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Demande directe (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Roumanie (Ratification: 1957)

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La commission a pris note du texte de trois lois fondamentales de 1991 adoptées par le Parlement roumain en matière de travail: loi no 54 sur les syndicats, loi no 13 sur les conventions collectives de travail et loi no 15 sur le règlement des conflits du travail, ainsi que du texte de la nouvelle Constitution.

La commission observe avec intérêt que ces nouveaux textes, joints à l'abrogation de plusieurs dispositions législatives, qui avaient fait l'objet de ses observations antérieures, modifient l'orientation générale du régime de relations professionnelles, instaurent le pluralisme syndical et l'autonomie du mouvement syndical. Elle souhaite toutefois obtenir certaines précisions et attirer l'attention du gouvernement sur certains aspects de la législation.

1. La commission souhaite tout d'abord obtenir des clarifications sur le sens et la portée de l'article 3 de la loi no 15, qui se lit comme suit:

Ne constituent pas des conflits collectifs du travail:

a) les litiges entre les salariés et l'unité dont la solution dépend de dispositions légales autres que celles qui sont prévues par la présente loi;

b) les revendications des salariés dont la solution nécessiterait l'adoption d'une loi.

La commission prie le gouvernement d'indiquer la signification de cet article en donnant, le cas échéant, des exemples de situations où il a été appliqué en pratique, ou de cas où il serait applicable.

2. Droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix (article 2 de la convention). L'article 5 de loi no 54 dispose notamment que "les salariés qui exercent des fonctions de direction ou impliquant l'exercice de la puissance publique dans l'appareil parlementaire, gouvernemental ou ministériel ou dans celui de tout organe central de l'administration de l'Etat, d'une préfecture ou d'une mairie, ou qui exercent les fonctions de procureur ou de juge ... ne peuvent se constituer en syndicat."

Aux termes de l'article 9 de la convention, seules les forces armées et la police peuvent être exclues du droit syndical. Les personnes occupant des fonctions de direction, tant dans le secteur public que privé, devraient au moins bénéficier du droit de constituer leurs propres organisations (voir Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, de 1983, paragr. 89).

3. Droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants (article 3). L'article 9 de la loi no 54 réserve l'accès aux fonctions de dirigeant syndical aux personnes qui ont la citoyenneté roumaine, sont employées dans l'unité de production et n'ont fait l'objet d'aucune sanction pénale. Une disposition analogue figure à l'article 13(3) de la loi no 15 en ce qui concerne l'élection des délégués des travailleurs pour la conciliation.

La commission rappelle que pour que la législation soit en conformité avec la convention elle devrait permettre aux travailleurs étrangers d'accéder aux fonctions syndicales, tout au moins après une période raisonnable de résidence dans le pays (voir op. cit., paragr. 97, 159-160); par ailleurs, une condamnation pour une activité qui, par sa nature, ne met pas en cause l'intégrité de l'intéressé et ne constitue pas un risque véritable pour l'exercice de fonctions syndicales ne devrait pas être un motif de disqualification pour un mandat syndical (voir op. cit., paragr. 164); enfin, en ce qui concerne la nécessité d'appartenir à l'entreprise pour être élu dirigeant syndical, il serait souhaitable soit d'accepter la candidature de personnes ayant travaillé antérieurement dans l'entreprise, soit de lever la condition d'appartenance à l'entreprise pour une proportion raisonnable des dirigeants syndicaux (voir op. cit., paragr. 157-158).

Par ailleurs, la commission prie le gouvernement d'indiquer si des dispositions sont prévues quant au choix des délégués des travailleurs pour la conciliation, si aucun d'entre eux ne remplit les conditions prescrites par l'article 13(3) de la loi no 15 (par exemple s'il n'y a aucun travailleur ayant trois ans d'ancienneté dans une entreprise existant depuis plus de trois ans), ce qui risquerait de bloquer le processus de conciliation.

4. Droit des syndicats d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leurs programmes d'action (article 3).

(N.B. Sous cette rubrique, sauf mention contraire, il s'agit de la loi no 15.)

a) L'article 20(1) dispose que la décision de déclarer la grève est prise par le syndicat "avec l'accord d'au moins la moitié de ses membres".

La commission souligne, d'une part, que cette disposition ne précise pas comment doit être exprimé et contrôlé l'accord en question et, d'autre part, qu'il peut être difficile à un syndicat regroupant un grand nombre d'adhérents disséminés dans différents lieux de travail ou localités d'obtenir l'accord de la majorité absolue des travailleurs, ce qui peut entraîner une limitation importante au droit de grève. La disposition de l'article 20(1) in fine, prévoyant que la décision est prise à la majorité des votants lors d'un scrutin secret, est en ce sens plus compatible avec les principes de la liberté syndicale.

b) L'article 24(1) dispose que la grève ne peut être déclarée que dans le dessein de défendre les intérêts professionnels à caractère économique et social des salariés, et l'article 24(2) que la grève ne peut pas viser des buts politiques; par ailleurs, l'article 47(1) prévoit de lourdes sanctions, y compris la possibilité de peines d'emprisonnement de trois à six mois, pour les organisateurs ayant déclaré une grève en violation de l'article 24(2).

La commission rappelle que, même si les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale, l'action des syndicats ne saurait se limiter strictement au seul domaine professionnel; ils devraient donc pouvoir manifester publiquement, y compris par la grève, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement (voir op. cit., paragr. 192-198 et 216). Par ailleurs, en ce qui concerne les sanctions applicables en cas de violation de l'article 24(2), la commission renvoie à ses commentaires ci-dessous (alinéa h)).

c) L'article 24(3) dispose qu'est interdite toute grève "... visant à obtenir l'annulation d'une décision de résilier un contrat de travail prise par l'unité, l'engagement ou la mutation d'une personne".

Cette disposition rendrait par exemple illégale une grève déclenchée par des salariés pour protester contre le licenciement ou la mutation d'un délégué syndical en raison de ses activités syndicales.

La commission rappelle que les actions de protestation ne se limitent pas aux revendications collectives d'ordre professionnel mais englobent également la recherche de solutions qui intéressent directement les travailleurs (voir op. cit., paragr. 199-200).

d) L'article 25 dispose que ne peuvent être déclarées "les grèves tendant à obtenir la modification des clauses ... d'une décision définitive d'une commission d'arbitrage en vertu de laquelle le conflit a été réglé".

La commission rappelle que le principe de la négociation volontaire des conventions collectives, et donc de l'autonomie des partenaires à la négociation, constitue un aspect fondamental de la convention. Cette disposition pourrait donc créer des difficultés si un arbitrage obligatoire est imposé unilatéralement par les autorités, ou à la demande d'une seule partie, situation qui pourrait se produire dans les cas visés aux articles 33-36 et 38-43 de la loi no 15.

e) L'article 30 dispose que la Cour suprême de justice "peut suspendre le déclenchement ou la poursuite de la grève durant quatre-vingt-dix jours au plus si des intérêts majeurs pour l'économie nationale ou des intérêts d'ordre humanitaire sont affectés".

La commission rappelle que, la suspension du droit de grève constituant une restriction importante à l'un des moyens essentiels de défense des intérêts des travailleurs, une telle suspension ne saurait être justifiée que dans une situation de crise nationale aiguë et pour une durée limitée; par ailleurs, une simple déclaration d'état d'urgence n'est pas suffisante en elle-même pour justifier la suspension d'une grève.

f) L'article 32(3) prévoit la responsabilité pécuniaire des organisateurs de la grève pour refus de poursuivre les négociations pendant la grève, et l'article 36(3) prévoit une semblable responsabilité si les conditions prévues pour le déclenchement ou la poursuite de la grève n'ont pas été respectées.

La commission souligne que la responsabilité en question peut être très lourde et disproportionnée aux actes ou omissions reprochés, surtout s'il s'agit d'actes compatibles avec les principes de la liberté syndicale.

g) Les articles 38-43 établissent une procédure d'arbitrage obligatoire (la décision d'une commission de trois membres mettant fin au conflit), qui peut être déclenchée à la seule initiative du ministre du Travail, lorsqu'une grève a duré vingt jours et que sa poursuite "est de nature à affecter les intérêts de l'économie nationale ou des intérêts d'ordre humanitaire".

La commission considère que les critères susceptibles d'être invoqués laissent un pouvoir d'appréciation très large au ministre, qui peut ainsi imposer unilatéralement l'arbitrage. Elle renvoie aux commentaires faits ci-dessus (alinéa d)).

h) L'article 45(1) interdit la grève, entre autres, aux salariés "exerçant des fonctions spécialisées au sein du Parlement, du gouvernement ...", et l'article 45(2) dispose uniquement que les revendications sont réglées "moyennant conciliation directe".

Par ailleurs, l'article 45(4) dispose que, si les services essentiels sont assurés à raison d'un tiers de l'activité normale, la grève est autorisée dans les services suivants: unités sanitaires, pharmaceutiques, enseignement, télécommunications, radiotélévision, transports ferroviaires, y compris la réparation du matériel roulant, transports fluviaux et aviation civile; unités d'Etat chargées des transports en commun, de la salubrité des localités, ainsi que de l'approvisionnement de la population en pain, lait, viande, gaz, énergie électrique, chauffage et eau.

L'article 47 prévoit pour les infractions à ces dispositions de lourdes sanctions (emprisonnement de trois à six mois, ou amende de 2.000 à 7.000 lei, voire sanction pénale plus sévère).

La commission souhaite rappeler à cet égard les principes établis par les organes de contrôle:

- le droit de grève est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux;

- les restrictions ou interdictions devraient être limitées aux fonctionnaires agissant en tant qu'organes de la puissance publique ou aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne;

- si de telles restrictions ou interdictions sont adoptées, des garanties doivent être accordées pour protéger les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels. Les restrictions devraient être compensées, par exemple, par des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer. Les décisions arbitrales devraient être obligatoires pour les deux parties et, une fois rendues, exécutées rapidement et de façon complète;

- si un mécanisme de service minimum est adopté, il devrait se limiter aux opérations nécessaires pour ne pas compromettre la vie, la santé ou la sécurité de la population; d'autre part, les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa définition;

- enfin, des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d'infractions à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale; dans ces cas, les sanctions devraient être proportionnées aux délits commis, et on ne devrait pas avoir recours aux mesures d'emprisonnement en cas de grève pacifique (voir op. cit., paragr. 214, 215 et 223).

5. Acquisition de la personnalité juridique (article 7). L'article 16(1) b) de la loi no 54 dispose que la juridiction qui a reçu la demande d'enregistrement d'un syndicat doit notamment vérifier si le procès-verbal de constitution et les statuts du syndicat sont conformes aux "dispositions légales en vigueur". Cet enregistrement conditionne par ailleurs l'acquisition de la personnalité juridique.

Rappelant à cet égard les principes qu'elle a formulés dans son étude d'ensemble aux paragraphes 110-119, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les "dispositions légales" en question sont uniquement celles prévues par la loi no 54, ou si cette expression renvoie à d'autres textes législatifs ou réglementaires et, dans cette dernière hypothèse, de l'indiquer dans son prochain rapport.

6. L'article 36(1) de la loi fait mention de "la loi sur le règlement des conflits individuels de travail". La commission prie le gouvernement de lui en fournir le texte.

7. La commission prie le gouvernement d'indiquer si la loi no 14, qui permettait le renvoi d'un conflit collectif à l'arbitrage obligatoire en cas d'échec des négociations salariales durant l'année 1991, est arrivée comme prévu à expiration le 31 décembre 1991, ou si une disposition analogue a été reconduite pour l'année 1992.

8. La commission prie le gouvernement de fournir dans ses prochains rapports des renseignements sur l'application et le fonctionnement en pratique du système de relations professionnelles, notamment en communiquant des copies des décisions administratives ou judiciaires rendues en application des nouveaux textes de lois.

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