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Allégations: Marginalisation et exclusion des organisations professionnelles d’employeurs lors des processus décisionnels, excluant tout dialogue social, le tripartisme et d’une manière plus générale la tenue de consultations (en particulier lorsqu’il s’agit de lois primordiales concernant directement les employeurs), ce qui constitue un non-respect des recommandations du Comité de la liberté syndicale; actes de violence, manœuvres de discrimination et d’intimidation contre des dirigeants employeurs et leurs organisations; arrestation de dirigeants; lois contraires aux libertés publiques et aux droits des organisations d’employeurs et de leurs adhérents; attaque violente au siège de la FEDECAMARAS avec menaces et dégâts matériels et attentat à la bombe contre le siège de la FEDECAMARAS

  1. 687. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de mai-juin 2017 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 382e rapport, paragr. 602 à 627, approuvé par le Conseil d’administration à sa 330e session (juin 2017).]
  2. 688. Les organisations plaignantes ont soumis de nouvelles allégations dans une communication en date du 8 mai 2017.
  3. 689. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 2 octobre 2017.
  4. 690. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 691. A sa réunion de juin 2017, le comité a formulé les recommandations intérimaires suivantes concernant les allégations présentées par les organisations plaignantes [voir 382e rapport, paragr. 627]:
    • a) Tout en exprimant sa profonde préoccupation face aux formes graves et diverses de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations bolivariennes à l’égard de la FEDECAMARAS, de ses organisations membres, de ses dirigeants et de ses entreprises affiliées, le comité insiste pour que le gouvernement prenne d’urgence des mesures fermes pour éviter des actes et des déclarations de cette nature à l’encontre de personnes et organisations qui défendent légitimement leurs intérêts dans le cadre des conventions nos 87 et 98, ratifiées par la République bolivarienne du Venezuela. Le comité prie instamment et fermement le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir que la FEDECAMARAS puisse exercer ses droits en tant qu’organisation d’employeurs dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre de ses dirigeants et de ses affiliés, et pour promouvoir avec cette organisation un dialogue social fondé sur le respect.
    • b) S’agissant de l’enlèvement, en 2010, des dirigeants de la FEDECAMARAS MM. Noel Álvarez, Luis Villegas, Ernesto Villamil et Mme Albis Muñoz (qui a été blessée de trois balles), ainsi que des mauvais traitements infligés à ces personnes, le comité prie instamment le gouvernement de lui faire parvenir un exemplaire du jugement qui a été prononcé à l’encontre de l’un des accusés, et de lui indiquer si d’autres personnes ont été inculpées (et lui signaler toute autre procédure qui serait engagée à cet égard et son issue); il le prie également de lui faire savoir si une indemnisation a été consentie à la FEDECAMARAS et aux dirigeants concernés pour les dommages causés par ces actes illégaux. Au sujet de l’attentat à la bombe perpétré contre le siège de la FEDECAMARAS, en février 2008, le comité insiste à nouveau pour que le gouvernement lui transmette ses observations sur les questions soulevées par la FEDECAMARAS et l’informe tout particulièrement de l’issue du recours en appel interjeté contre le non-lieu ainsi que de toute enquête diligentée dans le but d’examiner l’implication possible d’autres personnes dans l’attentat, et ainsi pouvoir élucider le motif de l’attentat et prévenir tout acte similaire.
    • c) S’agissant des organes structurés de dialogue social bipartite et tripartite qui doivent être établis dans le pays, ainsi que du plan d’action qui doit être élaboré en consultation avec les partenaires sociaux, comportant un calendrier et des délais précis et s’appuyant sur l’assistance technique du BIT, conformément aux recommandations du Conseil d’administration, et les allégations relatives à la saisie d’exploitations et à des opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au préjudice de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, le comité déplore profondément l’absence d’informations et de progrès conséquents à cet égard. Le comité rappelle que les conclusions de la mission font référence à la création d’une instance de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, en présence du BIT, et à la constitution d’une table ronde tripartite dirigée par un président indépendant et à laquelle le BIT participerait. Le comité rappelle que, à sa réunion de mars 2017, dans le cadre de son examen de la plainte présentée au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT relativement au non-respect par la République bolivarienne du Venezuela des conventions nos 26, 87 et 144, le Conseil d’administration avait prié instamment le gouvernement d’officialiser sans délai une table ronde tripartite, en présence de l’OIT, pour encourager le dialogue social dans le but de résoudre toutes les questions en suspens, y compris celles relatives à la saisie d’exploitations et aux opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au préjudice de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs. Le comité insiste sur l’urgence pour le gouvernement d’adopter immédiatement des mesures tangibles en ce qui concerne le dialogue social bipartite et tripartite comme demandé par la mission tripartite de haut niveau et le Conseil d’administration. Déplorant profondément que le gouvernement n’ait toujours pas présenté le plan d’action demandé, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de se conformer pleinement et sans délai aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau ratifiées par le Conseil d’administration et de lui faire rapport à cet égard.
    • d) Le comité, se conformant aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau, prie instamment le gouvernement de prendre sans attendre des mesures visant à instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
    • e) Le comité a noté les observations du gouvernement au sujet des allégations de détention ou de poursuites judiciaires de chefs ou de dirigeants d’entreprise de divers secteurs, et il déplore profondément une fois encore de ne pas avoir reçu de réponse approfondie concernant les personnes qui font l’objet d’une enquête. Pour ce qui est des affaires qui concernent l’entreprise de produits carnés et la chaîne de supermarchés, le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer les faits concrets qui seraient reprochés à chacune des personnes faisant l’objet d’une enquête ou poursuivies auprès de l’autorité judiciaire, sans se limiter à signaler des charges génériques, et de lui transmettre des informations précises sur l’évolution de toutes ces actions judiciaires. Le comité prie également le gouvernement, au sujet de l’entreprise de produits carnés, de lui transmettre des informations sur l’assujettissement des chefs d’entreprise ou dirigeants employeurs en attente de jugement à des mesures conservatoires ou privatives de liberté. Le comité prie à nouveau instamment les autorités de considérer la levée des mesures conservatoires de privation de liberté auxquelles ces personnes pourraient être assujetties.
    • f) Quant à l’adoption par le Président de la République de nombreux décrets-lois concernant d’importantes questions relatives à l’économie et à la production, sans consultation préalable de la FEDECAMARAS, déplorant profondément que le gouvernement n’ait pas fait la moindre observation sur leur impact sur le dialogue social ainsi que la persistance de cette situation, le comité prie instamment que des consultations approfondies se tiennent dans les plus brefs délais avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, y compris la FEDECAMARAS, au sujet des projets de loi ou d’autres normes de portées diverses d’ordre professionnel, économique ou social touchant leurs intérêts et ceux de leurs membres.
    • g) Le comité exprime sa profonde préoccupation face à l’absence d’informations et de progrès sur les questions soulevées précédemment et prie instamment le gouvernement de prendre les mesures demandées sans délai.
    • h) Le comité examinera les nouvelles allégations de l’OIE et de la FEDECAMARAS et la réponse du gouvernement à ce sujet lors de sa prochaine réunion et prie le gouvernement de communiquer toute observation additionnelle pertinente à cet égard.
    • i) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Allégations des organisations plaignantes

B. Allégations des organisations plaignantes
  1. 692. Dans leur communication en date du 8 mai 2017, l’OIE et la FEDECAMARAS ont dénoncé la survenue de nouveaux faits constituant une violation des principes de la liberté syndicale, ainsi que l’absence de réel dialogue social. Les organisations plaignantes ont dénoncé la poursuite des attaques à l’encontre de la FEDECAMARAS et de ses dirigeants, ainsi que du secteur de l’entreprise par des porte-parole appartenant au gouvernement ou liés à ce dernier. Elles ont fourni à cet égard de nombreux exemples d’accusations infondées et intimidatrices et de menaces proférées dans les médias, notamment par le vice-président du parti du gouvernement – député siégeant au gouvernement en qualité de co-président du Comando nacional antigolpe por la paz y la soberanía (Commando national anti-coup d’Etat en faveur de la paix et de la souveraineté) – ainsi que par le Président de la République lui-même. Elles ont également dénoncé les attaques perpétrées par les autorités gouvernementales contre le monde de l’entreprise, les menaces d’emprisonnement, l’agression et la détention de dirigeants, de salariés et d’actionnaires, accusés de corruption et de dérèglement de l’économie et désignés à la vindicte publique, sans que leur droit à un procès équitable ni leur droit à se défendre ne soient garantis. Les organisations plaignantes se réfèrent en particulier à plusieurs mesures: décisions imposant une baisse des prix; détention de salariés; perquisitions (associées à des menaces de poursuite en justice du président de la FEDECAMARAS, au motif qu’il aurait qualifié de «vol» l’une de ces perquisitions – ce qui n’a pas été démontré); pillages de commerces dans l’Etat de Bolívar; détention de représentants de l’entreprise principale de gestion des transactions par carte bancaire suivie de leur traduction devant la justice militaire pour une affaire liée à des dysfonctionnements du système de gestion (ces représentants ont été accusés de trahison à la patrie); et l’imposition de mesures arbitraires contre les boulangeries avec le soutien des forces publiques (sans respecter le droit de défense, actions qui se sont soldées par l’occupation de certaines boulangeries).
  2. 693. En outre, les organisations plaignantes ont dénoncé l’absence de dialogue réel, réaffirmant que les processus de dialogue annoncés par le gouvernement lors du Conseil d’administration du BIT n’avaient pas eu lieu (non-concrétisation du plan d’action en matière de dialogue social et non-intégration de la FEDECAMARAS dans l’espace de dialogue socio-économique). Les organisations plaignantes ont dénoncé le fait que la FEDECAMARAS avait été exclue des discussions ayant abouti à l’adoption de nouvelles mesures gouvernementales qui ont une incidence sur les activités des entreprises et portent atteinte à la liberté syndicale. Elles ont notamment mentionné à cet égard l’approbation sans consultation de l’achat aux producteurs de 50 pour cent de la production agro-industrielle pour la mettre à disposition des comités locaux d’approvisionnement et de production. Elles ont en outre dénoncé la création, sans consultation, de conseils au sein desquels les travailleurs participent à la gestion des activités de production (Consejos productivos de trabajadores) (CPT), constitués de trois représentants des travailleurs et quatre de l’Etat, qui s’apparentent à un dispositif additionnel d’ingérence de l’Etat (soumis aux directives du gouvernement, appuyé par les forces armées). Elles ont signalé que parmi les représentants de l’Etat l’un appartient aux forces armées bolivariennes, un autre aux milices bolivariennes, un autre encore est un représentant de la jeunesse et une vient de l’Union nationale des femmes. Les organisations plaignantes ont dénoncé le fait que le ministère du Pouvoir populaire pour le processus social du travail (MPPPST) a présenté les CPT comme une union civile et militaire pour la formation professionnelle, technique et politique des travailleurs et qui devrait être soutenue par toutes les organisations syndicales. Les organisations plaignantes se réfèrent à cet égard au décret no 17 du 8 novembre 2016 portant création des CPT, promulgué dans le cadre de l’état d’urgence pour raison économique. Elles ont également dénoncé la création de l’Etat-major de la classe ouvrière (organisation gouvernementale pour le renforcement des CPT) et des Brigades féminines du travail (structure visant à promouvoir le contrôle de l’ensemble du processus social du travail dans chaque entreprise), ainsi que d’autres stratégies visant à utiliser le mouvement ouvrier vénézuélien en faveur du gouvernement et contre les employeurs, en violation de la liberté syndicale. Outre ces institutions, les organisations plaignantes ont fait état d’un réseau complexe d’organisations étatiques très politisées avec lesquelles les entreprises doivent interagir (notamment diverses instances de contrôle, comme la Direction nationale de la défense des droits socio-économiques), ce qui limite la liberté d’action entre employeurs et travailleurs, rend pratiquement impossible le développement normal des entreprises et inefficace l’exercice de la liberté syndicale. Elles ont également souligné l’interventionnisme soutenu de l’Etat et ses actes d’ingérence, qui limitent la capacité d’entreprendre des employeurs, ce qui a provoqué une diminution du nombre d’entreprises et, par voie de conséquence, la perte d’emplois décents, situation qui, dans une large mesure, est le résultat de l’absence de dialogue social avec les acteurs les plus représentatifs du pays lors de l’adoption tant des mesures macroéconomiques que des politiques visant à assurer la durabilité des entreprises et des emplois. Les organisations plaignantes ont également dénoncé la promulgation, le 13 septembre 2016, d’un nouveau décret instituant l’état d’urgence pour raison économique (dont le texte contribue de nouveau à la campagne de stigmatisation des entrepreneurs et des associations professionnelles menée par le gouvernement – imputant les pénuries qui frappent la population à la guerre économique que l’on attribue à certains secteurs de l’économie nationale – et comprend même des mesures répressives contre le secteur patronal), ainsi que l’adoption, sans consultation, d’augmentations du salaire minimum, en janvier et avril 2017, et du «cestaticket» d’alimentation, en février 2017.
  3. 694. Les organisations plaignantes ont indiqué que, s’il est vrai que des communications écrites ont été échangées et des réunions tenues entre la FEDECAMARAS et le MPPPST (notamment les 11 et 31 janvier et le 27 avril 2017), ces réunions, bien qu’elles se soient déroulées dans le respect des règles, avaient un caractère purement formel, ne s’inscrivaient pas dans le cadre de mécanismes de dialogue structurés, ni dans un climat de confiance approprié entre les parties pour promouvoir un réel dialogue, et ont eu lieu parallèlement aux attaques intimidatrices susmentionnées visant la FEDECAMARAS, ses organisations membres et leurs dirigeants, sans compter que le ministre a procédé aux invitations à ces réunions en s’exprimant devant les médias en des termes vexatoires. Les organisations plaignantes ont en outre déclaré que: i) bien que le MPPPST ait admis à la réunion du 9 janvier 2017 n’avoir pas organisé de consultation pour l’augmentation du salaire minimum de janvier 2017 et qu’il ait demandé par lettre en date du 14 février 2017 l’avis de la FEDECAMARAS sur la politique en matière d’augmentation du salaire minimum (demande à laquelle la FEDECAMARAS a répondu le 23 février 2017), le 24 février, le gouvernement a rendu publique l’augmentation, laquelle a une incidence sur la prime alimentaire, sans consultation tripartite appropriée; et ii) bien que, lors de la réunion du 27 avril 2017, le ministre ait demandé des suggestions pour la prochaine augmentation des salaires, la FEDECAMARAS n’a pas pu faire d’observation ni engager un réel dialogue à ce sujet, du fait que le MPPPST ne lui a transmis aucun délai ni élément concret concernant l’augmentation envisagée, laquelle a été adoptée le 30 avril 2017, cette fois encore, sans consultation tripartite. En dépit de cela, la FEDECAMARAS a une nouvelle fois réaffirmé son opinion générale en la matière selon laquelle les augmentations salariales décrétées de façon isolée ne sauraient résoudre le problème de la perte du pouvoir d’achat des travailleurs et qu’il convient d’adopter des mesures globales à cet égard. Enfin, les organisations plaignantes ont précisé que, bien que certaines chambres ou certains entrepreneurs liés à la FEDECAMARAS puissent participer de manière ponctuelle et individuelle à certaines réunions de travail du Conseil national de l’économie productive, celle-ci en est toujours officiellement exclue.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 695. Dans sa communication en date du 23 mai 2017, le gouvernement avait fait parvenir ses observations en réponse aux allégations des organisations plaignantes en date du 8 mai 2017. En référence aux allégations d’attaques intimidatrices perpétrées contre la FEDECAMARAS, ses organisations affiliées et ses dirigeants, le gouvernement s’est référé aux informations communiquées au Conseil d’administration au cours de sa 329e session (mars 2017). Par ailleurs, dans ses observations, le gouvernement a affirmé que: i) les différentes mesures qui constituaient des attaques alléguées contre les différents secteurs entrepreneuriaux n’ont pas été arbitraires, elles ont été prises en conformité avec la loi et dans le but de protéger la population (pour ce qui est des allégations de détention et d’intimidation des dirigeants et actionnaires d’un consortium de cartes de crédit, le gouvernement indique, après vérification des faits, qu’une panne avait été délibérément provoquée sur la plate-forme de paiements électroniques, comme une forme de sabotage financier, que les organismes compétents ont procédé à l’arrestation des responsables, et qu’en aucun cas cette affaire ne relevait d’un acte d’intimidation à l’encontre des entrepreneurs vénézuéliens); ii) l’achat de 50 pour cent de la production agro-industrielle a été effectué conformément au mandat constitutionnel qui lui a été confié de garantir la disponibilité des denrées dans le cadre de la guerre économique, et des conseils au sein desquels les travailleurs participent à la gestion des activités de production (consejos productivos de trabajadores) ont été créés pour promouvoir la participation de la classe ouvrière dans la gestion de la production, sans remplacer ou contrer l’organisation syndicale; iii) l’augmentation du «cestaticket» d’alimentation a résulté de son ajustement annuel naturel et le MPPPST a demandé à la FEDECAMARAS, dans sa communication en date du 14 février 2017, de soumettre ses propositions par rapport à la hausse des salaires qui est généralement réalisée lors la Journée du travail; les réponses fournies par la FEDECAMARAS les 23 et 27 avril 2017 ne contenaient aucune proposition concrète.
  2. 696. Dans sa communication en date du 29 septembre 2017, le gouvernement fait parvenir ses observations concernant les recommandations susmentionnées du comité.
  3. 697. En ce qui concerne la recommandation a), le gouvernement dément une fois de plus avoir usé de persécutions, de pressions ou de menaces à l’encontre de la FEDECAMARAS, ses organisations membres, ou ses dirigeants; il dément en outre qu’ils aient été victimes d’un quelconque acte de violence en raison de leur statut et de l’exercice d’une activité syndicale. Le gouvernement affirme qu’il n’a pas refusé de reconnaître la FEDECAMARAS comme l’une des organisations d’employeurs les plus représentatives. Il fait néanmoins valoir que, si, au niveau international, la FEDECAMARAS souhaite légitimer son statut d’organisation représentative des employeurs, sur le plan national, elle agit comme une organisation politique en opposition au gouvernement légitimement élu. Le gouvernement met en avant qu’il a de toute évidence été complaisant avec la FEDECAMARAS eu égard aux activités politiques de déstabilisation qu’elle mène dans le pays depuis avril 2017, dans le cadre desquelles elle prétend ignorer les institutions et en finir par la force avec l’ordre constitutionnel établi, faisant fi des autorités démocratiquement élues. Il allègue également que la FEDECAMARAS a lancé des appels publics en vue de la suspension du processus électoral de l’Assemblée nationale constituante du 30 juillet 2017. Compte tenu de ces arguments, le gouvernement prie de nouveau le comité de se dessaisir de ces questions – qui selon lui dépassent le cadre de sa compétence – et ce, pour que cesse la promotion d’intérêts politiques particuliers dans une campagne menée contre la République bolivarienne du Venezuela.
  4. 698. En ce qui concerne la recommandation b) formulée lors de l’examen antérieur de ce cas, le gouvernement réaffirme que, depuis septembre 2015, suite au prononcé d’un jugement définitif ferme, actuellement en cours d’exécution, l’auteur des faits perpétrés en 2010 contre des représentants de la FEDECAMARAS a été condamné à quatorze ans et huit mois d’emprisonnement. Il souligne que ces actes étaient fortuits et sans lien aucun avec le statut syndical des victimes et indique pour ce qui est de l’octroi d’une indemnisation aux personnes concernées, qu’il agira en l’espèce selon qu’il convient, conformément à la décision judiciaire définitive et ferme qui sera rendue à cet égard.
  5. 699. Pour ce qui est des recommandations c) et d) de son examen antérieur du cas, le comité prend note que le gouvernement s’engage à œuvrer en faveur du consensus et du dialogue pour maintenir la paix. Il souligne que les plus hautes instances gouvernementales ont invité la FEDECAMARAS à se joindre au dialogue honnête et politiquement désintéressé à un moment où les intérêts particuliers économiques et politiques internes et externes prétendent ignorer les institutions et l’état de droit du pays. A cet égard, le gouvernement transmet sa réponse à la communication du 2 août 2017 de la FEDECAMARAS (dans laquelle celle-ci fait part de la désignation du nouveau comité de gestion de cette organisation) dans laquelle le ministre du Pouvoir populaire pour le processus social du travail a accueilli favorablement la proposition de dialogue soumise par la FEDECAMARAS dans sa lettre. Dans cette lettre de réponse, le ministre exhorte la FEDECAMARAS à se consacrer sans réserve à la tâche qui lui incombe en termes de contribution au secteur des entreprises dans le cadre de ce processus, ainsi qu’à se départir des intérêts particuliers et politiques qui ont de tout temps été utilisés pour justifier les actions contraires à la Constitution et aux lois de la République (et invite également la FEDECAMARAS à condamner toute action, interne ou externe, qui contribue à déstabiliser le pays ou qui cherche à saper la souveraineté). Le gouvernement indique que, l’Assemblée nationale constituante ayant été constituée, l’invitation faite à la FEDECAMARAS d’y participer reste ouverte, sans aucune exigence ni programme préétabli. Toutefois, le gouvernement fait savoir que la FEDECAMARAS ne reconnaît pas les pleins pouvoirs de l’Assemblée nationale constituante et n’a pas pris la mesure des efforts déployés par le gouvernement pour engager un dialogue bipartite direct et frontal.
  6. 700. En outre, le gouvernement rappelle que, antérieurement, dans le cadre de la 106e Conférence internationale du Travail (juin 2017), le ministre du Pouvoir populaire pour le processus social du travail a sollicité l’appui du Directeur général pour l’organisation d’une réunion tripartite au siège de l’OIT, en présence de ses représentants, outre les représentants de la FEDECAMARAS et de la Centrale bolivarienne socialiste de la ville, de la campagne et de la pêche (CBST), en tant qu’organisations les plus représentatives des employeurs et des travailleurs du pays. Le gouvernement indique avec regret que la FEDECAMARAS, refusant de reconnaître, avec une pointe d’arrogance, la légitimité de la CBST en tant qu’organisation la plus représentative des travailleurs et affirmant que celle-ci est politiquement affiliée au gouvernement, jetant ainsi de l’huile sur la situation explosive qui régnait dans le pays, a décidé, à quelques minutes du début de la réunion, de ne pas y participer. Le gouvernement souligne que cette attitude ne cadre pas, tant s’en faut, avec les incessantes demandes que soumet la FEDECAMARAS à l’OIT en vue d’obtenir l’assistance technique du Bureau pour l’organisation du dialogue social avec le gouvernement.
  7. 701. En ce qui concerne la recommandation e) de son examen antérieur du cas, le gouvernement fournit, au sujet de l’entreprise de produits carnés, les informations suivantes relatives aux enquêtes pénales ouvertes: i) en mars 2015, Mme Tania Carolina Salinas Rebolledo et Mme Delia Isabel Rivas Colina ont fait l’objet de poursuites judiciaires (acto acusatorio) pour avoir commis les délits de spéculation, boycott, altérations frauduleuses, conditionnement pour la vente, distribution de produits alimentaires ou d’articles périmés et ravitaillement, et sont en attente de l’audience préliminaire correspondante et soumises à une mesure conservatoire concrétisée par le gel de leurs comptes bancaires au niveau national; ii) Mme Delia Isabel Rivas Colina, Mme Anllerlin Guadalupe López Graterol, M. Yolman Javier Valderrama et M. Ernesto Luis Arenad Pulgar font l’objet de mesures conservatoires de substitution à la privation de liberté; iii) des mesures conservatoires de privation de liberté ont été prises à l’encontre de Mme Tania Carolina Salinas Rebolledo (qui se cache des autorités compétentes). S’agissant de la chaîne de supermarchés, le gouvernement fait savoir que: i) en mai 2015, des accusations ont été portées à l’encontre de M. Manuel Andrès Morales Ordosgoitti et de M. Tadeo Arriechi Franco, invoquant des délits de boycott et de déstabilisation de l’économie; ii) en novembre 2015, le tribunal compétent a changé la mesure privative de liberté des accusés par des mesures conservatoires de substitution; iii) le 23 janvier 2017, l’audience préliminaire s’est tenue et le tribunal a prononcé un non-lieu de l’affaire (et par conséquent l’interruption des mesures conservatoires décrétées); iv) le ministère public a fait appel de la décision de non-lieu le 30 janvier 2017.
  8. 702. En ce qui concerne la recommandation f) de son examen antérieur du cas, le gouvernement indique que, comme l’OIT en a connaissance, le gouvernement a organisé des consultations et des réunions sur la question des salaires et autres questions du travail avec les organisations de travailleurs et d’employeurs (y compris la FEDECAMARAS et les organisations qui lui sont affiliées), mais la FEDECAMARAS a refusé de participer à ces consultations et à ces réunions et n’a pas reconnu ce dialogue, affichant un comportement peu respectueux du droit et des autres secteurs participants. Le gouvernement mentionne en particulier le refus de la FEDECAMARAS de participer au dialogue, dans le cadre des travaux de l’Assemblée nationale constituante, auquel l’organisation a été invitée à apporter sa contribution en termes de développement économique et social du pays (le gouvernement mentionne le décret du 31 août de l’Assemblée nationale constituante, par lequel il invite les secteurs productifs de tout le pays au dialogue national). Le gouvernement déclare que, s’il n’y a pas eu de progrès en matière de dialogue social dans le pays, ceci est dû à la manifestation d’intérêts politiques partisans (déconnectés du monde du travail et des entreprises et contraires à l’ordre constitutionnel et juridique) de la part de la FEDECAMARAS. Il indique à cet égard que la FEDECAMARAS a refusé de dialoguer avec le gouvernement et les organisations de travailleurs les plus représentatives (rappelant sa non-participation à la réunion organisée sous les auspices du BIT au cours de la session de 2017 de la Conférence internationale du Travail). Le gouvernement espère que la FEDECAMARAS reconnaîtra les institutions du pays et s’ouvrira au dialogue dans le respect des institutions publiques, que ce soit dans le cadre de l’Assemblée nationale constituante ou de n’importe quelle autre instance gouvernementale.
  9. 703. Pour conclure, le gouvernement indique qu’il se réserve la possibilité de continuer de fournir des informations concernant les autres conclusions et recommandations du comité, tout en précisant qu’il n’y souscrit pas et qu’il répondra plus avant en temps opportun.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 704. Concernant la recommandation a) de son examen antérieur du cas (allégations de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations bolivariennes à l’égard de la FEDECAMARAS, de ses organisations membres, de ses dirigeants et de ses entreprises affiliées), le comité regrette profondément que le gouvernement utilise à nouveau sa réponse pour accuser l’organisation plaignante d’être liée à des activités de déstabilisation du pays et qu’il ne fasse part d’aucune mesure prise en vue d’éviter les manœuvres et déclarations de stigmatisation et d’intimidation, comme le lui avait recommandé le comité. Par conséquent, le comité constate de nouveau avec regret la persistance des attaques, menaces et actes d’ingérence dans les affaires du secteur des entreprises du pays et à l’encontre de leurs dirigeants, qui réduisent la capacité des organisations d’employeurs de défendre les intérêts de leurs membres. Dans ces conditions, le comité regrette de devoir réitérer une fois encore sa recommandation précédente et prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures demandées. Le comité se doit de réaffirmer à cet égard que, pour que la contribution des syndicats et des organisations d’employeurs ait le degré voulu d’utilité et de crédibilité, il est nécessaire que leur activité se déroule dans un climat de liberté et de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats et les organisations d’employeurs seraient fondés à demander la reconnaissance et l’exercice de ces libertés et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre d’activités syndicales légitimes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 36.] Le comité observe de nouveau que, tout au long de l’examen de ce cas, il a été témoin d’un grand nombre d’accusations graves portées par le gouvernement contre la FEDECAMARAS et il a constaté avec beaucoup de préoccupation les nombreuses allégations d’attaques contre cette organisation; il souligne que l’ensemble des faits ainsi allégués favorise un climat d’intimidation contre les organisations d’employeurs et leurs dirigeants, qui est incompatible avec les exigences de la convention no 87. A cet égard, le comité regrette de devoir rappeler une fois encore le principe selon lequel «les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe» [voir Recueil, op. cit., paragr. 44] et prie instamment et fermement le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent à cet égard, et pour promouvoir un dialogue social fondé sur le respect. Le comité rappelle que, comme énoncé dans la Déclaration de Philadelphie, qui fait partie intégrante de la Constitution de l’OIT, la lutte contre le besoin doit être menée par un effort dans lequel les représentants des employeurs et des travailleurs, coopérant sur un pied d’égalité avec ceux des gouvernements, participent à de libres discussions et à des décisions de caractère démocratique en vue de promouvoir le bien commun.
  2. 705. Concernant la recommandation a) de son examen antérieur du cas (allégations d’actes de violence, portant notamment sur l’enlèvement, en 2010, des dirigeants MM. Noel Álvarez, Luis Villegas, Ernesto Villamil et Mme Albis Muñoz et les mauvais traitements qui leur ont été infligés), le comité regrette que le gouvernement ne fournisse pas, en dépit de ses demandes répétées, copie du texte du jugement susmentionné portant condamnation du responsable (lors de l’examen antérieur du cas, le gouvernement avait indiqué avoir adressé une demande au ministère public afin d’obtenir une copie du jugement) et qu’il ne fournisse pas non plus d’informations plus précises sur l’octroi d’une indemnisation. Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de lui communiquer copie du texte du jugement portant condamnation et de lui indiquer si d’autres personnes ont été inculpées (et de lui signaler toute autre procédure qui serait engagée à cet égard et son issue). Il le prie également de le tenir informé de l’état d’avancement ou de l’issue éventuelle des réclamations ou procédures judiciaires (en communiquant copie des décisions pertinentes) relatives à l’octroi d’une indemnisation à la FEDECAMARAS et aux dirigeants concernés pour les dommages causés par ces actes illégaux. Au sujet de l’attentat à la bombe perpétré contre le siège de la FEDECAMARAS, en février 2008, le comité regrette de ne pas avoir reçu de réponse du gouvernement à cet égard et insiste à nouveau pour que celui-ci lui transmette ses observations sur les questions soulevées par la FEDECAMARAS et l’informe tout particulièrement de l’issue du recours en appel interjeté contre le non-lieu, ainsi que de toute enquête diligentée dans le but d’examiner l’implication possible d’autres personnes dans l’attentat et ainsi pouvoir élucider le motif de l’attentat et prévenir tout acte similaire.
  3. 706. Les recommandations c) et d) de l’examen antérieur du cas par le comité concernent: l’établissement d’organes structurés de dialogue social bipartite et tripartite et d’un plan d’action, aux fins du règlement de toutes les questions en suspens, notamment les questions relatives à la saisie d’exploitations, aux opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au préjudice de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, ainsi que des mesures visant à instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Le comité note que le gouvernement mentionne une tentative de tenue d’une réunion tripartite au cours de la Conférence internationale du Travail et indique avoir invité la FEDECAMARAS aux processus de dialogue relatifs à la transformation et réorganisation de l’Etat, dans le cadre des travaux de l’Assemblée nationale constituante. Par ailleurs, le comité constate que les organisations plaignantes continuent de dénoncer l’absence de dialogue réel, qui va plus loin que le simple échange formel d’informations, et réitèrent que les processus de dialogue que le gouvernement s’était engagé à entamer devant le Conseil d’administration du BIT n’ont pas été menés à bien. Le comité constate avec regret que, outre l’intention d’organiser une réunion au cours de la Conférence internationale du Travail, les informations fournies par le gouvernement ne donnent pas à penser que ce dernier a donné suite aux mesures qu’il avait annoncées devant le Conseil d’administration du BIT (plan d’action, qui englobait notamment la création d’un espace de dialogue entre les représentants du gouvernement et ceux de la FEDECAMARAS, projet qui comportait un calendrier de réunions devant avoir lieu tous les quinze jours et la participation de la FEDECAMARAS au futur espace de dialogue socio-économique). Le comité constate également avec regret que le gouvernement n’indique pas avoir pris de mesures concrètes pour donner suite aux recommandations du comité concernant la mise en place d’organes structurés de dialogue social bipartite et tripartite et l’élaboration d’un plan d’action en consultation avec les partenaires sociaux, comportant un calendrier et des délais précis et s’appuyant sur l’assistance technique du BIT – plan d’action que recommande le Conseil d’administration depuis 2014, suite à la mission tripartite de haut niveau conduite cette année-là. Regrettant devoir à nouveau déplorer l’absence d’informations et de progrès à cet égard, et à la lumière de la décision du Conseil d’administration du 24 mars 2017 (dans le cadre de l’examen de la plainte présentée au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT pour non-respect par la République bolivarienne du Venezuela des conventions nos 26, 87 et 144) au cours duquel le gouvernement a été instamment prié d’officialiser de toute urgence une table ronde tripartite, en présence de représentants du BIT, pour encourager le dialogue social, en vue de résoudre toutes les questions en suspens, y compris les questions relatives à la saisie d’exploitations et aux opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au préjudice de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, le comité réitère ses recommandations à cet égard et prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures demandées, y compris les mesures visant à instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides.
  4. 707. Quant à la recommandation e) de son examen antérieur du cas (allégations de détention de chefs d’entreprise ou de dirigeants de divers secteurs et de poursuites judiciaires à leur encontre), le comité prend dûment note, en ce qui concerne la chaîne de supermarchés, que toutes les poursuites pénales à l’encontre des personnes mises en cause ont été levées (mettant ainsi fin aux mesures conservatoires prises à leur encontre), mais que le ministère public a fait appel de cette décision en janvier 2017. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de cette procédure. Pour ce qui est de l’entreprise de produits carnés, le comité constate que, bien qu’il donne des précisions sur les chefs d’accusation visant certaines des personnes faisant l’objet de poursuites, le gouvernement n’indique pas, alors que le comité le lui avait demandé, les faits concrets qui sont reprochés à chacune des personnes faisant l’objet d’une enquête ou poursuivies devant l’autorité judiciaire. Par conséquent, le comité se voit contraint de réitérer sa recommandation antérieure et prie instamment le gouvernement de lui transmettre des informations sur l’évolution de chacune de ces actions judiciaires. Constatant que seule une mesure conservatoire privative de liberté serait encore en vigueur, le comité prie les autorités d’envisager la levée ou la substitution de cette mesure. Enfin, en ce qui concerne les allégations formulées par les organisations plaignantes le 8 mai 2017 (relatives à l’agression et à la détention de dirigeants d’entreprise et actionnaires d’un consortium de cartes de crédit par les autorités gouvernementales, allégations dénonçant l’exposition de ces personnes à la vindicte publique sans que ni leur droit à un procès équitable ni leur droit à se défendre ne soient garantis), le comité note que le gouvernement indique que les mesures en question ont été prises en réaction à un sabotage financier, à la suite duquel les organismes compétents ont procédé à l’arrestation des responsables, mais que cela ne relève en aucun cas d’un acte d’intimidation à l’encontre de chefs d’entreprise. Ne disposant pas d’informations plus détaillées et compte tenu de la gravité des faits allégués, le comité invite les organisations plaignantes à fournir des informations complémentaires à celles dont il dispose et prie le gouvernement d’envoyer, à la lumière de ces informations, une réponse détaillée à ce sujet, en indiquant les faits concrets qui seraient reprochés à chacune des personnes faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites à cet égard, et en l’informant de l’évolution et de l’état de la procédure en la matière.
  5. 708. En ce qui concerne la recommandation f) de son examen antérieur du cas (consultations approfondies avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, y compris la FEDECAMARAS, au sujet des projets de loi ou d’autres normes de portées diverses d’ordre professionnel, économique ou social touchant leurs intérêts et ceux de leurs membres), le comité prend note que, s’agissant des consultations au niveau national, le gouvernement avait indiqué avoir demandé à la FEDECAMARAS de lui soumettre des propositions par écrit au sujet de l’augmentation du salaire minimum et que, dans ses dernières observations, il mentionne une vaste convocation au dialogue avec les secteurs productifs dans le cadre de l’Assemblée nationale constituante. Par ailleurs, le comité prend note que les organisations plaignantes continuent de dénoncer l’absence de dialogue réel (s’agissant de l’invitation à soumettre des commentaires au sujet de l’augmentation du salaire minimum, la FEDECAMARAS indique qu’elle n’a pas pu faire d’observations précises, car le gouvernement ne lui a communiqué aucun délai ni élément concret concernant l’augmentation envisagée, de sorte que celle-ci a été adoptée sans consultation). Le comité souligne qu’il est important que les consultations se déroulent dans la bonne foi, la confiance et le respect mutuel, et que les parties aient suffisamment de temps pour exprimer leurs points de vue et en discuter de façon approfondie, afin de pouvoir parvenir à un compromis adéquat. Le gouvernement doit aussi veiller à donner le poids nécessaire aux accords auxquels les organisations de travailleurs et d’employeurs sont parvenues. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1071.] Le comité prend note par conséquent que, selon les allégations des organisations plaignantes – que le gouvernement ne nie pas –, des mesures gouvernementales importantes touchant les intérêts des organisations d’employeurs ont continué d’être adoptées sans consultation des partenaires sociaux concernés, y compris la FEDECAMARAS, comme la création des CPT. Déplorant profondément la persistance de cette situation, le comité demande instamment et fermement que des consultations approfondies se tiennent dans les plus brefs délais avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, y compris la FEDECAMARAS, au sujet des projets de loi ou autres normes de portées diverses d’ordre professionnel, économique ou social touchant leurs intérêts et ceux de leurs membres.
  6. 709. Par ailleurs, le comité note avec préoccupation les allégations des organisations plaignantes relatives à la mise en place, sans consultation, de structures qui porteraient atteinte à la liberté syndicale, en particulier les CPT (composés de trois représentants des travailleurs de l’entreprise et quatre de l’Etat – qui sont chargés de réviser, approuver, contrôler et suivre les programmes et les projets fondamentaux du processus productif des entreprises), en tant que mécanisme additionnel d’ingérence de l’Etat. Les organisations plaignantes font référence à d’autres stratégies et mécanismes d’ingérence de l’Etat (comme l’état-major de la classe ouvrière – organisation gouvernementale conçue pour renforcer les CPT – et les brigades féminines du travail – chargées de promouvoir le contrôle de tout le processus social du travail dans chaque entreprise). Le comité prend note que le gouvernement déclare que: i) les CPT sont une institution en cours d’évolution, créée en vertu de la loi organique du travail, des travailleurs et des travailleuses (LOTTT) pour stimuler la participation de la classe ouvrière en tant que protagoniste de la gestion de l’activité productive; ii) en aucun cas la création des CPT ne se substitue ou ne porte atteinte à l’organisation syndicale, elle doit plutôt se concevoir comme une forme de participation active des travailleurs dans l’exercice réel et effectif de suivi des processus productifs de leurs entreprises. Le comité constate néanmoins avec beaucoup de préoccupation que le décret no 17 du 8 novembre 2016, qui institue les CPT – applicable à toutes les entreprises du pays, qu’elles soient publiques ou privées, et promulgué dans le cadre de l’état d’urgence pour raison économique: i) indique dans son préambule pour justifier la mise en place des CPT que «[L]e ministère (…) a l’obligation d’organiser la classe ouvrière à partir des entreprises elles-mêmes»; ii) établit en son article 1 que le champ d’action et l’objet des CPT est «de promouvoir la participation de la classe ouvrière en tant que protagoniste de la gestion de l’activité productive, à partir des entreprises publiques et privées»; iii) crée les CPT selon une structure préétablie qui inclut des représentants des pouvoirs publics, y compris les forces armées et les milices bolivariennes. Le comité estime que la mise en place des CPT constitue une atteinte à la liberté syndicale et une ingérence dans le libre déroulement des relations collectives entre les organisations de travailleurs et les employeurs et leurs organisations. Le comité tient à rappeler que les gouvernements ne doivent pas adopter de mesures, comme la création, par décret, d’institutions destinées à organiser les travailleurs en structures constituées et contrôlées par les autorités publiques, susceptibles de porter atteinte au droit des travailleurs de s’organiser librement et à la liberté de négocier entre organisations indépendantes de travailleurs et d’employeurs. A cet égard, le comité estime que la création de structures publiques susceptibles de favoriser le contrôle par le gouvernement des organisations représentatives du monde du travail constitue en soi une atteinte à la liberté d’action et de négociation des employeurs et de leurs organisations, qui est incompatible avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris toute abrogation ou réforme réglementaire ou législative, pour supprimer toute institution ou disposition adoptée ou promue par les autorités publiques – les CPT ou autres types d’instances, comme l’état-major de la classe ouvrière ou les brigades féminines – qui sont susceptibles de supplanter les organisations syndicales indépendantes ou de porter atteinte à la liberté de négociation entre organisations de travailleurs indépendantes et employeurs. Compte tenu du fait que la République bolivarienne du Venezuela a ratifié les conventions nos 87 et 98, le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) et demande au gouvernement de tenir cette dernière informée de toute mesure adoptée à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 710. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en déplorant devoir exprimer une fois encore sa profonde préoccupation face aux formes graves et diverses de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations bolivariennes à l’égard de la FEDECAMARAS, de ses organisations membres, de ses dirigeants et de ses entreprises affiliées, le comité insiste pour que le gouvernement prenne d’urgence des mesures fermes pour éviter des actes et des déclarations de cette nature à l’encontre de personnes et organisations qui défendent légitimement leurs intérêts dans le cadre des conventions nos 87 et 98, ratifiées par la République bolivarienne du Venezuela. Le comité prie instamment et fermement le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir que la FEDECAMARAS puisse exercer ses droits en tant qu’organisation d’employeurs dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre de ses dirigeants et de ses affiliés, et pour promouvoir avec cette organisation un dialogue social fondé sur le respect.
    • b) S’agissant de l’enlèvement, en 2010, des dirigeants de la FEDECAMARAS MM. Noel Álvarez, Luis Villegas, Ernesto Villamil et Mme Albis Muñoz (qui a été blessée de trois balles), ainsi que des mauvais traitements infligés à ces personnes, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de lui faire parvenir un exemplaire du jugement qui a été prononcé à l’encontre de l’un des accusés, et de lui indiquer si d’autres personnes ont été inculpées (et lui signaler toute autre procédure qui serait engagée à cet égard et son issue). Le comité le prie également de l’informer de l’état et de l’issue éventuelle de toute réclamation ou procédure judiciaire engagée (en fournissant copie du texte du jugement pertinent) relative à l’octroi d’une indemnisation à la FEDECAMARAS et aux dirigeants concernés pour les dommages causés par ces actes illégaux. Au sujet de l’attentat à la bombe perpétré contre le siège de la FEDECAMARAS, en février 2008, le comité insiste à nouveau pour que le gouvernement lui transmette ses observations sur les questions soulevées par la FEDECAMARAS et l’informe tout particulièrement de l’issue du recours en appel interjeté contre le non-lieu, ainsi que de toute enquête diligentée dans le but d’examiner l’implication possible d’autres personnes dans l’attentat, et ainsi pouvoir élucider le motif de l’attentat et prévenir tout acte similaire.
    • c) S’agissant des organes structurés de dialogue social bipartite et tripartite qui doivent être établis dans le pays, ainsi que du plan d’action qui doit être élaboré en consultation avec les partenaires sociaux, comportant un calendrier et des délais d’exécution précis et s’appuyant sur l’assistance technique du BIT, conformément aux recommandations du Conseil d’administration, et des allégations relatives à la saisie d’exploitations et à des opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au préjudice de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, le comité déplore profondément l’absence d’informations et de progrès à cet égard. Le comité rappelle que les conclusions de la mission tripartite de haut niveau effectuée en 2014 font référence à la création d’une instance de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, en présence de représentants du BIT, et à la constitution d’une table ronde tripartite dirigée par un président indépendant et à laquelle des représentants du BIT seraient présents. A cet égard, le comité rappelle que, à sa réunion de mars 2017, dans le cadre de son examen de la plainte présentée au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT relativement au non-respect par la République bolivarienne du Venezuela des conventions nos 26, 87 et 144, le Conseil d’administration a instamment prié le gouvernement d’officialiser sans délai une table ronde tripartite, en présence de représentants du BIT, pour encourager le dialogue social dans le but de résoudre toutes les questions en suspens, y compris celles relatives à la saisie d’exploitations et aux opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au préjudice de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs. Le comité insiste de nouveau sur l’urgence pour le gouvernement d’adopter immédiatement des mesures tangibles en ce qui concerne le dialogue social bipartite et tripartite, comme demandé par la mission tripartite de haut niveau et le Conseil d’administration. Déplorant une fois encore profondément que le gouvernement n’ait toujours pas présenté le plan d’action demandé, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de se conformer pleinement et sans délai aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau ratifiées par le Conseil d’administration et de lui faire rapport à cet égard.
    • d) Le comité, se conformant aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau, prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre sans attendre des mesures visant à instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
    • e) En ce qui concerne les enquêtes pénales relatives à l’entreprise de produits carnés, le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer les faits concrets qui seraient reprochés à chacune des personnes faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites judiciaires, sans se limiter à rapporter des accusations génériques, et de lui transmettre des informations précises sur l’évolution de toutes ces actions judiciaires; il demande en outre aux autorités compétentes d’envisager la levée de la seule mesure conservatoire préventive de liberté encore en vigueur dans le cadre de ces enquêtes. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé de l’issue du recours en appel interjeté par le ministère public contre la décision judiciaire décrétant le non-lieu dans le cadre des enquêtes pénales relatives à la chaîne des supermarchés. Quant aux allégations d’agression et de détention de dirigeants et actionnaires d’un consortium de cartes de crédit, le comité invite les organisations plaignantes à fournir des informations complémentaires à celles dont il dispose, et prie le gouvernement, à la lumière de ces informations, d’envoyer une réponse détaillée, en indiquant les faits concrets qui seraient reprochés à chacune des personnes faisant l’objet d’enquêtes ou de poursuites, ainsi que sur le déroulement et l’état de la procédure en question.
    • f) Le comité demande instamment et fermement que des consultations approfondies se tiennent dans les plus brefs délais avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, y compris la FEDECAMARAS, au sujet des projets de loi ou autres normes de portées diverses d’ordre professionnel, économique ou social touchant leurs intérêts et ceux de leurs membres.
    • g) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris toute abrogation ou réforme réglementaire ou législative, pour supprimer toute institution ou disposition adoptée ou promue par les autorités publiques – par exemple les CPT ou d’autres types d’instances, comme l’état-major de la classe ouvrière ou les brigades féminines – qui sont susceptibles de supplanter les organisations syndicales indépendantes ou de porter atteinte à la liberté de négociation entre organisations de travailleurs indépendantes et employeurs. Compte tenu du fait que la République bolivarienne du Venezuela a ratifié les conventions nos 87 et 98, le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) et demande au gouvernement de tenir cette dernière informée de toute mesure adoptée à cet égard.
    • h) Le comité exprime sa profonde préoccupation face à l’absence d’informations et de progrès sur les questions soulevées précédemment et prie instamment le gouvernement de prendre les mesures demandées sans délai.
    • i) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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