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Observation (CEACR) - adoptée 1989, publiée 76ème session CIT (1989)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Pays-Bas (Ratification: 1950)

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La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport, ainsi que de la communication conjointe, en date du 14 mars 1988, de la Fédération des syndicats chrétiens (CNV), de la Confédération du mouvement syndical néerlandais (FNV) et de la Fédération des syndicats des cadres moyens et supérieurs (MHP).

La commission rappelle qu'en 1985 le Parlement a adopté une loi sur les conditions d'emploi dans l'assurance nationale et les institutions subventionnées (dite "loi WAGGS"). Dans son observation de 1987, elle avait prié le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur l'application pratique de la nouvelle législation.

La commission a pris note d'un rapport intérimaire sur l'évaluation de la loi WAGGS, adressé au Bureau le 19 février 1988, ainsi que de la traduction anglaise du rapport final d'évaluation de l'application de cette loi, adressée au Bureau le 17 juin 1988. Elle remercie le gouvernement pour sa coopération en cette matière.

La commission note que dans leur communication du 14 mars 1988, la FNV, la CNV et la MHP ont exprimé leurs préoccupations au sujet du contenu et de l'application pratique de la législation de 1985 et allégué qu'elle constitue une ingérence inacceptable au regard des droits garantis par l'article 3 de la convention. La commission a aussi pris note de la réponse du gouvernement à ces allégations.

La loi WAGGS

Selon l'article 2(1) de la loi de 1985, celle-ci s'applique aux conditions d'emploi en vigueur entre les travailleurs et les employeurs et catégories d'employeurs, tels qu'ils peuvent être désignés conformément à l'article 2(2). Il s'agit essentiellement des employeurs dont les coûts de main-d'oeuvre sont financés (en totalité ou en partie) par des subventions de fonds publics ou par des caisses d'assurance sociale. L'article 2(3) de la loi dispose aussi que le ministre des Affaires sociales et de l'Emploi peut conclure un accord concernant le paiement des coûts avec certains employeurs - c'est ce qu'on appelle le secteur "budgétisé".

L'article 4(1) de la loi dispose que le ministre doit "promouvoir" des discussions annuelles centralisées sur l'"évolution" des conditions d'emploi et les coûts de main-d'oeuvre correspondants dans le secteur à but non lucratif. Cela permet au ministre d'informer les employeurs, les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs qu'il estime concernés de sa "réaction provisoire" à l'égard des paramètres de négociation devant être fixés pour l'année à venir. Le ministre doit le faire au moins deux mois avant que le gouvernement ne présente son budget annuel au Parlement.

Les organisations de travailleurs concernées ont alors la possibilité d'"exprimer leur point de vue" sur cette réaction provisoire du ministre (art. 4(3)). Après quoi, celui-ci invite les employeurs à participer à des "consultations ... pour voir s'il est possible de parvenir à un accord sur les normes à fixer en vertu de l'article 5" (art. 4(4)). Le ministre est tenu de présenter un rapport sur ces discussions ainsi que ses conclusions à ce sujet au Parlement (art. 4(6)). Dans un délai d'au moins vingt jours après la présentation de ce rapport, le ministre, en accord avec les autres ministres compétents, doit "fixer des normes concernant les incidences financières de la hausse des coûts de main-d'oeuvre à prévoir dans le cadre du financement des coûts et de la fixation des taux de cotisation résultant de la modification des conditions d'emploi" (art. 5(1)). Pour fixer ces normes, le ministre doit tenir compte de l'effet des hausses de salaire dans le secteur privé, du point de vue du gouvernement sur le niveau approprié des dépenses publiques et de la mesure dans laquelle l'accroissement des coûts de main-d'oeuvre s'est écarté, au cours des périodes précédentes, des niveaux préalablement fixés pour l'année.

Une fois ces paramètres fixés, les employeurs et organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs sont libres d'entamer des négociations sur les conditions et modalités d'emploi applicables pour l'année suivante.

L'article 4 de la loi de 1970 sur la fixation des salaires demande aux parties à une convention collective de notifier au ministre "sa conclusion ... ainsi que toutes les modifications qui lui seraient apportées". Celui-ci doit ensuite informer "les parties par écrit dès que possible de la date à laquelle la notification a été reçue". La loi de 1985 emploie cette disposition comme moyen d'assurer la conformité aux paramètres de négociation préalablement fixés dans le secteur à but non lucratif. Pour ce faire, elle dispose (art. 6(1)) qu'une convention "n'entrera pas en vigueur avant un délai de six semaines" après la transmission de la notification du ministre prévue à l'article 4(2). Cette période de six semaines peut être prorogée de quatre semaines par une notification écrite. Pendant ce délai de six à dix semaines, le ministre, agissant en accord avec les ministres concernés, peut indiquer par écrit aux parties que leur convention "soulèvera des objections si la hausse des coûts de main-d'oeuvre qui en résulte n'est pas conforme, selon des prévisions raisonnables, aux normes fixées en la matière" (art. 7(1)). Cette déclaration a pour effet d'empêcher la convention d'entrer en vigueur "pour le moment", de sorte que les conditions et modalités d'emploi des personnes visées par la convention demeurent en l'état (art. 7(2)). En ce cas, le ministre doit promouvoir la tenue de nouvelles consultations entre les parties (art. 7(3)). Ces consultations doivent avoir lieu au plus tard trois semaines après la transmission de la déclaration. Après ces consultations, les parties à la convention peuvent faire une déclaration écrite conjointe selon laquelle "elles continuent de juger souhaitable la mise en vigueur" de la convention (art. 7(4)). Le ministre est tenu d'accuser réception immédiatement de cette déclaration. La convention entre en vigueur le jour suivant sa transmission.

Si le ministre (et tout autre ministre compétent) estime que la mise en vigueur d'une convention dont le contenu a été maintenu par les parties conformément à l'article 7(4) risque de compromettre le niveau des services fournis par l'employeur, ou comporte le danger que le maintien du niveau nécessaire de services entraînerait "une hausse injustifiée des dépenses publiques", il peut alors ordonner que soient appliquées "les conditions d'emploi qui étaient en vigueur immédiatement avant que sa décision n'ait pris effet" (art. 10(1)). Autrement dit, le ministre peut "geler" les conditions et modalités d'emploi des travailleurs visés par la convention. Avant d'exercer ce pouvoir, le ministre doit en avertir les deux chambres du Parlement (art. 10(4)). Le "gel" ne devient effectif que dix jours plus tard.

L'article 11 renferme des dispositions semblables en ce qui concerne le "secteur budgétisé".

Même lorsqu'il n'y a pas de gel au titre de l'article 10, le dépassement des coûts d'une année donnée peut être pris en considération pour fixer les paramètres de l'année suivante (art. 5(3)). En outre, les subventions, etc., destinées à couvrir les coûts de main-d'oeuvre de fonctionnement, ou les deux à la fois, sont calculées sur la base des paramètres fixés en vertu de l'article 5 (art. 12), et non sur la base des coûts effectivement encourus (ou prévus au budget).

L'analyse de la commission

La commission a procédé à un examen détaillé de la législation à la lumière des informations reçues sur son application dans la pratique, d'après le rapport établi par le gouvernement à ce sujet.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la convention les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit, notamment, d'organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes d'action et que, aux termes de l'article 3, paragraphe 2, les autorités doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. La commission a toujours soutenu que le droit de participer librement à des négociations collectives constitue une part importante des activités dans lesquelles ces organisations peuvent s'engager afin de protéger et promouvoir les intérêts de leurs membres. D'ailleurs, comme il est indiqué dans les travaux préparatoires à l'adoption de cette convention, "l'un des buts principaux de la garantie de la liberté syndicale est de permettre aux employeurs et aux salariés de s'unir en organisations indépendantes des pouvoirs publics, capables de régler, par voie de conventions collectives librement conclues, les salaires et autres conditions d'emploi". (Liberté d'association et relations industrielles, rapport VII, Conférence internationale du Travail, 30e session, Genève, 1947, p. 53.)

Il s'ensuit que toute intervention des pouvoirs publics (notamment par voie législative) dans le déroulement d'une négociation n'est, en principe, pas compatible avec les garanties prévues par la convention. La commission a toutefois reconnu qu'une intervention, jusqu'à un certain point, dans l'autonomie des parties, peut être justifiée dans certaines circonstances limitées, pour des raisons impérieuses d'intérêt économique national. Mais la commission précise qu'une telle restriction ne devrait être appliquée que comme une mesure d'exception limitée à l'indispendable et ne devrait pas excéder une période raisonnable; elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs (étude d'ensemble de 1983, paragr. 315).

La commission note, d'après le rapport d'évaluation sur l'application de la loi WAGGS, qu'aussi bien les organisations d'employeurs que les organisations de travailleurs ont fait part de leurs préoccupations quant au calendrier établi pour le processus annuel de fixation des paramètres aux termes des articles 4 et 5 de cette loi, et quant à leur manque de prise sur les résultats de ce processus. La commission relève avec intérêt que le gouvernement a entrepris de modifier la loi afin de permettre des consultations moins tardives avec les parties et le prie de la tenir informée de toute évolution en ce sens.

La commission relève qu'aux termes de l'article 6 de la loi les conventions conclues dans le secteur considéré doivent être notifiées au ministre avant qu'elles ne puissent entrer en vigueur. Elle note aussi que son article 7 permet au ministre de retarder l'entrée en vigueur d'une convention tant que des consultations ont lieu entre les parties, mais que celles-ci peuvent déclarer, en dépit des objections soulevées par le ministre, qu'elles continuent de juger souhaitable sa mise en vigueur. La commission estime que ces dispositions ne sont pas contraires aux indications contenues dans le paragraphe 314 de son étude d'ensemble de 1983:

On pourrait également adopter un système en vertu duquel les conventions collectives n'entreraient en vigueur qu'après avoir été déposées depuis un laps de temps raisonnable auprès de l'autorité compétente. Si cette autorité estimait que les clauses de la convention proposée ne sont manifestement pas en harmonie avec les objectifs de politique économique reconnus comme étant d'intérêt général, le cas pourrait être soumis pour avis et recommandation à un organisme consultatif approprié où seraient représentées les organisations de travailleurs et d'employeurs; cet organisme pourrait indiquer aux parties les considérations d'intérêt général qui pourraient les amener à revoir les projets de convention. Toutefois, la décision finale devra toujours appartenir aux parties à la convention.

A cet égard, la loi de 1985 semble à la commission constituer un progrès marqué par rapport à la législation antérieure.

Les articles 10 et 11 de la loi soulèvent des questions plus difficiles. Ils confèrent au ministre le pouvoir de passer outre à toute "déclaration" des parties faite en application de l'article 7 (4) et de "geler" la mise en vigueur d'une convention s'il juge que celle-ci risque de compromettre le niveau des services fournis par l'employeur ou comporte le danger que le maintien du niveau nécessaire de service entraînerait une hausse injustifiée des dépenses publiques. La commission constate qu'à ce jour le ministre n'a pas fait usage de ce pouvoir. Cependant, la commission est d'avis que si le gouvernement imposait un gel sur la base des articles 10 et 11, cela constituerait une ingérence au regard des droits garantis par l'article 3 de la convention no 87 - à moins de prouver que l'ingérence est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt économique national et que la législation comporte les clauses de sauvegarde qui sont considérées comme essentielles lorsque l'ingérence dans le choix de négociation peut être admise.

La commission rappelle que la loi dite "temporaire" qui a précédé la loi WAGGS a été en vigueur pendant six ans. Elle note que la loi de 1985 est appliquée depuis trois ans et qu'en mai 1988 le gouvernement a annoncé qu'elle serait prorogée au moins jusqu'à la fin de 1992. Une mesure de cette nature ne saurait être considérée comme "exceptionnelle", ni comme étant en vigueur pour une "période raisonnable" ou appliquée pour protéger l'intérêt économique national.

La commission note que, d'après le rapport d'évaluation de la loi, l'écart des salaires entre le secteur considéré et le secteur privé s'est sensiblement élargi. Ceci évidemment conduit à douter de ce que la loi comporte des garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie de ceux auxquels elle s'applique. Les trois fédérations qui ont formulé des observations estiment clairement qu'elle n'en comporte pas. Les employeurs de ce secteur semblent eux aussi ne pas être satisfaits des effets d'ensemble de cette législation, comme le montre le souhait qu'ils formulent de voir rétrécir l'écart des salaires entre les employés de ce secteur et ceux du secteur privé.

La commission a émis à diverses occasions des commentaires sur la loi en vigueur ainsi que sur la législation antérieure. La question a fait, à plusieurs reprises, l'objet de discussions au sein de la Commission de l'application des conventions et recommandations de la Conférence. La commission estime qu'il convient maintenant de demander au gouvernement d'abroger les articles 10 et 11 de la loi WAGGS afin qu'employeurs et travailleurs du secteur concerné soient autorisés à conclure librement des conventions collectives relatives aux conditions de travail. Elle a conscience, ce faisant, que la loi de 1970 sur la fixation des salaires, dans sa teneur modifiée, confère au gouvernement le pouvoir d'intervenir dans le processus de négociation si des raisons impérieuses d'intérêt économique national le justifient. Elle rappelle aussi son observation de 1984, qui soulignait que, même avant l'entrée en vigueur de la loi provisoire, le gouvernement disposait de moyens indirects d'encourager des négociations responsables dans le secteur en cause.

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