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Informe provisional - Informe núm. 389, Junio 2019

Caso núm. 3275 (Madagascar) - Fecha de presentación de la queja:: 03-ABR-17 - En seguimiento

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes de discrimination antisyndicale de la part d’une entreprise du secteur portuaire, en particulier: i) le refus de reconnaître le Syndicat général maritime de Madagascar (SYGMMA) comme le représentant légitime de de son personnel; et ii) la pénalisation et le licenciement de dirigeants syndicaux à titre de représailles pour avoir exercé des activités syndicales légitimes

  1. 445. La plainte figure dans une communication de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) en date du 3 avril 2017.
  2. 446. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû différer l’examen de ce cas à deux reprises. A sa réunion de mars 2019 [voir 388e rapport, paragr. 6], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 447. Madagascar a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Elle n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 448. Dans une communication en date du 3 avril 2017, l’ITF allègue que la Société de manutention des marchandises conventionnelles (SMMC), ci-après «l’entreprise», société d’Etat, a systématiquement dénié au Syndicat général maritime de Madagascar (SYGMMA) le droit de syndiquer les travailleurs au port de Toamasina et a mené des campagnes de représailles contre les travailleurs exerçant des activités syndicales légitimes. Elle indique aussi que les organismes publics compétents ne font appliquer ni la loi ni les décisions de justice protégeant les droits des travailleurs et des syndicats.
  2. 449. L’organisation plaignante indique que la Société du port à gestion autonome de Toamasina (SPAT) a été créée en vertu de la loi no 2003-025. En 2008, elle a confié à l’entreprise la gestion des marchandises en vrac et non conteneurisées au port. L’entreprise est également chargée de fournir de la main-d’œuvre occasionnelle à la société Madagascar international container terminal services Ltd (MICTSL), qui a obtenu une concession de vingt ans pour gérer le terminal à conteneurs du port en 2005. L’entreprise emploie 1 034 travailleurs dans les terminaux de vrac et de conteneurs.
  3. 450. L’ITF rappelle que, le 1er mars 2012, le SYGMMA a créé, conformément aux articles 136 à 139 du Code du travail, une section syndicale au niveau de l’entreprise dans le port de Toamasina pour représenter les dockers employés par l’entreprise, mais que, dès le départ, l’entreprise a clairement indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de reconnaître le SYGMMA comme le représentant légitime de son personnel.
  4. 451. L’organisation plaignante allègue que, le 13 mars 2012, la direction de l’entreprise a ordonné à trois délégués de la section de signer une lettre indiquant qu’ils démissionneraient du syndicat et accepteraient de ne pas tenir de réunions syndicales. Les délégués ont refusé et ont par la suite été licenciés et privés de leur prime de rendement et de fin d’année, en violation des articles 141, 144 et 145 du Code du travail concernant la protection contre la discrimination antisyndicale. En outre, le 9 mai 2012, six autres membres de la section syndicale se sont vu initialement refuser des quarts de travail et ont finalement été licenciés sans motif valable.
  5. 452. L’organisation plaignante fait remarquer que des tentatives de conciliation ont été engagées, entre autres, par l’inspection du travail, le district de Toamasina et la région d’Atsinanana, mais que l’entreprise a refusé à chaque fois d’y participer. Conformément à l’article 201 du Code du travail, l’inspecteur du travail a établi un rapport d’inaction le 23 mai 2012, l’entreprise n’ayant pas assisté aux réunions de conciliation à trois reprises consécutives.
  6. 453. L’organisation plaignante indique que, le 5 juillet 2012, le SYGMMA a envoyé une lettre à l’entreprise demandant la réintégration des neuf membres et délégués dans les soixante douze heures. Suite à l’absence de réponse de l’entreprise à la demande de réintégration, les membres de la section ont entamé une grève légale les 11 et 12 juillet 2012. L’organisation plaignante allègue que, le 13 juillet 2012, la direction de l’entreprise a convoqué 34 dockers en grève à une réunion et leur a fait savoir que, s’ils voulaient retourner au travail, ils devraient signer une lettre indiquant qu’ils cesseraient d’être membres du syndicat. Les dockers ont refusé de signer ladite lettre et ont été licenciés par la suite.
  7. 454. L’ITF indique que, le 31 août 2012, le SYGMMA a porté plainte devant le tribunal du travail de Toamasina pour non-reconnaissance du syndicat par l’entreprise et a demandé la réintégration des 43 dockers licenciés pour avoir mené des activités syndicales légitimes. Le 28 janvier 2013, le ministère de la Justice a invité le SYGMMA à se rendre dans la capitale pour rencontrer le directeur général du travail afin de discuter des problèmes relatifs aux relations professionnelles au port de Toamasina. Cette réunion a eu lieu en février 2013. Le 25 février 2013, le SYGMMA a saisi le conseil d’arbitrage du tribunal de première instance pour non-reconnaissance du syndicat par l’entreprise et, le 26 juillet 2013, le SYGMMA a saisi le tribunal de première instance pour le licenciement abusif des 43 dockers. Le 26 juillet 2013, le conseil d’arbitrage du tribunal de première instance a rendu sa décision en faveur du SYGMMA. Entre autres choses, le tribunal a statué que le fait que l’entreprise n’ait pas reconnu le syndicat constituait un acte inconstitutionnel contraire aux principes de la liberté syndicale. Toutefois, l’entreprise n’a pas appliqué la sentence arbitrale, malgré l’action de l’officier ministériel de la Chambre nationale des huissiers de justice, qui a confirmé les éléments de la sentence arbitrale le 17 juillet 2014, et en dépit des efforts déployés par l’inspection du travail et des initiatives prises par le SYGMMA pour régler le problème directement avec le gouvernement.
  8. 455. Enfin, l’ITF indique que, le 10 avril 2015, le tribunal de première instance du travail a rejeté la plainte pour licenciement abusif. Le syndicat a fait appel de la décision le 22 septembre 2015, mais aucune date n’a encore été fixée pour l’examen du recours en appel. A la date du dépôt de la plainte, le SYGMMA n’a pas été reconnu par l’entreprise et aucun des 43 dockers n’a été réintégré.
  9. 456. L’ITF demande au comité de formuler les recommandations nécessaires pour exhorter le gouvernement à agir conformément aux conventions nos 87 et 98 en vue de rétablir le plein exercice de ces droits et de demander la réintégration immédiate des 43 délégués syndicaux et membres licenciés en leur versant l’intégralité des arriérés et une indemnisation adéquate.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 457. Le comité regrette profondément le fait que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas fourni en temps voulu les observations et informations demandées, alors qu’il a été invité à les communiquer à plusieurs reprises, notamment sous la forme d’un appel pressant lancé à sa réunion de mars 2019. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session (1972)], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  2. 458. Le comité rappelle tout d’abord au gouvernement que le but de l’ensemble de la procédure instituée à l’OIT pour l’examen des allégations de violations de la liberté syndicale est d’assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  3. 459. Le comité observe que la présente plainte concerne des allégations d’actes de discrimination antisyndicale de la part d’une entreprise du secteur portuaire, en particulier: i) le refus de reconnaître le Syndicat général maritime de Madagascar (SYGMMA) comme le représentant légitime de son personnel; et ii) la pénalisation et le licenciement de dirigeants et de membres syndicaux à titre de représailles pour avoir exercé des activités syndicales légitimes.
  4. 460. Le comité note les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles l’entreprise a systématiquement dénié au SYGMMA le droit de syndiquer les travailleurs au port de Toamasina et mené des campagnes de représailles contre les travailleurs exerçant des activités syndicales légitimes. Il note aussi à cet égard que, le 26 juillet 2013, le conseil d’arbitrage du tribunal de première instance a rendu sa décision en faveur du SYGMMA, statuant entre autres choses que le fait que l’entreprise n’ait pas reconnu le syndicat constituait un acte inconstitutionnel contraire aux principes de la liberté syndicale, mais que cette décision n’a pas été appliquée.
  5. 461. Le comité souhaite rappeler que le droit des travailleurs de constituer librement des organisations de leur choix et de s’y affilier ne peut être considéré comme existant que dans la mesure où il est effectivement reconnu et respecté tant en fait qu’en droit. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 472.] Au vu des informations dont il dispose, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que: i) la décision du conseil d’arbitrage du tribunal de première instance du 26 juillet 2013 soit appliquée; et ii) les droits syndicaux soient respectés au port de Toamasina, permettant ainsi au SYGMMA d’exercer ses activités syndicales en toute liberté.
  6. 462. S’agissant des allégations de licenciements antisyndicaux, le comité note que, selon les allégations de l’organisation plaignante: i) en mars 2012, trois délégués de la section syndicale du SYGMMA ont été licenciés après avoir refusé de signer une lettre déclarant, à la demande de l’entreprise, qu’ils démissionneraient du syndicat et accepteraient de ne pas organiser de réunions syndicales; ii) en mai 2012, six autres membres de la section syndicale se sont vu initialement refuser des quarts de travail et ont finalement été licenciés sans motif valable; enfin iii) en juillet 2012, 34 dockers qui avaient participé à une grève légale en faveur des neuf membres et délégués ont été licenciés suite à leur refus de signer une lettre indiquant qu’ils cesseraient d’être membres du syndicat.
  7. 463. En l’absence de toute information fournie par le gouvernement, le comité estime que de telles sanctions, au cas où il s’avérerait qu’elles ont effectivement été prises, risqueraient de gravement porter atteinte à l’exercice des droits syndicaux. Le comité souhaite rappeler que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. De plus, quand les syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité ne peut s’empêcher de conclure qu’ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l’objet d’une discrimination antisyndicale. Le comité souhaite également rappeler que la rédaction d’une lettre de désaffiliation à un syndicat par la direction d’une entreprise constitue une grave ingérence dans le fonctionnement des organisations de travailleurs. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1075, 958, 1199 et 1200.]
  8. 464. Par ailleurs, le comité souhaite attirer l’attention du gouvernement sur les dispositions de la recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, où il est expressément prévu que ceux-ci devraient bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions ou autres arrangements conventionnels en vigueur.
  9. 465. S’agissant des actions en justice engagées par l’organisation plaignante relatives à la plainte pour le licenciement abusif des 43 dockers, le comité note que, le 10 avril 2015, le tribunal de première instance du travail a rejeté la plainte et que le syndicat a fait appel de la décision le 22 septembre 2015. Le comité observe qu’il n’a été informé d’aucune décision sur l’appel interjeté depuis lors. Rappelant que le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux [voir Compilation, op. cit., paragr. 1142], le comité prie le gouvernement d’indiquer si une décision en appel a été prononcée sur le recours pour licenciement abusif. S’il est établi que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis par l’entreprise, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures de réparation nécessaires, y compris en assurant la réintégration des travailleurs concernés sans perte de salaire. Dans les cas où une réintégration s’avère impossible, le gouvernement devrait veiller à ce que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1174.]

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 466. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette profondément que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations, bien qu’il ait été invité à le faire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel pressant, et le prie d’y répondre dans les plus brefs délais.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que: i) la décision du conseil d’arbitrage du tribunal de première instance du 26 juillet 2013 soit appliquée; et ii) les droits syndicaux soient respectés au port de Toamasina, permettant ainsi au SYGMMA d’exercer ses activités syndicales en toute liberté.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si un jugement en appel a été rendu sur la plainte pour le licenciement injustifié des 43 travailleurs. S’il est établi que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis par l’entreprise, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures de réparation nécessaires, y compris en assurant la réintégration des travailleurs concernés sans perte de salaire et, si une réintégration s’avère impossible, le gouvernement devrait veiller à ce que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées, si elles le souhaitent, en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle de l’entreprise en cause sur les questions en instance.
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