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Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 1961)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 2016)

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La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport.

1. Abolition de l'esclavage. Dans ses commentaires antérieurs la commission s'est référée à la situation en droit et en pratique de l'abolition de l'esclavage dans le pays. La commission s'est référée aux dispositions suivantes portant abolition de l'esclavage ou interdisant le travail forcé:

- un certain nombre de dispositions adoptées avant l'indépendance, à savoir: le décret de 1905 abolissant l'esclavage; la loi no 46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d'outre-mer; la loi no 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer;

- le Code du travail de 1963 dont l'article 3 interdit le travail forcé ou obligatoire sous peine des sanctions pénales prévues à l'article 56 a);

- la déclaration du 5 juillet 1980 proclamant l'abolition de l'esclavage et l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l'esclavage. La commission a relevé que l'ordonnance ne contient pas de dispositions sanctionnant pénalement le fait d'exiger illégalement du travail forcé;

- la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 invitant les juges (al-khoudath) à respecter la déclaration de 1980 et à rester en conformité avec le droit international et le droit interne; cette circulaire se réfère à "la nécessité d'insister auprès des autorités judiciaires pour que cessent à jamais toutes considérations de "maîtres à esclaves" ou vice versa à propos des procédures et précise que la pratique de l'esclavage est illicite et doit, par conséquent, désormais prendre fin sous toutes ses formes";

- la circulaire no 108 du 8 mai 1983 qui a renouvelé aux juges l'interdiction de prendre des décisions incompatibles avec les textes et demandé aux gouverneurs de signaler les défaillances et irrégularités dont ils auraient connaissance;

- l'article 13 de la Constitution de 1991 qui proscrit toute forme de violence morale ou physique.

Dans ses commentaires précédents, la commission a également pris note de certaines informations recueillies par la mission de contacts directs du BIT qui s'est rendue dans le pays en 1992 dont il ressortait que l'esclavage n'est pas éradiqué. Elle a par ailleurs noté des informations selon lesquelles les inspections n'avaient pas été renforcées (notamment en ce qui concerne les esclaves affranchis qui sont restés avec leurs maîtres) et aucun organisme chargé de coordonner la lutte contre l'esclavage n'avait été créé.

La commission a constaté que le gouvernement n'avait pas fourni, au cours des années écoulées, d'informations au sujet d'éventuelles poursuites contre des personnes se rendant coupables d'exaction de travail forcé ou d'esclavagisme.

La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur toutes poursuites engagées et peines infligées pour exaction de travail forcé et sur toutes autres mesures prises ou envisagées pour assurer l'application effective de la législation.

En ce qui concerne les mesures de réadaptation, la commission a rappelé précédemment que la Commission de la Conférence s'était préoccupée du sort des esclaves libérés et des mesures nécessaires pour empêcher qu'ils ne retombent en esclavage faute de moyens de subsistance. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté les indications du gouvernement selon lesquelles il a mis en oeuvre une véritable politique d'intégration des descendants d'anciens esclaves; le gouvernement s'est référé à cet égard à des mesures en matière d'alphabétisation, de scolarisation, d'accès à la propriété foncière, de promotion dans la hiérarchie politique et administrative. Relevant le caractère général de ces mesures, la commission a exprimé l'espoir que le gouvernement communiquerait des informations détaillées sur les programmes et actions envisagés ou mis en oeuvre spécifiquement en faveur des anciens esclaves.

La commission note les indications du gouvernement dans son dernier rapport selon lesquelles aucun cas de violation des textes relatifs à l'abolition de l'esclavage n'a été introduit devant les instances judiciaires. La commission note également la déclaration du gouvernement selon laquelle, en mettant à la disposition de la commission et de la mission de contacts directs tous les textes et mesures ayant été pris ces dernières années pour l'éradication définitive des séquelles de l'esclavage, le gouvernement montre l'effort considérable entrepris dans ce sens dans les domaines social et culturel (alphabétisation des adultes), économique (égal accès à la propriété, égalité dans l'emploi et la formation professionnelle), politique (promotion à tous les niveaux de la hiérarchie politique et administrative de l'Etat). Cette action, sous-tendue par des campagnes d'information et de sensibilisation, a permis non seulement une prise de conscience générale concernant ce problème, mais aussi l'intégration des descendants d'anciens esclaves dans les divers secteurs de la vie nationale.

La commission a pris note des discussions du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au cours de sa dix-huitième session, 1993. La commission note que le rapport du groupe de travail (document E/CN.4/SUB.2/1993/30) se réfère à des informations communiquées par Anti-Esclavage International (ASI) sur des enquêtes menées en 1992 sur le terrain montrant que l'esclavage et les institutions et pratiques analogues à l'esclavage, telles que certaines formes de servage, existent encore partout dans le pays. Il est allégué que l'ordonnance no 81-234 n'a pas été suivie d'actes concrets tels qu'une véritable campagne d'information et une indispensable réforme du système juridique; que de nombreux cas illustrent la continuation du phénomène, y compris des cas d'enlèvement et de vente d'enfants et d'exploitation; et que, devant les tribunaux, la pratique juridique quotidienne dément toute affirmation selon laquelle il n'existerait pas de problèmes relatifs à l'esclavage depuis l'abolition en 1981, comme le démontrent par exemple certains procès en matière d'héritage.

La commission espère que le gouvernement créera les conditions nécessaires pour permettre une véritable abolition de l'esclavage et du travail forcé. Se référant à l'article 25 de la convention, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les poursuites engagées et les sanctions infligées pour exaction de travail forcé. Elle le prie également de fournir des informations complètes et détaillées sur les programmes et mesures d'ensemble pris ou envisagés en faveur des anciens esclaves - dont certains vivraient dans un état de dénuement extrême - afin de favoriser leur insertion et d'empêcher qu'ils ne retombent en esclavage.

2. Réquisition de main-d'oeuvre. La commission a noté dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent aux autorités de larges pouvoirs de réquisition de personnes en dehors des cas de force majeure admis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission a noté précédemment la déclaration du gouvernement selon laquelle une commission réunie en décembre 1991 a examiné les textes en question et a jugé nécessaire d'abroger les dispositions non conformes à la convention. Elle a noté également que le gouvernmment avait renouvelé à la mission de contacts directs son intention de modifier la législation en cause.

La commission constate que, dans son dernier rapport, le gouvernement réitère sa position selon laquelle il reconnaît la nécessité d'abroger toute disposition non conforme à la convention, mais estime toutefois que le texte en cause ne prévoit la réquisition que dans des situations exceptionnelles conformément à l'esprit de l'article 2 de la convention.

La commission tient à rappeler que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 donne pouvoirs aux officiers de district de réquisitionner des personnes en vue de pourvoir aux besoins résultant des "circonstances". Elle rappelle également que la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 permet la réquisition sous peine de sanctions pénales d'agents publics et privés pour assurer leurs fonctions lorsque les "circonstances" l'exigent, notamment pour assurer, lorsqu'il est compris, le fonctionnement d'un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d'un besoin essentiel du pays ou de la population. La commission avait noté à cet égard que ce dernier exemple illustre les circonstances visées, mais ne limite pas le caractère général des pouvoirs susceptibles d'être exercés lorsque les "circonstances" l'exigent.

La commission espère en conséquence que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier ou abroger les textes en cause de manière à limiter le recours aux pouvoirs de réquisition aux cas de force majeure tels que définis à l'article 2, paragraphe 2 d), et qu'il fournira des informations sur les dispositions adoptées.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]

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