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Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - République-Unie de Tanzanie (Ratification: 1962)

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La commission note le rapport du gouvernement et le débat qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1991.

Depuis une certain nombre d'années, la commission fait des commentaires sur des divergences graves entre la législation et la pratique nationales et les dispositions de la convention.

La commission s'est référée en particulier aux dispositions de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district), de l'ordonnance de 1952 sur l'emploi, dans sa teneur modifiée, de la loi de 1983 sur le déploiement des ressources humaines, du Code pénal, de la loi de 1969 sur la réinsertion des criminels, de la loi de 1969 sur les commissions d'aménagement de districts et de la loi de 1982 sur les finances de l'administration locale, aux termes desquelles un travail obligatoire peut être imposé, notamment par des autorités administratives, à la faveur d'une obligation générale de travailler et à des fins de développement économique.

Le gouvernement, ayant indiqué qu'à son avis les observations de la commission étaient justifiées et que la législation était en cours de révision, la commission a exprimé l'espoir qu'il fournirait des informations sur les mesures prises pour mettre la légisation nationale en conformité avec la convention.

La commission note que, lors de la discussion qui s'est déroulée à la Commission de la Conférence en 1991, le gouvernement a déclaré qu'une nouvelle loi sur l'emploi dans laquelle les commentaires de la commission étaient pris en compte avait été rédigée et soumise au Département du procureur général et aux autorités compétentes du gouvernement en mai 1991, et devait être devant l'Assemblée nationale avant la fin de 1991. Le représentant du gouvernement a indiqué que des consultations progressaient également avec succès en vue de modifier d'autres dispositions qui faisaient l'objet de préoccupations.

La commission note que le dernier rapport du gouvernement ne contient pas d'informations sur des mesures prises, et ne fournit aucune indication sur des progrès qui auraient été réalisés en vue de la modification de la législation.

La commission se réfère à l'article 25, paragraphe 1, de la Constitution de 1985 de la République-Unie de Tanzanie, en vertu duquel toute personne est tenue de participer volontairement et consciencieusement à un travail légitime et productif, d'observer la discipline du travail et d'oeuvrer à la réalisation des objectifs de production individuels et communautaires exigés ou prévus par la loi; l'article 25, paragraphe 2, dispose que, nonobstant le paragraphe 1, il n'y aura pas de travail forcé en République-Unie de Tanzanie. Cependant, aux termes du paragraphe 3 d) de l'article 25, un travail n'est pas considéré comme étant un travail forcé si les tâches accomplies sont des travaux de secours effectués dans le cadre d'initiatives obligatoires tendant à l'édification de la nation, en conformité avec la loi, ou si elles s'insèrent dans l'action nationale menée pour que tout le monde contribue au développement de la société et de l'économie nationale et oeuvre au succès du développement.

La commission note également les indications fournies par le gouvernement dans son rapport sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquelles les statuts du Parti Chama Cha Mapinduzi (CCM) prévoient, dans l'énoncé des objectifs à l'article 1, paragraphe 5 6), que le CCM se doit de veiller à ce que toute personne valide travaille (CCPR/C/42/Add.12 du 26 août 1991).

La commission a en outre pris note de plusieurs arrêtés promulgués entre 1988 et 1990 en vertu de l'article 148 de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district), sous les titres suivants: "auto-assistance et développement communautaire"; "édification de la nation"; "mesures d'application du déploiement des ressources humaines"; "promotion de l'agriculture"; "planter et soigner les arbres". La commission note à cet égard par exemple qu'en application des arrêtés de 1989 émis par le Conseil de district de Mwanga sur l'auto-assistance et le développement communautaire, (avis du gouvernement no 246 du 20 juillet 1990), "le Conseil peut décider d'affecter tous les résidents de la zone touchée qui est du ressort du Conseil, ou des personnes ayant des compétences spéciales, à des activités de développement de tous ordres"; si l'arrêté ne précise nullement la nature des projets, les bénéficiaires escomptés ou la durée de la participation, il exempte de la participation à ces activités les travailleurs à plein temps de l'administration nationale, du Conseil, du Parti CCM, des organisations para-étatiques et des entreprises privées, notamment. Pour les autres résidents, la participation est obligatoire, ceux qui s'y soustraient étant passibles d'amendes et d'"extorsion de biens". Ce travail obligatoire ne concerne pas nécessairement des "menus travaux" et n'est pas non plus nécessairement excécuté "dans l'intérêt direct de la collectivité par les membres de celle-ci"; c'est dire qu'il ne se limite pas aux "menus travaux de village" prévus à l'article 2 , paragraphe 2 e), de la convention. L'imposition d'un tel travail est également contraire à l'article 1 b) de la convention no 105 - ratifiée par la Tanzanie - qui interdit de recourir au travail forcé à des fins de développement économique.

La commission ne peut qu'exprimer sa préoccupation face à l'obligation institutionnalisée et systématique de travailler prévue par la législation à tous les niveaux, de la Constitution nationale aux arrêtés de district en passant par les lois nationales.

La commission exprime fermement l'espoir que le gouvernement réexaminera toutes les dispositions qui enfreignent la convention et qu'il rendra compte des mesures prises pour les abroger ou les modifier. Des mesures s'imposent en particulier en liaison avec les questions suivantes, qui ont déjà fait l'objet de commentaires.

Tanzanie continentale

Obligation générale de travailler. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission s'est référée à la loi de 1983 sur le déploiement des ressources humaines, qui prévoit l'établissement d'un mécanisme destiné à régler et à faciliter l'engagement de toute personne valide pour un travail productif. En vertu de l'article 3 de cette loi, chaque autorité locale doit faire en sorte que toute personne valide âgée de plus de 15 ans et résidant dans son ressort soit occupée à un travail productif ou à une autre activité légale; à cette fin, l'autorité locale doit établir et maintenir des registres des employeurs et de tous les résidents de son ressort capables de travailler (art. 13 et 14) et instituer un régime en vertu duquel tout employeur enregistré doit pouvoir faire appel à tout résident de son ressort enregistré et sans travail (art. 20). En vertu de l'article 17 de ladite loi, le ministre du Travail et du Développement de la main-d'oeuvre a pouvoir de transférer à d'autres districts et à un autre emploi des résidents sans travail; en vertu de l'article 24, tout manquement à une disposition de la loi précitée est passible d'amende et d'emprisonnement. Se référant aux explications données aux paragraphes 34 à 37 et 45 à 48 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission a signalé qu'une législation obligeant tous les citoyens valides à avoir une activité lucrative, sous peine de sanction pénale, est incompatible avec la convention.

La commission exprime à nouveau l'espoir que les mesures nécessaires seront prises rapidement pour mettre la loi sur le déploiement des ressources humaines en conformité avec la convention et que le gouvernement indiquera les dispositions prises à cet effet.

2. La commission a noté précédemment qu'en vertu de la loi no 2 de 1983 portant diverses modifications à des lois écrites, l'article 176 du Code pénal a été modifié par l'insertion, notamment, d'un nouveau paragraphe 8 punissant "toute personne valide qui n'est pas engagée dans une tâche productive quelconque et n'a pas de moyens visibles de subsistance". Notant aussi que les personnes visées à l'article 176 du Code pénal peuvent être soumises à des mesures administratives en application de la loi sur le déploiement des ressources humaines, la commission a prié le gouvernement de fournir des informations complètes sur l'application, dans la pratique, de l'article 176 (8), en joignant toute décision judiciaire définissant ou illustrant sa portée et toute directive suivie par les autorités administratives pour définir les personnes pouvant être poursuivies en vertu de cette disposition. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement réexaminera l'article 176 (8) du Code pénal à la lumière de la convention et des explications données aux paragraphes 34 à 37 et 45 à 48 de l'Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé et qu'il indiquera les mesures prises ou envisagées à cet égard pour assurer le respect de la convention.

3. Travail obligatoire à des fins publiques et dans des programmes de développement. Dans des commentaires formulés depuis plusieurs années, la commission a observé que, contrairement à la convention, la Partie X de l'ordonnance sur l'emploi permet d'imposer du travail forcé à des fins publiques et que l'article 6 de la loi de 1969 sur les commissions d'aménagement de districts donne auxdites commissions le pouvoir de prendre des arrêtés exigeant que tous les citoyens adultes qui résident dans leur ressort participent à la mise en oeuvre de tout programme de développement agricole ou pastoral, à la constuction d'ouvrages ou de bâtiments destinés au bien-être social des résidents, à l'établissement de toute industrie ou à la construction de tout ouvrage d'utilité publique. La commission a noté que, selon l'indication du gouvernement, la non conformité de la Partie X de l'ordonnance sur l'emploi et de l'article 6 de la loi sur les commissions d'aménagement de districts sera corrigée lorsque le nouveau Code du travail actuellement en préparation aura été adopté.

La commission espère que les mesures nécessaires seront bientôt prises afin de mettre la Partie X de l'ordonnance sur l'emploi et l'article 6 de la loi sur les commissions d'aménagement de districts en conformité avec la convention et que le gouvernement indiquera les dispositions adoptées à cet effet.

4. La commission a précédemment noté qu'en vertu du paragraphe 103 de la première annexe à l'article 118 4) de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) il peut être imposé des travaux de village non rémunérés ou le paiement d'une somme compensatoire qui visent une grande variété d'objectifs "non interdits par la convention concernant le travail forcé". Se référant aux paragraphes 36 et 37 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission a prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour que pareille obligation soit limitée aux cas de force majeure dus à des circonstances mettant en danger la vie ou les conditions normales d'existence de la population, ou à de menus travaux de village - c'est-à-dire essentiellement des travaux d'entretien - effectués dans l'intérêt direct de la collectivité locale et non destinés à un groupe plus large. Le gouvernement a indiqué précédemment qu'il n'est recouru dans la pratique à la législation sur l'administration locale que pour des travaux de village exécutés dans l'intérêt de la collectivité et décidés par cette dernière.

La commission a, toutefois, noté que des arrêtés imposant l'obligation de cultiver des terres aux propriétaires résidant à la campagne ont été pris, en fait, par les conseils de district et approuvés par le gouvernement national et que, aux termes de l'article 148 de la loi, les conseils de district peuvent, sous réserve de l'approbation du ministre, adopter des arrêtés en vue de leur application et aux fins de toute fonction conférée par la loi ou en vertu de celle-ci ou de toute autre loi écrite.

La commission, se référant aussi au récent exemple mentionné précédemment des nombreux arrêtés promulgués en application de l'article 148 de la loi et imposant un travail obligatoire à des fins de développement, espère que le paragraphe 103 de la première annexe à l'article 118 4) de la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) sera modifiée de manière à respecter les limites prévues à l'article 2, paragraphe 2 d) et e), de la convention et que des mesures seront également prises afin qu'aucun arrêté prévoyant l'imposition d'un travail obligatoire ne puisse être approuvé en vertu de l'article 148 de la loi.

5. Cultures obligatoires. La commission a noté que l'ordonnance sur l'administration locale et, après son abrogation, la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) et l'article 121 e) de l'ordonnance sur l'emploi, tel que modifié par la loi no 82 de 1962, permettent aux autorités locales d'exiger des cultures obligatoires. En fait, des conseils de district ont effectivement, avec l'approbation du gouvernement national, pris des arrêtés qui restreignent la production de cultures vivrières et obligent les propriétaires résidents à cultiver et à entretenir une surface déterminée de cultures de rapport.

La commission veut croire que les mesures nécessaires seront prises sans délai afin de mettre la loi de 1982 sur l'administration locale (autorités de district) et l'article 121 e) de l'ordonnance sur l'emploi, de même que tout arrêté pris et approuvé en vertu de ces textes, en conformité avec la convention, et que le gouvernement indiquera les dispositions adoptées à cette fin.

6. Article 2, paragraphe 2 c). Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que les articles 4 à 8 de la loi de 1969 sur la réinsertion des criminels et les articles 4 et 17 de son règlement d'application (1969) permettent que, par décision administrative, la réinsertion comporte du travail obligatoire. En outre, en vertu des articles 26 et 27 de la loi sur le déploiement des ressources humaines, le ministre peut prendre les dispositions voulues pour un transfert en douceur et coordonné, ou toute autre mesure visant la réadaptation et l'affectation appropriées de personnes poursuivies ou reconnues précédemment coupables aux termes des articles 176 et 177 du Code pénal. Dans son rapport pour la période se terminant le 15 octobre 1988, le gouvernement a ajouté qu'étant donné qu'en République-Unie de Tanzanie un travail ne peut être exigé d'une personne qu'à la suite d'une condamnation prononcée par un tribunal, il s'ensuit qu'aucun travail obligatoire ne peut être imposé par un organe administratif ou non judiciaire. La commission exprime une nouvelle fois l'espoir que les dispositions de la loi et du règlement de 1969 sur la réinsertion des criminels, mentionnées ci-dessus, qui paraissent autoriser l'imposition de travail obligatoire par décision administrative, seront modifiées pour qu'en droit, aucun travail obligatoire ne puisse être exigé d'un délinquant autrement qu'à la suite d'une condamnation judiciaire, et que le gouvernement indiquera toute action qu'il aura entreprise à cet effet.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 79e session, et de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1992.]

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