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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Djibouti (Ratification: 1978)

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La commission prend note du rapport de la mission de contacts directs menée en janvier 2008 à Djibouti qui fait suite à la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la 96e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2007).

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 29 août 2008 réitérant ces observations précédentes de 2007 quant aux violations de la convention dans la législation et la pratique. La CSI dénonce la répression brutale de grèves, la désignation par les autorités de personnes qui ne représentent pas les organisations représentatives pour participer à des réunions internationales, le harcèlement et l’arrestation de syndicalistes. La commission prie instamment le gouvernement de fournir des réponses aux observations de la CSI.

La commission rappelle que dans ses précédents commentaires elle avait déjà pris note des observations de la CSI sur des arrestations et des agressions physiques de syndicalistes, ainsi que des actes de harcèlement antisyndical, et avait demandé au gouvernement de diligenter des enquêtes sur les faits évoqués. La commission note avec regret que le rapport du gouvernement, reçu en mai 2008, se borne à rejeter les observations de la CSI et à fournir des considérations générales sur la liberté syndicale à Djibouti. La commission note également que, selon les informations recueillies par la mission de contacts directs qui a eu lieu en janvier 2008, la situation syndicale à Djibouti est caractérisée par un fossé grandissant entre certaines organisations de travailleurs et le gouvernement, et des allégations subsistent quant à l’ingérence gouvernementale dans les activités syndicales et quant aux discriminations et harcèlements dont feraient encore l’objet les dirigeants syndicaux. En outre, la commission prend note des recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2450 (351e rapport, paragr. 775 à 798). La commission rappelle fermement que les libertés publiques et les droits syndicaux sont interdépendants et qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement accordera une priorité à la résolution de toutes les questions en suspens pour que l’ensemble des organisations syndicales et leurs représentants puissent bénéficier pleinement des garanties prévues par la convention. La commission demande une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires sans délai afin de diligenter les enquêtes nécessaires sur les faits graves évoqués afin d’identifier les responsables des actes antisyndicaux, de les traduire en justice et de les sanctionner, conformément à la loi.

Problèmes législatifs. La commission rappelle que ses commentaires précédents portaient sur les dispositions de la loi no 133/AN/05/5e L du 28 janvier 2006 portant Code du travail. Ladite loi a été dénoncée par la CSI ainsi que par l’Union djiboutienne du travail (UDT) et l’Union générale des travailleurs djiboutiens (UGTD) comme remettant en cause les droits fondamentaux relatifs à la liberté syndicale. La commission note que, selon le rapport de la mission de contacts directs, le gouvernement réaffirme que tous les partenaires sociaux ont été consultés dans le processus d’élaboration du Code du travail. La commission relève cependant que le gouvernement a tenu des réunions de travail avec la mission pour considérer les points de divergence entre la loi nationale et les conventions pour les corriger et il s’est engagé à porter les solutions préconisées à l’attention d’un Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNTEFP) de composition tripartite qui doit être constitué. La commission note que, dans son rapport de mai 2008, le gouvernement réitère son engagement à réétudier certaines dispositions de la législation afin de les rendre conformes à la convention et à les porter à l’attention du CNTEFP. A cet égard, la commission relève la mise en garde contenue dans le rapport de la mission de contacts directs sur tout retard excessif dans la constitution du CNTEFP et son impact sur l’adoption des amendements législatifs nécessaires, mais également la recommandation de la mission selon laquelle, dans un contexte où la représentativité des organisations de travailleurs n’a pas encore été déterminée de manière claire et objective, aucune représentation de l’action syndicale de Djibouti ne devrait être écartée des travaux du CNTEFP. La commission partage les recommandations de la mission de contacts directs sur ce point et prie le gouvernement d’indiquer si le CNTEFP a été constitué et d’en préciser la composition.

La commission souhaite rappeler que ses commentaires portent sur les points de divergences suivants entre le Code du travail et la convention:

–           Art. 41 et 42 du Code du travail. Ces dispositions portent sur les cas de suspension du contrat de travail. L’article 41 prévoit que le contrat de travail est suspendu, notamment pendant la période de l’exercice par le travailleur d’un mandat régulier, politique ou syndical incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée, pendant la durée du mandat (paragr. 8). L’article 42 dispose en outre que cette période de suspension du contrat de travail n’est pas considérée comme temps de service pour la détermination de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise. A cet égard, la commission est d’avis que l’exercice d’une fonction syndicale n’est pas incompatible avec une vie professionnelle et qu’en conséquence tout travailleur exerçant un mandat syndical devrait pouvoir rester dans une relation d’emploi. En conséquence, la commission considère que les articles 41 et 42 du Code du travail, en prévoyant une suspension quasi automatique du contrat de travail dès lors qu’un travailleur exerce un mandat syndical, sont de nature à porter préjudice aux droits de tout travailleur de former une organisation de son choix ou de s’y affilier, ou d’exercer une fonction syndicale (articles 2 et 3 de la convention). En conséquence, la commission prie le gouvernement de modifier les articles 41 et 42 du Code du travail pour prévoir que la possibilité de suspendre le contrat de travail, lorsque l’exercice du mandat syndical est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle, relève de la négociation entre l’employeur et l’organisation syndicale qui en détermineront les modalités, mais en tout état de cause cette suspension ne peut être automatique.

–           Art. 214 du Code du travail. Cet article prévoit qu’une personne condamnée «par quelque juridiction que ce soit» se voit interdite de toute fonction de direction d’un syndicat. A cet égard, la commission rappelle qu’une loi interdisant d’une manière générale l’accès aux fonctions syndicales pour toute sorte de condamnation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale (article 3 de la convention), dès lors que l’activité condamnée ne met pas en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer de telles fonctions. En l’espèce, la commission considère que l’article 214 du code, en considérant toute personne condamnée inapte à occuper des fonctions syndicales, est rédigé de manière trop large et permettrait de couvrir des situations dans lesquelles la condamnation n’est pas de nature à rendre inapte à occuper des fonctions syndicales. La commission demande donc au gouvernement de procéder à la modification de l’article 214 du Code du travail de manière à ne retenir comme incompatibles avec l’accès aux fonctions syndicales que des condamnations pour des délits qui par leur nature mettraient en cause l’intégrité de l’intéressé pour l’exercice d’une telle fonction.

–           Art. 215 du Code du travail. Cet article porte sur les formalités de dépôts et de contrôle de la légalité du syndicat. Aux termes de cette disposition, les fondateurs de tout syndicat professionnel doivent déposer les statuts et la liste des personnes chargées de son administration et de sa direction; dans un délai de trente jours suivant le dépôt, l’ampliation des statuts et la liste des membres chargés de l’administration et de la direction du syndicat est communiquée par l’inspecteur du travail au ministre chargé du Travail et au Procureur de la République; les documents sont accompagnés d’un rapport d’enquête établi par l’inspecteur du travail; le ministre chargé du Travail dispose d’un délai de quinze jours pour délivrer un récépissé portant reconnaissance légale du syndicat; le Procureur de la République dispose d’un délai de trente jours pour vérifier la régularité des statuts et la situation de chacun des membres chargés de l’administration ou de la direction du syndicat et notifier ses conclusions au ministre de l’Intérieur, au ministre chargé du Travail ainsi qu’aux dirigeants syndicaux intéressés; toute modification apportée aux statuts et les changements survenus dans la composition de la direction ou de l’administration du syndicat doivent être portés à la connaissance des mêmes autorités et vérifiés dans les mêmes conditions. La commission tient tout d’abord à rappeler que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable des autorités publiques. Elle considère donc qu’une législation nationale qui prévoit le dépôt des statuts des organisations est compatible avec cette disposition s’il s’agit d’une simple formalité ayant pour but d’assurer leur publicité. Néanmoins, des problèmes de compatibilité avec la convention peuvent se poser lorsque la procédure d’enregistrement est longue ou compliquée, ou lorsque l’application des règles d’enregistrement est détournée de son objectif et que les autorités administratives compétentes en matière d’enregistrement font un usage excessif de leur marge d’appréciation. La commission relève que l’article 215 du Code du travail subordonne la décision du ministre chargé du Travail non seulement au dépôt des documents adéquats par les fondateurs du syndicat, mais aussi à un rapport d’enquête circonstancié de l’inspecteur du travail, ce qui reviendrait à attribuer à l’administration un pouvoir plus ou moins discrétionnaire pour décider si une organisation réunit ou non les conditions voulues pour se faire enregistrer. Cette situation pourrait aboutir dans la pratique à nier le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable, en violation de l’article 2 de la convention. En conséquence, la commission prie le gouvernement de procéder à la modification de l’article 215 du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux, de manière à garantir le droit de constituer des organisations d’employeurs et de travailleurs sans autorisation préalable, à supprimer les dispositions qui attribuent de facto un pouvoir discrétionnaire à l’administration et à prévoir une procédure de simple formalité.

Enfin, la commission rappelle que ses commentaires antérieurs portaient aussi sur la nécessité pour le gouvernement d’abroger ou d’amender les dispositions suivantes de sa législation:

–           Article 5 de la loi sur les associations. Cette disposition qui impose aux organisations l’obligation d’obtenir une autorisation préalable avant de se constituer en syndicats est contraire à l’article 2 de la convention.

–           Article 23 du décret no 83-099/PR/FP du 10 septembre 1983. Cette disposition, qui confère au Président de la République de larges pouvoirs de réquisition des fonctionnaires indispensables à la vie de la nation et au bon fonctionnement des services publics essentiels, devrait être modifiée afin de circonscrire le pouvoir de réquisition uniquement aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme.

Notant que, au cours de la mission de contacts directs, le gouvernement a fait preuve d’une ouverture certaine en précisant certains amendements envisagés et en se déclarant favorable à l’assistance technique et les conseils du Bureau, la commission veut croire que le gouvernement prendra rapidement les mesures nécessaires pour réviser et amender les dispositions législatives en tenant compte des commentaires rappelés ci-dessus. Elle exprime le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement contiendra des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

Une demande directe sur certains autres points est adressée au gouvernement.

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