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Informe definitivo - Informe núm. 382, Junio 2017

Caso núm. 3160 (Perú) - Fecha de presentación de la queja:: 06-JUL-15 - Cerrado

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Allégations: Dispositions législatives qui restreignent le droit de négociation collective des travailleurs du secteur public

  1. 500. La plainte figure dans une communication en date du 16 juillet 2015 envoyée par la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) et le Syndicat national de l’Unité des travailleurs du bureau du Contrôleur général national des douanes et de l’administration fiscale (SINAUT-SUNAT).
  2. 501. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 23 février 2016.
  3. 502. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 503. Dans leur communication du 16 juillet 2015, les organisations plaignantes allèguent que la législation nationale porte atteinte au droit de négociation collective des travailleurs du bureau du Contrôleur général national des douanes et de l’administration fiscale (SUNAT) (ci-après «le bureau du Contrôleur général»), car elle les empêche de négocier une augmentation de leurs salaires et d’autres indemnités.
  2. 504. Les organisations plaignantes attirent l’attention sur la neuvième disposition complémentaire finale de la loi no 29816 (loi de renforcement du SUNAT), dans laquelle il est énoncé, au premier paragraphe, que «les procédures de négociation collective ou d’arbitrage dans le domaine du travail se déroulent conformément aux règles de droit applicables et aux normes budgétaires en vigueur». Elles rappellent à cet égard que la norme applicable est la loi no 30281 (loi sur le budget du secteur public de 2015), qui, dans son article 6, interdit le réajustement ou l’augmentation des salaires ou d’autres indemnités, comme le font les lois budgétaires depuis plus de vingt ans (les organisations plaignantes précisent que ces lois interdisent tout type d’augmentation des salaires ou des indemnités, y compris à l’issue d’un arbitrage).
  3. 505. Par ailleurs, les organisations plaignantes soulignent également que le deuxième paragraphe de ladite neuvième disposition complémentaire finale de la loi no 29816 dispose que les procédures de négociation collective et d’arbitrage «doivent être considérées comme les seuls mécanismes permettant de parvenir au financement de tout type d’augmentation de salaire, de hausse des indemnités ou d’amélioration des conditions de travail et d’emploi, à hauteur d’un montant maximal correspondant à 1 pour cent de la hausse annuelle des ressources […] enregistrée l’année précédente». Les organisations plaignantes estiment que ce paragraphe peut être interprété de deux façons: i) comme l’imposition d’une limite aux négociations concernant des conditions non salariales; ou ii) comme la reconnaissance (en contradiction avec le premier paragraphe qui renvoie aux normes budgétaires) de la négociation salariale, mais avec un plafond qui équivaut à 1 pour cent de la hausse annuelle des ressources du SUNAT, plafond qui, selon ces organisations, correspond à un montant dérisoire (non conforme au volume des ressources propres et des résultats de l’entité) et constitue une restriction excessive de la négociation collective. Les organisations plaignantes dénoncent à cet égard que les parties concernées ne puissent pas négocier la part des ressources propres pouvant faire l’objet d’une négociation (cette part étant déterminée par la législation). Elles estiment également que cette restriction ne relève pas d’une mesure d’ajustement exceptionnelle, étant donné qu’elle ne se justifie par aucune situation extraordinaire et qu’elle est de nature permanente.
  4. 506. Les organisations plaignantes indiquent que cette atteinte au droit de négociation collective ne constitue pas un cas isolé, mais relève d’un phénomène récurrent sur lequel les organes de contrôle de l’OIT se sont prononcés. Elles allèguent que la loi no 30057 de 2013 (loi sur la fonction publique) établit de manière permanente les restrictions à la négociation collective des salaires dans l’ensemble du secteur public. Elles rappellent que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a jugé que ces restrictions étaient contraires aux conventions nos 98 et 151, et allègue que, à ce jour, le gouvernement n’a pris aucune mesure pour donner suite aux recommandations de la CEACR. Elles soulignent également que le gouvernement et les autorités concernées n’ont pas appliqué non plus les recommandations du comité concernant les cas nos 2690 et 2816. Dans ces cas, face au refus du bureau du Contrôleur général de mener des négociations sur les conditions économiques et de soumettre le différend à un arbitrage, le comité: i) dans son 357e rapport de juin 2010 a souligné que l’impossibilité de négocier des augmentations de salaires d’une manière permanente est contraire au principe de la négociation libre et volontaire et a demandé au gouvernement de promouvoir des mécanismes idoines pour que le SINAUT-SUNAT et le bureau du Contrôleur général puissent conclure une convention collective; ii) dans son 367e rapport de mars 2013 a recommandé au gouvernement de convoquer une réunion de concertation tripartite afin d’améliorer le système de négociation collective dans l’administration publique et de surmonter les problèmes qui surgissent dans la pratique.
  5. 507. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, loin d’avoir contribué à résoudre ces problèmes par des négociations entre 2010 et 2013, le bureau du Contrôleur général a continué à faire preuve de mauvaise foi au cours de la négociation collective: report du début de la négociation, absence à des réunions de négociation directe et de conciliation convoquées par l’autorité du travail et refus de formuler des propositions au motif que la législation lui interdit d’augmenter les salaires et d’autres indemnités. Ainsi, après plusieurs mois de réunions infructueuses, les négociations n’ont abouti à aucun résultat constructif. Les organisations plaignantes indiquent également que, au cours des négociations de 2010 11, le bureau du Contrôleur général a également été l’auteur d’actes antisyndicaux caractérisés par des restrictions à l’utilisation de la messagerie électronique institutionnelle à des fins syndicales et le lancement de procédures de sanction pour usage indu de la messagerie électronique à l’encontre de dirigeants syndicaux qui avaient diffusé par ce moyen des informations sur le déroulement de la négociation collective et les activités du syndicat (dans son 362e rapport, le comité avait recommandé que la question de l’utilisation de la messagerie électronique par le syndicat fasse l’objet de négociations entre les parties).
  6. 508. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que, si le bureau du Contrôleur général affirme ne pas pouvoir, compte tenu de la législation en vigueur, négocier des indemnités financières avec le SINAUT-SUNAT (syndicat majoritaire), il a en revanche mené ce type de négociations avec des syndicats minoritaires, dans l’objectif d’affaiblir le SINAUT SUNAT.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 509. Dans sa communication du 23 février 2016, le gouvernement transmet les observations de l’Autorité nationale de la fonction publique (SERVIR), du bureau du Contrôleur général et du vice-ministre du Travail sur les allégations des organisations plaignantes.
  2. 510. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la loi no 30057 interdit de négocier une augmentation des salaires, SERVIR souligne que cette norme régit la portée des droits collectifs dans le secteur public de manière à disposer d’un cadre normatif uniforme qui permet d’éviter les dérives en matière de négociation des salaires (à cause desquelles seuls certains travailleurs peuvent mener ce type de négociation), empêche le désordre qui résulte de règles différentes dans la négociation des salaires en fonction de la relation de travail du fonctionnaire (en raison duquel des fonctionnaires dont les fonctions et les responsabilités sont les mêmes bénéficient de rémunérations différentes), établit des critères techniques et objectifs pour l’augmentation des salaires et tient compte du principe de provision budgétaire.
  3. 511. Le bureau du Contrôleur général indique que, en ce qui concerne l’allégation de non-respect des recommandations du comité sur la négociation collective avec le SINAUT-SUNAT: i) pour ce qui est de la négociation collective de 2008-09, le syndicat a décidé de soumettre le différend à un arbitrage et, la sentence ayant été défavorable au bureau du Contrôleur général, celui-ci a engagé une action en justice pour contester la décision rendue; ii) s’agissant du cahier de revendications de 2010-11, des négociations ont été menées dans le respect du principe de négociation libre et volontaire en tenant compte, pour les aspects économiques, du fait que la loi budgétaire et la loi no 29816 établissent des restrictions en matière d’augmentation des indemnités financières; iii) en ce qui concerne l’allégation selon laquelle le bureau du Contrôleur général refuse de négocier des augmentations de salaires alors qu’il a conclu des conventions collectives avec d’autres organisations syndicales dans le cadre desquelles des augmentations de salaires auraient été obtenues, le bureau du Contrôleur général souligne qu’il a toujours scrupuleusement respecté la législation en vigueur et précise qu’il n’est pas concerné par l’interdiction prévue dans la loi sur la fonction publique no 30057 (la loi no 29816, qui le concerne, prévoit la négociation d’augmentations de salaires et d’indemnités à hauteur d’un montant maximal de 1 pour cent de la hausse annuelle de ses ressources). Le bureau du Contrôleur général fait valoir que, au cours des années 2011, 2012 et 2013, il a conclu des conventions collectives avec diverses organisations syndicales dans le respect du cadre normatif de la loi no 29816, en vertu de laquelle il existerait une possibilité de conclure prochainement une convention collective avec le SINAUT-SUNAT.
  4. 512. Le vice-ministre du Travail rappelle dans ses observations les dispositions juridiques applicables et indique que, tandis que la neuvième disposition complémentaire finale de la loi no 29816 prévoit la possibilité de négocier des augmentations de salaires à hauteur d’un montant maximal de 1 pour cent de la hausse annuelle des ressources, la loi no 30281 (loi sur le budget du secteur public de 2015) interdit, dans son article 6, le réajustement ou l’augmentation des salaires et d’autres indemnités. Il signale également que ni la loi no 29816 ni la loi no 30281 n’ont fait l’objet de recours en inconstitutionnalité (et sont donc considérées comme conformes à la Constitution) et que, lors de son examen de la conformité avec la Constitution de la loi no 30057 de 2013 (loi sur la fonction publique), dont le chapitre sur la négociation collective avait été contesté, le Tribunal constitutionnel a confirmé que la norme en question était en partie conforme à la Constitution.
  5. 513. Compte tenu de tous les éléments susmentionnés, le gouvernement conclut que: i) la neuvième disposition complémentaire finale de la loi no 29816 ne porte pas atteinte au droit de négociation collective, étant donné que le bureau du Contrôleur général a participé à des négociations et est parvenu à des accords avec plusieurs syndicats; ii) la loi no 30057 sur la fonction publique et les normes règlementaires qui s’y rapportent établissent des dispositions relatives à la négociation collective dans le secteur public afin de disposer d’un cadre normatif uniforme qui permet d’éviter le désordre en matière de salaires au moyen de critères techniques et objectifs; iii) le Tribunal constitutionnel a confirmé que la loi no 30057 était en partie conforme à la Constitution (il n’a pas jugé contraires à la Constitution ses dispositions relatives à la négociation collective); iv) en ce qui concerne la loi no 30281, aucun recours en inconstitutionnalité n’est en cours d’examen.

C. Conclusions

C. Conclusions
  1. 514. Le comité observe que la plainte porte sur des allégations faisant état de dispositions législatives qui restreignent le droit de négociation collective des travailleurs du bureau du Contrôleur général national des douanes et de l’administration fiscale et du secteur public en général.
  2. 515. En ce qui concerne la législation applicable au bureau du Contrôleur général et la négociation avec le SINAUT-SUNAT, le comité prend dument note des informations fournies par le bureau du Contrôleur général selon lesquelles la neuvième disposition complémentaire finale de la loi no 29816 permet de négocier collectivement une augmentation des salaires et des indemnités (dans la limite de 1 pour cent de la hausse annuelle des ressources propres) et, étant donné que des accords ont été signés avec d’autres organisations syndicales ces dernières années, il est possible de conclure prochainement une convention collective avec le SINAUT-SUNAT. Le comité rappelle que, dans des cas antérieurs dont les allégations portaient sur des difficultés à négocier collectivement avec le bureau du Contrôleur général, le comité avait souligné à quel point il était important que les parties puissent mener des négociations sur des questions salariales et que des mécanismes idoines soient promus à cet égard. [Voir cas no 2690, 357e rapport, paragr. 941 à 948 et cas no 2816, 367e rapport, paragr. 1001 à 1007.] S’agissant de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle la limite fixée à 1 pour cent de la hausse annuelle des ressources est dérisoire et non négociée, le comité rappelle que, en règle générale, il est conforme aux principes de la négociation collective de fixer une enveloppe budgétaire globale dans le cadre de laquelle les parties peuvent négocier les clauses monétaires, dans la mesure où elle laissent une place significative à la négociation collective. Le comité rappelle que, dans le cadre de son examen du cas no 2816, tout en prenant note des difficultés et des problèmes dont pâtit la négociation collective dans l’administration publique, le comité avait estimé que ceux-ci devraient être traités dans le cadre d’une réunion de concertation tripartite et avait invité le gouvernement à convoquer cette réunion afin d’améliorer le système de négociation collective dans l’administration publique et régler les difficultés et les problèmes constatés, y compris en ce qui concerne les salaires. [Voir le 367e rapport, paragraphe 1006.] Enfin, comme pour des cas antérieurs, le comité veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour promouvoir la négociation volontaire et de bonne foi entre le bureau du Contrôleur général et le SINAUT-SUNAT, de manière à ce qu’ils puissent conclure prochainement une convention collective portant notamment sur les salaires et d’autres indemnités.
  3. 516. S’agissant des allégations de restrictions à la négociation collective dans le secteur public, se traduisant par l’interdiction de négocier une augmentation des salaires ou d’autres indemnités financières prévues par les lois budgétaires sur le service public et la loi sur la fonction publique, le comité observe que la CEACR, dans le cadre son examen de l’application par le Pérou des conventions nos 98 et 151, s’est penché sur cette question et a noté que, dans sa décision du 3 septembre 2015, le Tribunal constitutionnel du Pérou, se fondant sur les conventions nos 98 et 151 ainsi que sur les commentaires correspondants des organes de contrôle de l’OIT: i) a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction de la négociation collective concernant les augmentations de salaires prévue dans les lois budgétaires du secteur public pour 2012, 2013, 2014 et 2015; et ii) a exhorté le Congrès de la République à adopter la réglementation de la négociation collective dans la fonction publique. La CEACR a prié instamment le gouvernement de prendre, en consultation avec les organisations syndicales concernées, les mesures nécessaires pour réviser la loi de 2013 sur la fonction publique ainsi que la réglementation pertinente, afin que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat puissent exercer leur droit de négociation collective concernant des questions économiques et salariales, conformément à la convention no 98, et que, pour ce qui est de l’application de la convention no 151, les fonctionnaires de l’administration publique puissent participer à la détermination des conditions d’emploi, y compris des salaires et d’autres éléments ayant une incidence financière. Compte tenu de ce qui précède et de la ratification par le Pérou des conventions nos 98 et 151, le comité invite le gouvernement à continuer d’informer la CEACR sur les aspects législatifs de ce cas.
  4. 517. Le comité observe que l’allégation d’actes antisyndicaux liés à l’utilisation de la messagerie électronique est traitée dans le cadre du cas no 2816, dont il assure le suivi, et renvoie aux conclusions et recommandations formulées à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 518. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour promouvoir la négociation volontaire et de bonne foi entre le bureau du Contrôleur général et le SINAUT-SUNAT, de manière à ce qu’ils puissent conclure prochainement une convention collective, portant notamment sur les salaires et d’autres indemnités, et invite de nouveau le gouvernement à traiter dans le cadre d’une réunion de concertation tripartite les difficultés et les problèmes dont pâtit la négociation collective dans l’administration publique, y compris en matière de rémunération.
    • b) Etant donné que le Pérou a ratifié les conventions nos 98 et 151, le comité invite le gouvernement à continuer d’informer la CEACR des aspects législatifs du cas relatifs aux dispositions qui excluent, pour les agents de la fonction publique, les questions salariales ou les questions ayant une incidence financière de la négociation ou de la participation collective.
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