Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent des violations graves des
droits syndicaux par le gouvernement: arrestation et détention arbitraires de dirigeants
syndicaux et de militants, recours à des menaces de mort et à des violences physiques au
cours de la détention, accusations pénales infondées, surveillance, représailles,
intimidation et ingérence dans les activités syndicales, recours excessif aux forces de
police lors de manifestations pacifiques et absence d’enquête sur ces
allégations
- 80. Le comité a examiné ce cas (présenté en février 2017) pour la
dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2020 et, à cette occasion, a présenté un
rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 392e rapport, paragr. 266-287,
approuvé par le Conseil d’administration à sa 340e session .]
- 81. La Confédération syndicale internationale (CSI) a fourni des
informations complémentaires dans une communication en date du 4 mars 2022.
- 82. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des
communications du 24 mai 2021 et du 29 mai 2022.
- 83. Le Bangladesh a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 84. À sa réunion d’octobre-novembre 2020, le comité a formulé les
recommandations ci-après sur les questions en suspens [voir 392e rapport,
paragr. 287]:
- a) Le comité veut croire que les deux procédures en instance
engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront
menées à bien sans autre délai et prie le gouvernement de le tenir informé de leur
issue.
- b) Le comité encourage le gouvernement à prendre d’autres mesures
concrètes pour améliorer la formation des policiers sur l’aspect spécifique des
arrestations et détentions arbitraires et pour renforcer l’obligation de rendre
des comptes pour toute violation à cet égard, afin que les syndicalistes ne
fassent plus l’objet de mesures arbitraires d’arrestation et de détention. Le
comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la nature et le
contenu de toute formation fournie ou prévue à cet égard.
- c) Le comité
prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des
instructions et une formation claires soient données aux policiers, y compris
l’élaboration de modules de formation sur les droits syndicaux et toute autre
mesure appropriée, afin de prévenir efficacement, à l’avenir, l’ingérence de la
police dans les activités syndicales.
- d) Le comité prie instamment le
gouvernement de diligenter une enquête indépendante – menée par une institution
indépendante de celle qui serait impliquée – concernant les allégations de
menaces de mort, violences physiques et bastonnades dont auraient été victimes
des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016,
ainsi que dans tous les autres cas présumés d’intimidation et de harcèlement par
la police au cours de la même période, et de le tenir informé des mesures prises
à ce sujet. Le comité invite à nouveau les organisations plaignantes à fournir
toutes informations pertinentes additionnelles aux autorités nationales
compétentes, afin qu’elles puissent diligenter une enquête en toute connaissance
de cause.
- e) Le comité prie le gouvernement de diligenter sans retard
une enquête indépendante sur l’usage excessif de la force dont aurait fait
preuve la police durant les manifestations de 2018-19, faisant au moins
80 blessés parmi les travailleurs, et de l’informer des conclusions et des
mesures prises à la suite de cette enquête. Le comité prie aussi le gouvernement
de le tenir informé du résultat de l’enquête en cours sur le décès d’une
travailleuse et des mesures prises en conséquence. Le comité veut croire que ces
enquêtes seront menées sans délai et aboutiront à des résultats concrets
permettant d’établir les faits de manière incontestable et d’identifier leurs
auteurs, de manière à pouvoir appliquer les sanctions appropriées et s’employer
à éviter leur répétition à l’avenir.
- f) Le comité prie le
gouvernement de préciser si les 13 affaires en instance auprès de la police en
rapport avec les manifestations de 2018-19 ont finalement donné lieu à des
poursuites pénales contre un travailleur ou si elles ont été classées sans suite, et
de fournir des informations actualisées sur l’état d’avancement de toutes les
arrestations de travailleurs ayant participé aux manifestations de janvier
2019.
- g) Compte tenu de la gravité et du caractère répété des allégations
dans le présent cas, le comité encourage le gouvernement à intensifier ses
efforts pour fournir une formation concrète, régulière et complète aux policiers
et autres agents de l’État concernés sur les questions des libertés publiques,
des droits de l’homme et des droits syndicaux, afin d’éviter l’usage excessif de
la force et de garantir le plein respect des libertés publiques lors des
assemblées et manifestations publiques, ainsi que l’obligation, pour les auteurs
d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte.
- h) Le comité
prie le gouvernement de fournir des observations détaillées au sujet des
allégations complémentaires soumises par les organisations plaignantes, en
particulier en ce qui concerne les affaires pénales qui seraient en cours contre
des centaines de travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19 relatives
au salaire minimum.
B. Informations complémentaires soumises par les organisations plaignantes
B. Informations complémentaires soumises par les organisations plaignantes- 85. Dans sa communication datée du 4 mars 2022, la CSI fournit des
informations complémentaires dans lesquelles elle dénonce le fait que le gouvernement
n’a pas diligenté d’enquête indépendante sur les allégations précédemment rapportées
d’agressions physiques et d’autres formes de violence contre des syndicalistes, des
travailleurs et des militants, ainsi que le fait que le gouvernement n’a pas garanti
l’accès à des voies de recours efficaces, ce qui, selon elle, a entraîné la poursuite
des agressions contre les travailleurs qui veulent exercer leur droit à la liberté
syndicale et a renforcé la culture de l’impunité au sein des forces de sécurité. En
particulier, la CSI fait état d’attaques contre l’exercice du droit de constituer des
syndicats et d’y adhérer perpétrées par les employeurs et ajoute que la répression
policière et le système de justice pénale sont utilisés pour dissuader systématiquement
l’exercice des droits syndicaux, notamment par l’ingérence de la police dans l’exercice
du droit à la liberté syndicale, les attaques antisyndicales et la criminalisation des
activités syndicales.
- 86. En ce qui concerne les attaques présumées contre l’exercice du droit
de constituer des syndicats et d’y adhérer, les organisations plaignantes présentent en
particulier les allégations suivantes:
- Un travailleur d’une usine de production
de vêtements – Romo Fashion Today Limited (usine A) – a été contraint de
démissionner, a été inscrit sur la liste noire du site Internet de l’entreprise pour
le punir d’avoir voulu former un syndicat et n’a été employé par aucune usine depuis
lors. Il aurait essayé de former un syndicat pour faire évoluer les conditions de
travail difficiles dans l’usine, notamment des journées de 16 à 18 heures et un
environnement de travail tendu, les travailleurs qui protestaient étant invités à
démissionner. Le travailleur et ses collègues ont déposé une plainte contre
l’employeur auprès du tribunal du travail, mais elle a été rejetée en juillet 2021.
Le Département de l’inspection des usines et des établissements (DIFE) n’a pas
encore diligenté d’enquête sur cette question.
- Lorsque, en 2016, un
travailleur a tenté de former un syndicat dans une grande entreprise de construction
navale – Crystal Ships Limited (Bilash Office) (entreprise B) – il a recueilli
l’adhésion de 30 pour cent des travailleurs et a été invité par le ministère du
Travail à informer la direction de sa décision de constituer un syndicat. Après
avoir rempli cette formalité, l’initiateur du mouvement a été licencié, placé sur
une liste noire et n’a plus été employé dans l’industrie de la construction navale
depuis lors. Bien que ce cas ait été porté à l’attention du DIFE, il n’a fait
l’objet d’aucune enquête.
- Un représentant des travailleurs d’une usine
d’exportation de cuir – Dhaka Hide and Skins Limited (usine C) – située dans le parc
industriel de Lather à Hemayetpur (Savar), a été inscrit sur une liste noire et
licencié sans préavis ni justification après 20 ans de service, en guise de sanction
pour ses activités syndicales. Suite à son licenciement, les travailleurs de l’usine
ont engagé une action de protestation et cessé le travail, ce qui a entraîné le
licenciement de 25 autres travailleurs. Une plainte a été déposée auprès du tribunal
du travail et du DIFE, mais elle n’a pas encore été examinée.
- 87. En ce qui concerne les allégations d’attaques antisyndicales et
d’ingérence constante de la police dans l’exercice du droit à la liberté syndicale, les
organisations plaignantes signalent les incidents ci-après et allèguent que le
gouvernement n’a pas veillé à ce que les attaques contre des travailleurs manifestant
pacifiquement fassent l’objet d’une enquête et que les officiers de police répondent de
leurs actes:
- En avril 2021, au moins cinq personnes ont été tuées et des dizaines
d’autres blessées lorsque la police a ouvert le feu sur une foule de travailleurs
qui manifestaient et réclamaient le versement des salaires impayés et une
augmentation de salaire dans une centrale électrique à Chittagong.
- En mai
2021, une vingtaine d’ouvriers de l’industrie de la confection ont été blessés dans
la zone industrielle de Tongi, à Gazipur, lorsque la police a ouvert le feu et les a
chargés avec des matraques. Les manifestants réclamaient une extension des jours
fériés religieux.
- En juin 2021, un travailleur de l’industrie de la
confection a été tué et de nombreux autres blessés lorsque la police a attaqué une
manifestation de travailleurs d’une usine de production de vêtements – Lenny
Fashions and Lenny Apparels (usine D) – dans la zone franche d’exportation de Dhaka,
à Ashulia. Les travailleurs manifestaient pour exiger le paiement de leurs salaires
après la fermeture de l’usine.
- En septembre 2021, la police a interrompu une
réunion de la Fédération syndicale indépendante des travailleurs de la confection du
Bangladesh (BIGUF), affiliée à IndustriALL, à Chittagonga; la fédération avait
l’intention de créer un comité régional. Il est allégué que des policiers, dont
certains étaient en civil, ont bloqué le portail et empêché les participants
d’entrer dans les locaux pour vaquer à leurs occupations.
- En février 2022,
des travailleurs d’une usine de confection – Tivoli Apparels Ltd (usine E) – ont
protesté contre un directeur de production qui aurait harcelé une travailleuse. En
réponse, la direction a appelé la police, qui a tiré au moins 10 salves de grenades
assourdissantes, 30 salves de fusil et 6 salves de grenades lacrymogènes pour
disperser les travailleurs, faisant au moins 10 blessés.
- En février 2022, la
police industrielle de Gazipur a attaqué 500 travailleurs d’une usine de confection
– Gooryang Fashion (usine F) – à coups de matraque et de grenade assourdissante,
blessant au moins 20 personnes. Les travailleurs protestaient contre le licenciement
de certains de leurs camarades et la fermeture de l’usine.
- 88. En ce qui concerne les allégations de criminalisation des activités
syndicales, les organisations plaignantes évoquent la situation dans deux usines de
confection – Crossline Factory Pvt. Ltd et Crossline Knit Fabrics Ltd (usines G et H) –
où, en août 2021, en réponse à la formation de deux syndicats et au dépôt de demandes
d’enregistrement, la police industrielle a engagé des poursuites pénales contre le
secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du
Bangladesh (BGIWF), et contre 24 autres dirigeants et membres du syndicat, ainsi que
contre plus de 100 travailleurs et environ 70 personnes dont les noms ne sont pas
connus. Selon les organisations plaignantes, les allégations formulées contre le
secrétaire général visaient à le harceler parce qu’il aurait aidé des travailleurs à
former des syndicats dans les deux usines, et la criminalisation de la situation lui
fait courir, ainsi qu’aux autres dirigeants et membres du syndicat, le risque d’être
arrêté à tout moment et d’être poursuivi en justice. Les syndicalistes concernés
devraient alors être libérés sous caution, les conditions de cette libération
restreignant le libre exercice des droits syndicaux puisqu’ils seraient soumis à la
menace d’une poursuite de la campagne de harcèlement et de poursuites judiciaires.
- 89. En conclusion, les organisations plaignantes expriment leur profonde
préoccupation quant à la non-application par le gouvernement des précédentes
recommandations du comité concernant le présent cas et considèrent que la situation ne
s’est pas améliorée depuis le dépôt de la plainte. Au contraire, elles allèguent que le
gouvernement continue de recourir à la police et aux autres forces de sécurité, ainsi
qu’au système de justice pénale, pour priver les travailleurs de l’exercice de leurs
droits syndicaux et qu’il n’a donc pas réussi à créer un climat de respect des libertés
publiques, notamment de la liberté d’expression et de la liberté de réunion.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 90. Dans ses communications datées du 24 mai 2021 et du 29 mai 2022, le
gouvernement présente ses observations sur les précédentes recommandations du comité,
ainsi que sur les allégations complémentaires formulées par les organisations
plaignantes.
- 91. Le gouvernement indique que, en ce qui concerne les deux procédures
en instance engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016,
elles sont toutes deux au stade du recueil de témoignages et qu’elles ont pris du retard
en raison de la pandémie de COVID-19. Pour ce qui est de la demande du comité de
diligenter une enquête indépendante sur les allégations de menaces de mort, violences
physiques et bastonnades dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus
à la suite de la grève d’Ashulia de 2016, le gouvernement indique que les mécanismes
d’enquête existants prévoient systématiquement un examen indépendant de ce type
d’allégations et qu’il est possible à tout moment de leur soumettre, à propos des
allégations formulées, toute nouvelle information complémentaire étayée.
- 92. En ce qui concerne les manifestations pour le salaire minimum de
2018-19, le gouvernement réaffirme que des biens privés ont été endommagés dans la
région de Dhaka, que la police n’a utilisé qu’une force minimale pour protéger la vie et
les biens des civils et que 84 travailleurs ont été arrêtés avant d’être libérés sous
caution. Il ajoute que 36 procédures ont été engagées contre des travailleurs par la
police ou la direction au motif que des véhicules ont été vandalisés et des biens
détruits, mais que 23 d’entre elles ont été ou sont en passe d’être abandonnées, que 3
n’étaient pas liées aux manifestations, que 4 n’ont pas été poursuivies par la
direction, qu’une n’a plus d’objet puisque l’usine a fermé, et donc que 5 procédures
seulement sont en cours. Le gouvernement réaffirme que dès que la police engage une
procédure, des vérifications préliminaires sont effectuées, à la suite desquelles, soit
l’affaire est classée sans suite, soit, si des motifs suffisants sont trouvés, l’auteur
présumé est poursuivi. A l’heure actuelle, aucune charge n’a été retenue dans aucun des
cas susmentionnés et aucun travailleur n’est en prison.
- 93. Le gouvernement fournit en outre des informations sur la formation
des agents de police, indiquant que les policiers suivent des cours de base et une
formation continue, portant notamment sur les droits de l’homme, les libertés publiques
et les droits syndicaux, et que chaque policier reçoit par ailleurs une formation sur
les droits de l’homme, les droits fondamentaux et les droits constitutionnels durant les
cours de base. Le gouvernement se réfère également à la feuille de route des mesures à
prendre dans le secteur du travail élaborée en coopération avec le Bureau, qui prévoit
l’organisation régulière de formations destinées à sensibiliser les agents de sécurité
des usines, les policiers et les employeurs à la prévention de la violence, du
harcèlement, des pratiques déloyales en matière de travail et des actes antisyndicaux;
l’élaboration et la mise à jour régulière d’une base de données en ligne récapitulant
les différents programmes de formation proposés et leurs caractéristiques, ainsi que le
nombre de participants parmi les agents de sécurité des usines, les policiers, les
employeurs et les travailleurs; l’élaboration d’un recueil en bangali de l’ensemble des
lois, règles et règlements existants et pertinentes concernant le recours minimal à la
force et les sanctions ou peines applicables en cas de violation avérée, afin de former
et de sensibiliser la police industrielle et les autres organismes compétents chargés de
faire respecter la loi; la poursuite de la fourniture, à la police industrielle et aux
autres organismes compétents chargés de faire respecter la loi, d’une formation et
d’instructions claires sur le recours minimal à la force, le respect des droits de
l’homme et des droits au travail, notamment les droits syndicaux et les libertés
publiques, pendant les manifestations syndicales.
- 94. Pour ce qui est des allégations d’attaques contre l’exercice du droit
de former des syndicats et d’y adhérer, le gouvernement fournit les informations
suivantes:
- Concernant la situation dans l’usine A (allégation de démission
forcée et d’inscription sur une liste noire d’un travailleur en raison de ses
activités syndicales), le gouvernement indique qu’en février 2019 le secrétaire
général du syndicat de l’usine a déposé une plainte auprès du Bureau divisionnaire
du travail à Dhaka, alléguant que lui-même et d’autres travailleurs avaient été
contraints de démissionner en raison de leurs activités syndicales. Le ministère du
Travail a répondu à la plainte en constituant une équipe d’enquête composée de deux
membres (un directeur adjoint et un fonctionnaire chargé des questions de travail),
qui a recommandé d’engager une procédure judiciaire pour pratiques de travail
déloyales de la part de l’employeur. En janvier 2020, le ministère du Travail a
engagé une procédure pénale au nom des travailleurs, mais en janvier 2021, les
accusés ont été acquittés des charges retenues contre eux au motif que les
travailleurs concernés avaient signé un protocole d’accord et reçu les salaires qui
leur étaient dus.
- En ce qui concerne la situation dans l’entreprise B
(allégation de licenciement et d’inscription sur une liste noire d’un travailleur en
raison de ses activités syndicales), le gouvernement indique que plusieurs
travailleurs licenciés ont demandé le paiement des salaires qui leur étaient dus
dans le cadre d’une procédure tripartite de règlement à l’amiable. Le DIFE a
organisé une rencontre entre l’entreprise et les travailleurs mais, faute d’accord,
il a été conseillé aux travailleurs de saisir le tribunal du travail. Toutefois,
avant que le tribunal soit saisi, la direction s’est engagée à réintégrer les
travailleurs, et il ressort d’une visite d’inspection effectuée par le DIFE en mars
2022 que les travailleurs concernés étaient à leur poste dans l’usine.
- En ce
qui concerne la situation dans l’usine C (allégation de licenciement d’un
représentant des travailleurs et de 25 autres travailleurs en raison de leurs
activités syndicales), le gouvernement indique qu’aucune plainte n’a été déposée
contre l’usine auprès du DIFE et que, bien que la direction de l’usine, la police et
le président et le secrétaire général du syndicat aient tenté de signer un accord,
ils ne sont pas parvenus à un consensus. Les représentants syndicaux ont également
confirmé qu’aucune plainte n’avait été déposée auprès du DIFE au nom du travailleur
mais que le tribunal du travail avait été saisi et que ce dernier avait tenu sa
dernière audience en mai 2022.
- 95. Pour ce qui est des allégations d’attaques antisyndicales et
d’ingérence constante de la police dans l’exercice du droit à la liberté syndicale, le
gouvernement fournit les précisions suivantes:
- En ce qui concerne l’incident à
l’usine D (allégation d’attaque de la police contre des travailleurs qui
participaient à une manifestation, au cours de laquelle un travailleur de la
confection a été tué et plusieurs autres blessés), le gouvernement indique que, le
13 juin 2021, de nombreux travailleurs se sont rassemblés sur un pont de l’autoroute
Dhaka-Tangail pour réclamer le paiement d’arriérés de salaires et des indemnités,
lorsqu’une travailleuse s’est sentie mal et a été transportée à l’hôpital. Le
gouvernement indique qu’elle a été déclarée décédée des suites de blessures de
nature à provoquer la mort. L’autorité de la zone franche d’exportation du
Bangladesh a pris des mesures immédiates pour prendre en charge les frais médicaux
de l’intéressée, ainsi que les frais d’ambulance et d’inhumation. Elle a également
organisé une réunion entre la direction de l’usine et la famille de la travailleuse
en présence de la police. La direction a versé à la famille les indemnités, les
prestations d’assurance et les salaires dus, pour un montant total de 3 172 dollars
des États-Unis. L’autorité de la zone franche a pris d’autres mesures pour résoudre
les problèmes qui avaient conduit aux manifestations initiales et a offert des
services de conseil aux travailleurs à plusieurs reprises. Selon le gouvernement,
d’excellentes conditions de travail règnent dans toutes les zones
d’exportation.
- En ce qui concerne l’incident survenu en février 2022 à
l’usine E (allégation de dispersion par la police de travailleurs qui manifestaient,
qui a fait dix blessés), le gouvernement indique que pour protester contre le
harcèlement d’une travailleuse par la direction, les travailleurs ont cessé le
travail pendant trois jours. Après des négociations avec le gouvernement,
l’Association bangladaise des fabricants et exportateurs de vêtements, les
dirigeants des fédérations syndicales et les forces de l’ordre, tous les
travailleurs, sauf ceux d’un étage de l’usine, ont repris le travail. Considérant
cette action comme illégale, la direction a fermé l’usine sine die, conformément aux
dispositions de la loi sur le travail du Bangladesh, ce qui a déclenché de nouvelles
manifestations. Le conflit a finalement été réglé par la signature d’un accord
tripartite; l’usine a rouvert ses portes quelques jours plus tard et fonctionne
normalement depuis lors. Cependant, la direction de l’usine a porté plainte contre
plusieurs travailleurs pour vandalisme.
- En ce qui concerne l’incident de
février 2022 à l’usine F (allégation d’attaque de la police contre 500 travailleurs
protestataires, qui a fait 20 blessés), le gouvernement indique que certains
travailleurs se sont rassemblés et ont manifesté pour revendiquer une augmentation
de salaire, mais affirme que les travailleurs étaient scindés en deux groupes qui
ont commencé à se battre. En réponse, la direction a déclaré l’usine fermée mais l’a
rouverte cinq jours plus tard après des négociations avec l’administration locale.
L’usine fonctionne maintenant normalement.
- 96. En ce qui concerne la criminalisation alléguée des activités
syndicales dans les usines G et H, le gouvernement déclare que, lors d’un premier
conflit en juillet et août 2021, la direction de l’usine a licencié 17 travailleurs pour
faute, mais a ensuite payé les salaires qu’elle devait à tous les travailleurs
licenciés, à l’exception d’une travailleuse, qui réclamait également des allocations de
maternité mais n’avait pas fourni de certificat médical à l’appui de sa demande. Face au
refus de la direction de payer les allocations de maternité, les esprits se sont
échauffés et les travailleurs ont agressé un membre de la direction. La police
industrielle a dispersé pacifiquement les travailleurs et transporté la victime à
l’hôpital. Le lendemain, la direction a fermé l’usine, mais les travailleurs ont exigé
l’ouverture des portes, ont commencé à s’exciter et ont essayé de pénétrer de force dans
les locaux. La police leur a demandé de se disperser pacifiquement mais le secrétaire
général de la BGIWF et d’autres personnes ont incité les travailleurs à la violence. En
conséquence, entre 150 et 200 travailleurs ont commencé à lancer des briques en
direction de l’usine, attaquant la police armés de bâtons. Pour protéger la vie des
civils et empêcher la destruction de l’usine, les policiers ont dispersé les
travailleurs en utilisant des sifflets et des matraques légères, avec l’autorisation de
leurs officiers supérieurs et d’un haut magistrat. Suite à l’incident, une plainte a été
déposée auprès de la police contre le secrétaire général de la BGIWF et ses collègues
pour tentative de pénétration par la force dans l’usine, attaques contre l’usine,
obstruction au travail de la police et attaques contre son personnel, ainsi que pour
incitation à la violence. L’enquête a déjà abouti et un acte d’accusation a été transmis
au tribunal en février 2022.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 97. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations de
violations graves des droits de liberté syndicale par le gouvernement, en particulier
par l’action des forces de police à la suite d’une grève dans des usines de confection à
Ashulia en décembre 2016, notamment l’arrestation et la détention arbitraires de
dirigeants syndicaux et de militants, des menaces de mort proférées et des violences
physiques infligées au cours de la détention, de fausses accusations pénales, la
surveillance de syndicalistes, l’intimidation et l’ingérence dans les activités
syndicales. Les organisations plaignantes ont également allégué un recours excessif aux
forces de police lors de manifestations pacifiques qui se sont déroulées en décembre
2018 et janvier 2019 et des poursuites pénales qui seraient en cours contre des
centaines de travailleurs qui avaient participé aux manifestations. Sont également
alléguées la répression systématique des droits syndicaux, notamment par la commission
d’actes antisyndicaux par les employeurs, des violences policières et la criminalisation
des activités syndicales.
- 98. En ce qui concerne les allégations de poursuites pénales
illégitimement engagées contre des centaines de travailleurs nommément désignés ou dont
les noms ne sont pas connus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016
(recommandation a)), le comité croit comprendre, d’après les informations fournies par
le gouvernement, que sur les dix plaintes initialement déposées contre des travailleurs,
deux sont toujours en instance devant les tribunaux et en sont au stade du recueil des
témoignages, les procédures ayant été retardées en raison de la pandémie de COVID-19.
Tout en reconnaissant les défis importants engendrés par la pandémie, y compris sur le
système judiciaire du pays, le comité regrette de constater que, depuis son dernier
examen du cas en octobre 2020, aucun progrès ne semble avoir été réalisé dans ces deux
affaires, qui concernent 20 personnes nommément désignées et environ 110 personnes dont
les noms ne sont pas connus. Rappelant une fois de plus qu’il a signalé le danger que
représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des inculpations prononcées à
l’encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d’activités liées à la défense
des intérêts de leurs mandants [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté
syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 154], le comité veut croire que les deux
procédures en instance seront réglées sans délai supplémentaire et prie le gouvernement
de le tenir informé de leur issue.
- 99. En ce qui concerne la nécessité de diligenter une enquête
indépendante sur les allégations de menaces de mort, violences physiques et bastonnades
dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève
d’Ashulia de 2016 (recommandation d)), le comité observe que d’après le gouvernement,
les mécanismes d’enquête existants prévoient systématiquement un examen indépendant de
ce type d’allégations et qu’il est possible à tout moment de leur soumettre, sur les
allégations formulées, toute nouvelle information complémentaire étayée. Le comité croit
comprendre, sur la base des éléments susmentionnés, qu’aucune enquête n’a à ce jour été
menée sur ces allégations et observe que l’on ne sait pas très bien à quels mécanismes
d’enquête le gouvernement se réfère. À cet égard, le comité note également la
préoccupation des organisations plaignantes quant à l’absence d’enquêtes indépendantes
et de voies de recours efficaces, qui aurait pour conséquence la poursuite des attaques
contre les syndicalistes et le renforcement d’une culture de l’impunité au sein des
forces de sécurité. Dans ces circonstances, tout en reconnaissant les avantages pour les
autorités nationales de disposer d’informations complémentaires propres à faciliter les
enquêtes, le comité se voit dans l’obligation de rappeler une fois de plus que dans les
cas allégués de torture ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements
devraient mener des enquêtes indépendantes sur les plaintes de cette nature pour que les
mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et
que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu’aucun détenu ne
subisse ce genre de traitement. [Voir Compilation, paragr. 112.] Soulignant la nécessité
d’enquêter sur toutes les allégations de cette gravité, même en l’absence de dépôt d’une
plainte formelle par la partie lésée, le comité invite une nouvelle fois les
organisations plaignantes à fournir toutes informations pertinentes additionnelles à
l’autorité nationale compétente afin qu’elle puisse diligenter une enquête en toute
connaissance de cause. Le comité prie instamment le gouvernement d’ouvrir sans délai une
enquête indépendante sur les allégations de mauvais traitements infligés à des
syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016, sur la base
des informations dont il dispose déjà, ainsi que toutes informations supplémentaires
fournies par les organisations plaignantes, et de le tenir informé des mesures prises à
cet égard et de lui fournir des informations détaillées sur les mécanismes disponibles
pour mener les enquêtes indépendantes susmentionnées et sur la procédure à suivre pour
déclencher une telle enquête.
- 100. En ce qui concerne les allégations de recours excessif à la force
policière lors des manifestations de 2018-19 (recommandation e)) et les procédures
engagées contre des travailleurs à la suite de ces manifestations (recommandation f)),
le comité note que le gouvernement rappelle les informations fournies précédemment,
selon lesquelles, contrairement à ce qu’affirment les organisations plaignantes, les
esprits s’étaient échauffés pendant les manifestations et des actes de vandalisme
avaient été commis contre des biens privés et la police avait fait un usage minimal de
la force pour faire face à ces actes. Le comité précise que cinq procédures sont
toujours en cours contre des travailleurs, mais qu’aucune charge n’a été retenue contre
eux et qu’à ce jour aucun travailleur n’est en prison. Il rappelle que, lors de son
examen antérieur du cas, il s’était dit préoccupé par les actes de violence commis des
deux côtés, avait souligné que les principes de la liberté syndicale ne protégeaient pas
des abus consistant en des actes de caractère délictueux dans l’exercice d’une action de
protestation et avait demandé au gouvernement de l’informer de l’enquête en cours sur le
décès d’un travailleur et de diligenter une enquête indépendante sur l’usage excessif de
la force dont aurait fait preuve la police, faisant au moins 80 blessés parmi les
travailleurs. Constatant avec regret que le gouvernement ne fournit aucune information
sur les mesures prises à cet égard, le comité doit rappeler une nouvelle fois que dans
les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police a
entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, il a attaché une importance
spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des
circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le
bien-fondé de l’action prise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir
Compilation, paragr. 104.] Par conséquent, le comité prie de nouveau instamment le
gouvernement d’indiquer les mesures prises pour enquêter sur l’usage prétendument
excessif de la force lors des manifestations de 2018-19, qui a fait au moins 80 blessés
parmi les travailleurs, et de l’informer de toute conclusion qui serait formulée à cet
égard. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de
l’enquête qui, d’après ce dernier, était en cours au sujet du meurtre d’un travailleur
lors de ces manifestations. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé
de l’état d’avancement des cinq procédures en instance contre des travailleurs, et
d’indiquer en particulier si elles ont finalement abouti à l’engagement de poursuites
pénales ou si elles ont été classées sans suite.
- 101. En ce qui concerne les allégations supplémentaires présentées par
les organisations plaignantes en février 2020 (recommandation h)), le comité rappelle
qu’elles concernent la criminalisation des activités syndicales ainsi que les
représailles de masse, la surveillance et l’intimidation persistantes dont ont fait
l’objet les travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19. Le comité note que,
si le gouvernement a fourni des informations à jour concernant les procédures en cours
contre des travailleurs en raison de leur participation à ces manifestations, il ne
donne pas de précisions sur les autres allégations, en particulier sur: i) l’exercice de
représailles massives contre des travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19
qui, selon les organisations plaignantes, ont conduit à la dénonciation publique et à la
diffamation de 7 000 à 12 000 travailleurs et à leur inscription sur une liste noire par
les propriétaires d’usines dans un but d’intimidation et pour saper le mouvement
syndical dans le secteur de l’habillement; et ii) le contrôle, la surveillance et
l’intimidation persistants de syndicalistes par les employeurs, le gouvernement et des
tiers travaillant en leur nom. Le comité rappelle à cet égard que nul ne doit être
licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison
de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et qu’il
importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et
sanctionnés dans la pratique. Le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à
l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur
participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas
nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier
aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation.
Toutes les mesures appropriées doivent être prises pour garantir que, quelle que soit
l’affiliation syndicale, les droits syndicaux peuvent être exercés dans des conditions
normales, dans le respect des droits humains fondamentaux et dans un climat exempt de
violence, de pression, de peur et de menaces de toute nature. [Voir Compilation,
paragr. 1075, 1098 et 73.] Au vu de ce qui précède et compte tenu de la nature
persistante des allégations et du grand nombre de travailleurs prétendument concernés
par celles-ci, le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur ces
allégations et de prendre les mesures nécessaires pour traiter et prévenir toutes les
formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance à l’encontre
de travailleurs fondées sur l’appartenance à un syndicat ou sur l’exercice d’activités
syndicales légitimes.
- 102. En ce qui concerne l’offre de formations et la fourniture
d’instructions aux agents de police et autres agents de l’État sur les libertés
publiques, les droits humains et les droits syndicaux (recommandations b), c) et g)), le
comité note que, d’après le gouvernement, les agents de police sont régulièrement formés
sur ces questions, que ce soit dans le cadre de leurs cours de base ou de formations en
cours d’emploi, et des formations supplémentaires de sensibilisation et d’autres mesures
pertinentes (un recueil des lois et règlements applicables, des instructions sur l’usage
de la force minimale, des bases de données en ligne sur les programmes de formation)
sont également prévues dans la feuille de route des mesures à prendre dans le secteur du
travail élaborée en coopération avec le Bureau. Prenant note de l’engagement du
gouvernement à assurer une formation régulière aux agents de police et autres agents de
l’État concernés, le comité encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts à cet
égard afin de garantir le plein respect des libertés publiques fondamentales, des droits
de l’homme et des droits syndicaux lors des manifestations de travailleurs, ainsi que
l’obligation, pour les auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte.
Le comité prie en outre le gouvernement de fournir des détails sur ces formations, en
particulier pour la police engagée dans les zones industrielles et d’exportation. Le
comité prie également le gouvernement de fournir des copies du programme de formation en
cours d’emploi des agents de police.
- 103. En ce qui concerne les nouvelles allégations soumises par les
organisations plaignantes en mars 2022, le comité note qu’elles font référence à des
attaques incessantes et systématiques contre les travailleurs qui cherchent à exercer
leur droit à la liberté syndicale: actes antisyndicaux de la part des employeurs,
violences policières et répression, criminalisation des activités syndicales et absence
d’enquêtes appropriées sur ces allégations.
- 104. Premièrement, le comité observe avec une profonde préoccupation que
les organisations plaignantes allèguent que l’intervention de la police lors de
manifestations de travailleurs à Chittagong, Gazipur et Ashulia depuis avril 2021 a fait
6 morts et plus de 60 blessés parmi les travailleurs. Le comité note que, tout en
fournissant quelques précisions pertinentes, notamment sur les mesures d’indemnisation
prises en réponse au meurtre d’une travailleuse à Ashulia en juin 2021 (usine D), le
gouvernement ne donne aucun détail sur les mesures prises pour enquêter sur cet
incident, mais a toutefois indiqué que les blessures subies par la victime étaient de
nature à provoquer la mort. De même, tout en fournissant quelques informations sur les
incidents survenus dans les usines E et F, le gouvernement ne donne pas de détails sur
les allégations concrètes d’implication de la police dans les blessures subies par au
moins 30 travailleurs de la confection dans ces usines en février 2022 et ne fournit
aucune information sur l’implication présumée de la police dans le meurtre de
5 travailleurs et les blessures subies par des dizaines de travailleurs dans une
centrale électrique à Chittagong en avril 2021 et par une vingtaine de travailleurs de
la confection à Gazipur en mai 2021.
- 105. Tout en reconnaissant que les informations fournies par les
organisations plaignantes ne permettent pas toujours de savoir si les travailleurs
concernés étaient membres ou dirigeants d’organisations syndicales, le comité se voit
dans l’obligation de rappeler que l’assassinat, la disparition ou des blessures graves
de dirigeants syndicaux et de syndicalistes nécessitent l’ouverture d’enquêtes
judiciaires indépendantes afin de faire toute la lumière, dans les meilleurs délais, sur
les faits et les circonstances dans lesquelles ces actes se sont produits pour
déterminer, dans la mesure du possible, les responsabilités, punir les coupables et
empêcher la répétition de tels événements. Les actes d’intimidation et de violence
physique à l’encontre de syndicalistes constituent une violation grave des principes de
la liberté syndicale et l’absence de protection contre de tels actes équivaut à une
impunité de fait qui ne saurait que renforcer un climat de crainte et d’incertitude très
préjudiciable à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation, paragr. 94 et 90.]
Le comité prie donc le gouvernement de fournir ses observations sur l’implication
présumée de la police dans les incidents susmentionnés ayant fait 6 morts et de nombreux
blessés parmi les travailleurs et, si tel n’est pas encore le cas, de veiller à ce que
ces incidents fassent l’objet d’une enquête rapide et appropriée par un mécanisme
indépendant afin de lutter contre l’impunité et d’empêcher la répétition de tels actes,
et de fournir des informations détaillées sur les progrès réalisés à cet égard et sur
les résultats obtenus.
- 106. Deuxièmement, le comité observe que les organisations plaignantes
dénoncent également plusieurs cas de discrimination et d’ingérence antisyndicales,
notamment la démission forcée, le licenciement et l’inscription sur une liste noire
d’environ 28 travailleurs dans les secteurs de la confection et de la construction
navale, l’ingérence de la police dans une réunion syndicale à Chittagong en septembre
2021, l’engagement de poursuites pénales contre 115 travailleurs et syndicalistes et
70 personnes dont les noms ne sont pas connus en réponse aux tentatives des travailleurs
de former des syndicats et le fait que le DIFE n’a pas enquêté sur la plupart de ces
allégations bien qu’il en ait été informé par les travailleurs concernés ou leurs
représentants. Le comité note que le gouvernement présente des observations détaillées à
cet égard, indiquant que nombre des incidents mentionnés ont été traités et résolus
grâce à l’engagement du gouvernement et à un accord entre les parties, ce qui a conduit
à la réouverture des usines, à la réintégration des travailleurs concernés ou au
paiement des salaires et autres montants qui leur étaient dus (usines A, E et F et
entreprise B); que dans un cas, les incidents antisyndicaux présumés n’ont pas été
portés devant le DIFE mais soumis directement au tribunal qui examine les allégations
(usine C); et que quelques procédures judiciaires pour vandalisme ou incitation à la
violence visant des syndicalistes sont effectivement en cours (usines E, G et H).
- 107. Prenant dûment note de ce qui précède, le comité souhaite rappeler
que, en particulier lors des premières étapes de la syndicalisation d’un lieu de
travail, le licenciement de représentants syndicaux peut mettre en péril les premières
tentatives d’exercice du droit d’organisation, car cela a non seulement pour conséquence
de priver les travailleurs de leurs représentants, mais aussi d’avoir un effet
intimidant sur les autres travailleurs qui auraient pu envisager d’assumer des fonctions
syndicales ou simplement d’adhérer à un syndicat. Lorsqu’elles sont saisies de plaintes
en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement
une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes
de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. Les droits des organisations
de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de
violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des
membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect
de ce principe. [Voir Compilation, paragr. 1131, 1159 et 84.] Au vu de ce qui précède,
et rappelant le caractère systématique des allégations formulées par les organisations
plaignantes et les conséquences graves qu’elles peuvent avoir sur l’exercice légitime
des activités syndicales, le comité prie le gouvernement de rester vigilant face à tous
types d’allégations de discrimination antisyndicale, notamment les licenciements et
l’inscription de syndicalistes sur une liste noire et l’ingérence de la police dans les
activités syndicales, afin d’être en mesure de prendre des mesures pour traiter
rapidement et correctement ces allégations. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé de l’issue des procédures en cours contre des dirigeants et membres syndicaux
des usines E, G et H en rapport avec leur participation à des activités syndicales,
ainsi que de l’issue de la procédure pour pratiques antisyndicales dans l’usine C.
Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les
allégations d’ingérence de la police dans une réunion syndicale à Chittagong en
septembre 2021.
- 108. Au vu des informations parfois contradictoires soumises par les
organisations plaignantes et le gouvernement en ce qui concerne les allégations
supplémentaires de mars 2022, le comité invite les organisations plaignantes à fournir
des renseignements complémentaires à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 109. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité
veut croire que les deux procédures en instance engagées contre des travailleurs à
la suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront menées à bien sans autre délai et prie
le gouvernement de le tenir informé de leur issue.
- b) Soulignant la nécessité
d’enquêter sur toutes les graves allégations de mauvais traitements contre des
syndicalistes même en l’absence de dépôt d’une plainte formelle par la partie lésée,
le comité invite une nouvelle fois les organisations plaignantes à fournir toutes
informations pertinentes additionnelles à l’autorité nationale compétente afin
qu’elle puisse diligenter une enquête en toute connaissance de cause. Le comité prie
instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante
concernant les allégations de mauvais traitements dont auraient été victimes des
syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016, sur la
base des informations dont il dispose déjà, ainsi que toutes informations
supplémentaires fournies par les organisations plaignantes, et de le tenir informé
des mesures prises à ce sujet, notamment en lui fournissant des informations
détaillées sur les mécanismes disponibles pour mener une telle enquête et sur la
procédure à suivre pour engager l’examen de ces allégations.
- c) Le comité prie
de nouveau instamment le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour enquêter
sur l’usage excessif de la force dont aurait fait preuve la police durant les
manifestations de 2018-19, faisant au moins 80 blessés parmi les travailleurs, et de
l’informer de toute conclusion formulée à cet égard. Il prie également le
gouvernement de fournir des informations sur l’issue de l’enquête qui, selon de
précédentes indications du gouvernement, avait été menée sur le meurtre d’une
travailleuse durant ces manifestations. Le comité prie en outre le gouvernement de
le tenir informé de l’état d’avancement des 5 procédures en cours contre des
travailleurs, et en particulier de lui indiquer si elles ont finalement abouti à des
poursuites pénales ou si elles ont été classées sans suite.
- d) Le comité prie le
gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations supplémentaires
présentées par les organisations plaignantes en février 2020 qui faisaient état
de représailles massives contre des travailleurs à la suite des manifestations
de 2018-19 (licenciements, humiliation publique, diffamation et inscription sur
une liste noire) et du fait que des syndicalistes font régulièrement l’objet de
mesures de contrôle et de surveillance et d’actes d’intimidation. Le comité prie
le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour traiter et prévenir
toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de
surveillance à l’encontre de travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale
ou l’exercice d’activités syndicales légitimes.
- e) Prenant note de
l’engagement du gouvernement à assurer une formation régulière aux agents de
police et aux autres agents de l’État concernés, le comité encourage le
gouvernement à poursuivre ses efforts à cet égard afin de garantir le plein
respect des libertés publiques fondamentales, des droits de l’homme et des
droits syndicaux pendant les manifestations de travailleurs, ainsi que
l’obligation, pour les auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement
compte. Le comité prie en outre le gouvernement de fournir des détails sur ces
formations, en particulier pour la police engagée dans les zones industrielles
et d’exportation. Le comité prie également le gouvernement de fournir des copies
du programme de formation en cours d’emploi des agents de police.
- f) Le
comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur l’implication
présumée de la police dans le meurtre de six personnes et l’infliction de
blessures à plus de 60 travailleurs durant les manifestations qui se sont
déroulées à Chittagong, Gazipur et Ashulia depuis avril 2021 et, s’il ne l’a pas
encore fait, de veiller à ce que ces incidents fassent l’objet d’une enquête
rapide et appropriée par un mécanisme indépendant afin de lutter contre
l’impunité et d’empêcher la répétition de tels actes, et enfin de fournir des
informations détaillées sur les progrès réalisés à cet égard et sur les
résultats obtenus.
- g) Le comité prie le gouvernement de rester vigilant
face à tous types d’allégations de discrimination antisyndicale, notamment les
licenciements et l’inscription de syndicalistes sur une liste noire et
l’ingérence de la police dans les activités syndicales, afin de pouvoir prendre
des mesures permettant de répondre rapidement et correctement à ces allégations.
Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures en
cours contre des dirigeants et membres syndicaux des usines E, G et H en raison
de leur participation à des activités syndicales, ainsi que de l’issue de la
procédure pour pratiques antisyndicales dans l’usine C. Enfin, le comité prie le
gouvernement de communiquer ses observations sur l’ingérence présumée de la
police dans une réunion syndicale à Chittagong en septembre 2021.
- h) Au vu
des informations parfois contradictoires soumises par les organisations
plaignantes et le gouvernement en ce qui concerne les allégations
supplémentaires présentées en mars 2022, le comité invite les organisations
plaignantes à fournir des informations complémentaires à cet égard.
- i) Le
comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et
urgent du présent cas.