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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 357, Junio 2010

Caso núm. 2711 (Venezuela (República Bolivariana de)) - Fecha de presentación de la queja:: 12-MAY-09 - Cerrado

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  1. 1159. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP) du 12 mai 2009. Cette organisation a présenté des informations supplémentaires et de nouvelles allégations dans des communications du 1er juillet et du 29 septembre 2009.
  2. 1160. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications du 20 octobre 2009 et du 8 mars 2010.
  3. 1161. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1162. Dans ses communications du 12 mai et du 1er juillet 2009, le Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP) indique qu’il présente une plainte contre le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela pour violations gravissimes de la liberté syndicale; en particulier, pour avoir dispersé par la force, par l’intermédiaire de la police métropolitaine, une manifestation de travailleurs à Caracas pour célébrer le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, faisant plusieurs blessés.
  2. 1163. Le SNTP allègue que le défilé traditionnel des travailleurs a commencé de manière pacifique, comme d’habitude, mais qu’il a à peine pu parcourir quelques kilomètres avant de tomber dans une embuscade lâche et sournoise tendue par les forces de police, qui se sont précipitées sur les travailleurs, utilisant des gaz lacrymogènes, tirant des coups de fusil à plomb et utilisant des lances d’eau colorée provenant de véhicules blindés. Ces actes de répression se sont déroulés alors que les travailleurs n’avaient pas encore dépassé les limites de la petite zone autorisée pour le défilé traditionnel. Une tragédie majeure aurait pu se produire, car les manifestants ont été encerclés par les policiers qui bloquaient toutes les issues. De nombreux travailleurs ont été arrêtés avant d’être ensuite remis en liberté.
  3. 1164. On n’a jamais vu dans l’histoire démocratique du pays et de son mouvement syndical une attaque d’une telle sauvagerie et avec autant d’incivilité que celle des policiers le 1er mai, agissant sur ordre du pouvoir exécutif national. Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à la répression d’une manifestation de travailleurs, bien au contraire. Rompant avec une tradition démocratique installée depuis plus de quarante ans, le gouvernement a pris la mauvaise habitude de réprimer les manifestations de travailleurs, à l’occasion par des bandes armées de civils, et, pire encore, de traiter comme des délinquants les participants à ces manifestations et les participants à des conflits sociaux.
  4. 1165. Paradoxalement, à la même heure, sur un autre parcours, les syndicats favorables au gouvernement défilaient en toute liberté. En outre, leur manifestation a été financée avec les deniers publics, les travailleurs qui y participaient étaient vêtus uniformément de rouge, le rouge du parti officiel et du gouvernement, et tous les fonctionnaires de l’Etat y participaient sous la menace de perdre leur poste s’ils ne le faisaient pas. Il n’y a pas eu la moindre restriction sur l’itinéraire de ce défilé. Les participants avaient la garantie de pouvoir longuement défiler en toute sécurité, avant d’arriver devant une estrade installée à proximité du Palais du gouvernement, d’où le Président de la République en personne a fait une allocution. Durant cette dernière, le Président a eu à cœur de justifier les actes de vandalisme commis par les forces de police contre l’autre manifestation, celle des travailleurs qui ne sont pas à ses ordres. Il commettait ainsi un acte manifeste d’ingérence et de discrimination antisyndicale, car le gouvernement assure le financement et la protection des syndicats qui lui sont favorables et réprime ceux qui agissent en toute indépendance, comme dans le cas qui fait l’objet de la présente plainte.
  5. 1166. Pour cette raison, le SNTP demande au Comité de la liberté syndicale de rendre les avis pertinents pour que la convention no 87 soit pleinement appliquée dans le pays. Le SNTP joint à sa plainte des coupures de presse pour appuyer ses allégations. On y indique que les organisations syndicales exigent du Défenseur du peuple et du ministère public une enquête sur le recours à des gaz toxiques.
  6. 1167. Dans sa communication du 29 septembre 2009, le SNTP allègue que le gouvernement impose et applique, en violation de la liberté syndicale, des règles qui limitent et entravent le droit des syndicats – et du SNTP en particulier – de rédiger leurs statuts et de choisir en toute liberté leurs représentants.
  7. 1168. En dépit des promesses faites par le gouvernement à l’OIT, le Conseil national électoral (CNE) a imposé récemment deux nouveaux instruments qui induisent en erreur un lecteur peu attentif, et en réalité perpétuent l’intervention du CNE dans les activités électorales des organisations syndicales: a) la décision no 090528-0264, qui contient les normes relatives à l’évaluation technique et au soutien logistique en matière d’élections syndicales, semble offrir des conseils et un appui impartial aux syndicats qui le demandent «volontairement». En réalité, une élection syndicale n’a actuellement aucun effet pratique dans la République bolivarienne du Venezuela, pour le ministère du Travail et les autres autorités publiques, et même devant les personnes privées, si l’élection se déroule sans l’intervention du CNE. En outre, la décision qui la complète, dont nous allons parler maintenant, vient annuler ses effets bénéfiques éventuels; b) la décision no 090528-0265, qui contient les Normes destinées à garantir les droits de l’homme des travailleurs et des travailleuses dans les élections syndicales, dont l’objectif apparent est de garantir la démocratie syndicale, en particulier en matière d’élections, contient un discours creux, invoquant de façon perverse les plus hauts principes des droits de l’homme et de la démocratie. Ce rideau de fumée dissimule et renforce l’intervention du CNE dans les procédures électorales des syndicats, par le biais d’un recours que peuvent déposer «les travailleuses et les travailleurs intéressés» (art. 21). Les nouvelles décisions du CNE n’ont rien à voir avec le droit des organisations d’employeurs et de travailleurs de rédiger leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leurs activités, et de formuler leur programme d’action (art. 3 de la convention no 87).
  8. 1169. Le SNTP dénonce ces nouvelles normes dont l’application actuelle entraîne une violation de la convention no 87, afin d’entraver la tenue des élections du SNTP. Tout en ayant pleinement conscience du fait que l’intervention du CNE dans les élections syndicales est contraire à la liberté syndicale, le SNTP réalise deux élections conformes aux normes précédentes du CNE, car sinon il aurait eu beaucoup plus de difficultés à mener à bien ses activités, ce qui aurait occasionné des préjudices graves pour ses adhérents. Nonobstant, à l’occasion de la procédure visant à tenir de nouvelles élections en 2009, des obstacles encore plus importants qu’auparavant lui ont été imposés, au point qu’on a prétendu l’obliger à ne pas respecter les statuts de l’organisation et à les adapter aux critères du CNE. On veut lui imposer notamment: a) un modèle d’élection composé d’une combinaison d’élections uninominales pour certains mandats, et de représentation proportionnelle des minorités, pour d’autres; b) l’élimination de la liste des suppléants prévus dans les statuts du syndicat, dans l’hypothèse où leur mode d’élection n’est pas précisé dans les statuts; c) un nombre déterminé d’électeurs et de bureaux par centre de vote, au mépris de toutes nos expériences passées; et d) la liste des adhérents au syndicat, signée par chacun d’entre eux.
  9. 1170. Le CNE a fait savoir que, tant que ces changements n’auront pas été apportés, il ne donnera pas suite à la demande d’«assistance» pour la tenue des élections. De plus, le SNTP n’est même pas sûr que ce sont les seules objections du CNE, car au fil des jours le CNE a rajouté de nouvelles exigences. Tous ces agissements du CNE sont de graves infractions au droit de notre syndicat de rédiger ses statuts et d’élire librement ses dirigeants. De plus, en vertu de l’article 128 du Règlement de la loi organique du travail (qui viole également la liberté syndicale et le droit de négociation collective), le fait de ne pas tenir d’élections interdit au conseil d’administration de notre syndicat de participer à la négociation de conventions collectives et aux conflits sociaux.
  10. B. Réponse du gouvernement
  11. 1171. Dans ses communications du 20 octobre 2009 et du 8 mars 2010, le gouvernement répond aux allégations de «dispersion par la force de la manifestation, faisant plusieurs blessés»; il convient de signaler que la manifestation à laquelle se réfère le Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP) était organisée par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) et avait été autorisée par l’autorité suprême de la municipalité Libertador, le maire M. Jorge Rodríguez, et devait se dérouler sur l’itinéraire suivant: «point de rassemblement et de départ: Plaza Venezuela, en passant par le Paseo Colón, l’avenue Oscar Machado, la Plaza Morelos, l’avenue México, pour terminer sur la Plaza Parque Carabobo, les paroisses El Recreo et Candelaria étant concernées». Conformément à l’itinéraire fixé, la mairie de Caracas avait coordonné avec le ministère du Pouvoir populaire pour l’Intérieur et la Justice, la police métropolitaine, la protection civile et la police de Caracas tous les éléments concernant le respect des trajets autorisés, le maintien de la sécurité des manifestants et de l’ordre public. Cependant, les participants au défilé convoqué par la CTV et soutenu par les partis d’opposition ont décidé de violer l’accord conclu avec les autorités municipales et ont essayé, par la violence, de forcer le barrage formé par les forces de sécurité et de l’ordre public, incités par leurs dirigeants à aller audelà des limites fixées pour le trajet, afin d’arriver à l’Assemblée nationale comme ils l’avaient initialement déclaré.
  12. 1172. Le gouvernement ajoute que les actions des manifestants ont eu pour conséquence la dispersion de la manifestation, car ils n’ont pas seulement outrepassé violemment les limites fixées pour le défilé, mais ils ont également lancé divers projectiles sur les forces de sécurité, et détruit et mis à sac les installations d’un marché populaire connu sous le nom de PDVAL, situé à proximité de l’endroit où devait se terminer le défilé.
  13. 1173. Au sujet des prétendus blessés par l’action des forces de police et de sécurité de l’Etat, la «répression des manifestants et l’arrestation de travailleurs», le gouvernement signale qu’actuellement le ministère public n’a reçu aucune plainte qui aurait pu donner lieu à l’ouverture d’un dossier interne ou à une procédure sur ces faits. De même, le gouvernement déclare que, lors des consultations des services du Défenseur du peuple, l’organe du pouvoir des citoyens qui est essentiellement responsable de la «défense des droits de l’homme, de la protection et de la diffusion de ces droits, de la supervision des devoirs de l’administration publique», entre autres, cette institution a indiqué qu’elle n’avait reçu qu’une seule plainte au sujet de la répression présumée des forces de police contre les participants à la manifestation du 1er mai, et qu’au cours de la procédure il avait été demandé aux plaignants de donner des informations sur l’identité des prétendues victimes, étant donné que cette information n’avait pas été consignée lors du dépôt de la plainte. Le gouvernement indique qu’à ce jour les plaignants n’ont pas fourni les informations demandées par le Défenseur du peuple, si bien qu’il est impossible de poursuivre l’enquête à ce sujet.
  14. 1174. Par ailleurs, les services du défenseur du peuple n’ont reçu aucune plainte et n’ont effectué aucune enquête sur l’arrestation présumée de travailleurs ou de travailleuses au moment où ils défilaient, comme l’indique l’organisation plaignante. De façon générale, la déclaration de cet organe de l’Etat indique «qu’il n’existe pas de preuves d’atteinte aux droits de l’homme des travailleurs et des travailleuses, dans les termes qui ont été dénoncés par le SNTP». On peut en déduire que les plaignants n’ont pas déposé de plainte pour violation de leurs droits devant les instances compétentes et naturelles.
  15. 1175. Concernant les actes présumés d’«ingérence et de discrimination antisyndicale» reposant sur l’accusation selon laquelle «le gouvernement assure le financement et la protection des syndicats qui lui sont favorables et réprime ceux qui agissent en toute indépendance», le gouvernement souligne que la République bolivarienne du Venezuela reconnaît le droit à la liberté syndicale en tant que droit de l’homme dans des instruments de rang national et international; c’est ainsi que la République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et l’article 95 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela prévoit:
  16. Article 95
  17. Les travailleurs et les travailleuses, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer librement les organisations syndicales de leur choix pour défendre au mieux leurs droits et leurs intérêts; ils ont aussi le droit de s’affilier ou de se désaffilier à ces organisations conformément à la loi. Ces organisations ne sont pas sujettes à l’intervention, à la suspension ou à la dissolution par voie administrative. Les travailleurs et travailleuses sont protégés contre tout acte de discrimination ou d’ingérence contraire à l’exercice de ce droit.
  18. 1176. Alors, poursuit le gouvernement au sujet de la différence de traitement qu’on lui impute vis-à-vis des organisations syndicales qui le soutiennent, cette accusation constitue une calomnie irresponsable, car elle n’est accompagnée d’aucun élément de preuve permettant d’étayer ces dires. En particulier, pour ce qui concerne la manifestation du 1er mai, l’Union nationale des travailleurs (UNT) et la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) ont obtenu les autorisations nécessaires pour leurs défilés respectifs de célébration de cette journée auprès des autorités compétentes. La différence résidait dans le comportement des manifestants car, d’un côté, les travailleurs et les travailleuses qui se sentent représentés par l’opposition vénézuélienne ont été à l’origine de troubles et ont commis des actes de violence en cherchant à dépasser les limites fixées au déroulement normal de l’activité et donc au mépris des autorisations que les autorités compétentes leur avaient accordées; de l’autre côté, les travailleurs et les travailleuses qui se sentent représentés par la position du gouvernement ont célébré cette journée en respectant l’itinéraire établi et en défilant pacifiquement et avec civisme.
  19. 1177. Le gouvernement conclut en déclarant que chacune des demandes des représentants du SNTP a été prise en compte par les instances administratives compétentes, en suivant les procédures légales établies dans les normes nationales et les conventions internationales, et une réponse opportune et appropriée a été apportée aux demandes de l’organisation.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1178. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue les faits suivants: 1) la répression et la dispersion par les forces de police, utilisant des gaz lacrymogènes et tirant des coups de fusil à plomb, d’une manifestation syndicale pacifique à Caracas pour célébrer le 1er mai, plusieurs des participants ayant été arrêtés ou blessés; 2) à la même heure, un autre défilé, financé avec les deniers publics, est parvenu au Palais du gouvernement, où le Président de la République a justifié les actes de vandalisme commis par les forces de police contre l’autre manifestation, ce qui, d’après l’organisation plaignante, représente des actes de discrimination et d’ingérence contraires à la convention no 98; et 3) les ingérences juridiques du Conseil national électoral dans les élections du conseil d’administration du syndicat plaignant.
  2. 1179. Concernant les allégations de répression de la manifestation syndicale pacifique du 1er mai qui s’est terminée par des participants arrêtés ou blessés, le comité prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) la manifestation à laquelle participait le syndicat plaignant a été organisée par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), et autorisée par les autorités compétentes, qui ont défini un itinéraire et ont coordonné le respect du parcours ainsi autorisé, la protection de la sécurité des manifestants et le maintien de l’ordre public; 2) les participants au défilé ont essayé, par la violence, de forcer le barrage formé par les forces de sécurité et de l’ordre public, incités par leurs dirigeants à aller au-delà des limites fixées pour le trajet, afin d’arriver à l’Assemblée nationale comme ils l’avaient initialement déclaré; de même, les participants ont lancé divers projectiles sur les forces de sécurité, et ont détruit et mis à sac les installations d’un marché populaire situé à proximité de l’endroit où devait se terminer le défilé; 3) au sujet des prétendus blessés, le ministère public n’a actuellement reçu aucune plainte qui aurait pu donner lieu à l’ouverture d’un dossier interne ou à une procédure sur ces faits; les services du Défenseur du peuple n’ont reçu qu’une seule plainte au sujet de la répression présumée par les forces de police, mais les plaignants n’ont pas fourni d’informations permettant d’identifier les prétendues victimes; et 4) au sujet des arrestations présumées de travailleurs, les services du Défenseur du peuple n’ont reçu aucune plainte et n’ont effectué aucune enquête.
  3. 1180. Le comité souhaite rappeler que le droit d’organiser des réunions publiques et des cortèges à l’occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 2006, cinquième édition, paragr. 136.] Par conséquent, ce droit ne devrait pas faire l’objet de restrictions arbitraires de la part des autorités. C’est ainsi que, tout en déplorant les actes de violence des manifestants évoqués par le gouvernement à la fin de l’itinéraire autorisé pour le défilé, ainsi que les blessures infligées aux manifestants, le comité doit malgré tout souligner que le gouvernement reconnaît que les organisateurs du défilé syndical souhaitaient arriver au siège de l’Assemblée nationale et qu’il déclare pour justifier le trajet autorisé par les autorités – qui n’a pas permis d’accéder à cette demande – des raisons générales et vagues de protection de la sécurité des manifestants et de maintien de l’ordre public. Par ailleurs, le comité observe que le gouvernement n’a pas nié les allégations relatives à la présence massive des forces de police durant la manifestation, ce qui, sans aucun doute, n’est pas la situation la plus propice à l’exercice normal d’un droit de l’homme comme celui de manifester. En dernier lieu, le comité observe que, lorsque le gouvernement répond aux allégations de détentions durant un certain temps et de blessures en raison de la manifestation des syndicats, il le fait en parlant de dépôt de plaintes ou de l’absence de plaintes devant certains organes de l’Etat (Défenseur du peuple, ministère public), ou en disant que ces plaintes ne sont pas suffisamment détaillées, mais qu’il n’a pas transmis les rapports de la police ni les informations des archives policières relatives aux arrestations. Le comité déplore que la réponse du gouvernement fasse allusion aux «prétendues» arrestations ou aux «prétendus» blessés alors que l’organisation plaignante a transmis des éléments et des détails pour étayer ses allégations (d’après les coupures de presse fournies par le syndicat plaignant, la police a mis en détention pendant un certain temps deux manifestants, dont les noms sont mentionnés, qui ont ensuite été remis en liberté).
  4. 1181. Dans ces conditions, le comité signale à l’attention du gouvernement que le recours à la force publique dans les manifestations syndicales devrait être limité aux cas où l’ordre public est réellement menacé, et que les autorités de police devraient recevoir des instructions précises pour éviter que, dans les cas où l’ordre public n’est pas sérieusement menacé, il soit procédé à l’arrestation de personnes pour le simple fait d’avoir organisé une manifestation ou d’y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 150 et 151.] Le comité demande au gouvernement de s’assurer à l’avenir du plein respect de ces principes.
  5. 1182. Concernant les allégations relatives à la différence de traitement par les autorités donné au défilé des syndicats favorables au gouvernement, le comité observe que le gouvernement nie ces allégations et les qualifie de calomnies. Le comité voudrait souligner que l’organisation plaignante n’a pas donné de preuves du financement du défilé avec les deniers publics. Par ailleurs, d’après le comité, le fait que cette manifestation se soit terminée au Palais du gouvernement avec un discours du Président de la République alors que la manifestation de la CTV n’a pas été autorisée à arriver à l’Assemblée législative, prétention légitime en soi, jette des doutes sur le traitement non discriminatoire de la manifestation de la CTV par les autorités. Le comité demande au gouvernement à l’avenir de s’efforcer de trouver un accord avec les organisations de travailleurs sur l’itinéraire autorisé pour les manifestations.
  6. 1183. Concernant les allégations d’ingérence du Conseil national électoral dans les élections du conseil d’administration du syndicat plaignant, le comité déplore l’absence de réponse du gouvernement à ces allégations. Le comité observe que, d’après les allégations, les élections du conseil d’administration de l’organisation plaignante pour 2009 ont été soumises par le Conseil national électoral à l’obligation: a) d’avoir un modèle d’élection composé d’une combinaison d’élections uninominales pour certains mandats, et de représentation proportionnelle des minorités, pour d’autres; b) d’éliminer la liste des suppléants prévus dans les statuts du syndicat, dans l’hypothèse où leur mode d’élection n’est pas précisé dans les statuts; c) d’avoir un nombre déterminé d’électeurs et de bureaux par centre de vote, au mépris de toutes les expériences passées du syndicat; et d) de fournir la liste des adhérents au syndicat, signée par chacun d’entre eux.
  7. 1184. L’organisation plaignante ajoute que, en vertu de l’article 128 du règlement de la loi organique du travail, le fait de ne pas tenir d’élections (dans la pratique, la non-reconnaissance de la procédure électorale par le Conseil national électoral) interdit au conseil d’administration du syndicat de participer à la négociation de conventions et aux conflits sociaux. De même, il ressort des allégations que, d’après la réglementation en vigueur, «les travailleurs intéressés» peuvent déposer des recours devant le Conseil national électoral, suggérant ainsi l’éventuel blocage des élections syndicales par un nombre très réduit de travailleurs.
  8. 1185. Le comité souhaite rappeler que régulièrement, depuis des années, il reçoit des plaintes de syndicats alléguant l’ingérence du Conseil national électoral dans les élections des conseils d’administration des syndicats. Le comité a rappelé au gouvernement que l’article 3 de la convention no 87 consacre le droit des travailleurs à élire librement leurs dirigeants sans ingérence des autorités, et que l’intervention du Conseil national électoral – qui va au-delà d’une simple assistance technique volontaire – avant, durant ou après les élections est une grave violation de la convention no 87, en particulier parce qu’il ne s’agit pas d’un organe judiciaire.
  9. 1186. Le comité souligne en outre que l’intervention de cet organe a été sévèrement critiquée par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail à de nombreuses reprises. Dans son dernier rapport de 2010, par exemple, la commission d’experts, après avoir pris note du fait que la Commission de l’application des normes estimait que l’ingérence du Conseil national électoral dans les élections des organisations violait gravement la liberté syndicale, a fait la déclaration suivante:
  10. La commission (d’experts) note que ces normes (auxquelles le syndicat plaignant émet également des objections) règlent minutieusement les élections syndicales et confèrent un rôle important au CNE, lui attribuant à nouveau compétence pour connaître des recours présentés par le gouvernement ou «le travailleur intéressé». La commission conclut que ces nouvelles normes qui régissent les élections syndicales non seulement violent l’article 3 de la convention (en vertu duquel la détermination de telles règles appartient aux organisations syndicales), mais encore permettent que le recours d’un travailleur paralyse la proclamation des résultats d’élections, ce qui constituerait une ingérence antisyndicale d’un autre type.
  11. Dans ces circonstances, la commission note avec regret que, depuis plus de neuf ans, le projet de réforme de la loi organique du travail n’a toujours pas été adopté par l’Assemblée législative bien qu’il ait recueilli un consensus tripartite. Compte tenu de l’importance des restrictions qui subsistent dans la législation en matière syndicale ou de liberté d’association, la commission prie une nouvelle fois instamment le gouvernement de prendre les mesures tendant à ce que l’Assemblée législative soit saisie du projet de réforme de loi organique du travail et que le Conseil national électoral cesse de s’immiscer dans les élections syndicales. La commission souligne la nécessité de réformer les normes adoptées en 2009 en matière d’élections syndicales et rappelle que le Comité de la liberté syndicale a constaté à de nombreuses reprises des ingérences du CNE incompatibles avec la convention.
  12. 1187. Par conséquent, comme il l’a fait dans des occasions similaires, le comité prie une nouvelle fois instamment le gouvernement d’exclure toute intervention du Conseil national électoral dans les élections du conseil d’administration du syndicat plaignant et de modifier de façon substantielle ou d’abolir les normes relatives au Conseil national électoral pour les élections syndicales. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires dans ce sens, de respecter les élections du syndicat plaignant et de s’abstenir d’invoquer des irrégularités présumées ou des recours pour l’empêcher de négocier collectivement. Le comité demande également au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation afin d’éviter ce type d’ingérence.
  13. 1188. Enfin, au sujet de la prétention du Conseil national électoral d’obtenir la liste des adhérents des organisations syndicales qui élisent leur conseil d’administration, le comité signale à l’attention du gouvernement – comme il l’avait déjà fait dans un cas précédent concernant la République bolivarienne du Venezuela – que l’établissement d’un registre contenant des données sur les adhérents d’un syndicat ne respecte pas les libertés individuelles et risque de servir à constituer des listes noires de travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 177.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1189. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Estimant que le gouvernement n’a pas respecté de façon appropriée le droit à manifester pour célébrer le 1er mai, et déplorant les actes de violence qui se sont produits, le comité demande au gouvernement de respecter à l’avenir les principes mentionnés dans les conclusions, et de s’efforcer de trouver un accord avec les organisations syndicales sur l’itinéraire autorisé pour les manifestations.
    • b) Considérant que l’intervention du Conseil national électoral dans les élections du conseil d’administration de l’organisation plaignante viole gravement la convention no 87, le comité prie une nouvelle fois instamment le gouvernement d’exclure toute intervention de cet organe dans les élections susmentionnées; de modifier de façon substantielle ou d’abolir les normes relatives au Conseil national électoral pour les élections syndicales, de respecter les élections du syndicat plaignant et de s’abstenir d’invoquer des irrégularités présumées ou des recours pour l’empêcher de négocier collectivement. Le comité demande également au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation afin d’éviter ce type d’ingérence et de le tenir informé à ce sujet.
    • c) Enfin, au sujet de la prétention du Conseil national électoral d’obtenir la liste des adhérents des organisations syndicales qui élisent leur conseil d’administration, le comité signale à l’attention du gouvernement que l’établissement d’un registre contenant des données sur les adhérents d’un syndicat ne respecte pas les libertés individuelles et risque de servir à constituer des listes noires de travailleurs.
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