Allégations: L’organisation plaignante dénonce la violation systématique par le gouvernement des droits de liberté syndicale, notamment par de nombreux actes de violence antisyndicale et d’autres formes de représailles, le rejet arbitraire des demandes d’enregistrement des syndicats les plus actifs et indépendants, et des pratiques antisyndicales de la part de la direction des usines. L’organisation plaignante dénonce également des manquements à l’application de la loi et l’hostilité manifestée par le gouvernement vis-à-vis des syndicats et allègue que le projet de loi du Bangladesh sur le travail dans les zones franches d’exportation (2016) n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective
- 149. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 24 avril 2016.
- 150. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication reçue le 22 mars 2017.
- 151. Le Bangladesh a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 152. Dans sa communication en date du 24 avril 2016, la CSI dénonce la violation systématique par le gouvernement des droits de liberté syndicale.
- 153. L’organisation plaignante dénonce des mesures de représailles antisyndicales sévères et parfois violentes prises par la direction des entreprises ou ses agents, en particulier dans le secteur du prêt-à-porter. Elle allègue que des dirigeants de nombreux syndicats constitués après 2013 ont subi des brutalités à la suite desquelles ils ont dû être hospitalisés, que certains comités directeurs ont vu tous leurs membres licenciés et que, dans certains cas, des syndicalistes ont été victimes d’actes d’intimidation et de harcèlement perpétrés par la police, selon toute apparence à l’instigation de la direction de l’usine. L’organisation plaignante dénonce également des manquements constants à l’état de droit, déclarant que la police ne mène presque jamais d’enquêtes sérieuses sur les cas de violence antisyndicale, que l’inspection du travail réagit avec beaucoup de retard, que les employeurs concernés ne sont pas sanctionnés et que la plupart des travailleurs syndiqués qui ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales n’ont pas encore été réintégrés, autant de pratiques qui contribuent à instaurer un climat d’impunité. Afin d’illustrer ses allégations générales, l’organisation plaignante, qui indique qu’elle est au fait de plus d’une centaine d’actes de discrimination antisyndicale, notamment de licenciements, de menaces, d’actes d’intimidation et de violence au sein des usines où de nouveaux syndicats ont été enregistrés, fournit un certain nombre de cas représentatifs émanant du secteur du prêt-à-porter.
- – Le 26 août 2014, la présidente par intérim du syndicat de l’entreprise Global Trousers Ltd. à Chittagong (ci-après l’entreprise a)) et son mari ont été frappés par plusieurs hommes armés de barres de fer, alors qu’ils attendaient le bus pour rentrer chez eux après le travail. Assommée, la présidente a perdu connaissance et, dans un état critique, a dû être transportée d’urgence à l’hôpital le plus proche. Les victimes ont raconté qu’un contremaître les avait montrés du doigt aux agresseurs et que, pendant qu’ils les frappaient, ces derniers avaient menacé de les tuer s’ils ne démissionnaient pas du syndicat et ne renonçaient pas à leur emploi à l’usine. Les travailleurs ont également indiqué que, quelques jours avant les faits, plusieurs hommes armés de couteaux attendaient la présidente du syndicat devant les portes de l’usine, mais qu’un changement dans son programme les avait empêchés de mener une quelconque action à son égard. L’usine a fermé en mai 2015.
- – Depuis la fin avril 2014, plus de 60 travailleurs de l’entreprise Raaj RMG Washing Plant (ci-après l’entreprise b)) ont été licenciés. Plusieurs dirigeants syndicaux ont fait l’objet de fausses accusations pénales, tandis qu’au moins un dirigeant a été agressé physiquement. Selon le syndicat de l’usine, il n’y a jamais eu autant de représailles qu’en mars 2014, après que la direction de l’usine eut reçu une demande relative au processus de négociation collective.
- – Le 10 novembre 2014, une caméra installée dans les locaux de l’usine Global Garments Factory Ltd. (ci-après l’entreprise c)), qui appartient à une entreprise multinationale, a enregistré une scène sur laquelle on voyait une dirigeante syndicale être rouée de coups et un de ses homologues être poursuivi et frappé à coups de poing. Une autre syndicaliste a été poussée à l’extérieur de l’usine où elle a été attaquée hors du champ de la caméra. Ces agressions et humiliations, orchestrées par la direction de l’usine, ont abouti au licenciement illégal de 15 dirigeants et militants syndicaux. Cette affaire a été réglée en dernier ressort grâce à l’intervention d’acheteurs internationaux, agissant sous la pression de syndicats internationaux et d’organisations non gouvernementales, et a abouti à un accord bipartite prévoyant un contrôle et des visites de suivi dans les usines. Il n’en demeure pas moins que, au cours de l’année écoulée, quatre des cinq usines de cette entreprise multinationale où des syndicats sont présents ont été fermées, alors qu’aucune fermeture n’a été annoncée dans les plus de 20 usines de cette même entreprise où aucun syndicat n’est présent.
- – En février 2014, les travailleurs de l’usine Chunji Knit Ltd. (ci-après l’entreprise d)) ont manifesté l’intention de constituer un syndicat et, dans cette perspective, ont invité des responsables de la Bangladesh Federation of Workers Solidarity (BFWS) afin qu’ils les aident. Toutefois, quatre de ces derniers ont été roués de coups de pied et frappés à coups de bâton par un groupe de 13 hommes, en présence du chef du personnel de l’usine et du directeur adjoint de la production. Deux dirigeants syndicaux ont dû être hospitalisés pendant plusieurs jours. On leur a également volé leur téléphone portable, leur argent, ainsi que des prospectus sur les droits du travail et des formulaires relatifs à la constitution du nouveau syndicat, qui avaient déjà recueilli la signature de 300 travailleurs. Les victimes ont déposé auprès de la police une plainte contre la direction de l’usine, qui a porté à son tour plainte contre 37 personnes (ouvriers de l’usine, membres et dirigeants de la BFWS), en portant de fausses accusations de vol, de pertes et de dommages; quelques semaines plus tard, 65 travailleurs ont été licenciés. Le syndicat et la direction sont parvenus à un accord uniquement après que des organisations non gouvernementales et des acheteurs eurent exercé des pressions en ce sens, et non grâce à l’intervention des fonctionnaires de la Direction du travail.
- – En septembre 2014, après que des travailleurs de l’usine BEO Apparels Manufacturing Ltd. (ci-après l’entreprise e)) eurent porté plainte auprès de la direction à propos de questions d’indemnités et de sécurité au travail, celle-ci a licencié 48 membres du syndicat local, dont la majeure partie des dirigeants. Des manifestations pacifiques se sont tenues en signe de protestation, et la direction a fait intervenir la police, qui a ordonné aux travailleurs de reprendre le travail et qui s’est livrée à des brutalités à leur encontre, à la suite de quoi cinq travailleurs, dont le président du syndicat, ont dû recevoir des soins médicaux. La police a par la suite refusé d’enregistrer les plaintes des travailleurs, et des dizaines de refus similaires (plaintes pour coups et blessures et violation des droits) ont été recensés. En octobre 2014, les dirigeants de l’Akota Garment Worker Federation (AGWF), à laquelle le syndicat de l’usine est affilié, et deux membres du personnel syndiqués ont sollicité une intervention au titre de l’Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh (ci-après l’Accord), mais l’usine a rétrogradé ces travailleurs et lancé une campagne de harcèlement à leur égard. En décembre 2014, l’Accord a conclu que les licenciements de septembre 2014 constituaient des mesures de représailles et a demandé au propriétaire de l’usine de réintégrer tous les travailleurs licenciés. Bien que le propriétaire ait au départ accepté d’agir en ce sens, notamment sous la pression exercée par les acheteurs, il a par la suite rompu son engagement, en prétendant que les directeurs de l’usine démissionneraient tous si les syndicalistes obtenaient l’autorisation de retourner au travail. En février 2015, une délégation composée de représentants de l’Accord, des acheteurs concernés et de représentants de l’AGWF a expliqué à la direction que la réintégration des syndicalistes licenciés était une mesure indispensable. Plusieurs responsables ont alors réagi en s’en prenant physiquement à la délégation et la situation a dégénéré en une bagarre dans laquelle on a vu des directeurs armés de bâtons et de barres de fer frapper des travailleurs favorables au syndicat. Pour quitter les lieux en toute sécurité, la délégation de l’Accord a dû demander l’aide de la police. Le propriétaire de l’usine a par la suite déclaré que l’usine fermerait ses portes et l’ensemble du personnel a été licencié en mars 2015. Pendant toute la durée du conflit, les autorités publiques n’ont pris aucune mesure en vue de réintégrer les travailleurs ou d’amener la direction de l’usine à rendre compte de ses actes.
- – Le syndicat de l’entreprise Dress & Dismatic Co. Ltd. (ci-après l’entreprise f)), qui appartient à l’un des plus gros producteurs de vêtements du Bangladesh, est affilié à la Bangladesh Garment and Industrial Workers Federation (BGIWF). Plusieurs semaines après son enregistrement, le syndicat a présenté un cahier de revendications à la direction de l’usine, dans le but d’engager un processus de négociation collective, mais la direction a répondu en déployant une série de mesures de représailles: ainsi, pendant les trois mois qui ont suivi, des dirigeants syndicaux n’ont cessé d’être déplacés d’un endroit à l’autre de l’usine; on a menacé les ouvriers d’augmenter les objectifs de production si on les voyait parler avec des dirigeants syndicaux; un syndicat de pure forme contrôlé par la direction de l’usine a été constitué; de nombreux travailleurs ont été contraints de signer une pétition dénonçant le cahier de revendications présenté par le syndicat; et les dirigeants syndicaux ont reçu plusieurs appels téléphoniques anonymes les menaçant de violence. En mars 2015, le syndicat a porté plainte dans le cadre de l’Accord, en signalant l’incapacité de la direction à maintenir la sécurité du bâtiment, ce qui a été confirmé à la suite d’une visite des représentants de l’Accord. En avril 2015, la direction de l’usine s’est livrée à des représailles, en orchestrant l’agression de plusieurs responsables du syndicat, dont la présidente, par des travailleurs qui lui étaient hostiles, et en exigeant la démission de neuf dirigeants. Appelée en renfort après le refus de ces derniers, la police a dit aux travailleurs qu’ils seraient arrêtés s’ils n’acceptaient pas de démissionner. Tandis que la plupart des travailleurs ont cédé sous la pression, la présidente du syndicat a refusé de présenter sa démission. Elle a été contrainte par la police de quitter les locaux de l’usine et, après avoir reçu de nouvelles menaces d’agression, a estimé qu’il n’était pas sûr pour elle d’y retourner. Bien que les travailleurs aient essayé d’employer les voies de recours officielles à leur disposition – dépôt de plaintes et demande de réintégration de neuf dirigeants syndicaux auprès du codirecteur du travail et du comité d’arbitrage de la Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association (BGMEA) –, ces démarches n’ont abouti à aucune mesure corrective. Au contraire, les acheteurs, à la demande de l’Accord, ont dû intervenir pendant plusieurs mois auprès de la direction de l’usine pour que celle-ci finisse par accepter, en décembre 2015, de réintégrer les dirigeants syndicaux.
- – Le 29 février 2016, cinq travailleurs de l’entreprise Panorama Apparels Ltd. (ci-après l’entreprise g)) ont été licenciés ou contraints de démissionner. Au moment des licenciements, ces travailleurs exerçaient des fonctions dans un syndicat dont la demande d’enregistrement était en cours. Ainsi, ils ont été licenciés en violation de la loi, qui interdit, dans les cas où la demande d’enregistrement d’un syndicat est en cours, de licencier des responsables syndicaux sans autorisation préalable du codirecteur du travail. Les travailleurs licenciés ont alors dénoncé auprès du codirecteur des pratiques de travail déloyales au sein de l’usine, mais celui-ci a conclu, après enquête, qu’il n’y avait pas eu de violation de la loi, dans la mesure où les cinq travailleurs avaient démissionné de leur plein gré. Toutefois, il y a lieu de signaler que les travailleurs concernés n’ont pas été entendus dans le cadre de l’enquête, laquelle a reposé semble-t-il uniquement sur les déclarations de la direction et sur les lettres de démission signées par les travailleurs sous la contrainte. La demande d’enregistrement du syndicat a été refusée peu de temps après, pour cinq motifs qui sont tous, selon l’organisation plaignante, de fausses justifications ou des prétextes (voir ci-après). Le syndicat a sollicité l’intervention de deux marques. Agissant selon toute apparence à l’instigation de la direction, des responsables locaux de la Ligue Awami ont approché les cinq travailleurs licenciés quelques jours avant la réunion prévue et leur ont demandé de déclarer qu’ils avaient démissionné de leur plein gré de l’usine en échange d’une importante somme d’argent. Malgré ces menaces, les travailleurs se sont rendus à la réunion organisée avec les marques, au cours de laquelle la direction de l’usine a accepté de les réintégrer et de respecter les règles de base régissant les relations avec l’AGWF. Toutefois, les travailleurs ont dit craindre d’éventuelles représailles s’ils revenaient à l’usine. L’organisation plaignante souligne que ces événements se sont déroulés quelques jours à peine avant la venue dans l’usine de la mission tripartite de l’OIT, en avril 2016.
- – En 2015, plus de 40 dirigeants syndicaux et membres de l’entreprise Prime Sweaters Ltd. (ci-après l’entreprise h)) ont été licenciés, menacés, brutalisés, inculpés sur la base de fausses accusations et emprisonnés, en raison de leur engagement au sein du syndicat de l’usine. La direction a fait appel à des délinquants locaux qui se sont livrés à des actes de violence et d’intimidation dans l’usine et au domicile de dirigeants syndicaux pour les forcer à démissionner ou à cesser leurs activités syndicales. Le 11 janvier 2016, la police a pénétré dans l’usine et procédé à l’arrestation du président et du secrétaire général sur la base de fausses accusations formulées par un employé d’une autre usine du même groupe. Le secrétaire général a été libéré sous caution deux jours après son arrestation, mais le président a été détenu jusqu’au 18 février 2016. Début février 2016, l’employeur, sans donner aucun préavis, a fermé l’usine et l’a transférée dans un autre endroit. L’initiative visait manifestement à démanteler le syndicat, même si l’employeur a déclaré officiellement que ce transfert avait eu lieu, car les travaux de mise en conformité du bâtiment tels que demandés par les ingénieurs de l’Accord ne pouvaient être réalisés. Le syndicat a déposé plusieurs plaintes auprès du ministère du Travail et de l’Emploi et de la BGMEA.
- 154. Par ailleurs, l’organisation plaignante se dit inquiète du fait que la décision de donner suite ou non aux plaintes dénonçant des pratiques déloyales en matière de travail est laissée à l’entière discrétion de la Direction du travail. A ce propos, elle déclare que, en vertu de l’article no 366 de la réglementation du travail du Bangladesh, toute demande relative à des pratiques déloyales en matière de travail doit être présentée à la Direction du travail dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle l’infraction a été commise, la Direction du travail étant tenue de résoudre le problème dans un délai de trente jours après réception de la demande. Selon l’organisation plaignante, les syndicats sont inquiets de l’emploi du terme «résoudre», car ils considèrent que la Direction du travail peut inviter ou obliger un travailleur licencié qui signale ce genre de pratiques à accepter une importante somme d’argent en vue de «résoudre» le problème, et ce au lieu d’insister en faveur de sa réintégration. Il arrive bien souvent que la Direction du travail ne dialogue pas avec les travailleurs dont les droits ont été bafoués et que les procédures judiciaires durent des années.
- 155. L’organisation plaignante dénonce en outre l’augmentation constante du nombre de rejets de demandes d’enregistrement de syndicats par rapport au nombre d’approbations (en 2013, 158 demandes ont été présentées, 84 ont été acceptées et 44 rejetées; en 2014, 392 demandes ont été présentées, 182 ont été acceptées et 155 rejetées; en 2015, 134 demandes ont été présentées, 61 ont été acceptées et 148 rejetées; enfin, à la mi-avril 2016, 13 demandes avaient été présentées, 3 avaient été acceptées et 14 rejetées; en 2015, le codirecteur du travail à Dhaka a rejeté 73 pour cent des demandes d’enregistrement de syndicats). L’organisation plaignante allègue également que le codirecteur du travail a ciblé en particulier les demandes présentées par la National Garment Workers Federation (NGWF), la BGIWF, la Bangladesh Independent Garment Workers Union Federation (BIGUF) et d’autres fédérations indépendantes de l’habillement, en raison de leurs liens avec des organisations et des syndicats internationaux, ce qui explique pourquoi le nombre de rejets concernant ces syndicats est encore plus élevé. En outre, parmi les 327 syndicats enregistrés depuis la catastrophe du Rana Plaza en 2013, au moins 44 ont subi des mesures antisyndicales ou ne sont désormais plus actifs en raison de représailles, et au moins 50 usines dans lesquelles des syndicats ont été créés sont désormais fermées, faisant chuter le nombre de syndicats enregistrés et actifs d’environ une centaine.
- 156. L’organisation plaignante allègue également que l’approbation d’une demande d’enregistrement d’un syndicat relève toujours du pouvoir discrétionnaire du codirecteur du travail. Elle soutient que certaines demandes sont rejetées, même après que les syndicats y ont apporté les modifications requises par le codirecteur du travail, et que l’enregistrement est souvent refusé pour des raisons qui n’entrent pas dans le cadre de la réglementation, notamment: refus de la part de la direction de l’usine de laisser pénétrer des agents de la direction du travail dans l’usine pour mener une enquête dans le cadre d’une demande d’enregistrement; entretiens avec les travailleurs sur les activités syndicales en présence de la direction de l’usine; et problème de concordance des signatures figurant sur les formulaires d’inscription au syndicat («formulaires D») et les fiches de paie, sans tenir compte des questions de format, entre autres. L’organisation plaignante souligne le manque de crédibilité du système d’enregistrement et fournit des exemples précis.
- – La demande d’enregistrement d’un syndicat dans l’entreprise Dacca Dyeing Garments Ltd. (ci-après l’entreprise i)) a été rejetée par le codirecteur du travail au motif que le nombre d’affiliés était inférieur au seuil requis pour que le syndicat puisse être enregistré. Pourtant, la demande faisait état de 353 membres, soit plus de 30 pour cent de l’effectif total de l’usine, seuil requis pour l’enregistrement d’un syndicat. Deux autres demandes ont été rejetées: la première comptant 408 membres, et la seconde 535, soit plus de la moitié de l’effectif total de l’usine. Dans ce dernier cas, les motifs invoqués à l’appui du rejet étaient la présentation de formulaires D en double exemplaire et d’un dossier incomplet, mais, même en prenant en compte ces éléments, le nombre de membres du syndicat était de loin supérieur au seuil de 30 pour cent requis. En novembre 2015, la direction de l’usine, en présence de la police, des représentants de la BGMEA, des représentants chargés de l’inspection de l’usine, ainsi que d’un dirigeant de la ligue Awami (formation au pouvoir), a licencié 152 travailleurs, qui avaient presque tous exprimé leur soutien au syndicat, et fermé l’usine, manifestement dans le but d’éliminer une fois pour toutes le syndicat.
- – En février 2016, les travailleurs des entreprises Savar Sweater Ltd., Savar Sweater Ltd. A et Orchid Sweater Ltd. (ci-après, le groupe j)), qui appartiennent à la même multinationale, ont présenté une demande d’enregistrement de syndicats, mais, dans les trois cas, le codirecteur du travail à Chittagong a fait part de son opposition. Même après que les travailleurs eurent répondu à toutes les questions soulevées, le codirecteur du travail a rejeté les demandes d’enregistrement en indiquant, dans le premier cas, que l’usine en question n’existait pas (bien que cette existence soit clairement attestée par des documents) et, dans les deux autres, que le nombre d’affiliés n’atteignait pas le seuil requis de 30 pour cent des effectifs (selon les syndicats, cependant, le nombre d’affiliés était de loin supérieur au seuil requis dans les trois usines).
- – Dans l’usine g), peu de temps après que cinq travailleurs syndiqués eurent été contraints de signer une lettre de démission (voir ci-dessus), la demande d’enregistrement du syndicat a été rejetée pour les motifs suivants: les deux réunions de janvier 2016 du syndicat dont l’enregistrement était demandé ne se seraient pas tenues; le président et le secrétaire général du syndicat ne travaillaient pas à l’usine à ce moment-là; 551 travailleurs affiliés n’avaient pas pu être identifiés; les membres du syndicat représentaient moins de 30 pour cent de l’effectif total de l’usine; et la liste des membres du comité directeur n’avait pas été remplie correctement. Tous ces motifs sont, selon l’organisation plaignante, de fausses justifications ou des prétextes.
- 157. Outre que le codirecteur du travail jouit selon elle d’un pouvoir discrétionnaire, l’organisation plaignante allègue qu’avec une régularité croissante les directeurs d’usine essaient d’obtenir des injonctions des tribunaux pour suspendre l’enregistrement de syndicats ayant été dûment enregistrés. Selon elle, cette manœuvre est appuyée par les tribunaux et a pour effet de geler les activités syndicales pendant plusieurs mois. Il s’agit d’une violation flagrante du droit de liberté syndicale et d’une utilisation hautement discutable du processus judiciaire pour contrecarrer les syndicats, comme l’illustrent les exemples suivants.
- – En août 2011, après que la demande d’enregistrement du syndicat des travailleurs de l’entreprise a) eut été approuvée, la direction de l’usine a contesté cette décision devant la Haute Cour; celle-ci a suspendu les activités du syndicat pendant une période de trois mois à compter de septembre 2012, suspension qui a été prolongée à de multiples reprises. En novembre 2014, la Haute Cour a ordonné à la Direction du travail de saisir le tribunal du travail afin qu’il statue sur la légalité de l’enregistrement. Le codirecteur du travail a par conséquent sollicité auprès du Tribunal du travail à Chittagong l’annulation de l’enregistrement du syndicat. La direction et le syndicat sont toutefois parvenus à un accord en février 2015 et la direction a retiré sa requête contre le syndicat.
- – La direction de l’entreprise Donglian Fashion (BD) Ltd. (ci-après l’entreprise k)) a contesté devant la Haute Cour la légalité de l’enregistrement du syndicat Sommilito, intervenu en janvier 2015. Le syndicat n’a pas été partie à la procédure judiciaire, mais la Haute Cour, après avoir entendu l’employeur, a émis en novembre 2015 un ordre suspendant l’enregistrement du syndicat pendant six mois, dans l’attente de l’audience sur la requête. En février 2016, un accord avec la Sommilito Garments Sramik Federation (SGSF) a été conclu grâce à l’intervention d’IndustriALL et des acheteurs, dans lequel la direction a accepté de reconnaître le syndicat et de retirer sa requête.
- 158. L’organisation plaignante dénonce également des pratiques antisyndicales dans le secteur des télécommunications, en particulier dans les entreprises suivantes.
- – Les travailleurs de l’entreprise Grameenphone (ci-après l’entreprise l)), la plus grande entreprise de télécommunications du Bangladesh et l’entreprise du secteur privé qui compte le plus d’employés dans le pays, ont lutté pendant ces quatre dernières années en vue d’obtenir la reconnaissance de leur syndicat. Au lendemain de la notification de la création du syndicat à l’entreprise, 163 employés, dont 7 responsables syndicaux, ont été licenciés. Le gouvernement a rejeté à plusieurs reprises la demande d’enregistrement du syndicat, en invoquant souvent l’absence d’éléments alors même que ceux-ci figuraient dans le dossier. A l’issue d’une longue procédure judiciaire, le tribunal d’appel du travail a ordonné à la Direction du travail d’enregistrer le syndicat, mais le gouvernement a refusé de le reconnaître officiellement. L’entreprise a saisi la Haute Cour d’une demande de suspension de la décision, à laquelle il a été fait droit. L’affaire a alors été renvoyée devant le tribunal du travail, puis en appel devant le tribunal d’appel du travail. Les parties attendent qu’un jugement soit rendu depuis mai 2015. L’organisation plaignante allègue également que la direction de l’entreprise a envoyé à tous les employés un courriel menaçant pour les dissuader d’organiser des rassemblements, des réunions et des campagnes; que l’entreprise refuse tout dialogue avec le syndicat et s’associe à d’autres employeurs du secteur des télécommunications pour intervenir auprès du gouvernement afin de tenir les syndicats à l’écart; et que le gouvernement n’a pris aucune mesure contre les activités antisyndicales et les pratiques de travail déloyales au sein de l’entreprise. En outre, elle allègue que la définition large du terme «superviseur» qui figure dans la réglementation du travail du Bangladesh vise manifestement à dissuader les travailleurs de constituer un syndicat au sein de l’entreprise. Selon elle, cette définition pourrait être invoquée pour empêcher les travailleurs qui exercent une quelconque fonction de supervision d’adhérer à un syndicat. L’entreprise a en effet déclaré lors d’une audience que la quasi-totalité de ses 3 000 employés étaient superviseurs ou cadres et ne pouvaient de ce fait adhérer à un syndicat.
- – Le 7 février 2016, des travailleurs de la deuxième plus grande entreprise de télécommunications du pays, Banglalink (ci-après l’entreprise m)), ont déposé une demande d’enregistrement du syndicat Banglalink Employees Union (BLEU) et informé leur employeur de sa création. Quelques jours plus tard, la direction a critiqué publiquement le syndicat, déclarant qu’il allait entraver la croissance de l’entreprise, et a licencié brutalement un militant syndical, en violation de la législation nationale du travail. La direction a également menacé des syndicalistes et des employés de l’entreprise; établi des protocoles de sécurité très stricts, créant ainsi un environnement de travail hostile; refusé tout dialogue et exercé des pressions sur les employés pour qu’ils acceptent son plan de départs volontaires et quittent l’entreprise, indiquant qu’elle supprimerait des emplois si les travailleurs rejetaient le plan. Après que le syndicat BLEU eut déposé auprès du tribunal du travail une demande d’injonction contre les suppressions d’emplois, le tribunal a temporairement suspendu le plan et demandé à six hauts dirigeants d’expliquer pourquoi le plan devrait être maintenu et pourquoi le licenciement des militants syndicaux ne devrait pas être déclaré illégal. Entre-temps, en mars 2016, le gouvernement a rejeté la plainte du syndicat dénonçant des pratiques déloyales en matière de travail au sein de l’entreprise, au motif que celle-ci n’était pas recevable, puisque le syndicat n’était pas enregistré. Le gouvernement a de surcroît adressé une mise en garde aux dirigeants syndicaux, leur enjoignant de ne se livrer à aucune activité avant d’avoir obtenu l’enregistrement du syndicat. En avril 2016, le codirecteur du travail a rejeté la demande d’enregistrement en avançant des motifs déjà invoqués dans d’autres cas: problème de concordance des signatures; nombre de membres inférieur au seuil requis de 30 pour cent de l’effectif (alors que le nombre de membres représente 720 des 2 082 employés permanents de l’entreprise, soit 35 pour cent de l’effectif total); non-présentation des justificatifs de cotisations syndicales (ce qui n’est exigé ni dans la loi ni dans la réglementation), entre autres. Certains éléments indiquent que l’entreprise est intervenue auprès des autorités avec d’autres entreprises de télécommunications pour obtenir le rejet de la demande d’enregistrement et tenir ainsi les syndicats à l’écart du secteur.
- – En juillet 2014, les travailleurs d’Accenture (ci-après l’entreprise n)) sont parvenus à faire enregistrer leur syndicat, qui est devenu ainsi le premier syndicat reconnu du secteur des télécommunications. Toutefois, un mois plus tard, la direction a lancé une campagne en faveur de l’organisation d’un scrutin sur l’utilité de la présence d’un syndicat dans l’entreprise, et a ordonné à tous les chefs d’équipe de veiller à ce que tous leurs subordonnés votent contre le syndicat. Cette campagne n’est pas parvenue à briser l’unité des employés, et la direction a reconnu le syndicat et entamé un processus de négociation collective, qui a abouti à un protocole d’accord en septembre 2015. En octobre 2015, toutefois, plusieurs dispositions de l’accord n’avaient toujours pas été mises en œuvre par l’entreprise; en outre, le trésorier du syndicat, Shafiqul Islam, a été agressé et licencié. Des employés ont manifesté pour dénoncer ces faits et porté plainte contre l’entreprise auprès de la police. Le 27 mars 2016, la Direction du travail a informé le syndicat qu’elle avait demandé l’annulation de son enregistrement. Si elle obtient gain de cause, le seul syndicat reconnu dans le secteur des télécommunications serait supprimé.
- 159. De surcroît, l’organisation plaignante dénonce l’hostilité manifestée par le gouvernement vis-à-vis des travailleurs, en particulier lors d’événements qui se déroulent loin des projecteurs de l’actualité internationale. A titre d’exemple, en juin 2014, le ministre du Commerce s’en est pris à des syndicats en les accusant d’avoir fourni des informations critiques sur la situation du travail au Bangladesh à des gouvernements étrangers, et a averti qu’il faudrait prendre des mesures contre eux. Lors du Dhaka Apparel Summit en décembre 2014, la Première ministre a lancé une mise en garde, déclarant que les personnes qui, dans le pays et à l’étranger, critiquent les conditions de travail au Bangladesh participent à un complot contre le secteur du prêt-à-porter; les syndicats et les militants syndicaux se sont sentis visés par de tels avertissements. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement ne devrait pas menacer les personnes qui dénoncent les nombreuses violations graves des droits des travailleurs en exerçant simplement leur liberté d’expression, et le fait qu’un ministre menace de représailles est choquant, surtout dans le contexte actuel où les représailles violentes à l’encontre des syndicalistes se multiplient. L’organisation plaignante souligne également que quatre années se sont écoulées depuis le meurtre d’Aminul Islam, le 4 avril 2012, et rappelle que le corps de M. Islam, qui avait disparu la veille, présentait des traces de torture. Des éléments probants indiquent qu’il a été pris pour cible en raison de son engagement dans des activités syndicales et en faveur des droits de l’homme, et que des membres des forces de sécurité du gouvernement figurent parmi les auteurs de ce meurtre. Selon l’organisation plaignante, personne n’a été amené à rendre de comptes jusqu’à présent et l’hostilité du gouvernement vis-à-vis des syndicalistes est particulièrement inquiétante, comme le montrent les propos de la Première ministre qui, dans un entretien en 2013, a mis en doute le fait qu’Aminul Islam ait été un militant syndical et affirmé que personne n’avait jamais entendu parler de lui avant qu’il ne soit assassiné, alors même que la presse internationale avait relayé ces faits.
- 160. En dernier lieu, l’organisation plaignante allègue que le projet de loi de 2016 sur le travail dans les zones franches d’exportation, qui a été approuvé par le Conseil des ministres en février 2016, n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, et qu’il a été élaboré sans consultation des représentants des travailleurs. L’organisation plaignante rappelle d’une part que les zones franches d’exportation (ZFE) emploient quelque 400 000 travailleurs dans la fabrication de vêtements, de chaussures et de divers autres produits manufacturés; d’autre part que, aux termes de la loi de 2010 sur les associations de prévoyance des travailleurs et les relations professionnelles dans les ZFE (loi EWWAIRA), actuellement en vigueur, les syndicats sont interdits, et seule est autorisée la création d’associations de prévoyance des travailleurs, qui ne bénéficient pas des mêmes droits et avantages que les syndicats; enfin, qu’il n’y pas de négociation collective dans la pratique et qu’il existe de nombreux cas où des dirigeants d’associations de prévoyance des travailleurs ont été licenciés impunément à titre de représailles pour avoir exercé les droits syndicaux restreints dont ils disposent. L’organisation plaignante allègue en outre que: i) toutes les dispositions de la loi EWWAIRA concernant la constitution, l’enregistrement, la radiation, la dissolution, les fonctions et les prérogatives des associations de prévoyance des travailleurs, ainsi que la formation de fédérations, ont été incorporées dans le projet de loi; ii) en vertu des dispositions du chapitre IX, les travailleurs ne sont pas autorisés à se constituer en syndicat pour intervenir dans les relations professionnelles au niveau de leur établissement respectif, mais uniquement en association de prévoyance des travailleurs; iii) le projet de loi reprend les dispositions de la loi EWWAIRA interdisant aux associations de prévoyance des travailleurs d’entretenir, ouvertement ou de manière dissimulée, des liens avec un parti politique ou une organisation liée à un parti politique ou à une organisation non gouvernementale; iv) certaines catégories de travailleurs sont exclues du champ d’application de la loi en projet et ne peuvent s’affilier à une association de prévoyance des travailleurs: membres du personnel de surveillance ou du personnel de sécurité, chauffeurs, assistants astreints à la confidentialité, assistants de codage, travailleurs non réguliers, travailleurs employés par des entreprises de restauration extérieures, et employés administratifs; v) contrairement à la loi du Bangladesh sur le travail, modifiée en 2013, le projet de loi sur le travail dans les ZFE ne contient aucune disposition permettant aux associations de prévoyance des travailleurs de se faire aider par des spécialistes dans la conduite de la négociation collective; vi) le chapitre XII prévoit la création de tribunaux du travail et d’un tribunal d’appel du travail des ZFE, dont la compétence est extrêmement restreinte par rapport aux tribunaux créés en vertu de la loi du Bangladesh sur le travail – d’une part le projet de loi sur le travail dans les ZFE ne contient pas de disposition autorisant la saisine du tribunal d’appel du travail des ZFE contre une décision du tribunal du travail de la ZFE dans un cas individuel, d’autre part un ancien travailleur ou un travailleur qui est congédié n’a pas le droit de saisir le tribunal du travail de la ZFE pour demander sa réintégration; vii) le chapitre XV confie l’application de la loi sur le travail dans les ZFE à l’Autorité des zones franches d’exportation du Bangladesh (BEPZA), dont le directeur général dispose de pouvoirs de surveillance et de contrôle sur tous les établissements industriels placés sous sa compétence – et notamment du droit de procéder à tout moment à l’inspection sans préavis de tout établissement industriel dans les ZFE; et viii) l’inspection du travail, qui est habilitée à faire appliquer la loi dans les zones autres que les ZFE, n’a toujours pas compétence sur ces dernières.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 161. Dans une communication reçue le 22 mars 2017, le gouvernement indique qu’il souhaite vivement maintenir un climat satisfaisant pour les travailleurs et les employeurs en veillant au respect de la législation et de la réglementation en vigueur, car la coexistence harmonieuse et la confiance réciproque entre travailleurs et employeurs sont un élément indispensable d’une économie en bonne santé et de l’apport d’investissements nationaux et étrangers. Ayant reçu la réponse des divers organes concernés, le gouvernement reprend une à une les allégations formulées et communique des informations sur les procédures administratives ou judiciaires ouvertes ainsi que sur l’issue de celles-ci.
- 162. S’agissant des allégations de représailles antisyndicales, le gouvernement communique les informations suivantes.
- – Un rapport de police indique que les faits allégués en ce qui concerne l’entreprise a) ne sont fondés sur aucun élément réel et que personne n’a apporté de preuve de l’incident lors de l’enquête. L’usine a été fermée en mai 2015 et tous les travailleurs, parmi lesquels Mira Bosak (présidente par intérim), Nurun Nahar, Reba Begum et d’autres responsables syndicaux, ont été licenciés et ont reçu toutes les indemnités légales (une copie du reçu du versement a été dûment vérifiée).
- – Le syndicat Sramik Karmochari de l’entreprise b) a saisi le codirecteur du travail à Dhaka au motif que 11 travailleurs, dont les membres du comité directeur du syndicat, auraient été la cible de menaces, d’intimidations et de brutalités de la part de la direction ou d’agents de la direction. Une enquête a établi que la direction non seulement avait privé les travailleurs de leurs droits syndicaux, mais avait en outre licencié de nombreuses personnes de manière inhumaine. Le tribunal du travail a par conséquent été saisi pour pratiques déloyales en matière de travail (loi du Bangladesh sur le travail, affaire pénale no 180/2014). La procédure est en cours.
- – Concernant les allégations de discrimination antisyndicale dans l’entreprise c), la police de Chandgaon Thana a mené une enquête sur les faits en novembre 2014 et conclu que les allégations étaient exagérées et sans fondement. Les fonctionnaires se sont également entretenus avec Sumita Sarkar, la présidente du syndicat, qui leur a indiqué que l’incident dont il avait été fait état avait été résolu par la voie d’une discussion pacifique entre la direction et les responsables syndicaux, en présence des acheteurs. Il n’existe pas actuellement de différend entre la direction et les responsables syndicaux, et syndicat et direction entretiennent des relations harmonieuses.
- – Le président et le secrétaire général du syndicat de l’entreprise d) ont saisi le codirecteur du travail à Dhaka, demandant l’ouverture d’une procédure judiciaire contre la direction pour pratiques déloyales en matière de travail, y compris violences contre des travailleurs. L’enquête et l’audition initiales n’ont pas fait apparaître que l’allégation était contestée, et des investigations supplémentaires ont confirmé l’existence de pratiques de travail déloyales. Des poursuites sur la base de ce chef ont été ouvertes.
- – Le président du syndicat de l’entreprise e) a saisi le codirecteur du travail à Dhaka, indiquant que la direction avait licencié de nombreux travailleurs dans le but de les tenir à l’écart des activités du syndicat. Il a demandé l’ouverture de poursuites judiciaires contre la direction. Un agent des services du codirecteur du travail a enquêté dans l’usine et indiqué que l’affaire avait été réglée à l’amiable. Les plaignants ont retiré leur plainte, et l’usine est fermée depuis septembre 2014 en raison de problème financiers.
- – La présidente et la secrétaire générale du syndicat, ainsi que quatre membres du personnel de l’entreprise f), ont saisi le codirecteur du travail d’une plainte pour le licenciement illégal de six syndicalistes, et demandé l’ouverture de poursuites judiciaires contre la direction. Dépêché dans l’usine pour enquêter sur ces allégations, un agent des services du codirecteur du travail a indiqué que les personnes licenciées avaient été réintégrées après intervention dans le cadre de l’Accord, avaient repris le travail à l’usine et avaient reçu leur salaire. En juillet 2016, une deuxième enquête sur ces faits a confirmé que les personnes concernées avaient été renvoyées en février 2015, mais réintégrées en décembre 2015 avec versement intégral des arriérés de salaire.
- – Le président, le secrétaire général et trois autres membres du syndicat de l’entreprise g) ont saisi le codirecteur du travail d’une plainte contre la direction pour licenciement illégal de cinq travailleurs. Le codirecteur du travail a adressé une lettre à la direction demandant la justification écrite de ces licenciements. A la suite de la réponse de la direction, deux directeurs adjoints du travail sont venus enquêter dans l’usine, au bureau du syndicat et à la direction. Le rapport d’enquête établit que les cinq travailleurs ont volontairement quitté leur emploi et ont perçu les sommes auxquelles ils pouvaient légalement prétendre. Zakir Hossain et Bachchu Mia ont trouvé du travail dans une autre entreprise et les plaignants ont retiré leur plainte.
- – Le président et le secrétaire général du syndicat de l’entreprise h) ont saisi le codirecteur du travail à Dhaka d’une plainte pour pratiques déloyales en matière de travail, indiquant que 17 militants avaient été licenciés en raison de leur participation à des activités syndicales. Deux enquêtes ont été menées en juillet 2016. Leurs rapports indiquent que la direction a signé un accord avec les représentants de la Biplobi Garments Federation, d’une part, et l’IndustriALL Global Union et l’Accord, d’autre part, qui prévoit le versement des sommes dues à 40 travailleurs ainsi que le transfert de l’entreprise.
- 163. S’agissant des allégations de l’organisation plaignante à propos du pouvoir discrétionnaire du codirecteur du travail de donner suite ou non aux plaintes pour pratiques de travail déloyales, le gouvernement indique que, entre janvier et juillet 2016, 31 plaintes pour pratiques déloyales en matière de travail ont été reçues et traitées sans délai par le codirecteur du travail à Dhaka. Dix de ces affaires ont été résolues, 4 sont en cours d’examen et 17 sont en instance devant le tribunal du travail. Si les faits de pratiques de travail déloyales sont avérés, le délit est passible d’une peine de dix ans d’emprisonnement ou d’une amende de 10 000 taka bangladais (125 dollars des Etats-Unis), ou des deux, conformément à l’article 291 de la loi du Bangladesh sur le travail, mais il s’agit d’une procédure judiciaire indépendante de la Direction du travail.
- 164. S’agissant de l’allégation relative à une augmentation du nombre de rejets de demandes d’enregistrement et au pouvoir discrétionnaire du codirecteur du travail pour l’examen de ces demandes, le gouvernement indique qu’il ne peut rien faire en ce qui concerne la période 2013-2015. Pour la période allant de janvier à juillet 2016, cependant, le gouvernement souligne que 52 pour cent des demandes d’enregistrement ont été approuvées, contre 27 pour cent l’année précédente: sur 59 demandes reçues par le codirecteur du travail à Dhaka (45 nouvelles et 14 déposées précédemment), 24 ont été acceptées, 22 ont été rejetées et 13 sont en instance; et, sur 28 demandes reçues par le codirecteur du travail à Chittagong (27 nouvelles et 1 déposée précédemment), 11 ont été acceptées, 16 ont été rejetées et 1 est en instance. Le gouvernement précise en outre que, lorsqu’il procède à l’examen des demandes d’enregistrement, le codirecteur doit agir dans le cadre bien établi de la loi, qui ne laisse pas de place au bon vouloir d’une personne. Un certain nombre d’éléments essentiels doivent être pris en compte, y compris, mais pas exclusivement, des fiches de paie et des formulaires D signés, et l’enregistrement n’est accordé que si tous les éléments sont valables. Le gouvernement ajoute que toute personne qui s’estime lésée par le responsable de l’enregistrement peut saisir les tribunaux du travail et que le codirecteur du travail ne peut rien faire contre la fermeture des usines qui entraînent la disparition de syndicats. Quant aux cas spécifiques de rejet de demande d’enregistrement mentionnés par l’organisation plaignante, le gouvernement indique que: i) le fait que les travailleurs n’ont pas déposé de recours contre la décision de rejet de la demande d’enregistrement de l’entreprise c) montre que le responsable de l’enregistrement a agi de manière appropriée; et ii) pour ce qui est des demandes d’enregistrement dans le groupe j), elles ont été rejetées, car les syndicats proposés ne bénéficiaient pas de l’appui d’au moins 30 pour cent des travailleurs; le rejet est intervenu conformément à la procédure légale et est considéré comme légal dans la mesure où les syndicats n’ont pas formé de recours.
- 165. S’agissant des allégations selon lesquelles la direction a cherché à obtenir des injonctions des tribunaux pour suspendre l’enregistrement de syndicats, en particulier dans le secteur du prêt-à-porter, le gouvernement communique les informations suivantes, détaillées au cas par cas.
- – La direction de l’entreprise a) a contesté l’enregistrement du syndicat de l’usine au motif qu’il l’avait obtenu par une présentation déformée des faits, et a saisi la division de la Haute Cour de la Cour Suprême. A l’issue de l’audience, la Haute Cour ordonné au responsable de l’enregistrement à Chittagong de solliciter l’autorisation de radier le syndicat; le tribunal du travail a donc été saisi et l’affaire est en instance. Entre-temps, la direction a licencié tous les travailleurs en mai 2015, versé toutes les indemnités légales et fermé l’usine.
- – La présidente et le secrétaire général du syndicat de l’entreprise k) ont porté plainte contre la direction pour pratiques déloyales en matière de travail. Toutefois, il est apparu lors de l’enquête préliminaire que, préalablement au dépôt de plainte, la direction de l’entreprise avait saisi le codirecteur du travail au motif que le syndicat aurait obtenu son enregistrement en communiquant de fausses informations, et demandé la radiation du syndicat. L’enquête ayant fait apparaître un commencement de preuve, la Haute Cour a émis une injonction de suspension du syndicat pour une durée de six mois. Le complément d’enquête a établi que la direction et le syndicat étaient parvenus à un accord aux termes duquel la première s’est engagée à retirer sa requête en vue de la radiation du second. La direction a récemment entamé la procédure de retrait.
- 166. S’agissant des allégations de pratiques antisyndicales dans le secteur des télécommunications, le gouvernement communique les informations suivantes.
- – Dans l’entreprise de télécommunications l), les travailleurs ont essayé de constituer deux syndicats. Les choses se sont passées de la manière suivante dans les deux cas: l’enregistrement a été refusé dans un premier temps (dans l’un des cas au motif que la plupart des membres du syndicat n’étaient pas des travailleurs de l’entreprise, mais des personnes employées par une société sous-traitante, et que le nombre total de travailleurs de l’entreprise ne pouvait être établi avec certitude, ce qui empêchait de déterminer le nombre minimal de travailleurs requis); les syndicats ont fait appel du rejet; la Haute Cour a ordonné à la Direction du travail de procéder à leur enregistrement; la Direction du travail a fait appel, mais le tribunal d’appel du travail a confirmé les décisions, et les syndicats ont été enregistrés. Toutefois, l’entreprise a déposé un recours contre l’enregistrement des syndicats, et une ordonnance de suspension des activités de ceux-ci a été émise, dans l’attente de la décision. Le gouvernement indique que, l’affaire étant entre les mains de la justice, la Direction du travail n’est pas en mesure d’intervenir concernant des allégations de pratiques déloyales en matière de travail.
- – Le syndicat dont la création était proposée dans l’entreprise de télécommunications m) ne remplissait pas l’une des conditions essentielles – il ne représentait que 21,23 pour cent des travailleurs (442 employés sur 2 081) et n’atteignait donc pas le seuil requis de 30 pour cent de l’ensemble du personnel. La demande d’enregistrement a par conséquent été rejetée.
- – Le syndicat de l’entreprise de télécommunications n) est enregistré, mais, en violation de la loi, ses dirigeants ont organisé un rassemblement et bloqué l’entrée de l’entreprise à deux reprises en octobre 2015 et une fois en décembre 2015, empêchant plusieurs travailleurs d’accéder à leur bureau ou d’en sortir. Tous ces événements ont été enregistrés par vidéo. Après que la direction eut demandé à la Direction du travail de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation et d’engager une action en justice contre le syndicat, un enquêteur a été nommé pour mener des investigations sur les allégations; il s’est rendu trois fois sur place et s’est entretenu avec la direction et le syndicat; ce dernier a par ailleurs communiqué une déclaration conjointe écrite. La direction a déclaré à l’enquêteur que la fronde du syndicat empêchait l’expansion de la société et que, si le syndicat continuait ainsi, l’établissement allait devoir fermer. Le rapport d’enquête a confirmé que les dirigeants et quelques membres du syndicat s’étaient rassemblés illégalement dans l’établissement et avaient empêché des responsables et des employés d’accéder aux locaux ou d’en sortir. Le tribunal du travail de Dhaka a par conséquent été saisi d’une plainte pour pratiques déloyales en matière de travail. La procédure est en cours.
- 167. S’agissant des préoccupations de l’organisation plaignante au sujet des droits en matière de liberté syndicale dans les ZFE, le gouvernement indique que: i) c’est une erreur de penser que les travailleurs des ZFE n’ont pas le droit de constituer des syndicats, car ceux-ci sont désignés dans les ZFE sous le nom d’«associations de prévoyance des travailleurs»; ii) dans les ZFE, les droits syndicaux sont garantis dans le cadre de la loi de 2010 sur les associations de prévoyance des travailleurs et les relations professionnelles dans les ZFE (loi EWWAIRA); iii) la BEPZA a fait preuve d’une volonté sincère et constante de mettre en œuvre cette loi et fait tout ce qui est en son pouvoir pour que des associations de prévoyance des travailleurs soient constituées dans toutes les entreprises; iv) sur 456 entreprises en activité, 417 remplissent les conditions nécessaires pour former de telles associations; 306 ont organisé un référendum, et des associations ont été créées dans 231 entreprises; v) conformément à l’article 37 de la loi EWWAIRA, une association de prévoyance des travailleurs enregistrée est accréditée comme agent de négociation collective et peut négocier directement avec l’employeur sur les questions liées aux salaires, au temps de travail et aux autres conditions de travail; vi) entre janvier 2013 et décembre 2015, les associations de prévoyance des travailleurs ont soumis 260 cahiers de revendications qui, tous, ont donné lieu à un règlement à l’amiable et à la signature d’un accord; vii) des responsables étrangers, des ambassadeurs et des représentants d’organisations étrangères se sont rendus dans plusieurs ZFE, ont observé la mise en œuvre de la loi EWWAIRA et assisté à des référendums; ils ont exprimé leur satisfaction quant à la tenue d’élections libres, équitables et crédibles; viii) aucun dirigeant ou membre d’une association de prévoyance des travailleurs n’a jamais été renvoyé par la BEPZA pour avoir exercé ses droits syndicaux; ix) afin d’éviter toute discrimination antisyndicale, la BEPZA mène des enquêtes impartiales et entend tous les travailleurs concernés; tout travailleur s’estimant lésé peut saisir les tribunaux du travail des ZFE et les tribunaux d’appel du travail des ZFE – les membres des associations de prévoyance des travailleurs sont ainsi protégés contre la discrimination antisyndicale, et l’allégation relative au licenciement injustifié de travailleurs apparaît par conséquent infondée; x) toutes les questions de conformité, de droits syndicaux, de sécurité incendie et de sécurité des bâtiments industriels sont dûment contrôlées et suivies par des agents des relations professionnelles; xi) les inspections concernent 62 points contenus dans les normes internationales du travail, parmi lesquels la protection sociale, le dialogue social et les relations d’emploi; et xii) 135 fonctionnaires, dont 45 agents des relations professionnelles et 90 conseillers-inspecteurs (60 sur les questions sociales et 30 sur les questions environnementales), ainsi que 2 spécialistes de l’environnement, conduisent effectivement des inspections. En conséquence, la situation dans les ZFE se caractérise par des relations harmonieuses entre travailleurs et employeurs, une atmosphère de travail cordiale, de bonnes relations professionnelles et l’absence d’interruption de la production; les dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans les ZFE garantissent aux travailleurs une meilleure protection que celle accordée dans le reste du territoire. L’adoption de dispositions moins favorables pourrait dès lors provoquer le mécontentement des travailleurs.
- 168. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles le projet de loi sur le travail dans les ZFE ne serait pas conforme aux principes de la liberté syndicale et le fait que les travailleurs n’auraient pas été consultés lors de l’élaboration du texte, le gouvernement souligne de nouveau qu’il s’est toujours préoccupé de la protection des droits et avantages des travailleurs des entreprises présentes dans les ZFE. Il attire l’attention sur la législation applicable dans les ZFE depuis 2004 – la loi de 2004 sur les associations de travailleurs et les relations professionnelles dans les ZFE, et la loi EWWAIRA de 2010 – et indique qu’en 2013, afin de garantir aux travailleurs des ZFE une meilleure protection ainsi que des droits et avantages accrus, il a mis en place une commission de haut niveau dirigée par le secrétaire principal du cabinet de la Première ministre et chargée d’examiner la mise en œuvre de la législation nationale du travail dans les ZFE à la lumière des pratiques et des dispositions législatives et réglementaires existantes. Après avoir conduit un examen concret et impartial, la commission a rédigé un projet de loi (2016) sur le travail dans les ZFE, qui a été présenté au bureau de pays de l’OIT à Dhaka et à l’ambassade des Etats-Unis à Dhaka. La BEPZA avait également procédé à des consultations et échanges de vues avec des représentants des travailleurs dans les ZFE, des investisseurs et d’autres parties prenantes concernées, dont les avis et commentaires ont été pris en compte dans toute la mesure possible dans le texte du projet de loi, conformément aux conventions pertinentes de l’OIT et aux normes internationales du travail. Le gouvernement indique en outre que la BEPZA a nommé 90 conseillers, 3 conciliateurs et 3 arbitres pour apporter l’appui juridique nécessaire aux travailleurs et aux agents chargés de la négociation collective dans les ZFE, et qu’il a désigné 7 tribunaux du travail et 1 tribunal d’appel du travail pour 8 ZFE, ces juridictions ayant compétence sur les litiges liés au travail. Le gouvernement confirme que toute partie qui s’estime lésée, y compris les travailleurs à titre individuel et ceux qui n’occupent plus leur emploi, a le droit d’engager une procédure devant les tribunaux du travail qui, depuis leur création en 2011, ont réglé 86 des 161 affaires dont ils ont été saisis, y compris des cas de licenciement. L’allégation selon laquelle les travailleurs ne peuvent pas faire appel devant le tribunal d’appel du travail dans les cas individuels est par conséquent fausse.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 169. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de violation systématique des droits de liberté syndicale, notamment par de nombreux actes de représailles antisyndicales, le rejet arbitraire de demandes d’enregistrement et des pratiques antisyndicales. L’organisation plaignante dénonce également des manquements à l’application de la loi et l’hostilité manifestée par le gouvernement vis-à-vis des syndicats. Elle allègue en outre que le projet de loi du Bangladesh sur le travail dans les zones franches (2016) n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
- 170. Le comité note que l’organisation plaignante dénonce des mesures de représailles antisyndicales sévères et parfois violentes prises par la direction des entreprises ou ses représentants, en particulier dans le secteur du prêt-à-porter, et apporte un certain nombre d’exemples représentatifs. Le comité observe que ces allégations se rapportent à de nombreux faits d’intimidation, de harcèlement, de menaces, d’agressions physiques et de matraquage de syndicalistes ayant nécessité dans bien des cas des soins médicaux ou une hospitalisation, de mutations, de corruption, de démissions contraintes, de licenciements, de fausses accusations pénales, d’arrestations et de placements en détention, et que, selon l’organisation plaignante, ces actes ont parfois été perpétrés par la police ou avec sa collaboration. L’organisation plaignante dénonce également le meurtre d’un syndicaliste en 2012, dans lequel les forces publiques de sécurité seraient impliquées selon elle, ainsi que le fait que l’affaire n’est pas résolue à ce jour. Le comité constate en outre que, tandis que l’organisation plaignante dénonce un climat d’impunité résultant de manquements à l’état de droit, de la lenteur des services de l’inspection du travail, de l’absence d’enquête policière sur les allégations de violences antisyndicales, du pouvoir discrétionnaire du codirecteur du travail pour le traitement des cas de pratiques de travail déloyales et de l’absence de sanctions et de mesures correctives, le gouvernement indique qu’il souhaite vivement maintenir un climat de coexistence harmonieuse et de confiance réciproque entre travailleurs et employeurs, que les plaintes pour pratiques du travail déloyales, lorsqu’elles sont fondées, donnent lieu à un règlement ou sont déférées aux tribunaux du travail, et que des procédures administratives ou judiciaires ont été engagées dans tous les cas représentatifs mentionnés. A cet égard, le comité observe que, tandis que dans certains cas l’enquête du gouvernement a conclu que les allégations étaient exagérées ou infondées, dans d’autres cas elle a confirmé l’existence de représailles antisyndicales, les tribunaux du travail ont été saisis et un certain nombre d’affaires sont actuellement en instance. Tout en prenant bonne note des mesures prises, le comité constate également que dans de nombreux cas l’enquête du gouvernement a simplement conclu que le litige entre les travailleurs et la direction avait été réglé par un accord bipartite ou que les usines concernées avaient fermé, mais n’a pas établi si les violations alléguées avaient effectivement eu lieu ou non. Le comité considère que ces cas auraient pu faire l’objet d’un complément d’enquête afin d’amener les responsables à rendre compte de leurs actes, en particulier au vu de la gravité des faits allégués. A cet égard, le comité souhaite rappeler les conclusions de la mission tripartite de haut niveau qui s’est rendue au Bangladesh en avril 2016, reprises par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR), qui a pris note avec préoccupation des allégations de nombreux faits de discrimination antisyndicale et de harcèlement et a recommandé au gouvernement de continuer d’assurer aux inspecteurs du travail une formation professionnelle en même temps qu’un renforcement des moyens susceptibles de rendre ceux-ci mieux à même d’enquêter sur les plaintes pour discrimination antisyndicale, et de mettre en place une base de données accessible au public permettant de retrouver les plaintes pour pratiques de travail déloyales, les enquêtes ou autres suites données, les réparations ordonnées et les sanctions imposées, ce qui contribuerait à renforcer l’efficacité et la transparence du ministère du Travail et de l’Emploi. Il note en outre les conclusions rendues en 2016 par la Commission de l’application des normes, qui a prié instamment le gouvernement de diligenter d’urgence des enquêtes sur tous les actes de discrimination antisyndicale, de veiller à la réintégration des personnes illégalement licenciées et d’imposer des amendes ou des sanctions pénales (en particulier dans les cas de violence envers des syndicalistes) conformément à la loi. Le comité invite le gouvernement à communiquer à la CEACR toutes les précisions utiles sur les progrès réalisés sur ces questions.
- 171. Le comité considère que la situation décrite soulève de profondes inquiétudes quant à l’existence d’un environnement propice au libre exercice des droits syndicaux. Il souhaite insister sur le fait que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. Eu égard aux allégations relatives aux tactiques antisyndicales consistant à essayer d’acheter des syndicalistes pour les encourager à se retirer du syndicat et en présentant aux travailleurs des déclarations de retrait du syndicat, ainsi qu’aux efforts qui auraient été faits pour créer des syndicats fantoches, le comité considère que ces actes sont contraires à l’article 2 de la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres réalisés soit directement, soit par le biais de leurs agents ou de leurs membres, dans leur formation, leur fonctionnement ou leur administration. L’arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que de dirigeants d’organisations d’employeurs dans l’exercice d’activités syndicales légitimes en rapport avec leurs droits d’association, même si c’est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale. Lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. Nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 44, 858, 62, 50 et 771.] Regrettant que de nombreuses procédures concernant des allégations de représailles antisyndicales soient semble-t-il en instance depuis plusieurs années, le comité souhaite souligner que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 105.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les actes antisyndicaux dont il est fait état dans ce cas, notamment ceux qui auraient été perpétrés par la police ainsi que le meurtre d’un syndicaliste en 2012 – allégations qui soulèvent de profondes préoccupations –, fassent l’objet d’une enquête exhaustive et que les auteurs soient amenés à rendre compte de leurs actes, afin d’éviter que des faits aussi graves ne se reproduisent à l’avenir; il prie le gouvernement de l’informer de tout fait nouveau à cet égard. Le comité prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures judiciaires en cours ayant trait aux allégations de représailles antisyndicales dans les cas du syndicat Sramik Karmochari et du syndicat dans l’entreprise d), ainsi que des mesures prises pour garantir leur mise en œuvre par les employeurs. Le comité s’attend également à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la police et les autres autorités publiques ne soient pas utilisées pour perpétrer des actes d’intimidation et de harcèlement contre les travailleurs, et qu’à l’avenir, afin d’éviter l’impunité, toutes les plaintes pour discrimination antisyndicale déposées à la police fassent l’objet dans les meilleurs délais d’une enquête appropriée. Le comité encourage le gouvernement à tenir, en collaboration avec les partenaires sociaux et le BIT, des séances de formation sur les droits de l’homme, les libertés publiques et les droits syndicaux pour aider la police ainsi que les autres autorités de l’Etat à mieux cerner les limites de leur rôle en ce qui concerne les droits à la liberté syndicale et à garantir aux travailleurs le plein et légitime exercice de ces droits et de ces libertés dans un climat exempt de crainte.
- 172. Le comité note en outre que l’organisation plaignante dénonce un certain nombre de pratiques générales du gouvernement et de la direction des usines concernant l’enregistrement des syndicats, et fournit des exemples précis pour illustrer son propos. En premier lieu, l’approbation d’une demande d’enregistrement d’un syndicat est selon elle laissée à l’entière discrétion du codirecteur du travail, qui rejette fréquemment des demandes pour des raisons infondées ou des motifs non prévus par la loi, même après que les syndicats y ont apporté les modifications préalablement requises par le codirecteur du travail, et la proportion du nombre de rejets par rapport au nombre d’acceptations n’a cessé d’augmenter depuis 2013, les organisations affiliées à des structures internationales en faisant particulièrement les frais. Le comité note toutefois que le gouvernement rejette cette allégation, indique que le codirecteur du travail procède à l’examen des demandes d’enregistrement dans le cadre strict de la loi, qui ne laisse pas de place au bon vouloir d’une personne et prévoit qu’un syndicat doit respecter un certain nombre d’exigences essentielles pour obtenir son enregistrement, et déclare que 52 pour cent des demandes d’enregistrement ont été approuvées au cours du premier semestre de 2016 contre 27 pour cent l’année précédente. Tout en prenant bonne note des indications du gouvernement faisant état d’une augmentation du pourcentage de syndicats enregistrés pour la première moitié de 2016, le comité constate que, selon les informations transmises, près de la moitié des demandes d’enregistrement présentées durant cette période dans la région de Dhaka et plus de la moitié de celles soumises dans la région de Chittagong ont été rejetées. Le comité doit exprimer sa préoccupation face à ce pourcentage élevé de rejets, en particulier au regard du fait que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical, en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 295]. Le comité rappelle en outre que bien que la procédure d’enregistrement ne soit le plus souvent qu’une simple formalité, il existe des pays où la loi confère aux autorités compétentes des pouvoirs plus ou moins discrétionnaires pour décider si une organisation réunit ou non les conditions voulues pour se faire enregistrer, avec cette conséquence que la situation ainsi créée est analogue à celle dans laquelle une autorisation préalable est nécessaire. Des situations semblables se produisent lorsque la procédure d’enregistrement est longue et compliquée ou que les autorités administratives compétentes exercent parfois leurs pouvoirs avec une large marge d’appréciation; dans la pratique, ces facteurs sont de nature à entraver gravement la création d’un syndicat et ils peuvent revenir à nier le droit de constituer un syndicat sans autorisation préalable. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 296.] A cet égard le comité souhaite rappeler les conclusions de la CEACR, qui a noté que, selon le rapport de la mission tripartite de haut niveau, la procédure d’enregistrement des syndicats et son application dans la pratique étaient bureaucratiques et risquaient de décourager l’enregistrement des syndicats et d’intimider les travailleurs, et que, du fait des vastes pouvoirs discrétionnaires dont bénéficie le codirecteur du travail pour l’examen des demandes d’enregistrement, du manque de transparence entourant les motifs des rejets et de la lenteur des procédures judiciaires, les rejets sont en hausse et le nombre d’enregistrements de syndicats en baisse ces dernières années. A la lumière de ces considérations, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter le processus d’enregistrement de manière à ce qu’il constitue une simple formalité et ne restreigne pas le droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable. Le comité prie le gouvernement de communiquer des informations sur les progrès concernant cette question à la CEACR, à qui il transmet cet aspect de la question et qui suit de près depuis plusieurs années l’évolution de la situation en la matière.
- 173. En deuxième lieu, l’organisation plaignante allègue que, même lorsque la demande d’enregistrement est approuvée, les directeurs d’usine essaient fréquemment d’obtenir des injonctions des tribunaux pour suspendre l’enregistrement des syndicats, ce qui a pour effet de geler les activités syndicales pendant de longues périodes, dans l’attente de l’audience définitive sur l’affaire, et ont recours à diverses pratiques et mesures de représailles antisyndicales. Le comité observe que, pour illustrer ce point, l’organisation plaignante donne des exemples concrets d’usines des secteurs du prêt-à-porter et des télécommunications dans lesquelles la direction a contesté à plusieurs reprises l’enregistrement d’un syndicat ou bien où le syndicat et ses membres ont fait l’objet de pratiques et de mesures de représailles antisyndicales, et que, selon elle, les entreprises du secteur des télécommunications semblent se mobiliser pour intervenir auprès des autorités afin de tenir les syndicats à l’écart. Prenant dûment note des commentaires du gouvernement à propos des situations mentionnées, le comité constate, au vu des informations fournies, que dans certains cas des procédures d’annulation de l’enregistrement d’un syndicat sont toujours en instance ou sont en cours de règlement par les parties, et qu’une procédure judiciaire est en cours contre le seul syndicat reconnu dans le secteur des télécommunications, dans une affaire de pratiques de travail déloyales. Tout en soulignant le fait que les syndicats et leurs membres ont l’obligation de respecter la législation nationale, le comité se déclare également préoccupé par les graves implications que les demandes d’annulation d’enregistrement, les pratiques antisyndicales et les interventions auprès des autorités dont il est fait état peuvent avoir sur le fonctionnement des syndicats, en particulier au vu du caractère excessivement long de certaines de ces procédures. A la lumière de ces considérations, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la procédure permettant de contester l’enregistrement d’un syndicat ne soit pas détournée de son usage pour devenir au final un instrument destiné à empêcher, ou à retarder fortement, l’exercice par les travailleurs de leurs droits syndicaux, et qu’à l’avenir toute allégation de pratique antisyndicale fasse l’objet sans délai d’une enquête exhaustive; il prie le gouvernement de le tenir informé de tout élément nouveau à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé de l’issue de toute procédure en cours en vue de l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat dans les usines mentionnées ci-dessus.
- 174. Le comité note également les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles des représentants du gouvernement ont fait à plusieurs reprises des déclarations publiques exprimant une attitude négative et de l’hostilité vis-à-vis des syndicalistes, qui ont été perçues par les intéressés comme des menaces de représailles, et regrette que le gouvernement ne réponde pas directement à cette allégation. Notant en particulier la crainte de l’organisation plaignante que cette hostilité ait un impact négatif sur la liberté d’expression des syndicalistes, le comité rappelle que le droit d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 155.] Etant donné l’importance qu’il attache aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, et au vu de l’engagement pris par le gouvernement de garantir le plein respect des droits syndicaux, le comité exprime le ferme espoir que toutes les entités et tous les représentants des pouvoirs publics s’abstiendront d’exprimer publiquement une quelconque hostilité ou opposition vis-à-vis des syndicalistes, afin de favoriser un environnement permettant le plein exercice des droits syndicaux.
- 175. En ce qui concerne les droits de liberté syndicale dans les zones franches d’exportation (ZFE), le comité observe que, tandis que l’organisation plaignante dénonce le fait que les travailleurs des ZFE n’ont pas les mêmes droits syndicaux que les travailleurs du reste du territoire, et allègue que le projet de loi sur le travail dans les ZFE n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective et que les représentants des travailleurs n’ont pas été consultés lors de l’élaboration du texte, le gouvernement indique que les droits des travailleurs dans les ZFE sont régis par la législation en vigueur, qui dans bien des cas garantit de meilleures conditions de travail que dans le reste du territoire, et que le projet de loi sur le travail dans les ZFE, qui va renforcer davantage encore la protection des travailleurs, a été élaboré par une commission de haut niveau dirigée par un haut fonctionnaire du gouvernement, en consultation avec des représentants des travailleurs dans les ZFE et d’autres parties prenantes. Le comité constate que l’organisation plaignante soulève notamment une possible limitation du droit syndical, les travailleurs ne pouvant se constituer qu’en association de prévoyance des travailleurs, l’interdiction de toute affiliation à un parti politique ou une organisation non gouvernementale, l’exclusion de certaines catégories de travailleurs du champ d’application de la loi, les larges pouvoirs de contrôle de l’autorité de la zone et la non-compétence des services de l’inspection du travail établis en vertu de la législation du travail. Le comité souhaite rappeler à cet égard qu’un grand nombre de ces questions avaient été traitées précédemment par le comité dans le cadre du cas no 2327 en relation avec la loi de 2004 sur les organisations de travailleurs et les relations de travail dans les ZFE. Le comité avait considéré en particulier que la loi comportait des restrictions et des retards nombreux et significatifs s’agissant du droit d’organisation dans les ZFE et avait demandé instamment au gouvernement de réviser la loi de manière à assurer un respect significatif de la liberté syndicale des travailleurs dans les ZFE. [Voir 337e rapport, paragr. 191-213.] Le comité note avec regret que, plus de dix ans plus tard, un grand nombre des points soulevés alors demeurent dans le projet de loi sur le travail dans les ZFE et observe que la CEACR les a traités lors de son dernier examen du respect par le Bangladesh des conventions nos 87 et 98. Le comité rappelle que la CEACR a reconnu que ce projet de loi visait à instaurer dans les zones franches une protection similaire à celle existant sur le reste du territoire et reprenait dans de nombreux domaines les dispositions de la loi sur le travail, mais a observé également que les articles concernant la liberté syndicale et les pratiques de travail déloyales reflétaient essentiellement le texte de la loi sur les associations de prévoyance des travailleurs et les relations professionnelles dans les ZFE (loi EWWAIRA), dont la non-conformité avec la convention a été soulevée à de nombreuses reprises. La CEACR a encouragé le gouvernement à envisager de remplacer les chapitres IX, X et XV du projet de loi par le chapitre XIII de la loi sur le travail (en gardant à l’esprit les autres modifications auxquelles appellent la Commission de l’application des normes et la CEACR), pour ainsi doter tous les travailleurs de droits égaux en matière de liberté syndicale et inclure les ZFE dans le champ de compétence de l’inspection du travail. Le comité insiste sur le fait que les travailleurs des zones franches d’exportation – malgré les arguments économiques souvent mis en avant – doivent comme tous les autres travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, jouir des droits syndicaux prévus par les conventions sur la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 264.] Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires, notamment dans le domaine législatif, pour faire en sorte que les travailleurs des ZFE jouissent pleinement des droits de liberté syndicale, et prie le gouvernement d’informer la CEACR, à qui il transmet cet aspect du cas, des progrès accomplis.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 176. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité s’attend à ce que l’important programme de coopération technique en cours dans le pays assistera le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations ci-dessous et que le comité recevra des informations détaillées à cet égard pour son prochain examen.
- b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les actes antisyndicaux dont il est fait état dans ce cas, notamment ceux qui auraient été perpétrés par la police ainsi que le meurtre d’un syndicaliste en 2012 – allégations qui soulèvent de profondes préoccupations –, fassent l’objet d’une enquête exhaustive et que les auteurs soient amenés à rendre compte de leurs actes, afin d’éviter que des faits aussi graves ne se reproduisent à l’avenir; il prie le gouvernement de l’informer de tout fait nouveau à cet égard. Le comité prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures judiciaires en cours ayant trait aux allégations de représailles antisyndicales dans les cas du syndicat Sramik Karmochari et du syndicat dans l’entreprise d), ainsi que des mesures prises pour garantir leur mise en œuvre par les employeurs. Le comité s’attend également à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la police et les autres autorités publiques ne soient pas utilisées pour perpétrer des actes d’intimidation et de harcèlement contre les travailleurs, et qu’à l’avenir, afin d’éviter l’impunité, toutes les plaintes pour discrimination antisyndicale déposées à la police fassent l’objet dans les meilleurs délais d’une enquête appropriée. Le comité encourage le gouvernement à tenir, en collaboration avec les partenaires sociaux et le BIT, des séances de formation sur les droits de l’homme, les libertés publiques et les droits syndicaux pour aider la police ainsi que les autres autorités de l’Etat à mieux cerner les limites de leur rôle en ce qui concerne les droits à la liberté syndicale et à garantir aux travailleurs le plein et légitime exercice de ces droits et de ces libertés dans un climat exempt de crainte. Le comité invite en outre le gouvernement à communiquer à la CEACR des informations détaillées quant aux mesures prises pour que les plaintes pour discrimination antisyndicale soient traitées de manière exhaustive, y compris par la mise en place d’une base de données accessible au public.
- c) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter le processus d’enregistrement de manière à ce qu’il constitue une simple formalité et ne restreigne pas le droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable. Le comité prie le gouvernement de communiquer des informations sur les progrès concernant cette question à la CEACR, à qui il transmet cet aspect de la question et qui suit de près depuis plusieurs années l’évolution de la situation en la matière.
- d) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la procédure permettant de contester l’enregistrement d’un syndicat ne soit pas détournée de son usage pour devenir au final un instrument destiné à empêcher, ou à retarder fortement, l’exercice par les travailleurs de leurs droits syndicaux, et qu’à l’avenir toute allégation de pratique antisyndicale fasse l’objet sans délai d’une enquête exhaustive; il prie le gouvernement de le tenir informé de tout élément nouveau à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé de l’issue de toute procédure en cours en vue de l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat dans les usines mentionnées ci-dessus.
- e) Le comité exprime le ferme espoir que toutes les entités et tous les représentants des pouvoirs publics s’abstiendront d’exprimer publiquement une quelconque hostilité ou opposition vis-à-vis des syndicalistes, afin de favoriser un environnement permettant le plein exercice des droits syndicaux.
- f) Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires, notamment dans le domaine législatif, pour faire en sorte que les travailleurs des ZFE jouissent pleinement des droits de liberté syndicale, et prie le gouvernement d’informer la CEACR, à qui il transmet cet aspect du cas, des progrès accomplis.
- g) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.