Allégations: Les organisations plaignantes allèguent le licenciement antisyndical
de six membres du comité de la section Hat Yai du Syndicat des chemins de fer d’Etat de
Thaïlande (SRUT) et de sept dirigeants du SRUT pour leur participation à l’initiative sur la
santé et la sécurité au travail lancée après la catastrophe ferroviaire qui s’est produite à
Hua Hin et l’imposition de sanctions pour action revendicative. Elles ajoutent que la
conduite de la Société publique des chemins de fer de Thaïlande (SRT) et d’autres
institutions officielles révèle un certain nombre de failles dans la législation
thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, qui n’est
pas conforme aux principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions nos 87 et
98
- 575. La plainte figure dans une communication du Syndicat des chemins de
fer d’Etat de Thaïlande (SRUT), de la Confédération des travailleurs des entreprises
publiques (SERC), de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et de
la Confédération syndicale internationale (CSI), en date du 30 avril 2013.
- 576. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans une communication
en date du 11 mars 2014.
- 577. La Thaïlande n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 578. Dans une communication en date du 30 avril 2013, les organisations
plaignantes – le SRUT, la SERC, l’ITF et la CSI – allèguent que le gouvernement n’a pas
pleinement respecté les droits des syndicats, de leurs dirigeants et membres
conformément aux principes de la liberté syndicale, comme il est énoncé dans les
conventions nos 87 et 98. Elles affirment que la conduite de la Société publique des
chemins de fer de Thaïlande (SRT) et d’autres institutions officielles parties au
conflit qui est à l’origine de la présente plainte révèle des failles dans la
législation thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des
syndicats, dont le gouvernement est responsable en sa qualité d’Etat Membre de l’OIT.
Même si la Thaïlande n’a pas ratifié les conventions nos 87 et 98, il entre dans le
mandat du comité de déterminer si telle ou telle législation ou pratique est conforme
aux principes de la liberté syndicale, que le pays concerné ait ratifié ou non ces
conventions.
- 579. Par conséquent, les organisations plaignantes estiment que la
conduite de la SRT soulève de graves questions de conformité concernant des mesures
visant à: i) protéger les syndicats pour qu’ils puissent organiser leurs activités et
formuler leur programme d’action librement, sans restrictions ni obstacles à l’exercice
légitime de ces droits; ii) protéger les syndicats dans leurs efforts en vue de
promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs; iii) protéger les travailleurs
contre des actes de discrimination antisyndicale.
- 580. Les organisations plaignantes précisent que la SRT est une société
ferroviaire publique qui a été fondée en 1896 et qui exploite l’ensemble du réseau ferré
thaïlandais (4 070 km de voies). Elle employait plus de 20 000 travailleurs avant 1998,
contre seulement 11 000 travailleurs réguliers et 4 000 travailleurs temporaires en
2012. La réduction de la main-d’œuvre dans les chemins de fer est due à une résolution
du Conseil des ministres adoptée en juillet 1998 stipulant que la SRT ne devait pas
employer plus de 5 pour cent des travailleurs atteignant chaque année l’âge de la
retraite obligatoire.
- 581. Les organisations plaignantes précisent qu’avant 2009 le
gouvernement faisait peu de cas du transport ferroviaire national, limitant au minimum
ses investissements en infrastructures ou en équipements techniques. Par exemple, l’une
des préoccupations majeures du SRUT en matière de santé et de sécurité concernait
l’utilisation de systèmes de signalisation manuelle désuets. En 2009, le stock existant
avait 25 à 30 ans; la dernière locomotive a été achetée en 1995, et seulement
20 locomotives sur 170 étaient équipées d’un disjoncteur de sûreté et d’un dispositif de
veille automatique.
- 582. Concernant le SRUT, les organisations plaignantes indiquent que les
débuts du mouvement des cheminots en Thaïlande remontent à 1957, lorsque le premier
syndicat a été formé puis dissout un an plus tard. Après bien des années d’absence de
liberté syndicale et de droit de réunion en Thaïlande, la communauté internationale
s’est indignée de la répression exercée par le gouvernement, causant l’emprisonnement et
l’assassinat de dirigeants syndicaux en 1970. Une série limitée de droits du travail ont
alors été introduits; des associations de cheminots sont apparues, qui ont toujours été
depuis au premier rang de la lutte pour la démocratie et qui ont fusionné avec succès
pour former l’Association nationale des chemins de fer d’Etat en 1991. Cette
organisation est devenue le SRUT après l’adoption en 2000 d’une nouvelle loi sur le
travail autorisant la création de syndicats dans le secteur public. Aujourd’hui, le SRUT
représente 11 000 membres dans toutes les catégories et régions du système ferroviaire
thaïlandais. Ces cheminots sont protégés par une convention collective conclue entre le
SRUT et la SRT (signée pour la première fois en 1975 entre les associations de cheminots
et la SRT). Le SRUT fait partie de tous les comités pertinents et représente les
travailleurs dans bien des organes de décision de la SRT, dont sa commission bipartite
des relations professionnelles (Commission des affaires syndicales (RAC)). A l’échelle
nationale, le syndicat est affilié à la SERC où il joue un rôle moteur. Fondée en 1980,
la SERC regroupe 45 syndicats du secteur public (70 pour cent du mouvement syndical
organisé dans ce secteur) et s’est joint à la CSI en 2008. A l’échelle internationale,
le SRUT est affilié à l’ITF depuis 1989.
- 583. Les organisations plaignantes indiquent que, le 5 octobre 2009, le
train no 84 de la SRT a déraillé à la gare de Khao Tao, dans le district de Hua Hin de
la province de Prachuap Kiri Khan, en Thaïlande, tuant sept personnes; d’autres
déraillements semblables s’étaient produits plus tôt ce mois-là plus à l’ouest, dans la
province de Kanchanaburi (train de passagers) et au nord de Bangkok (train de
marchandises). Selon le rapport d’enquête officiel, le conducteur du train s’est
endormi, ou a perdu conscience, immédiatement avant le déraillement; cet accident mortel
a donc été attribué à la négligence du conducteur. Les organisations plaignantes
ajoutent que le rapport contient des déclarations du conducteur et du technicien du
train, selon lesquelles le disjoncteur de sûreté et le dispositif de veille automatique
étaient brisés, et que le conducteur a perdu connaissance à cause de la fumée qui
s’infiltrait en permanence dans le poste de conduite.
- 584. Les organisations plaignantes indiquent que, le 13 octobre 2009, le
SRUT a convoqué en réunion son comité exécutif et les sous-comités de ses neuf sections
provinciales pour discuter de la détérioration de la situation en matière de santé et de
sécurité à bord des trains de la SRT. Comme le SRUT n’avait pas le droit à la grève en
vertu de la législation thaïlandaise, les dirigeants du syndicat ont convenu que la
meilleure stratégie en l’occurrence était d’appeler la SRT à respecter ses obligations
en matière de santé et de sécurité au travail en vertu des conventions collectives
signées entre le SRUT et la SRT (ci-après désignée l’initiative sur la santé et la
sécurité au travail).
- 585. Les organisations plaignantes citent les dispositions pertinentes
des conventions collectives, selon lesquelles la SRT doit vérifier et réparer avant de
les mettre en service tous les équipements de l’ensemble de ses locomotives, voitures et
bogies pour qu’ils soient en parfait état de marche (convention collective de 2001). De
même, la SRT doit vérifier et réparer avant de les mettre en service tous les
équipements de l’ensemble de ses locomotives, voitures et bogies pour qu’ils soient en
parfait état de marche (convention collective de 2002). La dernière convention
collective signée entre le SRUT et la SRT confirmait que les dispositions précitées
demeuraient en vigueur.
- 586. Les organisations plaignantes indiquent que, les 14 et 15 octobre
2009, le SRUT a publié des communiqués de presse réclamant le lancement de l’initiative
sur la santé et la sécurité au travail, et soulignant avec la plus grande insistance
qu’une locomotive défectueuse et mal réparée devrait être retirée du service aux termes
de la convention collective. En réponse à l’appel à l’action du SRUT, environ
1 200 membres du syndicat (soit 600 équipes composées d’un conducteur et d’un
technicien) ont refusé de conduire des trains dont le disjoncteur de sûreté ou le
dispositif de veille automatique était défectueux.
- 587. Selon les organisations plaignantes, la SRT a réagi aux communiqués
de presse en émettant une directive énonçant les procédures à suivre dans l’éventualité
où les travailleurs constataient que les locomotives n’étaient pas en état de marche et
prévoyant l’affichage d’avis sur les deux côtés du poste de conduite invitant le
conducteur à redoubler de prudence au cas où le disjoncteur de sûreté ou le dispositif
de veille automatique ne fonctionnerait pas correctement. Le 16 octobre 2009, le SRUT a
condamné la directive de la SRT dans un communiqué de presse, en affirmant que le
disjoncteur de sûreté et le dispositif de veille automatique étaient d’une importance
cruciale pour la sécurité des passagers, vitale pour la prévention des accidents, et
qu’ils étaient jugés essentiels dans la plupart des autres pays, et en rappelant qu’une
directive précédente de la SRT interdisait aux travailleurs de toucher auxdits
dispositifs sous peine de lourdes sanctions disciplinaires. Entre le 22 et le 26 octobre
2009, la police a été appelée à la gare et au dépôt de Hat Yai pour maintenir le calme
et l’ordre.
- 588. Les organisations plaignantes ajoutent que, le 28 octobre 2009, un
accord prévoyant la formation d’un comité chargé d’enquêter sur les conditions de
sécurité à bord des trains de la SRT a été signé entre le SRUT, la SRT, des hauts
fonctionnaires et des représentants de la police et de l’armée. Contrairement à ce que
la SRT a affirmé au départ, il a été reconnu que le SRUT n’a pas empêché le bon
fonctionnement du système ferroviaire thaïlandais dans le cadre de l’initiative sur la
santé et la sécurité au travail, mais a simplement demandé à ses membres d’attendre
qu’un équipement défectueux à bord d’un train soit réparé avant de conduire ledit
train.
- 589. Les organisations plaignantes allèguent que, néanmoins, la SRT a
licencié les six membres suivants de la section de Hat Yai du SRUT pour avoir participé
à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail (ordres de licenciement du 27
octobre 2009): i) M. Wirun Sagaekhum, conducteur de locomotive de niveau 6 et président
de la section de Hat Yai du SRUT; ii) M. Prachaniwat Buasri, conducteur de locomotive de
niveau 6 et vice-président de la section de Hat Yai du SRUT; iii) M. Sorawut
Porthongkham, technicien de niveau 5 et agent d’inscription de la section de Hat Yai du
SRUT; iv) M. Thawatchai Bunwisut, technicien de niveau 5 et agent des relations du
travail de la section de Hat Yai du SRUT; v) M. Saroj Rakchan, technicien de niveau 5 et
agent des relations du travail de la section de Hat Yai du SRUT; vi) M. Nittinai
Chaiphum, chef de gare et agent de formation de la section de Hat Yai du SRUT.
- 590. Les organisations plaignantes ajoutent que, le 15 janvier 2010, la
Commission nationale tripartite des relations professionnelles (SELRC) a ordonné à la
SRT de réintégrer les six travailleurs. La SRT a fait appel de cette ordonnance de
réintégration devant le Tribunal du travail thaïlandais. Le 17 décembre 2010, la
Commission nationale des droits de l’homme de Thaïlande (NHRC) a jugé que la SRT avait
enfreint les principes de la liberté syndicale et les droits des travailleurs concernant
le traitement réservé aux six membres de la section de Hat Yai (rapport de la NHRC joint
par l’organisation plaignante). La NHRC a vivement recommandé que la SRT se conforme à
l’ordonnance de réintégration du comité tripartite. Le 16 mars 2012, le Tribunal du
travail thaïlandais a annulé l’ordre de réintégration, jugeant que la SRT n’avait pas
agi illégalement en licenciant les six travailleurs, ces derniers ayant incité les
employés de la SRT au désordre, porté préjudice à l’employeur et organisé une action
revendicative illégale. Le SRUT a fait appel de cette décision auprès du Tribunal
supérieur du travail.
- 591. En outre, les organisations plaignantes allèguent que la SRT a
demandé au Tribunal central du travail l’autorisation de licencier sept dirigeants
nationaux du SRUT qui ne pouvaient faire l’objet d’un licenciement sans préavis à titre
de membres de la commission bipartite des relations professionnelles de la SRT, au
motif, entre autres, que les dirigeants syndicaux avaient enfreint la disposition de la
loi thaïlandaise sur le travail interdisant les grèves dans le secteur public. Le
28 juillet 2011, le Tribunal central du travail a autorisé la SRT à licencier les sept
dirigeants du SRUT suivants pour leur contribution à l’initiative sur la santé et la
sécurité au travail après la catastrophe ferroviaire de Hua Hin: i) M. Sawit Kaewvarn,
président du SRUT; ii) M. Pinyo Rueanpetch, vice-président du SRUT; iii) M. Banjong
Boonnet, vice-président du SRUT; iv) M. Thara Sawangtham, vice président du SRUT;
v) M. Liem Morkngan, vice-président du SRUT; vi) M. Supichet Suwanchatree, secrétaire
général du SRUT; vii) M. Arun Deerakchat, agent de formation du SRUT. Le tribunal a
également ordonné aux sept prévenus de payer 15 millions de baht thaïlandais (environ
500 000 dollars des Etats-Unis) plus 7,5 pour cent d’intérêts annuels courant à compter
de la date de dépôt. Le SRUT a fait appel de la décision auprès du Tribunal supérieur du
travail. Le 10 août 2011, la SRT a notifié leur licenciement aux sept dirigeants
syndicaux et a mis fin à leur contrat le 25 septembre 2011.
- 592. Les organisations plaignantes indiquent également que la SRT a
réclamé au SRUT, dans une procédure distincte, 87 millions de baht thaïlandais (environ
3 millions de dollars E. U.) en dommages-intérêts. Le 26 mars 2012, le Tribunal central
du travail a rejeté la requête au motif que les sept dirigeants syndicaux étaient
personnellement responsables de l’action revendicative et que les dommages-intérêts
payables par les dirigeants syndicaux étaient suffisants, rendant cette procédure
superflue.
- 593. Les organisations plaignantes précisent qu’en 2012 M. Kaewvarn et
d’autres dirigeants du SRUT ont rencontré à plusieurs reprises le sous-ministre des
Transports, qui aurait manifesté son appui au SRUT, mais rien n’a été fait pour la
réintégration des 13 dirigeants syndicaux licenciés. Le 19 octobre 2011, les sept
dirigeants du SRUT licenciés ont demandé leur réintégration au conseil indépendant de la
SRT, qui a répondu par la négative, arguant qu’une telle demande était infondée. Depuis
la fin de 2011, le SRUT a également demandé le rétablissement de la commission bipartite
des relations professionnelles de la SRT, mais le gouverneur de la SRT de l’époque n’a
montré guère d’empressement à s’exécuter. A la fin de 2012, un nouveau ministre et un
sous-ministre des Transports ont été nommés, de même qu’un nouveau gouverneur de la SRT.
Le 15 février 2013, les dirigeants du SRUT ont rencontré les nouveaux ministres et
gouverneur, ont soulevé la question de la réintégration et se sont fait dire d’en
discuter directement avec le gouverneur. Le 28 mars 2013, la commission bipartite des
relations professionnelles a été réunie sous la tutelle du nouveau gouverneur. Des
questions d’ordre général en matière de relations du travail ont été discutées, mais la
question de la réintégration des 13 dirigeants syndicaux n’a pas été abordée.
- 594. Sur le chapitre de la mobilisation internationale à l’appui de
l’initiative du SRUT sur la santé et la sécurité au travail, les organisations
plaignantes indiquent qu’une mission de sécurité de l’ITF, composée du président de la
section des cheminots de l’ITF, de six délégués de divers pays et de représentants de
l’ITF, se sont rendus en Thaïlande du 12 au 15 janvier 2010 pour enquêter sur les
licenciements et étudier les normes de sécurité dans les chemins de fer thaïlandais. Des
réunions ont eu lieu avec le SRUT, d’autres membres thaïlandais de l’ITF, le
sous-gouverneur de la SRT, des fonctionnaires en poste au bureau de Bangkok de l’OIT, le
ministre du Travail et le centre national du travail de la SERC. La délégation s’est
rendue dans des chantiers de la SRT à Bangsue, Makkasan et Hat Yai.
- 595. Selon les organisations plaignantes, la mission de l’ITF a conclu
que les licenciements de Hat Yai visaient à empêcher le syndicat de poursuivre son
action et que la justification de ces licenciements a été imaginée après coup. La
mission de l’ITF a fait observer que les travailleurs ont été licenciés au motif qu’un
rapport de la SRT citait un cadre supérieur qui aurait été témoin de leur tentative
d’interrompre le fonctionnement du chemin de fer, mais ni le nom de ce témoin ni les
détails d’une telle action ne figurent dans le rapport. Après étude des normes de
sécurité dans les lieux de travail où ils se sont rendus, la délégation a estimé
également que le gouvernement et la direction négligeaient depuis de nombreuses années
d’investir dans les chemins de fer. Il a été noté que le mauvais état général des
locomotives était dû au manque d’entretien et que les conducteurs des locomotives
interrogés lors de la visite avaient confirmé que le dispositif de sécurité – le
disjoncteur de sûreté – ne fonctionnait pas à bord de plusieurs locomotives. Un tel
dispositif est pourtant vital pour éviter l’erreur humaine et obligatoire dans la
plupart des régions du monde; de lourdes sanctions sont prévues pour conduite sans
dispositif de sûreté en état de marche. Un membre de la mission de sécurité de l’ITF a
déclaré que ce fut un choc de constater que, dans un pays industrialisé, des locomotives
fonctionnaient sans dispositifs de vigilance en état de marche, sans parler d’autres
défaillances mécaniques comme des fenêtres condamnées; qu’une locomotive dans un tel
état serait retirée du service dans son pays; et qu’il était tout aussi inquiétant de
constater que des travailleurs avaient été licenciés pour avoir exprimé leur
préoccupation et pour avoir refusé ensuite d’utiliser des locomotives en service
commercial par souci de la sécurité publique.
- 596. Les organisations plaignantes indiquent que, depuis 2009, l’ITF a
également demandé à ses membres d’appuyer les cheminots thaïlandais et leur syndicat, le
SRUT. Diverses activités ont été organisées: délégations venues en Thaïlande pour
exprimer leur solidarité avec le syndicat; réunions avec des fonctionnaires d’ambassade
thaïlandais pour discuter du cas; motion présentée au Parlement compétent; manifestation
devant l’ambassade de Thaïlande; lettres de protestation envoyées à l’Ambassade de
Thaïlande; et messages de solidarité au SRUT. L’ITF a également exprimé lors de réunions
son inquiétude au sujet de la situation en Thaïlande en adoptant des motions d’urgence
pour manifester son soutien au SRUT. Le 20 juin 2012, un séminaire OIT-SERC sur la
situation réelle des droits à la santé et à la sécurité des travailleurs thaïlandais a
eu lieu à Bangkok pour tenter de mieux faire connaître la convention (no 155) sur la
sécurité et la santé des travailleurs (SST), 1981, et pour engager une coopération entre
le gouvernement, les employeurs et les travailleurs en vue de l’amélioration des normes
de SST dans les chemins de fer. Avant et après la mission de sécurité de l’ITF, en 2010,
l’ITF a écrit à maintes reprises au gouvernement thaïlandais et à la société de chemins
de fer. En mars 2012, l’ITF a écrit au nouveau ministre des Transports, qui a répondu en
août 2012, confirmant qu’il avait chargé la SRT d’examiner la question en profondeur et
de rendre compte de ses conclusions au ministère.
- 597. Selon les organisations plaignantes, malgré le licenciement de
13 dirigeants syndicaux, l’initiative sur la santé et la sécurité au travail a porté ses
fruits puisque le gouvernement a accepté de recruter 171 diplômés de l’Ecole technique
du chemin de fer du pays en novembre 2009 et d’affecter près de 200 milliards de baht
thaïlandais (environ 6,5 milliards de dollars E.-U.) à l’amélioration des
infrastructures ferroviaires (176 milliards de baht thaïlandais ont été injectés
jusqu’ici); le gouvernement a également approuvé le plan de la SRT visant à embaucher
2 438 nouveaux employés le 17 avril 2012, dont le recrutement est en cours.
- 598. Les organisations plaignantes indiquent que la Constitution
thaïlandaise garantit expressément la liberté d’association (pour tous les
travailleurs), même si des exceptions sont prévues pour protéger certains intérêts
nationaux. Elle prévoit qu’une telle liberté ne peut être restreinte, sauf en vertu de
la loi adoptée précisément pour protéger les intérêts communs du public, maintenir
l’ordre public ou les bonnes mœurs, ou prévenir un monopole économique. La Constitution
ne garantit pas le droit de grève.
- 599. Les organisations plaignantes ajoutent que les relations
professionnelles dans le secteur public thaïlandais sont régies par la loi B.E. 2543 sur
les relations professionnelles dans les entreprises d’Etat (2000) (SELRA), dont la
préface stipule expressément l’intention du gouvernement de favoriser à la fois des
politiques et des pratiques saines en matière de travail et le travail décent tel que
défini par l’OIT. A l’article 51 de la SELRA, les employés des entreprises d’Etat, à
l’exception du personnel de direction, ont le droit de constituer des syndicats et des
fédérations, d’y adhérer et de négocier collectivement. L’article 33 prévoit une
interdiction générale des grèves dans le secteur public. L’article 77 impose des
sanctions pour fait de grève: jusqu’à un an d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul
de ces deux peines, pour participation à une grève; et jusqu’à deux ans d’emprisonnement
ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour appel à la grève. La SELRA contient
des dispositions concernant la discrimination antisyndicale (art. 35 et 58), dont voici
la teneur:
- Il est interdit à un employeur de licencier un
employé ou de commettre un acte qui pourrait empêcher ce dernier de travailler parce
qu’il a entrepris d’établir un syndicat, une fédération ouvrière ou qu’il est membre
d’un syndicat, d’une fédération ouvrière, de la Commission des affaires syndicales,
du comité ou d’un sous-comité des relations professionnelles d’une entreprise
d’Etat, partie à des poursuites judiciaires ou témoin devant les responsables
compétents, le greffier, le comité ou le tribunal du travail contre
l’employeur;
- …
- Lorsque le
syndicat agit dans l’intérêt de ses membres, l’employé membre du syndicat, le membre
du comité du syndicat, le membre du sous-comité et le personnel du syndicat sont
exemptés de toute accusation ou action en justice, au pénal ou au civil, à
l’occasion de leur participation à la négociation du règlement de la revendication
relative aux conditions d’emploi avec l’employeur et de l’explication ou de la
publication des faits concernant la revendication ou les conflits du travail ou le
fonctionnement du syndicat, sauf si les activités constituent des infractions
criminelles à l’endroit de la sécurité publique, des atteintes à la vie et à
l’intégrité physique, à la liberté et à la réputation, à la propriété ou des
infractions civiles résultant des infractions criminelles précitées.
- 600. Les organisations plaignantes rappellent que, de concert avec les
autres fédérations syndicales mondiales au nom de leurs membres thaïlandais respectifs,
elles ont déjà présenté, le 14 mai 1991 (cas no 1581), des allégations de violation des
droits syndicaux contre la Thaïlande. Cette plainte concernait deux lois votées par
l’Assemblée législative thaïlandaise désignée par le pouvoir militaire, qui visaient à
dissoudre les quelque 120 syndicats implantés dans près de 65 entreprises d’Etat, en les
excluant du champ d’application de la loi sur les relations professionnelles. Les
travailleurs du secteur public se voyaient interdire de négocier collectivement et de
faire grève, ainsi que d’exercer des activités syndicales dans ces entreprises sous
peine de lourdes sanctions. Le comité a conclu en 1991 que la législation posait de
graves problèmes de compatibilité avec les principes de l’OIT en matière de liberté
syndicale du point de vue tant du droit des travailleurs des entreprises d’Etat de
constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier que du droit de négocier
collectivement et de celui de promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs par
le recours à la grève. Pour donner suite aux nombreuses recommandations formulées par le
comité à propos du cas no 1581, le gouvernement a introduit la SELRA en 2000. Tout en
prenant note du fait que la SELRA permettait aux employés des entreprises d’Etat de
s’organiser et de négocier collectivement, le Comité de la liberté syndicale a reconnu
en 2002 l’existence de graves incompatibilités avec les principes de la liberté
syndicale, qui concernent l’objet de la présente plainte, soit l’interdiction générale
des grèves prévue à l’article 33 de la loi et les sanctions extrêmement lourdes imposées
pour participation ou appel à une grève, même pacifique (notamment une ou deux années
d’emprisonnement). Tout en priant le gouvernement thaïlandais de faire le nécessaire
pour modifier la SELRA pour qu’elle soit pleinement conforme aux principes de la liberté
syndicale, le comité lui proposait également son assistance technique à cette fin. Le
cas a été clos en 2004. Tout en saluant la proposition du gouvernement d’entreprendre
une étude sur les conventions nos 87 et 98 en vue de faire avancer le droit syndical des
travailleurs dans tous les secteurs, le comité a exprimé le ferme espoir que toutes les
questions qu’il avait soulevées soient résolues de manière satisfaisante dans les
meilleurs délais possibles. Les organisations plaignantes soulignent également que la
Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations et
la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail ont
formulé un certain nombre de commentaires sur le fait que la Thaïlande a omis de rendre
compte de l’application des conventions ratifiées et des conventions non ratifiées au
cours des vingt-deux années écoulées.
- 601. En conséquence, en ce qui concerne le licenciement des 13 dirigeants
du SRUT pour avoir organisé l’initiative sur la santé et la sécurité au travail, les
organisations plaignantes concluent à une violation des principes de la liberté
syndicale tels qu’ils sont énoncés dans la convention no 87 de l’OIT. Les organisations
plaignantes affirment que l’initiative sur la santé et la sécurité au travail entreprise
par le SRUT ne constituait pas une action revendicative et n’était donc pas illégale. En
conséquence, le licenciement des 13 dirigeants syndicaux n’aurait pu être étayé par la
législation nationale. En outre, selon les organisations plaignantes, même si
l’initiative sur la santé et la sécurité au travail ne constituait pas une action
revendicative interdite par la législation nationale, il est clair que celle-ci n’est
pas en conformité avec les principes de la liberté syndicale. En conséquence, les
dirigeants licenciés devraient être réintégrés, et la loi devrait être révisée.
- 602. Les organisations plaignantes indiquent que, même si le gouvernement
semble reconnaître le droit de grève aux travailleurs du secteur privé, ce n’est
certainement pas le cas pour les travailleurs du secteur public. Toutefois, le Comité de
la liberté syndicale a considéré que le droit de grève peut être restreint, voire
interdit: i) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent
des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ii) dans les services essentiels au sens
strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans
l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la
personne; iii) dans une situation de crise nationale aiguë et pour une durée limitée.
Les organisations plaignantes estiment que les employés des chemins de fer publics ne
sont pas considérés comme des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de
l’Etat, et les services ferroviaires ne constituent pas des services essentiels au sens
strict du terme. Il en va de même pour les services de transport et les services de
transport public en général. Il est évident qu’une situation de crise nationale aiguë
s’entend d’une véritable situation de crise, comme celles qui résultent d’un conflit
grave, d’une insurrection ou encore d’une catastrophe naturelle, sanitaire ou
humanitaire, où les conditions normales de fonctionnement de la société civile ne sont
plus réunies.
- 603. Les organisations plaignantes considèrent que non seulement
l’interdiction des grèves dans le secteur public thaïlandais ne peut se justifier au nom
de l’une ou l’autre des raisons citées plus haut, mais les travailleurs privés de ce
droit n’ont pas non plus reçu de garanties compensatoires. Le comité a jugé que cette
protection devrait comprendre, par exemple, des procédures de conciliation et,
éventuellement, d’arbitrage impartiales recueillant la confiance des intéressés,
auxquelles les travailleurs et leurs organisations pourraient être associés. A cet
égard, les organisations plaignantes souhaitent souligner que le SRUT n’a aucune
confiance dans la Commission nationale tripartite (SELRC) ni dans la commission
bipartite des relations professionnelles de l’entreprise. Le SRUT a indiqué que, jusqu’à
la nomination récente d’un nouveau gouverneur, la SRT a refusé de reconnaître que les
sept dirigeants syndicaux licenciés avaient été remplacés à la commission bipartite. Ce
mécanisme de consultation est donc complètement obsolète bien qu’il constitue une
garantie prévue par la loi. Les organisations plaignantes rappellent que le comité a
jugé que l’intervention du gouvernement (n’imposant pas d’interdiction générale) en cas
de grève dans les services ferroviaires ne se justifie que dans certaines situations
extrêmes, par exemple par l’établissement d’un service minimum.
- 604. Les organisations plaignantes estiment que les sanctions excessives
imposées par la législation nationale pour fait de grève – jusqu’à un an
d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour participation à une
grève dans le cas des travailleurs; et jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou une amende,
ou un cumul de ces deux peines, pour appel à la grève dans le cas des syndicats –
constituent une violation des principes de la liberté syndicale. En outre, elles croient
que les dommages-intérêts accordés à la SRT par le Tribunal central du travail
autorisant en l’occurrence le licenciement de sept dirigeants du SRUT pourraient mener
ces derniers à la faillite et entraîner la dissolution du SRUT. Les dirigeants syndicaux
licenciés n’ont pas été condamnés à l’emprisonnement, mais la menace d’une telle
privation de liberté a lourdement affecté leur moral et celui de leurs membres. Les
organisations plaignantes considèrent que les sanctions imposées à l’endroit des
dirigeants du SRUT sont contraires aux principes défendus par le comité.
- 605. Les organisations plaignantes allèguent également que la Thaïlande a
omis de protéger les travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale,
comme il est énoncé dans la convention no 98, dans la mesure où, indépendamment des
questions relatives à la légalité de l’initiative du SRUT sur la santé et la sécurité au
travail qui a conduit au licenciement de 13 dirigeants syndicaux, la législation
thaïlandaise permettait, et permet toujours, les licenciements de cette nature.
- 606. En conclusion, les organisations plaignantes sont d’avis que la
conduite de la SRT, et d’autres institutions officielles, n’est pas conforme aux
exigences des conventions nos 87 et 98 et que la législation thaïlandaise, qui permet
une telle conduite, n’est pas non plus conforme aux exigences de ces conventions. Les
organisations plaignantes estiment que les exigences de ces deux conventions ne sont pas
remplies du fait de l’interdiction des grèves dans le secteur public, des amendes et
sanctions pénales excessives imposées aux travailleurs et aux syndicats pour avoir mené
une action revendicative malgré une interdiction de grève (qui n’est pas non plus en
conformité avec les normes de l’OIT) et d’une tolérance face au licenciement de
travailleurs et de dirigeants syndicaux pour fait de grève. Les organisations
plaignantes pensent que les divers gouvernements qui se sont succédé en Thaïlande n’ont
pas appliqué fidèlement les recommandations des organes de contrôle de l’OIT. Selon les
organisations plaignantes, on s’attendait à ce que la promulgation de la SLRA en 2000
marque un tournant dans l’histoire des relations professionnelles du secteur public,
mais le texte définitif de la loi était bien loin d’être pleinement conforme aux
conventions nos 87 et 98. Vu la gravité des violations des droits syndicaux énoncées
dans le présent document, les organisations plaignantes demandent au comité de déclarer
que le gouvernement de la Thaïlande a manqué à ses obligations en vertu des conventions
nos 87 et 98, afin de rétablir le plein exercice de la liberté syndicale, et de prier le
gouvernement de faire le nécessaire pour la réintégration immédiate des 13 dirigeants
syndicaux licenciés, ainsi que le versement rétroactif de l’intégralité de leurs
salaires et leur indemnisation adéquate, et de faire de son mieux pour rejeter toutes
les plaintes déposées contre le SRUT concernant l’initiative sur la santé et la sécurité
au travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 607. Dans sa communication en date du 11 mars 2014, le gouvernement
indique que les cas des 13 dirigeants du SRUT faisaient l’objet d’un litige de travail.
La SRT, l’employeur et les 13 dirigeants du SRUT licenciés ont exercé leur droit
d’intenter des recours judiciaires. En outre, ils ont exercé leur droit de recours
contre le jugement du Tribunal central du travail en vertu de la loi B.E. 2522
concernant l’établissement du tribunal du travail et ses procédures (1979). Selon le
gouvernement, que l’ordre donné par la SRT de licencier les 13 travailleurs soit
légitime ou non, il fait d’ores et déjà l’objet d’une procédure judiciaire; une telle
procédure doit suivre son cours jusqu’au jugement définitif du Tribunal supérieur.
- 608. Le gouvernement indique que, dans la première affaire en instance
devant le Tribunal supérieur, la SRT a fait appel devant le Tribunal central du travail
de l’ordonnance émise par la SELRC nationale tripartite de réintégrer les six
travailleurs (M. Wirun Sagaekhum et ses collègues). Le tribunal a annulé l’ordonnance de
réintégration en déclarant que les travailleurs étaient coupables de négligence, de
désobéissance à un ordre légitime de leurs supérieurs et d’une infraction grave au
règlement de la SRT. En conséquence, le tribunal a révoqué la décision de la Commission
nationale tripartite. Dans ce cas, le ministère du Travail, au nom de la Commission
nationale tripartite, a autorisé le procureur à intenter un recours devant le Tribunal
supérieur.
- 609. Le gouvernement ajoute que, dans la deuxième affaire en instance
devant le Tribunal supérieur, la SRT a exercé son droit de demander au Tribunal central
du travail la permission de licencier les membres de la RAC en vertu de la SELRA. Le
tribunal a estimé que les sept prévenus ont incité et poussé les conducteurs de
locomotive, techniciens et autres travailleurs de la SRT (le plaignant) à cesser le
travail à bord des trains afin d’empêcher le plaignant d’exploiter des locomotives
diesel pour le transport de passagers et de marchandises, comme il le fait normalement.
Il a jugé que la conduite des sept prévenus avait porté préjudice au plaignant et
enfreignait les dispositions des articles 23 et 40 de la SELRA, vu qu’ils avaient
délibérément désobéi au plaignant et négligé leurs fonctions, contrairement au règlement
de la SRT (vol. 35) concernant la discipline et les sanctions imposées aux travailleurs
(révisées). Le jugement du tribunal a permis à la SRT (le plaignant) de licencier
M. Sawit Kaewvarn et ses six collègues (les prévenus) qui étaient des responsables du
SRUT aux termes de l’article 24 de la SELRA, et le tribunal a condamné les sept prévenus
à 15 millions de bath thaïlandais en dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi
par le plaignant. Dans ce cas, M. Sawit Kaewvarn et ses six collègues ont exercé leur
droit de recours contre la décision du Tribunal central du travail, conformément à la
loi concernant l’établissement du tribunal du travail et ses procédures, le 6 novembre
2011. L’affaire est actuellement en instance devant le Tribunal supérieur.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 610. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes allèguent le licenciement antisyndical de six membres du comité de la
section Hat Yai du Syndicat des chemins de fer d’Etat de Thaïlande (SRUT) et de sept
dirigeants du SRUT pour leur participation à l’initiative sur la santé et la sécurité au
travail lancée après la catastrophe ferroviaire qui s’est produite à Hua Hin, et
l’imposition de sanctions pour action revendicative. Elles ajoutent que la conduite de
la Société publique des chemins de fer de Thaïlande (SRT) et d’autres institutions
officielles révèle un certain nombre de failles dans la législation thaïlandaise
régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, qui va à
l’encontre des dispositions des conventions nos 87 et 98.
- 611. Le comité note en particulier que:
- i) considérant que la
catastrophe ferroviaire du 5 octobre 2009 à Hua Hin était due à des normes de
sécurité insuffisantes, le SRUT a lancé l’initiative sur la santé et la sécurité au
travail en demandant à la SRT de s’acquitter de ses obligations en matière de santé
et de sécurité au travail, en vertu des conventions collectives applicables, et à
ses membres de ne pas travailler à bord des trains dont les dispositifs de sécurité
étaient jugés défectueux;
- ii) les 14 et 15 octobre 2009, en réponse à
l’appel du SRUT, environ 1 200 membres du syndicat (soit 600 équipes composées d’un
conducteur et d’un technicien) ont refusé de conduire des trains dont le disjoncteur
de sûreté ou le dispositif de veille automatique était défectueux;
- iii) le
27 octobre 2009, la SRT a licencié les six membres du comité suivants de la section
de Hat Yai du SRUT travaillant comme conducteurs de locomotive, techniciens, etc.,
pour leur participation à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail:
M. Wirun Sagaekhum, président de la section de Hat Yai du SRUT; M. Prachaniwat
Buasri, vice-président; M. Sorawut Porthongkham, agent d’inscription; M. Thawatchai
Bunwisut, agent des relations du travail; M. Saroj Rakchan, agent des relations du
travail; M. Nittinai Chaiphum, agent de formation;
- iv) le 15 janvier 2010,
la Commission nationale tripartite SELRC a ordonné à la SRT de réintégrer les six
travailleurs; pour sa part, la NHRC a jugé que la SRT avait enfreint les principes
de la liberté syndicale et les droits des travailleurs et a recommandé que la SRT se
conforme à l’ordonnance de réintégration;
- v) par suite du recours intenté
par la SRT, le tribunal du travail thaïlandais a, le 16 mars 2012, annulé
l’ordonnance de réintégration, jugeant que la SRT n’avait pas agi illégalement en
licenciant les six travailleurs, ces derniers ayant incité les employés de la SRT au
désordre, porté préjudice à l’employeur et organisé une action revendicative
illégale; le SRUT a fait appel de cette décision auprès du Tribunal supérieur du
travail;
- vi) par ailleurs, la SRT a demandé au Tribunal central du travail
l’autorisation de licencier sept dirigeants nationaux du SRUT qui ne pouvaient faire
l’objet d’un licenciement sans préavis en tant que membres de la RAC bipartite de la
SRT, pour violation de la législation nationale interdisant les grèves dans le
secteur public;
- vii) le 28 juillet 2011, le Tribunal central du travail a
autorisé la SRT à licencier sept dirigeants du SRUT pour leur participation à
l’initiative sur la santé et la sécurité au travail après la catastrophe ferroviaire
de Hua Hin (M. Sawit Kaewvarn, président; M. Pinyo Rueanpetch, vice-président;
M. Banjong Boonnet, vice-président; M. Thara Sawangtham, vice-président; M. Liem
Morkngan, vice-président; M. Supichet Suwanchatree, secrétaire général; M. Arun
Deerakchat, agent de formation) et a ordonné aux sept prévenus de payer 15 millions
de baht thaïlandais (environ 500 000 dollars E.-U.) à la SRT en dommages-intérêts;
le SRUT a fait appel de la décision auprès du Tribunal supérieur du
travail;
- viii) le 10 août 2011, la SRT a notifié leur licenciement aux sept
dirigeants syndicaux et a mis fin à leur contrat le 25 septembre 2011;
- ix)
la SRT a réclamé 87 millions de baht thaïlandais (environ 3 millions de dollars
E.-U.) en dommages-intérêts au SRUT mais, le 26 mars 2012, le Tribunal central du
travail a rejeté cette requête, jugeant que les dommages-intérêts payables par les
sept dirigeants syndicaux étaient suffisants car ils étaient personnellement
responsables de l’action revendicative;
- x) l’initiative sur la santé et la
sécurité au travail a porté ses fruits puisque le gouvernement a accepté, en
novembre 2009, de recruter 171 diplômés de l’Ecole technique du chemin de fer du
pays, d’affecter près de 200 milliards de baht thaïlandais (environ 6,5 milliards de
dollars E.-U.) à l’amélioration des infrastructures ferroviaires et d’approuver le
plan de la SRT visant à embaucher 2 438 nouveaux employés le 17 avril
2012.
- 612. Le comité regrette le fait que le gouvernement se limite à de brèves
observations factuelles concernant les deux affaires en instance devant le Tribunal
supérieur et note la position du gouvernement selon laquelle, peu importe la légitimité
de la décision de la SRT de licencier les 13 travailleurs, elle fait d’ores et déjà
l’objet d’une procédure judiciaire, laquelle doit suivre son cours jusqu’au jugement
définitif du Tribunal supérieur.
- 613. Le comité constate que le licenciement des six travailleurs et
membres du comité de section, le 27 octobre 2009, était fondé, entièrement ou en partie,
sur l’article 33 de la SELRA (interdiction de grèves dans le secteur public). En ce qui
concerne les sept dirigeants du SRUT et membres de la RAC, le comité constate que le
Tribunal central du travail a autorisé leur licenciement en vertu de l’article 24 de la
SELRA pour violation des articles 23 (fonctions de la RAC, y compris prévention des
conflits de travail dans les entreprises d’Etat) et 40 (objectifs des syndicats, dont la
protection des intérêts de l’entreprise d’Etat et promotion des bonnes relations entre
employeurs et salariés), qui semblent avoir été lus conjointement avec l’article 33 de
la SELRA.
- 614. Le comité rappelle que, dans un précédent cas examiné concernant la
Thaïlande, il a déjà noté avec regret que l’article 33 prévoit une interdiction générale
des grèves. [Cas no 1581, 327e rapport, paragr. 111.] Le comité a toujours reconnu que
le droit de grève est l’un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et
leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et
sociaux. Le comité réitère que le droit de grève peut être restreint, voire interdit:
1) dans la fonction publique, uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des
fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict
du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans
l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la
personne. Il rappelle que les «employés publics» des entreprises commerciales ou
industrielles de l’Etat devraient pouvoir négocier des conventions collectives,
bénéficier d’une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale,
et même jouir du droit de grève dans la mesure où l’interruption des services qu’ils
fournissent ne met pas en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population,
la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le comité a considéré que les services
ferroviaires ne constituent pas, de manière générale, des services essentiels au sens
strict du terme. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté
syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 522, 576, 577 et 587.] Considérant que
l’article 33 de la SELRA n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale, le
comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures
nécessaires pour abroger cette disposition et de le tenir informé de l’évolution de la
situation à cet égard. Rappelant qu’un service minimum pourrait être approprié comme
solution de rechange possible dans les situations où une limitation importante ou une
interdiction totale de la grève n’apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause
le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé
d’assurer la satisfaction des besoins de base des usagers ou encore la sécurité ou le
fonctionnement continu des installations [voir Recueil, op. cit., paragr. 607], le
comité invite le gouvernement à examiner la possibilité de recourir aux principes
concernant les services minima lorsque la portée ou la durée d’une action collective
peut entraîner un préjudice irréversible. Par exemple, le comité souhaite souligner
qu’il est légitime d’établir un service minimum en cas de grève dans les chemins de fer.
[Voir Recueil, op. cit., paragr. 619.]
- 615. Dans le présent cas, le comité constate que l’initiative sur la
santé et la sécurité au travail lancée par le SRUT au lendemain de la catastrophe
ferroviaire du 5 octobre 2009 à Hua Hin visait à dénoncer des normes de sécurité
insuffisantes à la SRT (une entreprise d’Etat), qui concernaient directement les membres
du syndicat et les cheminots en général, le but étant d’améliorer la sécurité
professionnelle et les conditions de travail. Selon le comité, cette action de
protestation équivaut à une action revendicative tombant sous la protection des
principes de la liberté syndicale, peu importe qu’elle se manifeste dans son
organisation (les sept dirigeants du SRUT appelant les travailleurs à arrêter le travail
en cas de matériel de sécurité défectueux) ou dans une participation active (les six
travailleurs et membres du comité de section refusant de conduire des trains
défectueux). Rappelant que le licenciement de syndicalistes ne peut être fondé sur
l’interdiction de faire grève, le comité conclut que la décision de licencier les
13 dirigeants syndicaux découle de leurs activités syndicales légitimes et, plus
précisément, de l’organisation de l’initiative sur la santé et la sécurité au travail
d’octobre 2009 ou de la participation à cette initiative. Dans ces conditions, le comité
rappelle une fois encore au gouvernement que le recours à des mesures extrêmement graves
comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le
refus de les réembaucher impliquent de graves risques d’abus et constituent une
violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 666.] Le comité
espère que les jugements attendus dans les deux recours intentés devant le Tribunal
supérieur concernant le licenciement des six travailleurs et membres du comité de la
section Hat Yai du SRUT et l’autorisation de licencier les sept dirigeants du SRUT
assortie de l’imposition d’amendes excessives à leur endroit seront rendus
prochainement, et prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les conclusions du
comité soient portées sans délai à l’attention du Tribunal supérieur et de communiquer
copie de sa décision dès qu’elle aura été rendue. Le comité prie le gouvernement de
faire tout son possible pour que les 13 dirigeants syndicaux licenciés soient réintégrés
sans délai dans leurs fonctions aux conditions en vigueur avant leur licenciement et
indemnisés pour la perte de leurs salaires et avantages sociaux dans l’attente du
jugement définitif. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation
à cet égard.
- 616. Concernant les sanctions imposées aux sept dirigeants du SRUT, le
comité note qu’elles sont apparemment fondées sur l’article 77 de la SELRA. Le comité
rappelle que, dans un précédent cas examiné concernant la Thaïlande, il a déjà constaté
avec regret que les sanctions dont sont passibles les grévistes, même en cas de
manifestation pacifique, sont extrêmement lourdes. Elles peuvent en effet atteindre un
an d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour les personnes
ayant participé à une grève, et deux ans d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de
ces deux peines, pour les instigateurs de mouvements de grève. [Cas no 1581,
327e rapport, paragr. 111.] Le comité rappelle que des sanctions pénales devraient
pouvoir être infligées pour fait de grève seulement dans les cas d’infraction à des
interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute
sanction infligée en raison d’activités liées à des grèves illégitimes devrait être
proportionnée au délit ou à la faute commis, et les autorités devraient exclure le
recours à des mesures d’emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou
y participent. Le comité souligne également que des amendes équivalant à un montant de
500 à 1000 salaires minima par jour de grève abusive risquent d’avoir un effet
d’intimidation sur les syndicats et d’inhiber leurs légitimes actions de revendication
syndicale, d’autant que l’annulation de l’amende est subordonnée au non-déclenchement
d’une nouvelle grève qui serait considérée comme abusive. [Voir Recueil, op. cit.,
paragr. 668 et 670.] Considérant que l’article 77 de la SELRA n’est pas conforme aux
principes de la liberté syndicale, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement
de prendre sans délai les mesures nécessaires pour modifier cette disposition pour la
rendre pleinement conforme à ces principes et de le tenir informé de l’évolution de la
situation à cet égard.
- 617. En outre, tout en se félicitant du fait que la réclamation en
dommages-intérêts de l’entreprise contre le syndicat ait été rejetée, le comité note
avec préoccupation l’indication des organisations plaignantes selon laquelle la décision
judiciaire ordonnant aux sept dirigeants du SRUT de verser environ 500 000 dollars E.-U.
en dommages-intérêts à l’entreprise pourrait mener ces derniers à la faillite et
entraîner la dissolution du SRUT. Considérant que les amendes infligées aux dirigeants
syndicaux étaient destinées à sanctionner des cas d’infraction à des interdictions de
grève, qui sont elles mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, et que
leur montant excessif est susceptible d’avoir sur le syndicat et ses dirigeants un effet
d’intimidation qui risque de nuire à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes,
le comité espère que le recours intenté par le SRUT aura un effet suspensif concernant
le paiement de dommages-intérêts et que les conclusions du comité en la matière seront
également portées à l’attention du Tribunal supérieur.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 618. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil
d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie à
nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires
pour abroger l’article 33 de la SELRA et l’invite à examiner la possibilité de
recourir aux principes concernant les services minima énoncés dans ses conclusions
lorsque la portée ou la durée d’une action collective peut entraîner un préjudice
irréversible. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à
cet égard.
- b) Le comité espère que les jugements attendus dans les deux
recours intentés devant le Tribunal supérieur seront rendus prochainement et prie
instamment le gouvernement de veiller à ce que les conclusions du comité soient
portées à l’attention du Tribunal supérieur et de communiquer copie de sa décision
dès qu’elle aura été rendue. Dans l’attente du jugement définitif, le comité prie le
gouvernement de faire tout son possible pour que les 13 dirigeants syndicaux
licenciés soient réintégrés sans délai dans leurs fonctions aux conditions en
vigueur avant leur licenciement et indemnisés pour la perte de leurs salaires et
avantages sociaux. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la
situation à cet égard.
- c) Le comité prie à nouveau instamment le
gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour modifier
l’article 77 de la SELRA pour le rendre pleinement conforme aux principes de la
liberté syndicale et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet
égard.
- d) Considérant que les amendes infligées aux dirigeants syndicaux
étaient destinées à sanctionner des cas d’infraction à des interdictions de grève,
qui sont elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, et que leur
montant excessif est susceptible d’avoir sur le syndicat et ses dirigeants un effet
d’intimidation qui risque de nuire à l’exercice de leurs activités syndicales
légitimes, le comité espère que le recours intenté par le SRUT aura un effet
suspensif concernant le paiement de dommages-intérêts et que les conclusions du
comité en la matière seront également portées à l’attention du Tribunal
supérieur.