Visualizar en: Inglés - Español
- 954. Le comité a examiné ce cas lors de sa réunion de mars 2010 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 356e rapport, paragr. 1630 à 1654, approuvé par le Conseil d’administration lors de sa 307e session (mars 2010).]
- 955. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication datée du 24 mai 2010.
- 956. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 957. A sa session de mars 2010, le comité a formulé les recommandations suivantes concernant les questions en suspens [voir 356e rapport, paragr. 1654]:
- a) Le comité est profondément préoccupé par ces graves allégations d’assassinats de travailleurs et de dirigeants syndicaux et prie instamment le gouvernement d’agir avec diligence pour faire toute la lumière en la matière.
- b) Concernant les allégations relatives à l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs du secteur du bâtiment à El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, et Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports) et de deux délégués syndicaux dans la région de Los Anaucos en juin 2009 (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran), le comité prie le gouvernement de fournir des explications sur les raisons de l’extinction de l’action pénale et s’attend à ce que de nouvelles enquêtes soient diligentées et qu’elles débouchent sur un résultat dans un futur proche et permettent de déterminer les responsabilités et de punir les coupables. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Concernant les allégations relatives à l’assassinat par des tueurs à gages de plus de 200 travailleurs et dirigeants du secteur du bâtiment, le comité demande à l’organisation syndicale de transmettre sans délai au gouvernement une liste des personnes assassinées avec les circonstances dans lesquelles ces assassinats se sont produits afin que le gouvernement puisse mener sans tarder les enquêtes correspondantes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Concernant les allégations relatives aux poursuites pénales engagées contre six travailleurs de l’entreprise PDVSA Gas Comunal et à l’arrestation ultérieure de ces travailleurs décidée par le parquet au motif qu’ils ont paralysé les activités de l’entreprise dans le cadre d’un mouvement de protestation par lequel ils réclamaient le respect de leurs droits de travailleurs, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour annuler ces poursuites pénales et obtenir sans délai la libération des dirigeants syndicaux. Le comité demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services afin qu’il ne s’applique pas aux services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et qu’en aucun cas une grève pacifique ne puisse entraîner de sanctions pénales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité porte ce cas à l’attention de la commission d’experts.
- e) Concernant les allégations relatives à la criminalisation du mouvement de protestation, à l’ouverture de procédures judiciaires dans plusieurs entreprises du secteur du pétrole, du gaz et de la sidérurgie et au licenciement de dirigeants en raison de ce mouvement, le comité demande à l’organisation plaignante d’envoyer le texte des accusations dont ces syndicalistes feraient l’objet.
- f) Concernant la mise en examen de 110 travailleurs à cause de leurs revendications, le comité demande à l’organisation plaignante d’envoyer des informations supplémentaires sur ces allégations, plus précisément les noms des personnes mises en examen et une description de leurs activités présumées, pour que le gouvernement puisse communiquer ses observations à cet égard.
- g) Le comité invite l’organisation plaignante à indiquer si dans les processus de négociation collective mentionnés par le gouvernement, les droits de négociation collective de ses organisations affiliées ont été respectés.
- h) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 958. Dans sa communication en date du 24 mai 2010, le gouvernement évoque les faits qui se sont produits à El Tigre, dans l’Etat d’Anzoátegui, et réaffirme que, concernant les homicides de MM. Wilfredo Rafael Hernández, Jesús Argenis Guevara et Jesús Alberto Hernández, perpétrés le 24 juin 2009, dans la rue El Tigre-Caico Seco, en face de l’exploitation agricole La Maravilla (Etat d’Anzoátegui), le Procureur général de la République a requis un non-lieu le 25 novembre 2009, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 318 du Code de procédure pénale et en application du premier paragraphe de l’article 48 du code précité, en raison de l’extinction de l’action pénale résultant de la mort de l’accusé, M. Pedro Guillermo Rondón, alors qu’il commettait un délit de droit commun.
- 959. Le gouvernement précise que l’extinction de l’action pénale peut résulter de divers motifs prévus à l’article 48 du Code de procédure pénale du Venezuela, à savoir:
- Article 48. Motifs. L’action pénale s’éteint par:
- 1. Le décès du prévenu.
- 2. L’amnistie.
- 3. L’abandon ou le retrait de l’accusation privée pour les délits faisant l’objet de poursuites intentées par la partie lésée.
- 4. La reconnaissance des faits suivie du paiement de l’amende maximale, pour les infractions sanctionnées par ladite peine.
- 5. L’application du principe d’opportunité des poursuites, selon les cas d’application de la loi et les modalités prévues par le présent code.
- 6. Le respect des accords sur les réparations.
- 7. L’exécution des obligations et du délai de suspension conditionnelle de la procédure, après vérification du juge lors de l’audience correspondante.
- 8. La prescription, sauf si l’accusé y renonce.
- 960. Il en ressort, selon le gouvernement, que l’extinction de l’action pénale peut être causée par le décès de l’auteur présumé d’un fait délictueux et est alors suivie de la demande de non-lieu, conformément à l’article 318 dudit code, repris comme suit:
- Article 318. Non-lieu. Le non-lieu est prononcé lorsque:
- 1. Le fait qui est l’objet de la procédure n’a pas eu lieu ou ne peut être imputé au prévenu.
- 2. Le fait imputé n’est pas prévu par la législation ou il existe une cause de non-imputabilité, de non-culpabilité ou de non-punissabilité.
- 3. L’action pénale s’est éteinte ou il y a autorité de la chose jugée.
- 4. Malgré le manque de certitude en la matière, il n’existe aucune possibilité raisonnable d’ajouter de nouveaux éléments à l’enquête, et il n’y a pas de fondements permettant de demander la mise en examen de l’accusé.
- 5. Le présent code l’établit expressément.
- 961. Dans ce sens, le gouvernement souligne que le non-lieu «met fin à la procédure et bénéficie de l’autorité de la chose jugée. Il empêche de ce fait les poursuites ultérieures à l’encontre des prévenus ou accusés à l’égard desquels il a été prononcé (…) mettant fin à toutes les mesures coercitives ordonnées.» (Art. 19 du Code de procédure pénale.) Cependant, le Procureur général de la République a informé que, malgré le non-lieu prononcé dans l’affaire concernant le citoyen M. Pedro Guillermo Rondón, en raison de l’extinction de l’action pénale résultant de sa mort, il poursuivrait l’enquête.
- 962. Concernant les faits survenus dans la région de Los Anaucos, dans l’Etat de Miranda, le gouvernement déclare que le Procureur général de la République a présenté, le 17 décembre 2009, un acte d’accusation pour crime d’homicide qualifié et port illicite d’arme à feu contre MM. Richard David Castillo et Jorge Mizael López et au détriment de feu David Alexánder Zambrano et Freddy Antonio Miranda Avendaño, dirigeants syndicaux. L’audience préliminaire s’est tenue le 2 février 2010, devant le tribunal saisi de la cause, qui a admis partiellement l’accusation, a lancé la procédure et a fixé au 15 juin 2010 l’audience orale et publique.
- 963. Concernant l’action engagée en raison de la détention de six travailleurs de PDVSA-GAS, MM. Larry Antonio Pedroza, José Antonio Tovar, Juan Ramón Aparicio Martínez, Jafet Enrique Castillo Suárez, Rey Régulo Chaparro Hernández et José Luis Hernández Álvaro, le gouvernement déclare que ces hommes ont comparu devant le tribunal compétent pour délit de boycott, tel que prévu et sanctionné à l’article 139 du décret qui a rang, valeur et force de loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services. A cette occasion, le Procureur général de la République a demandé l’application de la procédure ordinaire et l’imposition d’une mesure de détention préventive, arrêtée par l’organe judiciaire. Par la suite, après une enquête exhaustive et conformément à la procédure légale et après avoir déterminé le tribunal compétent, le Procureur général de la République a présenté un acte d’accusation formel contre les citoyens mentionnés, sur la base d’entretiens avec les témoins et des résultats de l’inspection technique, de la reconnaissance juridique et technique et du montage photographique. L’audience préliminaire a été fixée au 23 mars 2010, mais a été reportée au 2 juin 2010 en raison du défaut de comparution de l’un des accusés.
- 964. Le gouvernement indique, en rapport avec l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services, que cette loi a été publiée dans le Journal officiel de la République bolivarienne du Venezuela le 24 avril 2009 et qu’elle a pour objet de défendre, protéger et préserver les droits et les intérêts individuels et collectifs et l’accès des personnes aux biens et services, pour la satisfaction de leurs besoins et afin de préserver la paix sociale, la justice, le droit à la vie et la santé de la population. Plus précisément, l’article 139 établit ce qui suit:
- Article 139. Toute personne qui, seule ou en groupe, organise ou mène des actions, ou se rend coupable d’omissions, empêchant, de manière directe ou indirecte, la production, la fabrication, l’importation, l’approvisionnement, le transport, la distribution ou la commercialisation de biens déclarés de première nécessité sera sanctionnée d’une peine d’emprisonnement allant de six à dix ans.
- 965. L’article précité concerne le délit de boycott mais il faut préciser que la loi ne prévoit pas de sanctions pénales quand une grève ne porte pas atteinte aux biens déclarés de première nécessité pour la population, étant donné que, dans la République bolivarienne du Venezuela, la grève est un droit constitutionnel; par contre, elle punit toute personne qui compromet la production et la distribution des produits de première nécessité. En conséquence, loin de faire obstacle à l’exercice d’un droit, la loi protège le droit d’accès aux biens déclarés de première nécessité pour le peuple vénézuélien.
- 966. Or, précise le gouvernement, tous les procédés et activités de commercialisation du gaz constituent dans la République bolivarienne du Venezuela un service essentiel et de première nécessité pour la population, si l’on considère qu’un service essentiel est celui dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population. Comme dans beaucoup de pays dans le monde, la plupart des foyers du Venezuela utilisent le gaz pour cuisiner, de sorte que l’interruption de l’approvisionnement en gaz et de la commercialisation de celui-ci constitue effectivement une violation du droit de la population à l’alimentation et, par conséquent, du droit à la santé et à la vie.
- 967. Sur ce point, le comité renouvelle toutefois sa demande au gouvernement d’annuler les poursuites pénales qu’il a intentées et de libérer les citoyens qui ont commis un délit qualifié et sanctionné par la législation vénézuélienne. Dans un cas comme celui-ci, si le gouvernement appliquait les recommandations du comité, il créerait une situation d’impunité, contraire aux valeurs et aux principes que défend la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela et qui sont ceux d’un Etat démocratique et social, de droit et de justice.
- 968. Le gouvernement indique qu’il espère que sa réponse sera analysée avec attention et appréciée à sa juste valeur.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 969. Le comité rappelle que les allégations présentées par la CTV font référence aux problèmes suivants: 1) l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs du secteur du bâtiment à El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, et Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports) et de deux délégués syndicaux dans la région de Los Anaucos en juin 2009 (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran); 2) l’assassinat par des tueurs à gages de plus de 200 travailleurs et dirigeants du secteur du bâtiment; 3) la mise en accusation par le Procureur de la République pour boycott de six travailleurs (MM. Larry Antonio Pedroza, délégué syndical, José Antonio Tovar, Juan Ramón Aparicio, Jafet Enrique Castillo Suárez, Roy Rogelio Chaparro Hernández et José Luis Hernández Alvarado) de l’entreprise Petróleos de Venezuela S.A. (PDVSA) Gas Comunal, qui ont participé à un mouvement de protestation pour réclamer le respect de leurs droits de travailleurs; 4) la criminalisation de ce mouvement, l’ouverture de procédures judiciaires dans plusieurs entreprises et le licenciement de dirigeants en raison de ce mouvement; et 5) le refus persistant des pouvoirs publics d’ouvrir la négociation collective, notamment dans les secteurs du pétrole, de l’électricité et de l’université publique.
- 970. Concernant les allégations relatives à l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs du secteur du bâtiment à El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, et Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports) et de deux délégués syndicaux dans la région de Los Anaucos en juin 2009 (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran), le comité avait relevé lors de sa réunion de mars 2010 que le ministère public avait demandé, le 25 novembre 2009, un non-lieu en raison de la mort des accusés Pedro Guillermo Rondón et Wilfredo Rafael Hernández Avile, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 318 du Code de procédure pénale et en application du premier paragraphe de l’article 48 du code précité, en raison de l’extinction de l’action pénale. Le comité avait prié le gouvernement de fournir des explications sur les raisons de l’extinction de l’action pénale et espérait que de nouvelles enquêtes seraient diligentées et qu’elles donneraient des résultats dans de brefs délais, permettant de déterminer les responsabilités et de punir les coupables.
- 971. Le comité prend note du fait que, dans sa dernière réponse, le gouvernement déclare, concernant l’assassinat des dirigeants syndicaux MM. Wilfredo Rafael Hernández, Jesús Argenis Guevara y Jesús Alberto Hernández, commis le 24 juin 2009, qu’en vertu de la législation en vigueur l’action pénale s’est éteinte en raison de la mort de M. Pedro Guillermo Rondón (prévenu pour les assassinats susmentionnés, qui est mort alors qu’il commettait un délit de droit commun), en considération de quoi le procureur avait demandé un non-lieu. Le comité note que, selon le gouvernement, le Procureur général de la République poursuivrait néanmoins l’enquête.
- 972. Le comité souhaite rappeler que, lors de sa réponse précédente, le gouvernement avait fait référence à la mort de deux personnes accusées des assassinats (MM. Pedro Guillermo Rondón et Wilfredo Rafael Hernández Ávila) et indique qu’à présent il ne mentionne que le premier d’entre eux. Le comité souligne l’importance d’intensifier les enquêtes menées par le ministère public afin de déterminer les responsabilités et de sanctionner les auteurs matériels (morts ou vifs), mais aussi les commanditaires ainsi que leurs complices, pour qu’ils soient sévèrement punis. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 973. Par ailleurs, le comité souligne que, dans ses allégations, la CTV avait également fait référence à l’assassinat de deux dirigeants syndicaux en juin 2007 dans la région de Los Anaucos (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran). Le comité demande au gouvernement d’accélérer sans délai les procédures judiciaires et l’enquête du ministère public en vue de déterminer les responsabilités et de punir sévèrement les auteurs matériels, les commanditaires ainsi que leurs complices. Le comité note que le gouvernement mentionne l’assassinat de deux dirigeants syndicaux dans la région de Los Anaucos, MM. David Alexánder Zambrano et Freddy Antonio Miranda (faits dont la plainte de la CTV ne fait pas mention), en indiquant que MM. Richard David Castillo et Jorge Mizael López étaient accusés d’homicide qualifié et de port d’arme à feu et que l’audience orale et publique devrait se tenir le 15 juin 2010.
- 974. Le comité tient à exprimer sa profonde préoccupation face à l’assassinat des dirigeants syndicaux mentionnés dans la présente plainte, assassinat qu’il déplore profondément.
- 975. Le comité rappelle que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 43.] Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution des procédures et de l’enquête, espère qu’elles donneront des résultats à brève échéance et qu’elles permettront de déterminer des responsabilités et de punir les coupables.
- 976. Concernant les allégations relatives à l’assassinat par des tueurs à gages de plus de 200 travailleurs et dirigeants du secteur du bâtiment, le comité demande une nouvelle fois à l’organisation syndicale de fournir sans délai une liste des personnes assassinées et de décrire les circonstances dans lesquelles ces assassinats ont été commis afin que le gouvernement puisse mener au plus vite l’enquête correspondante.
- 977. Pour ce qui est des allégations relatives à la mise en accusation par le parquet pour délit de boycott de six travailleurs de l’entreprise PDVSA Gas Comunal (MM. Larry Antonio Pedroza, délégué syndical, José Antonio Tovar, Juan Ramón Aparicio Martínez, Jafet Enrique Castillo Suárez, Roy Rogelio Chaparro Hernández et José Luis Hernández Álvarado) et à leur arrestation ultérieure au motif qu’ils ont paralysé les activités de l’entreprise dans le cadre d’un mouvement de protestation par lequel ils réclamaient le respect de leurs droits de travailleurs (selon la Fédération unitaire des travailleurs du pétrole, gaz, matières connexes et dérivés du Venezuela (FUTPV), le parquet est instrumentalisé par le gouvernement), le comité rappelle qu’il avait noté que le gouvernement a fait savoir que, le 12 juin 2009, un groupe de travailleurs avait paralysé les activités de mise en bouteille du gaz dans le cadre d’une manifestation, affectant la commercialisation d’un bien de première nécessité, motif de leur arrestation. Le 13 juin 2009, le deuxième tribunal de première instance chargé des questions de droit pénal de l’Etat de Miranda a convoqué les travailleurs à une audience au cours de laquelle le procureur de la seizième circonscription a qualifié les faits de boycott au sens de l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services, aux termes duquel: «Toute personne qui, seule ou en groupe, organise ou mène des actions, ou se rend coupable d’omissions, empêchant, de manière directe ou indirecte, la production, la fabrication, l’importation, l’approvisionnement, le transport, la distribution ou la commercialisation de biens déclarés de première nécessité sera sanctionnée d’une peine d’emprisonnement allant de six à dix ans.» Le comité avait également relevé que le gouvernement avait signalé que l’article 139 auquel il est fait référence ne s’applique pas au droit de manifestation pacifique. [Voir 356e rapport, paragr. 1649.]
- 978. Le comité observe que, dans sa dernière réponse, le gouvernement a renouvelé ces déclarations et ajouté que l’autorité judiciaire a fixé l’audience préliminaire au 2 juin 2010 et que, étant donné que la plupart des foyers font usage du gaz pour cuisiner, l’interruption de l’approvisionnement et de la commercialisation de ce produit constitue une atteinte au droit de la population à l’alimentation et, par conséquent, au droit à la santé et à la vie. Le comité note que, d’après le gouvernement, il s’agit d’un service essentiel et de première nécessité, dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population. Le comité relève finalement que la loi ne prévoit pas de sanctions lorsqu’une grève ne porte pas atteinte aux biens de première nécessité pour la population que la législation doit protéger.
- 979. A cet égard, le comité souligne que l’activité de mise en bouteille du gaz et sa commercialisation ne constituent pas un service essentiel au sens strict du terme (c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne), dans lequel l’exercice du droit de grève ou d’interruption des activités peut être interdit totalement, et encore moins si l’argument mis en avant consiste à dire que c’est un produit que la plupart de la population utilise pour cuisiner. Le comité estime en outre que l’exercice pacifique de ces droits syndicaux ne devrait pas pouvoir faire l’objet de poursuites pénales ni entraîner l’arrestation pour boycott des dirigeants syndicaux organisateurs, comme c’est le cas en l’espèce, en application de l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services. Dans ces conditions, le comité rappelle que l’arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l’exercice d’activités syndicales légitimes constitue une violation de la liberté syndicale. Tout en prenant note du fait que le gouvernement déclare ne pas pouvoir annuler les poursuites pénales, le comité rappelle que les autorités publiques sont tenues de respecter les conventions de l’OIT qu’elles ont ratifiées. Le comité demande donc une nouvelle fois au gouvernement ou à l’autorité compétente de prendre les mesures nécessaires pour annuler les poursuites pénales engagées contre les six dirigeants syndicaux de PDVSA Gas Comunal et obtenir leur libération sans délai. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la modification de l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services (qui prévoit des sanctions pénales en cas d’interruption des activités) afin qu’il ne s’applique pas aux services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et que, en aucun cas, une grève pacifique ne puisse entraîner de sanctions pénales. Le comité attire à nouveau l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur l’aspect législatif de ce cas. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 980. Concernant les allégations relatives à la criminalisation du mouvement de protestation, à l’ouverture de procédures judiciaires dans plusieurs entreprises du secteur du pétrole, du gaz et de la sidérurgie et au licenciement de dirigeants en raison de ce mouvement, le comité avait pris note, lors de l’examen antérieur du cas, du fait que, selon la CTV, des procédures judiciaires ont été engagées contre 27 travailleurs de la holding publique PDVSA et 25 travailleurs de l’entreprise Siderúrgica del Orinoco «Alfredo Maneiro» au motif qu’ils ont participé à des mouvements de protestation pour défendre leurs droits en tant que travailleurs, et dix délégués syndicaux de la raffinerie d’El Palito ont été licenciés après que 600 travailleurs eurent décidé d’arrêter le travail en raison du non-respect des engagements prévus dans la convention collective. D’après la CTV, les travailleurs des entreprises Gas PetroPiar et Gas Comunal ont également été touchés. [Voir 356e rapport, paragr. 1651.] Le comité a également pris note, dans son examen antérieur du cas, du fait que la CTV allègue qu’environ 110 travailleurs ont été mis en examen en raison de leurs revendications. A cet égard, le comité a relevé dans son examen antérieur du cas que, selon le gouvernement, le bureau du Défenseur du peuple n’a reçu aucune plainte et qu’aucune enquête n’a été menée concernant ces allégations. Au contraire, le bureau du Défenseur du peuple est intervenu dans plusieurs conflits survenus chez PDVSA et a contribué à les résoudre par la médiation sans que, dans aucun de ces conflits, des arrestations ou l’ouverture d’enquêtes judiciaires contre des travailleurs aient été signalées. Etant donné la contradiction existant entre les allégations et la réponse du gouvernement, le comité a demandé à l’organisation plaignante d’envoyer le texte des accusations dont ces syndicalistes feraient l’objet. Le comité constate qu’il n’a pas reçu ces textes et renouvelle sa recommandation antérieure à l’organisation plaignante.
- 981. Concernant la mise en examen de 110 travailleurs à cause de leurs revendications, le comité demande à nouveau à l’organisation plaignante de lui fournir des informations supplémentaires au sujet de ces allégations, plus précisément les noms des personnes mises en examen et une description de leurs activités présumées, pour que le gouvernement puisse communiquer ses observations à cet égard.
- 982. Concernant les allégations relatives au refus persistant des pouvoirs publics d’ouvrir la négociation collective, notamment dans les secteurs du pétrole, de l’électricité et de l’université publique, le comité a pris note, dans son examen antérieur du cas, des indications du gouvernement sur les conventions collectives conclues dans ces secteurs et il invite l’organisation plaignante à indiquer si, dans les processus de négociation collective mentionnés par le gouvernement, les droits de négociation collective de ses organisations affiliées ont été respectés. Le comité renouvelle cette recommandation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 983. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité tient à exprimer sa profonde préoccupation concernant la gravité des allégations d’assassinats de travailleurs et de dirigeants syndicaux, qu’il déplore profondément, et prie instamment le gouvernement d’agir avec diligence pour faire toute la lumière en la matière.
- b) En ce qui concerne les allégations relatives à l’assassinat de trois dirigeants de l’Union bolivarienne des travailleurs du secteur du bâtiment à El Tigre (MM. Wilfredo Rafael Hernández Avile, secrétaire général, Jesús Argenis Guevara, secrétaire de l’organisation, et Jesús Alberto Hernández, secrétaire à la culture et aux sports) et de deux délégués syndicaux dans la région de Los Anaucos en juin 2009 (MM. Felipe Alejandro Matar Iriarte et Reinaldo José Hernández Berroteran), le comité demande au gouvernement d’intensifier les procédures judiciaires et l’enquête menées par le ministère public afin de déterminer les responsabilités et de sanctionner sévèrement les auteurs matériels et les commanditaires de ces actes ainsi que leurs complices. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution des procédures et espère qu’elles donneront des résultats dans un proche avenir.
- c) Pour ce qui est des allégations relatives à l’assassinat par des tueurs à gages de plus de 200 travailleurs et dirigeants du secteur du bâtiment, le comité demande à l’organisation syndicale de fournir sans délai au gouvernement une liste des personnes assassinées et de décrire les circonstances dans lesquelles ces assassinats ont été commis afin que le gouvernement puisse mener au plus vite les enquêtes correspondantes.
- d) S’agissant des allégations relatives aux poursuites pénales engagées contre six travailleurs de l’entreprise PDVSA et à l’arrestation ultérieure de ces travailleurs décidée par le parquet au motif qu’ils ont paralysé les activités de l’entreprise dans le cadre d’un mouvement de protestation par lequel ils réclamaient le respect de leurs droits de travailleurs, le comité demande au gouvernement ou aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour annuler ces poursuites pénales et obtenir sans délai la libération des dirigeants syndicaux. Le comité demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la modification de l’article 139 de la loi pour la défense de l’accès des personnes aux biens et services afin qu’il ne s’applique pas aux services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et qu’en aucun cas une grève pacifique ne puisse entraîner de sanctions pénales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité attire l’attention de la commission d’experts sur l’aspect législatif de ce cas.
- e) Concernant les allégations relatives à la criminalisation du mouvement de protestation, à l’ouverture de procédures judiciaires dans plusieurs entreprises du secteur du pétrole, du gaz et de la sidérurgie et au licenciement de dirigeants en raison de ce mouvement (selon la CTV, des procédures judiciaires ont été engagées contre 27 travailleurs de la holding publique PDVSA et 25 travailleurs de l’entreprise Siderúrgica del Orinoco «Alfredo Maneiro» pour avoir participé à des mouvements de protestation pour défendre leurs droits en tant que travailleurs, et dix délégués syndicaux de la raffinerie d’El Palito ont été licenciés après que 600 travailleurs eurent décidé d’arrêter le travail en raison du non-respect des engagements prévus dans la convention collective; selon la CTV, les travailleurs des entreprises Gas PetroPiar et Gas Comunal ont également été touchés), le comité demande à nouveau à l’organisation plaignante d’envoyer le texte des accusations dont ces syndicalistes feraient l’objet.
- f) Concernant la mise en examen de 110 travailleurs en raison de leurs revendications, le comité demande une nouvelle fois à l’organisation plaignante de fournir des informations supplémentaires sur ces allégations, plus précisément les noms des personnes mises en examen et une description de leurs activités présumées, pour que le gouvernement puisse communiquer ses observations à cet égard.
- g) Le comité invite de nouveau l’organisation plaignante à indiquer si, dans les processus de négociation collective mentionnés par le gouvernement, les droits de négociation collective de ses organisations affiliées ont été respectés.
- h) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.