplir pendant la grève, et les syndicats ont pu constater que beaucoup de ces services étaient déjà assurés; en outre, sur réception de la demande, le reste a été également assuré.
  21. 1175. L’ITPC ajoute, à titre d’exemple, que des bateaux de pêche étant arrivés au port de Montevideo la marchandise périssable qu’ils transportaient a été débarquée. Le retrait du lait des laiteries et sa distribution pour la consommation ont été assurés depuis que la mesure a été prise, et la population et le gouvernement en ont été informés. De même, tous les services concernant les hôpitaux, ainsi que les services de distribution de nourriture pour les personnes ayant peu de ressources, etc., ont toujours été assurés. Pour garantir ces prestations, une autorisation a été délivrée à chaque véhicule des entreprises adhérant à la grève. Le gouvernement savait très bien que ces services ont été assurés pendant la grève. Toute la presse le savait aussi et l’a fait savoir.
  22. 1176. L’ITPC allègue que malgré cela, et prouvant clairement sa méconnaissance des droits des employeurs, le gouvernement a décrété le 25 octobre 2006 que les services de transport de marchandises étaient des services essentiels, violant ainsi de toute évidence les droits consacrés par la législation. La résolution qui déclare le caractère essentiel de ces services engendre une extension injustifiée des services que le gouvernement qualifie d’essentiels et ce, en contradiction avec la définition de ces services. De même, il faut souligner que le gouvernement qui, peu de temps après sa prise de fonctions, a dérogé aux décrets nos 512/966 du 19 octobre 1966 et 286/000 du 4 octobre 2000 qui admettaient l’intervention de la force publique en cas d’occupation lors de grèves a décidé, lors de la grève en question, et après avoir décrété le caractère essentiel des services de transport de marchandises le 25 octobre, de faire intervenir la force publique. La police est ainsi intervenue dans des départements de l’intérieur du pays pour disperser certaines assemblées de professionnels du transport qui se réunissaient de manière pacifique, ce qui a obligé ces professionnels à annuler la grève pour éviter des confrontations qu’ils ne souhaitaient pas.
  23. 1177. L’ITPC fait savoir que la mesure adoptée par le pouvoir exécutif n’est pas vraiment fondée. La résolution explique que cette grève entraîne le désapprovisionnement en éléments vitaux, mais il est fondamental de déterminer de quel type d’éléments il s’agit afin de conclure si cet approvisionnement est véritablement nécessaire à la vie, la sécurité ou la santé des personnes, car rien n’est dit dans le préambule à cet égard, et la liste qui figure dans l’article 1 de la résolution n’est en aucun cas celle des services essentiels tendant à garantir à la population l’approvisionnement en éléments vitaux. Eu égard à ce qui est exprimé dans le préambule de la résolution, notamment que l’ampleur de la mesure syndicale affecte sérieusement l’ordre public, le gouvernement n’a pas non plus précisé de quelle manière l’ordre public a été affecté, afin de justifier qu’à peine quarante-huit heures après le début du lock-out il s’est cru obligé de déclarer avec si peu d’à-propos que les services qui n’étaient plus assurés étaient des services essentiels. En bref, le gouvernement n’a pas justifié sa résolution et n’a pas dit clairement quels sont les éléments dont le désapprovisionnement du fait de la grève a mis en danger la vie, la santé ou la sécurité de la population.
  24. 1178. Selon l’ITPC, la diffusion de la résolution déclarant le caractère essentiel de ces services équivaut à la violation par le gouvernement de la convention no 87 sur la liberté syndicale; il a en effet violé cette liberté qui, on l’a déjà dit, est reconnue par la législation. Le Comité de la liberté syndicale établit qu’un service qui n’est pas essentiel peut le devenir lorsque la durée de la grève met éventuellement en péril la population. Cependant, dans le cas présent, on ne se trouve en aucune manière devant un phénomène qui justifie l’éventuelle limitation de l’organisation. Le conflit durait depuis à peine deux jours, ce qui ne suffit pas pour transformer un service non essentiel en un service essentiel et, par conséquent, pour justifier la limitation de la grève. Pendant toute la négociation, le transport a maintenu un service minimum. Le gouvernement innove en la matière car il confère un caractère essentiel à un service qui, pour le Comité de la liberté syndicale, ne l’est pas et qui, compte tenu de la durée du conflit, ne pouvait pas l’être devenu.
  25. 1179. Enfin, l’ITPC souligne que la situation qui a donné lieu à la plainte comporte une limitation illégitime de la part du gouvernement du libre exercice de l’activité syndicale protégé par la convention no 87 et par la loi no 13720, et que cette limitation est contraire aux principes du Comité de la liberté syndicale.
  26. B. Réponse du gouvernement
  27. 1180. Dans sa communication du 9 avril 2007, le gouvernement rappelle que la plainte fait référence à la déclaration selon laquelle certains services de transport par voie terrestre sont des services essentiels (résolution des ministères du Travail et de la Sécurité sociale, et des Transports et des Travaux publics, datée du 25 octobre 2006). A cet égard, concernant les faits mentionnés par la fédération uruguayenne du transport professionnel de marchandises, le gouvernement indique qu’il faut souligner que la plainte écrite fait référence à l’expectative créée par le gouvernement dans tous les secteurs de production concernant l’établissement d’un prix différentiel du combustible utilisé par tous ces secteurs, à savoir le gasoil. Or, par décret no 347/2006 daté du 28 septembre 2006, il a été décidé que ce combustible ferait l’objet d’une augmentation de 1,053 peso par litre, afin de créer un capital fiduciaire qui permettrait de réduire le prix du billet de transport des passagers dans tout le pays. Selon le gouvernement, ces déclarations omettent un aspect des faits qui revêt une importance fondamentale, à savoir que l’augmentation du prix du combustible mentionné a été accompagnée d’une autre mesure gouvernementale qui avait été communiquée au préalable et qui concerne la promotion d’un projet de loi visant à modifier substantiellement la part fiscale comprise dans le prix du combustible utilisé par le secteur en question. Cette modification fiscale consiste à substituer l’impôt spécifique interne par une taxe à la valeur ajoutée, ce qui permet une déduction des impôts grevant le secteur concerné bien supérieure à la déduction en vigueur et qui, dans les faits, équivaut à la réduction du prix du combustible réclamée par les transporteurs.
  28. 1181. Le gouvernement indique qu’il faut en premier lieu qualifier la nature juridique de la mesure syndicale qui fait l’objet de la controverse, car la plainte est confuse et fait allusion à divers concepts (grèves et lock-out). Dans le cas présent, il s’agit d’un lock-out; en principe, le lock-out est considéré comme une mesure licite dans le cadre d’un conflit patronal. Le lock-out peut se manifester par la fermeture de l’entreprise. Dans ce cas, il ne s’agissait pas d’un lock-out défensif (concernant les travailleurs), mais plutôt de l’omission de la prestation de services dont l’employeur est responsable, afin de protester ou réclamer face à la prise de certaines mesures par le gouvernement. Il s’agit donc d’un lock-out atypique qui n’a pas de finalité sociale (il ne se situe pas dans le cadre d’un conflit collectif de travail).
  29. 1182. Le gouvernement fait savoir qu’en Uruguay l’assimilation du lock-out au droit de grève n’est pas admissible et que, par conséquent, l’argumentation exposée dans la plainte ne l’est pas non plus. En effet, la déclaration du droit de grève est autorisée par la Constitution (depuis 1934, art. 57) et par des antécédents légaux (loi no 7514 du 5 octobre 1922). Dans le droit uruguayen, le lock-out est reconnu légalement (loi no 13720) et il n’est pas présenté comme la reconnaissance d’un droit, mais plutôt comme une référence aux mécanismes de prévention des conflits collectifs et au respect des droits fondamentaux de la communauté (préavis et maintien des services minimums d’urgence).
  30. 1183. Le gouvernement explique que, pour préciser le concept de services essentiels (qui n’est pas défini dans la loi no 13720), il faut s’en remettre aux avis du Comité de la liberté syndicale qui constituent la doctrine la plus reçue en la matière. Cependant, le gouvernement estime qu’il faut préciser trois points: a) ce concept est de toute évidence dynamique. Depuis l’idée initiale de «préjudice public» (ou de catastrophe), en passant par le concept plus précis de services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, jusqu’à la perception de l’incidence de la durée ou de l’étendue du conflit qui, au début, n’affecte pas les valeurs essentielles, mais qui, de par sa durée, pourrait effectivement les affecter. La définition dépend de la valeur que l’on accorde à l’instauration d’un équilibre délicat entre le droit de grève et d’autres droits fondamentaux. Il n’y a pas de liste contraignante. Le meilleur exemple est la dernière édition du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT, qui présente quelques différences par rapport aux éditions précédentes; b) le concept de services essentiels doit être analysé en fonction de la réalité nationale de chaque pays. Par exemple, en ce qui concerne le transport par voie terrestre, la situation n’est pas la même dans un pays qui dispose d’autres moyens de transport que dans un pays comme l’Uruguay qui ne dispose pas de services ferroviaires adéquats; et c) enfin, le gouvernement fait savoir que des recommandations du Comité de la liberté syndicale sont citées, concernant la grève dans les services essentiels, et il se demande si ces recommandations peuvent s’appliquer au lock-out. La plainte de la fédération du transport prévoit leur application intégrale. Selon le gouvernement, cela n’est pas correct et il signale que, du point de vue international, il n’y a aucun doute sur la distinction qu’il faut faire entre la grève et le lock-out (le gouvernement fait référence à la doctrine nationale et internationale à cet égard).
  31. 1184. Le gouvernement affirme que, en fonction du droit national, la grève et le lock-out peuvent en fait se situer sur le même plan juridique. La première est reconnue par la Constitution. Le second est mentionné dans la loi no 13720 de décembre 1968, en référence à la prévention des conflits et à la continuité des services essentiels (art. 65 de la Constitution). En somme, du point de vue du travail, le lock-out n’opère pas en cas de conflit avec des mesures gouvernementales. C’est-à-dire qu’il s’applique dans le cas d’autres mesures de protestation contre des mesures prises par le gouvernement, mais non pas en cas de conflit du travail (régi par les conventions internationales du travail et par les recommandations du Comité de la liberté syndicale). Pour conclure, il n’est pas admissible d’appliquer au lock-out les mêmes critères sur les services essentiels que ceux que l’OIT a élaborés s’agissant de la grève. Dans le droit uruguayen, la grève a fait l’objet d’une reconnaissance juridique et d’une tutelle particulière, qui ne sauraient être comparées à la référence législative au lock-out. Voilà qui amène à analyser, en fonction de critères restrictifs, les limitations du droit de grève (qui, selon l’article 57 de la Constitution, doit être réglementé pour que son exercice et son efficacité soient assurés). Cependant, cette réglementation ne saurait être appliquée à l’exercice du lock-out pour des raisons conceptuelles évidentes et d’herméneutique juridique. En effet, dans le cas qui fait l’objet du présent examen, il ne s’agit pas d’une grève mais d’un lock-out. En outre, la mesure ne s’inscrit pas dans un conflit collectif du travail (ce qui disqualifie d’emblée l’application des critères du Comité de la liberté syndicale).
  32. 1185. Enfin, le gouvernement signale que la résolution contestée du 25 octobre 2006 ne déclare pas que tous les services du transport par voie terrestre sont essentiels, sinon uniquement ceux qui sont liés à d’autres services essentiels et qui, dans un pays qui ne dispose pas d’autres services de transport, peuvent affecter la vie ou la santé de la population. La déclaration relative aux services essentiels n’a pas duré plus de vingt-quatre heures, et la mesure syndicale de conflit a été laissée sans effet par la Fédération uruguayenne du transport professionnel de marchandises elle-même.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1186. Le comité observe que, dans le présent cas, la Fédération uruguayenne du transport professionnel de marchandises (ITPC) conteste une résolution du ministère du Travail et de la Sécurité sociale datée du 25 octobre 2006, par laquelle certaines activités de transport par voie terrestre ont été déclarées services essentiels, et elle indique que la résolution n’est pas conforme à ce que le comité entend par services essentiels et, par conséquent, qu’elle viole la convention no 87. De même, l’ITPC allègue qu’après la publication de cette résolution les forces de police sont intervenues pour mettre un terme à des manifestations de transporteurs qui se déroulaient pourtant de manière pacifique.
  2. 1187. Le comité observe que la résolution contestée déclare qu’ont été déclarées services essentiels les activités suivantes du transport par voie terrestre réglementées par le ministère des Transports et des Travaux publics: la distribution de combustible; le chargement et la distribution des aliments et des produits nécessaires à leur élaboration; le transport et la distribution des produits périssables; garantir les activités normales dans les ports et les aéroports commerciaux; le transport des matériels et des déchets hospitaliers; et tout autre transport qui, de l’avis du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, implique les conséquences auxquelles il est fait référence dans le paragraphe 6 du préambule (un service dont l’interruption peut causer un grave préjudice public ou risquer de provoquer une catastrophe collective pour une partie ou pour l’ensemble de la société).
  3. 1188. Le comité prend note du fait que le gouvernement déclare que: 1) en premier lieu, il faut qualifier la nature juridique de la mesure syndicale qui fait l’objet de la controverse et que dans ce cas il s’agit de l’omission de la prestation de services relevant de la responsabilité de l’employeur, en vue de protester ou de réclamer face à la prise de certaines mesures par le gouvernement; 2) il s’agit d’un lock-out atypique qui ne se situe pas dans le cadre d’un conflit collectif du travail; 3) pour préciser le concept de services essentiels, la résolution fait référence aux recommandations du Comité de la liberté syndicale comme étant la doctrine la plus reçue, mais il faut tenir compte du fait que: i) le concept est évidemment dynamique, et la définition dépend de la valeur accordée à un équilibre délicat avec l’exercice d’autres droits fondamentaux (il n’y a pas de liste contraignante); ii) le concept de services essentiels doit être analysé en fonction de la réalité nationale de chaque pays car, en ce qui concerne le transport par voie terrestre, la situation n’est pas la même dans un pays qui dispose d’autres moyens de transport que dans un pays comme l’Uruguay qui ne dispose pas de services ferroviaires adéquats; iii) dans la plainte, des recommandations du Comité de la liberté syndicale sont citées sur la grève dans les services essentiels, mais il faut tenir compte du fait qu’il n’y a aucun doute sur la distinction qu’il faut faire entre la grève et le lock-out.
  4. 1189. Le comité observe que la résolution en question était valable pour trente jours et que, dans la partie dispositive VII, elle prévoyait que «le fonctionnement qu’il faut assurer est celui d’un service minimum; c’est là un régime spécial et transitoire, s’appliquant à une situation anormale et passagère».
  5. 1190. Le comité admet, à l’instar du gouvernement, qu’il y a une distinction à faire entre la grève et le lock-out, mais il constate que, dans le présent cas, il s’agit d’une «manifestation pacifique» et d’une «omission de la prestation» qui ne semblent pas englober la relation entre l’employeur et le travailleur; il s’agit plutôt d’une protestation et d’une paralysie des activités de la part de l’employeur. Dans ces conditions, le comité conclut que les employeurs, comme les travailleurs, devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves (ou à des actions) de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 529], et que cette possibilité ne devrait être limitée que pour les services essentiels ou les services publics de première importance pour lesquels on pourrait établir un service minimum.
  6. 1191. A cet égard, le comité a estimé que les transports en général, les ports de chargement et de déchargement, la production, le transport et la distribution de combustibles, les transports métropolitains, l’approvisionnement et la distribution des produits alimentaires ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 587.] Cependant, le comité considère qu’en cas de paralysie d’un service non essentiel au sens strict du terme dans un secteur de très haute importance dans le pays – comme peut l’être le transport des passagers et des marchandises – l’imposition d’un service minimum peut se justifier. Néanmoins, les organisations de travailleurs et d’employeurs intéressées doivent pouvoir participer à la détermination des services minimums qui doivent être garantis et, en cas de divergences sur ce point, la législation doit prévoir un arbitrage par un organe indépendant et non pas par l’autorité administrative.
  7. 1192. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que la résolution qui a imposé les services minimums ne fait pas référence à la participation des parties concernées, le comité demande au gouvernement d’autoriser à l’avenir, devant une situation de paralysie d’un service non essentiel mais qui justifie l’imposition d’un service minimum de fonctionnement, la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs concernées à cet exercice, et de ne pas recourir à l’imposition de la mesure par voie unilatérale. Par ailleurs, le comité demande au gouvernement qu’en cas de divergence sur un service minimum qui doit être assuré pendant la paralysie des activités cette divergence soit résolue par un organe indépendant.
  8. 1193. Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation relative à l’intervention de la force publique pour disperser des manifestations de transporteurs qui avaient lieu de manière pacifique, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué ses observations à cet égard. Le comité observe que les organisations plaignantes ne donnent pas davantage de précisions, et c’est pourquoi il se limite à appeler l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel «les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans les situations où l’ordre public serait sérieusement menacé; l’intervention de la force publique devrait rester proportionnelle à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 140.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1194. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande au gouvernement d’autoriser à l’avenir, devant une situation de paralysie d’un service non essentiel mais qui justifie l’imposition d’un service minimum de fonctionnement, la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs concernées à cet exercice, et de ne pas recourir à l’imposition de la mesure par voie unilatérale. De même, le comité demande au gouvernement qu’en cas de divergence concernant l’imposition d’un service minimum qui doit être assuré pendant la paralysie d’activités cette divergence soit résolue par un organe indépendant.
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