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- 408. La plainte figure dans une communication en date du 22 février 2007. La Confédération internationale des syndicats arabes a fourni des informations complémentaires à l’appui de la plainte, dans une communication en date du 28 octobre 2007.
- 409. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 13 août 2007.
- 410. Bahreïn n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 411. Dans sa communication du 22 février 2007, l’organisation plaignante indique que le décret législatif no 33 de 2002 concernant la loi sur les syndicats a été promulgué à la suite de négociations et de consultations menées entre des organisations syndicales et le gouvernement. L’article 21(e) de ladite loi énonce les services essentiels dans lesquels la grève est interdite, à savoir les services de sécurité, la défense civile, les aéroports, les ports, les hôpitaux, les transports, les télécommunications et les services d’approvisionnement en électricité et en eau. L’organisation plaignante déclare avoir exprimé des réserves au sujet de l’interdiction généralisée des grèves dans ces services prévue à l’article 21, qui ne fait pas de distinction entre les domaines sensibles et ceux qui ne le sont pas.
- 412. L’organisation plaignante indique que la loi no 49 de 2006 qui modifie certaines dispositions de la loi sur les syndicats a été adoptée par la suite. L’article 21(d) de la loi sur les syndicats, telle que modifiée par la loi no 49, interdit la grève dans les services essentiels lorsque celle-ci peut ébranler la sécurité nationale ou perturber le quotidien des citoyens. Ce même article prévoit que le Premier ministre publiera une décision dressant la liste des services essentiels dans lesquels la grève est interdite. L’organisation plaignante signale par ailleurs que, le 20 novembre 2006, le Premier ministre a publié la décision no 62, qui énumère les services essentiels visés par l’interdiction de grève, à savoir les services de sécurité, la défense civile, les aéroports, les ports, les hôpitaux, les centres médicaux et les pharmacies, tous les moyens de transport de personnes ou de marchandises, les télécommunications, les services d’approvisionnement en électricité et en eau, les boulangeries, les établissements éducatifs ainsi que les installations pétrolières et de gaz.
- 413. L’organisation plaignante allègue que, en laissant à l’appréciation du Premier ministre la désignation des services visés par l’interdiction de grève, la loi no 49 de 2006 réduit les droits des travailleurs. De plus, elle signale que la décision no 62 du Premier ministre fait figurer parmi les services essentiels des établissements qui ne font pas partie des services essentiels dans lesquels les grèves peuvent être interdites, tels que définis par les normes internationales du travail. Enfin, une copie de la loi no 49 de 2006 est annexée à la plainte.
- 414. Dans sa communication du 28 octobre 2007, la Confédération internationale des syndicats arabes allègue que le gouvernement restreint le droit de grève dans 17 secteurs, en violation des normes internationales du travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 415. Dans sa communication du 13 août 2007, le gouvernement fait valoir que l’OIT n’a pas adopté de norme internationale du travail réglementant le droit de grève. La seule convention faisant référence à ce droit est le Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels de 1966, dont l’article 8 établit le droit de grève, pour autant qu’il soit exercé conformément aux lois du pays concerné. Le gouvernement ajoute que ce pacte accorde également à chaque nation le droit de réglementer la manière dont le droit de grève sera exercé.
- 416. Selon le gouvernement, le Comité de la liberté syndicale du BIT a indiqué à plusieurs reprises que chaque pays avait le droit de réglementer le droit de grève et d’interdire son exercice dans les secteurs considérés comme des services essentiels, dont l’interruption perturberait le quotidien de tout ou partie de la population. Le corps législatif de Bahreïn s’est précisément fondé sur ce principe pour rédiger l’article 21 de la loi sur les syndicats, telle que modifiée par la loi no 49 de 2006. Cet article énonce une définition générale des services essentiels dans lesquels la grève est interdite, tout en accordant au Premier ministre le pouvoir de déterminer les services jugés essentiels, de manière à permettre les modifications nécessaires et à éviter les difficultés et lenteurs qui accompagnent généralement l’amendement d’une loi.
- 417. Le gouvernement indique que la définition des services essentiels utilisée dans la décision no 62 de 2006 du Premier ministre est la même que celle qui figure dans la loi sur les syndicats et ne prend pas en considération le fait que les entreprises fournissant les services concernés soient à capitaux nationaux ou étrangers. La définition des services essentiels retenue prend en compte la nécessité de faire en sorte que la population puisse accéder en permanence aux services essentiels. La décision no 62 de 2006 présente la même liste de services essentiels que l’article 21 de la loi sur les syndicats avant sa modification par la loi no 49 de 2006 – elle inclut les établissements éducatifs et les secteurs du gaz et du pétrole. S’agissant des premiers, le gouvernement considère comme déraisonnable d’autoriser les grèves dans le secteur de l’éducation, étant donné que les programmes enseignés suivent un calendrier précis et qu’il est difficile de rattraper les jours de travail supprimés à la suite de grèves. Les grèves dans les secteurs du pétrole et du gaz ne sont pas non plus possibles, car ces deux branches sont une source de revenus majeure pour le pays et, de même, elles sont interdites dans les transports, vue l’importance de ce secteur pour le fonctionnement de nombreux autres domaines de l’économie. Le gouvernement affirme que la définition de ces services essentiels prend en compte les intérêts de la population.
- 418. Le gouvernement fait savoir que, si le corps législatif interdit les grèves dans les services jugés essentiels, conformément aux normes internationales du travail, il prévoit le recours à la conciliation et à l’arbitrage en cas de conflits collectifs dans ces services. Les mécanismes établis par la législation pour résoudre de tels conflits, comme les procédures de conciliation et d’arbitrage, dissuadent souvent les travailleurs de faire grève. Enfin, le gouvernement indique que la liste des services essentiels figurant dans la décision no 62 de 2006 n’est pas définitive et pourrait être modifiée si l’évolution des circonstances le permet.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 419. Le comité note que le cas présent porte sur la législation et une décision ministérielle définissant les services essentiels dans lesquels la grève est interdite. Prenant note de la déclaration du gouvernement, selon laquelle il n’existerait pas de norme internationale du travail relative à l’exercice du droit de grève, le comité souhaite en premier lieu préciser qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. De plus, le droit de grève est un corollaire indissociable du droit syndical protégé par la convention no 87. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 521 et 523.]
- 420. Le comité note que l’article 21 de la loi sur les syndicats promulguée par le décret législatif no 33 de 2002, telle que modifiée par la loi no 49 de 2006, interdit la grève dans les services essentiels – définis comme les services dont l’interruption peut ébranler la sécurité nationale ou perturber le quotidien des citoyens – et prévoit que le Premier ministre publie une décision déterminant les services essentiels dans lesquels la grève est interdite. Le comité note par ailleurs que, d’après les informations en sa possession, la décision no 62 de 2006 du Premier ministre considère comme essentiels et donc visés par l’interdiction de grève les services suivants: les services de sécurité, la défense civile, les aéroports, les ports, les hôpitaux, les centres médicaux et les pharmacies, tous les moyens de transport de personnes ou de marchandises, les télécommunications, les services d’approvisionnement en électricité et en eau, les boulangeries, les établissements éducatifs ainsi que les secteurs du pétrole et du gaz.
- 421. S’agissant des services essentiels, le comité rappelle tout d’abord que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576.] De plus, pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 581.] Dans ces conditions, le comité, tout en prenant note de la remarque du gouvernement indiquant que la définition des services essentiels prévue par la législation de Bahreïn se fonde sur les intérêts de la population, estime toutefois que la définition figurant à l’article 21 est plus large que la définition des services essentiels au sens strict du terme. De plus, lorsque le droit de grève est restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate de manière à compenser les restrictions à leur liberté d’action lors de différends dans lesdites entreprises ou lesdits services. En ce qui concerne la nature des «garanties appropriées» en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 595 et 596.] Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 21 de la loi sur les syndicats, de façon à limiter la définition des services essentiels aux services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et faire en sorte que des garanties compensatoires suffisantes soient accordées aux travailleurs des services dans lesquels le droit de grève est restreint ou interdit. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- 422. En ce qui concerne la liste des services essentiels figurant dans la décision no 62 de 2006, le comité rappelle que la police et les forces armées, les services pénitentiaires publics ou privés, le contrôle du trafic aérien, le secteur hospitalier, les services téléphoniques, ainsi que les services d’électricité et les services d’approvisionnement en eau ne peuvent être considérés comme des services essentiels. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 585.] Le comité a également indiqué que ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 582.] Ces conditions ne semblent pas s’appliquer dans le présent cas. En conséquence, le comité considère que les secteurs ci-après qui figurent dans la décision no 62 ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme: les services de sécurité privés en général (à l’exception des services pénitentiaires publics ou privés), les aéroports (à l’exception du contrôle du trafic aérien), les ports, les transports en général, les pharmacies, les boulangeries, le secteur de l’enseignement et les secteurs du pétrole et du gaz. [Voir aussi Recueil, op. cit., paragr. 587.] Cependant, en ce qui concerne certains de ces services, le comité souhaite souligner qu’un service minimum peut être maintenu en cas de grève dont l’étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que les conditions normales d’existence de la population pourraient être en danger. Pour être acceptable, ce service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d’existence de tout ou partie de la population, et les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa définition tout comme les employeurs et les autorités publiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 610.] Compte tenu des principes rappelés ci-dessus, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la liste des services essentiels qui figurent dans la décision no 62 de 2006 de manière à y inclure seulement des services essentiels au sens strict du terme.
- 423. Par ailleurs, le comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne l’autorité donnée au Premier ministre de compléter la liste des services essentiels à tout moment et sans aucune obligation de consultation des partenaires sociaux concernés. Le comité demande également que des mesures soient prises pour assurer que toute nouvelle détermination de services essentiels se fasse en pleine consultation des organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs et conformément aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des développements à cet égard et, si une nouvelle décision du Premier ministre déterminant des services essentiels est publiée, de lui en fournir copie.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 424. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle au gouvernement qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux et comme corollaire indissociable du droit syndical.
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 21 de la loi sur les syndicats de façon à limiter la définition des services essentiels aux services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et faire en sorte que des garanties compensatoires suffisantes soient accordées aux travailleurs des services dans lesquels le droit de grève est restreint ou interdit. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la liste des services essentiels établie dans la décision no 62 de 2006 du Premier ministre, de sorte qu’elle inclue seulement les services essentiels au sens strict du terme. S’agissant des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, mais dans lesquels l’étendue et la durée d’une grève pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que les conditions normales d’existence de la population pourraient être mises en danger, le comité signale que le gouvernement peut envisager d’établir un service minimum, en consultation avec les organisations de travailleurs et les employeurs pour sa détermination.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour assurer que toute nouvelle détermination de services essentiels se fasse en pleine consultation des organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs et conformément aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des développements à cet égard et, si une nouvelle décision du Premier ministre déterminant des services essentiels est publiée, de lui en fournir copie.