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Informe provisional - Informe núm. 372, Junio 2014

Caso núm. 3024 (Marruecos) - Fecha de presentación de la queja:: 24-MAR-13 - En seguimiento

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce l’exclusion du Syndicat démocratique de la justice (SDJ) de tout processus de négociation collective par les autorités alors qu’elle est l’organisation la plus représentative dans son secteur, le harcèlement des membres de l’organisation et la répression violente des forces de l’ordre à l’occasion de manifestations pacifiques

  1. 376. La plainte figure dans une communication de la Fédération démocratique du travail (FDT) en date du 24 mars 2013.
  2. 377. Le gouvernement a transmis sa réponse dans une communication en date du 4 juillet 2013.
  3. 378. Le Maroc a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981. Il n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 379. Dans une communication en date du 24 mars 2013, la Fédération démocratique du travail (FDT) indique que le Maroc a élaboré et approuvé en 2011 une nouvelle Constitution qui consacre les libertés et les droits de l’homme, notamment son article 8 qui met l’accent sur le rôle des organisations syndicales dans la défense des droits et intérêts sociaux et économiques des adhérents et encourage les pouvoirs publics à la négociation collective, ainsi que son article 29 qui garantit la liberté d’affiliation à un syndicat et le droit de grève. Les conditions d’exercice de ce dernier droit seraient déterminées par une loi organique. Selon la FDT, ce nouveau cadre constitutionnel est une opportunité pour le gouvernement de s’engager davantage dans la protection de la liberté syndicale et de dynamiser la négociation collective, et ainsi respecter les normes internationales du travail. La FDT considère que les réserves et réticences opposées à la ratification de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, sont actuellement sans fondement.
  2. 380. La FDT rappelle les plaintes présentées par les organisations syndicales concernant la liberté syndicale et la négociation collective, les conclusions et recommandations des organes de contrôle de l’Organisation internationale du Travail, notamment du Comité de la liberté syndicale, de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et de la Commission d’application des normes de la Conférence internationale du Travail sur la question au cours des années sans que le gouvernement n’adopte les réformes législatives nécessaires.
  3. 381. La FDT fait état des nombreuses violations de la liberté syndicale et de la négociation collective envers une organisation affiliée, le Syndicat démocratique de la justice (SDJ), par les autorités. La FDT indique que le SDJ est le syndicat le plus représentatif dans le secteur de la justice, tant en nombre d’adhérents qu’en nombre de représentants élus siégeant dans les commissions paritaires (65 pour cent des représentants au niveau régional et 99 pour cent aux niveaux central et national). Selon l’organisation plaignante, ce statut de syndicat le plus représentatif et l’absence de toute législation concernant la négociation collective dans la fonction publique font du SDJ l’interlocuteur logique dans les relations professionnelles et toute négociation collective envisagée dans le secteur de la justice.
  4. 382. Or l’organisation plaignante dénonce le fait que, depuis la prise de fonction du gouvernement, le ministère de la Justice refuse toute relation avec le SDJ, violant ainsi la pratique nationale en matière de négociation collective. L’organisation plaignante dénonce en outre les actes de harcèlement et de discrimination à l’encontre des dirigeants et adhérents du SDJ. L’organisation plaignante reproche les faits suivants au gouvernement.
  5. 383. En 2011, le gouvernement a sciemment écarté le SDJ des travaux de la Haute instance de la réforme du système judiciaire qui se penchait pourtant sur les conditions de travail des greffiers et des fonctionnaires de la justice en général. Les différentes actions de revendication du syndicat n’y ont rien changé.
  6. 384. Le ministère de la Justice refuse d’appliquer un accord signé en juin 2006 qui constitue un accord-cadre pour l’organisation des relations professionnelles dans le secteur (copie de l’accord jointe à la plainte). L’organisation plaignante dénonce le fait que le ministère de la Justice refuse notamment de convoquer les réunions mensuelles de négociation prévues par l’accord. Selon l’organisation plaignante, un nouvel accord a été signé avec le ministre de la Justice actuel, suite à la médiation d’associations de défense des droits de l’homme. Le nouvel accord prévoit l’organisation de séances de dialogue et de négociation à la demande du syndicat. Cependant, outre le fait que le ministère de la Justice n’a jamais donné suite aux nombreuses demandes écrites faites dans ce sens par le SDJ, l’organisation plaignante dénonce la signature de l’accord par un autre syndicat de la justice, qu’elle considère comme proche du pouvoir.
  7. 385. Le ministère de la Justice a publié un communiqué en date du 27 décembre 2012 déclarant officiellement le boycott des activités du SDJ et le refus de tout dialogue (copie fournie par l’organisation plaignante). Ce communiqué équivaut à empêcher le syndicat de développer ses activités, en violation des dispositions de la Constitution du Maroc et des principes universels de la liberté syndicale. Ce type d’agissement arbitraire et unilatéral du ministère de la Justice amène l’organisation plaignante à s’interroger sur l’intérêt d’adopter des règles et des lois, ou encore d’organiser des élections professionnelles pour mesurer la représentativité.
  8. 386. Le ministère de la Justice harcèle les dirigeants du SDJ en demandes d’explications et autres enquêtes au motif d’incitation à la grève (l’organisation plaignante joint à la plainte une communication). A titre d’exemple, l’organisation plaignante fait état d’explications demandées aux dirigeants syndicaux sur les absences suite à une grève dont le ministère a pourtant été informé. L’organisation plaignante dénonce en outre des circulaires internes incitant à priver les syndicalistes de leurs droits d’absence pour encadrement syndical et participation à des réunions syndicales.
  9. 387. Le secrétaire général adjoint du SDJ a été suspendu de ses fonctions à la tête du greffe du tribunal de première instance de Ksar El Kébir (ville au nord du Maroc) sans motif une semaine à peine après l’organisation d’une manifestation à l’occasion de la visite du ministre de la Justice (document joint à la plainte).
  10. 388. Le gouvernement a réprimé violemment les manifestations pacifiques organisées par le SDJ pour protester contre l’absence de toute négociation ou encore son exclusion des travaux de la Haute instance de la réforme du système judiciaire. A titre d’exemple, les forces de sécurité ont violemment réprimé un «sit-in» pacifique organisé le 19 octobre 2012 à Ifrane devant l’Ecole «Al Akhaoayne», blessant le secrétaire général du SDJ, M. Abdessadek Saidi, qui a dû être admis pendant une semaine à la clinique de Fès (l’organisation plaignante joint un certificat médical). Les forces de sécurité ont également réprimé de manière extrêmement violente un groupe de militants syndicaux lors de la manifestation pacifique organisée devant le tribunal de première instance de Tanger le 1er février 2013. Les victimes, nommément désignées par l’organisation plaignante, ont dû être transférées en ambulance à l’hôpital. Le 9 février 2013, un groupe de dirigeants syndicaux ont été séquestrés par le personnel de direction et de garde du Centre d’estivage dépendant de l’Association Mohammedia des œuvres sociales. Le parquet refuse d’enregistrer toute plainte à cet égard.
  11. 389. Le gouvernement procède à la retenue des salaires des militants grévistes du SDJ. L’organisation plaignante rappelle à cet égard que cette retenue se fait sans aucun fondement juridique puisque, si le Code du travail prévoit bien l’arrêt du contrat de travail pendant la grève, il n’existe aucun texte similaire pour la fonction publique. La FDT observe en outre que le gouvernement tire profit du vide juridique pour entraver l’exercice du droit de grève en effectuant les retenues sur salaire des militants de certains syndicats seulement.
  12. 390. Le ministre de la Justice a refusé de débattre avec le secrétaire général du SDJ dans une émission télévisée en janvier 2013. Au dernier instant, la direction de la chaîne de télévision a informé le dirigeant syndical du refus du ministre de la Justice de le rencontrer sur le même plateau. Pour l’organisation plaignante, il s’agit d’un déni du droit d’expression d’un responsable syndical et de son droit d’utiliser les médias publics.
  13. 391. L’organisation plaignante dénonce l’hostilité du ministre de la Justice envers le SDJ à travers des déclarations agressives répétées, et ce malgré les correspondances de la FDT au chef du gouvernement lui demandant d’intervenir pour mettre un terme aux excès du ministre de la Justice (copies jointes par l’organisation plaignante).
  14. 392. L’organisation plaignante indique que, face à toutes ces attaques des autorités contre le SDJ, une coalition juridique composée de 18 associations civiques indépendantes et actives dans le domaine de la surveillance et de la défense des droits de l’homme a annoncé sa solidarité avec le SDJ.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 393. Dans une communication en date du 4 juillet 2013, le gouvernement rappelle que le Maroc a ratifié le 20 mai 1957 la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et a adopté le dahir du 16 juillet 1957 sur les syndicats professionnels qui reconnaît la liberté syndicale aux travailleurs, y compris aux fonctionnaires. La reconnaissance de la liberté syndicale a été à l’origine de la création d’un mouvement syndical pluraliste composé de plus de 25 centrales syndicales, parmi lesquelles quatre considérée comme les plus représentatives. L’adoption du nouveau Code du travail en 2003 a été l’occasion de développer le droit syndical en accordant une protection renforcée aux représentants de travailleurs et en leur fournissant les facilités nécessaires, à la lumière de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, ratifiée en 2002.
  2. 394. Le gouvernement indique par ailleurs que le Statut général de la fonction publique (dahir du 24 février 1958) prévoit dans son article 14 que le droit syndical est exercé par les fonctionnaires dans les conditions prévues dans la législation en vigueur. Le même article dispose que «l’appartenance ou la non-appartenance à un syndicat ne doit entraîner aucune conséquence en ce qui concerne le recrutement, l’avancement, l’affectation, et d’une manière générale la situation des agents soumis au présent statut». Dans le but de permettre aux fonctionnaires qui assument des responsabilités syndicales d’accomplir leurs fonctions syndicales et représentatives, l’article 41 du statut permet l’octroi de congés exceptionnels ou de permissions d’absence à plein traitement qui ne sont pas comptés dans les congés réguliers aux représentants dûment mandatés des syndicats de fonctionnaires ou aux membres élus dans les organismes directeurs, à l’occasion de la convocation des congrès professionnels syndicaux, fédéraux, confédéraux et internationaux.
  3. 395. A l’instar des travailleurs du secteur privé, les fonctionnaires exercent le droit syndical en toute liberté. Un grand nombre de secteurs de la fonction publique, tels que l’enseignement, la santé, la justice, les finances et les collectivités locales, connaissent une activité syndicale importante. Le droit de grève est exercé aussi en toute liberté dans le secteur public, y compris dans le secteur de la justice. Le gouvernement indique que ce dernier secteur, dans lequel sont présents plusieurs syndicats, a été touché par plusieurs grèves générales qui ont eu des conséquences négatives sur les intérêts des usagers et des justiciables sans que le gouvernement ne prenne de mesures à l’encontre des grévistes, et ce bien qu’aucun service minimum n’ait été prévu.
  4. 396. En ce qui concerne la négociation collective dans la fonction publique, le législateur a institué le Conseil supérieur de la fonction publique chargé d’un rôle consultatif en matière de projets de lois et règlements qui intéressent les fonctionnaires soumis au Statut général de la fonction publique et de formation continue des fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités locales.
  5. 397. Par ailleurs, les syndicats de fonctionnaires présentent leurs candidats aux élections professionnelles des fonctionnaires dans le cadre des comités paritaires, afin de représenter les intérêts professionnels des fonctionnaires. La négociation sur les différents sujets qui intéressent la fonction publique a lieu dans le cadre du dialogue social national qui se déroule au sein de la «Commission du secteur public». Les questions abordées par la négociation collective dans la fonction publique comprennent la promotion des fonctionnaires, la révision des statuts particuliers de certaines catégories de fonctionnaires, la formation continue, la titularisation des agents temporaires, les activités sociales, la retraite, les allocations familiales, le système d’évaluation du rendement des fonctionnaires et la permanence syndicale. Tout cela a été consacré dans les conventions collectives conclues entre le gouvernement et les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs, qui sont au nombre de quatre depuis 1996 (conventions du 1er août 1996, du 23 avril 2000, du 30 avril 2003 et du 26 avril 2011). De plus, dans le but de promouvoir la négociation collective dans la fonction publique, le gouvernement a ratifié le 4 juin 2013 la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Il avait auparavant ratifié la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
  6. 398. En ce qui concerne les allégations de violation du droit de négociation collective par le ministère de la Justice et des Libertés, le gouvernement indique tout d’abord que la notion de syndicat le plus représentatif est prévue dans le titre V du Code du travail. L’article 425 dispose que «Pour déterminer l’organisation syndicale la plus représentative au niveau national, il doit être tenu compte de l’obtention d’au moins 6 pour cent du total du nombre des délégués des salariés élus dans les secteurs public et privé; de l’indépendance effective du syndicat; ainsi que de la capacité contractuelle du syndicat. Pour déterminer l’organisation syndicale la plus représentative au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, il doit être tenu compte de l’obtention d’au moins 35 pour cent du total du nombre des délégués des salariés élus au niveau de l’entreprise ou de l’établissement; et de la capacité contractuelle du syndicat.»
  7. 399. Le gouvernement reconnaît que le législateur n’a pas établi de critère pour déterminer l’organisation syndicale la plus représentative dans le secteur public. Cette lacune est comblée dans le projet de loi sur les syndicats professionnels, dont l’article 37 prévoit que, pour bénéficier de la qualité de syndicat le plus représentatif, le syndicat professionnel doit obtenir au niveau national dans le secteur public 6 pour cent au moins du nombre total de représentants des fonctionnaires au sein des commissions administratives paritaires.
  8. 400. Le gouvernement affirme que, en dépit du vide juridique, le ministère de la Justice et des Libertés a accordé au SDJ une situation privilégiée dans le cadre des conventions conclues. Le gouvernement rappelle cependant que le Comité de la liberté syndicale a affirmé que la notion de syndicat le plus représentatif ne doit pas être utilisée pour exclure les autres organisations syndicales qui ne remplissent pas les conditions de représentativité et qui conservent néanmoins le droit de représenter leurs adhérents, de manière à ce que les fonctionnaires ne soient pas incités à ne s’affilier qu’au syndicat le plus représentatif.
  9. 401. En ce qui concerne la non-représentation du SDJ dans la Haute instance de la réforme du système judiciaire, le gouvernement précise que l’organisme en question regroupe 40 personnalités appartenant aux divers secteurs et dont la nomination n’est pas liée à d’éventuelles considérations catégorielles, professionnelles ou syndicales. Cette haute instance a pour mission d’élaborer un projet de pacte de réforme profonde et globale du système judiciaire. Elle n’a pas de pouvoir de décision ou de contrôle de la négociation avec quelque partie que ce soit. Son rôle se limite à fixer les axes de la réforme et la méthodologie du dialogue et à recueillir les opinions et les propositions en vue de les soumettre à des débats régionaux. Le gouvernement ajoute qu’un lien Internet a été prévu sur le site électronique du ministère de la Justice (www.justice.gov.ma) pour accueillir les remarques et les propositions des citoyens sur la réforme du système judiciaire.
  10. 402. Selon le gouvernement, la véritable discussion sur les axes de la réforme a eu lieu dans le cadre des 11 débats nationaux organisés dans les différentes régions du Maroc. Le bureau de l’administration du dialogue national, qui est une assemblée élargie regroupant plus de 180 établissements publics, politiques et relevant de partis politiques, ainsi que des représentations syndicales et associatives, a invité officiellement le SDJ à en faire partie. Cependant, le syndicat a décliné catégoriquement l’offre par le biais de plusieurs communiqués, sous prétexte qu’il n’était pas représenté dans la haute instance (document joint par le gouvernement). Le gouvernement soutient que le syndicat a tenté, à l’occasion de chaque débat régional, de perturber les réunions et de mobiliser ses adhérents en vue d’occuper les lieux où se déroulaient les débats.
  11. 403. En ce qui concerne les allégations de non-respect des conventions conclues avec le ministère de la Justice et des Libertés, le gouvernement indique que le ministère en question a tenté d’institutionnaliser le dialogue sectoriel, que ce soit au niveau central ou régional, avec l’ensemble des syndicats du secteur, en vue de rechercher les solutions aux revendications des fonctionnaires, et ce par l’intermédiaire de deux mécanismes: a) le dialogue central organisé dans le cadre de la Commission centrale qui regroupe des représentants du ministère et des bureaux nationaux des représentations syndicales; et b) le dialogue régional organisé régulièrement dans le cadre des commissions du dialogue régional entre les directeurs régionaux dans les cours d’appel du Royaume et les bureaux régionaux ou locaux des représentations syndicales.
  12. 404. Dans ce contexte, le ministre de la Justice et des Libertés a rencontré les bureaux nationaux des syndicats le 1er février 2012 après la formation du nouveau gouvernement. Une série de réunions sur le dialogue sectoriel a été entamée, dont trois séances avec le SDJ. Cependant, selon le gouvernement, en dépit du dialogue régulier et de résultats positifs, le SDJ a adopté une position négative et a choisi le boycott en réaction à la conclusion par le ministère d’un accord avec l’Association nationale du secteur de la justice, qui est le deuxième syndicat du secteur, et le Syndicat national de la justice. Le gouvernement précise que le ministère a toujours souhaité un dialogue permanent avec l’ensemble des représentations syndicales, dont les revendications sont identiques dans certains cas et différentes dans d’autres. Le gouvernement déclare que la conclusion par le ministère de tutelle d’un accord non seulement avec le SDJ, mais également avec l’Association nationale du secteur de la justice et le Syndicat national de la justice permet à tous les fonctionnaires du ministère de la Justice, même ceux qui ne sont pas membres du SDJ, d’exercer leur droit syndical.
  13. 405. S’agissant des allégations relatives aux atteintes à la liberté syndicale lors de protestations pacifiques, le gouvernement indique tout d’abord que le ministère de la Justice et des Libertés avait décidé d’accorder au SDJ la priorité dans le dialogue sectoriel. Cependant, le syndicat a choisi de publier des communiqués comportant des termes d’injures, de diffamation et de dénigrement à l’endroit du responsable principal du secteur de la justice (document fourni par le gouvernement). Le gouvernement déclare que le SDJ a délibérément choisi la voie de la confrontation en poussant ses adhérents à perturber le trajet du ministre de la Justice et en assurant le transport de centaines d’entre eux pour empêcher ce dernier d’arriver au siège du tribunal de première instance à Ouyoune (dans le sud du Royaume) qui accueillait une réunion de la Haute instance de la réforme du système judiciaire. Le syndicat a également perturbé le déroulement normal des activités du tribunal, ce qui a porté atteinte aux droits des citoyens, des justiciables et des greffiers.
  14. 406. Malgré des pratiques qui n’ont, selon le gouvernement, aucun rapport avec l’action syndicale telle qu’elle est admise, le ministère de la Justice et des Libertés est prêt à reprendre le dialogue avec le SDJ, à la condition que ce dernier abandonne ces pratiques. Le gouvernement affirme que le SDJ a clairement choisi de continuer de recourir aux mêmes types de communiqués injurieux et de pratiques de blocage.
  15. 407. En ce qui concerne les allégations d’actes de harcèlement à l’encontre de dirigeants syndicaux du SDJ, le gouvernement soutient que le dossier porte sur plusieurs infractions commises par un responsable administratif qui occupe une position importante au tribunal de la capitale. Selon le gouvernement, ce responsable a tenté d’abuser de son autorité pour imposer les points de vue de son syndicat (appelant à la grève) à ses subordonnés adhérents d’autres syndicats. Le gouvernement considère qu’il s’agit en l’espèce d’une violation de la liberté des fonctionnaires de choisir leur camp et de s’engager ou non dans la grève. Le responsable syndical a donc été prié de s’expliquer. Le gouvernement observe que la présence de ce responsable à la tête de l’appareil administratif du tribunal, à l’instar de plusieurs membres du SDJ, est en elle-même la preuve que le ministère de la Justice et des Libertés respecte l’action syndicale et n’en tient pas compte lors de la nomination des responsables administratifs.
  16. 408. S’agissant des allégations relatives au refus d’accorder les facilités aux dirigeants syndicaux pour exercer leurs responsabilités syndicales et participer aux travaux de leurs instances syndicales, le gouvernement nie de tels agissements de la part du ministère de la Justice et des Libertés et transmet copie de la circulaire no 49 4/1 du ministère en question à ses administrations concernant les procédures applicables en matière d’autorisation d’absences pour les représentants syndicaux.
  17. 409. En réponse aux allégations concernant l’éviction du secrétaire général adjoint du SDJ, le gouvernement déclare que la mesure s’explique par une exigence d’intérêt général et n’a rien à voir avec l’affiliation syndicale. Il précise que l’intéressé a introduit un recours contre la décision administrative, lequel est toujours en cours. Il revient désormais à la justice de trancher la question.
  18. 410. En ce qui concerne les allégations de voies de fait perpétrées à l’encontre des membres et dirigeants du SDJ, y compris son secrétaire général, lors de manifestations, le gouvernement tient à souligner que plusieurs membres du SDJ ont tenté d’empêcher les personnes qui devaient participer à un débat d’accéder aux locaux prévus pour la réunion dans la ville d’Ifrane. Ces derniers ont aussi essayé d’occuper les lieux par la force. Les forces de sécurité ont du intervenir, sur ordre de leurs supérieurs, afin de préserver la sécurité des personnes et des biens, cela sans recourir à un usage excessif de la violence, contrairement à ce qui est indiqué dans la plainte. Selon le gouvernement, si des voies de fait ont effectivement été commises, les victimes disposent de droits de recours devant les instances judiciaires.
  19. 411. En ce qui concerne la position de «la coalition marocaine des droits» par rapport à l’agression dont ferait l’objet le SDJ, le gouvernement relève que le document présenté avec la plainte pour appuyer ce propos n’est qu’une lettre adressée au SDJ pour l’informer de la réception de sa plainte et de sa transmission aux organismes compétents. Le document ne constitue aucunement une preuve de la véracité des agressions en question. Le gouvernement souligne que «la coalition marocaine des droits» n’a, à ce jour, publié aucun communiqué ou prise de position à ce propos.
  20. 412. En ce qui concerne la déduction des journées de grève du salaire des fonctionnaires grévistes, le gouvernement rappelle tout d’abord que le Comité de la liberté syndicale estime qu’une telle mesure n’est pas contraire, de par son principe, aux principes de la liberté syndicale. Le gouvernement considère qu’un tel principe est admis dans la plupart des pays et a été reconnu par la jurisprudence des tribunaux nationaux à l’occasion de nombreuses décisions: tribunal administratif d’Agadir no 183/2005, publiée le 20 avril 2001; tribunal administratif de Rabat no 208/07/05 du 17 octobre 2007.
  21. 413. Enfin, en réponse aux allégations de déni du droit du SDJ de s’exprimer dans les médias, le gouvernement soutient que, si le secrétaire général du syndicat a été empêché de participer à l’émission «En direct avec vous» diffusée sur la chaîne de télévision «2M» à laquelle a pris part le ministre de la Justice et des Libertés, cela n’est pas du fait du ministre. Le gouvernement précise que le ministre de la Justice et des Libertés avait auparavant accepté de rencontrer le secrétaire général du SDJ à la radio sur la chaîne «Aswat» le 31 octobre 2012. Seulement à cette occasion, le dirigeant syndical a proféré des propos inconvenants. Le ministre de la Justice et des Libertés a voulu éviter que la situation ne se répète dans le programme télévisé de la chaîne «2M», afin de préserver la réputation du service judiciaire devant l’opinion publique nationale.
  22. 414. Le gouvernement affirme que le dialogue restera ouvert avec toutes les représentations syndicales du secteur de la justice chaque fois que celles-ci seront de bonne foi et seront désireuses de respecter les règles nationales et internationales en matière de dialogue et de négociation collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 415. Le comité observe que le présent cas porte sur des allégations d’exclusion du Syndicat démocratique de la justice (SDJ) de tout processus de négociation collective par le ministère de tutelle alors qu’elle est l’organisation la plus représentative dans le secteur de la justice, des actes de discrimination à l’encontre de ses dirigeants et la répression violente des forces de l’ordre à l’occasion de manifestations pacifiques organisées par le syndicat en question.
  2. 416. Le comité note l’indication de l’organisation plaignante, la Fédération démocratique du travail (FDT), selon laquelle une organisation affiliée, le SDJ, est le syndicat le plus représentatif dans le secteur de la justice, tant en nombre d’adhérents qu’en nombre de représentants élus siégeant dans les commissions paritaires (65 pour cent des représentants au niveau régional et 99 pour cent aux niveaux central et national). Selon l’organisation plaignante, ce statut de syndicat le plus représentatif et l’absence de toute législation concernant la négociation collective dans la fonction publique font du SDJ l’interlocuteur logique dans les relations professionnelles et toute négociation collective envisagée dans le secteur de la justice. Or l’organisation plaignante dénonce le fait que non seulement le SDJ a été écarté d’une instance devant décider des conditions de travail des fonctionnaires de la justice mais, suite à une relation de plus en plus hostile des autorités à l’égard du SDJ, le ministère de la Justice et des Libertés a décidé de cesser tout dialogue avec le syndicat via un communiqué officiel en décembre 2012.
  3. 417. Le comité prend note de la réponse du gouvernement qui, dans un exposé introductif, fait état de la ratification de toutes les conventions de l’OIT concernant le droit de négociation collective, du cadre législatif et de la pratique nationale entourant la détermination des organisations représentatives et la négociation collective dans la fonction publique. Le comité note les explications concernant le rôle du Conseil supérieur de la fonction publique chargé d’un rôle consultatif en matière de projets de lois et règlements, le rôle des comités paritaires et de la Commission du secteur public dans la négociation collective. Le comité note que, dans le cadre des négociations, depuis 1996, quatre conventions collectives ont été signées entre le gouvernement et les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs. Le comité observe que, si le gouvernement reconnaît une lacune juridique concernant la détermination de l’organisation syndicale la plus représentative dans le secteur public, cette lacune serait comblée par le projet de loi sur les syndicats professionnels, dont l’article 37 prévoit que, pour bénéficier de la qualité de syndicat le plus représentatif, le syndicat professionnel doit obtenir au niveau national dans le secteur public 6 pour cent au moins du nombre total de représentants des fonctionnaires au sein des commissions administratives paritaires.
  4. 418. Le comité note que, en dépit de ce cadre, le différend ayant abouti à la présente plainte a son origine dans les travaux de la Haute instance de la réforme du système judiciaire. En effet, l’organisation plaignante dénonce le fait qu’en 2011 le gouvernement a sciemment écarté le SDJ des travaux de cette haute instance qui, selon l’organisation plaignante, devait pourtant se pencher sur des questions ayant un impact direct sur les conditions de travail des greffiers et des fonctionnaires de la justice en général. Les appels du syndicat à participer aux travaux de la haute instance seraient demeurés vains. Le comité note les explications du gouvernement selon lesquelles la haute instance en question regroupait 40 personnalités appartenant à divers secteurs et dont la nomination n’est pas liée à d’éventuelles considérations catégorielles, professionnelles ou syndicales. Cette haute instance avait pour mission d’élaborer un projet de pacte de réforme profonde et globale du système judiciaire et n’avait pas de pouvoir de décision ou de négociation. Son rôle se limite à fixer les axes de la réforme et à recueillir les opinions et les propositions en vue de les soumettre à des débats régionaux. Selon le gouvernement, la véritable discussion sur les axes de la réforme a eu lieu dans le cadre des 11 débats nationaux organisés dans les différentes régions du Maroc. Le bureau de l’administration du dialogue national, qui est une assemblée élargie regroupant plus de 180 établissements publics, politiques et relevant de partis politiques, ainsi que des représentations syndicales et associatives, a invité officiellement le SDJ à en faire partie. Cependant, le gouvernement affirme que le syndicat a décliné catégoriquement l’offre par le biais de plusieurs communiqués, sous prétexte qu’il n’était pas représenté dans la haute instance.
  5. 419. Le comité observe que le différend entre le SDJ et le ministère de la Justice et des Libertés a pris une autre dimension à l’occasion de la signature d’un accord entre le ministère et d’autres syndicats du secteur de la justice. A cet égard, le gouvernement indique que le ministère en question a toujours souhaité un dialogue permanent avec l’ensemble des représentations syndicales. C’est ainsi que le ministère a tenté d’institutionnaliser un dialogue central et régional avec l’ensemble des syndicats en vue de rechercher les solutions aux revendications identiques dans certains cas et différentes dans d’autres, et ce par l’intermédiaire de deux mécanismes: a) le dialogue central organisé dans le cadre de la Commission centrale qui regroupe des représentants du ministère et des bureaux nationaux des représentations syndicales; et b) le dialogue régional organisé régulièrement dans le cadre des commissions du dialogue régional entre les directeurs régionaux dans les cours d’appel du pays et les bureaux régionaux ou locaux des représentations syndicales. Dans ce sens, le ministre de la Justice et des Libertés a rencontré les bureaux nationaux des syndicats le 1er février 2012 après la formation du nouveau gouvernement. Une série de réunions sur le dialogue sectoriel a été entamée, dont trois séances avec le SDJ. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle, en dépit du dialogue régulier et de résultats positifs, le SDJ a adopté une position négative et a choisi le boycott en réaction à la conclusion de l’accord signé avec les deux autres centrales syndicales.
  6. 420. Le comité relève que, outre la signature d’un accord avec des organisations syndicales, l’organisation plaignante allègue être politiquement marquée, l’organisation plaignante reproche au ministère de la Justice et des Libertés d’avoir toujours refusé de convoquer des réunions périodiques prévues dans un accord-cadre de 2006 pour l’organisation des relations professionnelles dans le secteur la justice ou encore des négociations à l’initiative des syndicats prévues dans un accord plus récent malgré les demandes écrites faites dans ce sens par le SDJ.
  7. 421. Ayant noté les déclarations de l’organisation plaignante et du gouvernement concernant la question de la représentativité et le déroulement de la négociation collective dans le secteur de la justice, le comité croit utile de rappeler les principes suivants: s’agissant de la question de la représentativité et du droit des syndicats minoritaires, le comité rappelle que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise ou d’une unité de négociation de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la négociation collective contenus dans les conventions pertinentes de l’OIT. Le comité observe que le système en cours dans le secteur de la justice n’est pas celui accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif.
  8. 422. Quant aux critères à appliquer pour déterminer la représentativité des organisations appelées à négocier, cette représentativité devrait se fonder sur des critères objectifs et préalablement définis. Le comité prend note du projet de loi sur les syndicats professionnels, dont l’article 37 prévoit que, pour bénéficier de la qualité de syndicat le plus représentatif, le syndicat professionnel doit obtenir au niveau national dans le secteur public 6 pour cent au moins du nombre total de représentants des fonctionnaires au sein des commissions administratives paritaires. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’adoption du projet de loi en question et de son application dans le secteur de la justice.
  9. 423. En outre, le comité tient à rappeler, concernant les accords conclus, que la négociation collective est un processus de concessions mutuelles, basé sur la certitude raisonnable que les engagements négociés seront tenus, au moins pendant la durée de validité de la convention, ladite convention résultant de compromis auxquels les deux parties ont abouti sur certains aspects, ainsi que d’exigences qu’elles ont abandonnées pour obtenir d’autres droits auxquels les syndicats et leurs membres accordaient une priorité plus élevée. Si les droits acquis en vertu de concessions accordées sur d’autres points peuvent être annulés unilatéralement, on ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce que les relations professionnelles soient stables ni à ce que les accords négociés soient suffisamment fiables. Aussi, les accords doivent être obligatoires pour les parties car le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 941, 939 et 940.] Tenant compte de la large représentativité du SDJ que le gouvernement ne met pas en doute, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires à la poursuite de la négociation collective avec le syndicat en question et de le tenir informé des mesures conclues à cet égard.
  10. 424. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle, le SDJ a tenté, à l’occasion de chaque débat régional, de perturber les réunions et de mobiliser ses adhérents en vue d’occuper les lieux où se déroulaient les débats. Il ressort en effet des informations fournies dans le cadre de la plainte que les différentes manifestations auxquelles se réfère l’organisation plaignante pour dénoncer l’intervention violente des forces de sécurité ont été organisées à l’occasion de débats régionaux concernant la réforme du système judiciaire.
  11. 425. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le gouvernement aurait réprimé violemment les manifestations pacifiques organisées par le SDJ. A titre d’exemple, les forces de sécurité auraient violemment réprimé un «sit-in» pacifique organisé le 19 octobre 2012 à Ifrane devant l’Ecole «Al Akhaoayne», blessant le secrétaire général du SDJ, M. Abdessadek Saidi, qui aurait dû être admis pendant une semaine à la clinique de Fès (l’organisation plaignante joint un certificat médical). Les forces de sécurité auraient également réprimé de manière extrêmement violente un groupe de militants syndicaux lors de la manifestation pacifique organisée devant le tribunal de première instance de Tanger le 1er février 2013. Les victimes, nommément désignées par l’organisation plaignante, auraient dû être transférées en ambulance à l’hôpital. Enfin, le 9 février 2013, un groupe de dirigeants syndicaux auraient été séquestrés par le personnel de direction et de garde du Centre d’estivage dépendant de l’Association Mohammedia des œuvres sociales.
  12. 426. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement rappelle que le SDJ a délibérément choisi la voie de la confrontation en poussant ses adhérents à perturber le trajet du ministre de la Justice et en assurant le transport de centaines d’entre eux pour empêcher ce dernier d’arriver au siège du tribunal de première instance à Ouyoune (dans le sud du Royaume) qui accueillait une réunion de la Haute instance de la réforme du système judiciaire. Le syndicat a également perturbé le déroulement normal des activités du tribunal, ce qui a porté atteinte aux droits des citoyens, des justiciables et des greffiers. Le gouvernement déclare, concernant les allégations de voies de fait à l’encontre des membres et dirigeants du SDJ, y compris son secrétaire général, que c’est dans le cadre d’affrontements initiés par les membres du SDJ qui ont tenté d’empêcher la tenue de débats et d’occuper par la force les locaux prévus pour les réunions, que les forces de sécurité auraient dû intervenir, sur ordre de leurs supérieurs, afin de préserver la sécurité des personnes et des biens, cela sans recourir à un usage excessif de la violence contrairement à ce qui est indiqué dans la plainte.
  13. 427. Le comité ne peut que regretter profondément des allégations selon lesquelles des manifestations publiques pour défendre des intérêts professionnels sont violemment réprimées ou aboutissent à l’usage de la violence, de part et d’autre. Il note en outre avec une profonde préoccupation l’indication selon laquelle le secrétaire général et d’autres dirigeants du SDJ ont subi des violences telles qu’ils ont dû être traités urgemment par les services médicaux. Compte tenu des éléments d’informations divergentes fournies, le comité croit utile de rappeler les principes suivants concernant le droit de manifestation des organisations syndicales: les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Mais, si le droit de tenir des réunions syndicales est un élément essentiel de la liberté syndicale, les organisations sont toutefois tenues de respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques, comme les autres personnes ou collectivités organisées, et de respecter la légalité. Les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133, 143 et 140.] Le comité veut croire que le gouvernement et l’organisation plaignante veilleront au respect de ces principes à l’avenir.
  14. 428. Le comité note que, selon le gouvernement, si des voies de fait ont effectivement été commises, les victimes disposent de droits de recours devant les instances judiciaires. Le comité prie le gouvernement ou l’organisation plaignante de le tenir informé de tous recours intentés devant les instances judiciaires suite aux violences alléguées, et de leurs résultats.
  15. 429. Le comité prend note des allégations relatives aux représailles à l’encontre de dirigeants et membres du SDJ pour l’organisation ou la participation à des grèves. Le comité note en particulier l’indication selon laquelle le secrétaire général adjoint du SDJ a été suspendu de ses fonctions à la tête du greffe du tribunal de première instance de Ksar El Kébir (ville au nord du Maroc) sans motif une semaine à peine après l’organisation d’une manifestation à l’occasion de la visite du ministre de la Justice. Le comité note que, selon le gouvernement, la mesure d’éviction s’explique par une exigence d’intérêt général et n’a rien à voir avec l’affiliation syndicale du fonctionnaire. Il précise que l’intéressé a introduit un recours contre la décision administrative, lequel est toujours en cours. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations complémentaires sur les motifs spécifiques de la suspension du secrétaire général adjoint du SDJ, de le tenir informé de l’issue de la procédure judiciaire entamée par ce dernier et de communiquer copie du jugement final.
  16. 430. En ce qui concerne la retenue des salaires des militants grévistes du SDJ, l’organisation plaignante rappelle qu’elle n’a aucun fondement juridique puisque, si le Code du travail prévoit bien l’arrêt du contrat de travail pendant la grève, il n’existe aucun texte similaire pour la fonction publique. La FDT dénonce en outre le fait que le gouvernement tire profit du vide juridique pour entraver l’exercice du droit de grève en effectuant les retenues sur salaire des militants de certains syndicats seulement. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement soutient qu’un tel principe est admis dans la plupart des pays et a été reconnu par la jurisprudence des tribunaux nationaux à l’occasion de nombreuses décisions: tribunal administratif d’Agadir no 183/2005, publiée le 20 avril 2001; tribunal administratif de Rabat no 208/07/05 du 17 octobre 2007. A cet égard, le comité rappelle que les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 654.] Cependant, si les déductions de salaire ne visent que des militants d’un syndicat uniquement, comme allégué en l’espèce, et dans la mesure où tous les syndicats ont appelé à la grève, cette situation constituerait de fait un traitement discriminatoire à l’encontre du syndicat visé affectant les principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations en réponse aux allégations de l’organisation plaignante et, si de tels agissements sont avérés, de les faire cesser immédiatement.
  17. 431. Le comité note les allégations de l’organisation plaignante dénonçant le fait que, en janvier 2013, le ministre de la Justice a refusé de débattre avec le secrétaire général du SDJ dans une émission télévisée. Au dernier instant, la direction de la chaîne de télévision aurait informé le dirigeant syndical du refus du ministre de la Justice de le rencontrer sur le même plateau. L’organisation plaignante dénonce le déni du droit d’expression d’un responsable syndical ainsi que de son droit d’utiliser les médias publics. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement indique que le ministre de la Justice et des Libertés avait auparavant accepté de rencontrer le secrétaire général du SDJ à la radio sur la chaîne «Aswat» le 31 octobre 2012. Seulement à cette occasion, le dirigeant syndical avait proféré des propos inconvenants. Le ministre de la Justice et des Libertés a voulu éviter que la situation ne se répète dans le programme télévisé de la chaîne «2M», afin de préserver la réputation du service judiciaire devant l’opinion publique nationale. En ce qui concerne la liberté d’expression et l’accès aux médias, le comité souhaite simplement rappeler que le droit d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 155.]
  18. 432. Enfin, le comité prend note du communiqué du 27 décembre 2012 du ministère de la Justice et des Libertés déclarant officiellement le boycott des activités du SDJ et le refus de tout dialogue. Selon l’organisation plaignante, ce communiqué équivaut à empêcher le syndicat de développer ses activités, en violation des dispositions de la Constitution du Maroc et des principes universels de la liberté syndicale. De son côté, le gouvernement affirme que le dialogue restera ouvert avec toutes les représentations syndicales du secteur de la justice chaque fois que celles-ci seront de bonne foi et seront désireuses de respecter les règles nationales et internationales en matière de dialogue et de négociation collective. Un tel communiqué public de la part d’un ministère appelant au boycott d’un syndicat représentatif constitue, pour le comité, une atteinte grave aux principes de la liberté syndicale. De l’avis du comité, compte tenu du nombre de travailleurs que représente le SDJ dans le secteur de la justice, il paraîtrait souhaitable, dans un esprit d’apaisement, que le gouvernement s’efforce d’intervenir pour que le dialogue soit renoué entre le ministère de la Justice et des Libertés et le syndicat, afin que les points de vue de toutes les représentations syndicales soient pris en compte dans le cadre de la réforme en cours. Le comité prie le gouvernement d’indiquer toute mesure prise dans ce sens.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 433. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant avec une profonde préoccupation l’indication selon laquelle des dirigeants du Syndicat démocratique de la justice (SDJ) ont subi des violences telles qu’ils ont dû être traités urgemment par les services médicaux, le comité prie le gouvernement ou l’organisation plaignante de le tenir informé de tous recours devant les instances judiciaires suite aux violences alléguées des forces de l’ordre, et de leurs résultats.
    • b) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations complémentaires sur les motifs spécifiques de la suspension du secrétaire général adjoint du SDJ, de le tenir informé de l’issue de la procédure judiciaire entamée par ce dernier et de communiquer copie du jugement final.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations en réponse aux allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles des déductions de salaire pour fait de grève ne viseraient que des militants d’un syndicat uniquement et, si de tels agissements sont avérés, de faire cesser ce traitement discriminatoire immédiatement.
    • d) Le comité prend note du projet de loi sur les syndicats professionnels, dont l’article 37 prévoit que, pour bénéficier de la qualité de syndicat le plus représentatif, le syndicat professionnel doit obtenir au niveau national dans le secteur public 6 pour cent au moins du nombre total de représentants des fonctionnaires au sein des commissions administratives paritaires. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’adoption du projet de loi en question et de son application dans le secteur de la justice.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires à la poursuite de la négociation collective avec le SDJ et de la tenir informé des mesures conclues à cet égard.
    • f) De l’avis du comité, compte tenu du nombre de travailleurs que représente le SDJ dans le secteur de la justice, il paraîtrait souhaitable, dans un esprit d’apaisement, que le gouvernement s’efforce d’intervenir pour que le dialogue soit renoué entre le ministère de la Justice et des Libertés et le syndicat, afin de poursuivre la négociation collective et d’assurer que les points de vue de toutes les représentations syndicales soient pris en compte dans le cadre de la réforme en cours. Le comité prie le gouvernement d’indiquer toute mesure prise dans ce sens.
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