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Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Myanmar (Ratification: 1955)

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1. Portage obligatoire. Dans les commentaires qu'elle a formulés durant de nombreuses années, la commission a noté que l'article 8(1)(g), (n) et (o) lu conjointement avec les articles 11(d) et 12 de la loi sur les villages (1908) et l'article 7(1), (m) lu conjointement avec les articles 9(b) et 9A de la loi sur les villes (1907) imposent l'exécution de travaux et de services, de portage en particulier, sous peine de sanctions pour les résidents qui ne se sont pas proposés volontairement. En 1991, la commission prenait note des observations soumises par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) affirmant que la pratique du portage obligatoire était largement répandue dans le pays. En 1993, la CISL a présenté, en application de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, une réclamation alléguant la non-observation de la convention, et la commission a suspendu l'étude de cette question en attendant l'examen de la réclamation par le Conseil d'administration. La commission a maintenant pris note des conclusions et recommandations formulées par le comité que le Conseil d'administration a établi pour examiner cette réclamation, lesquelles ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 262e session (novembre 1994). Ledit comité a fait observer que l'imposition de travaux et de services, en particulier le portage, en vertu de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, est contraire à la convention ratifiée par le Myanmar en 1955, et le Conseil d'administration a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires:

i) pour assurer que les textes législatifs en question, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient rendus conformes à la convention;

ii) pour assurer que l'abrogation formelle du pouvoir de recourir au travail obligatoire soit respectée dans la pratique et que ceux qui font usage de la coercition dans le recrutement de la main-d'oeuvre soient punis.

La commission note la déclaration faite par le gouvernement à la 261e session du Conseil d'administration indiquant que le Myanmar connaissait actuellement une profonde transformation puisqu'il passait d'un système politique et économique à un autre et que l'une des étapes fondamentales de cette transition était la modification de lois qui ne correspondaient plus aux circonstances et aux situations actuelles. Rappelant que, dans ses rapports sur l'application de la convention, le gouvernement a indiqué depuis 1967 que les autorités n'exerçaient plus les pouvoirs qui leur étaient conférés en vertu des dispositions en question de la loi sur les villages et de la loi sur les villes adoptées sous le régime colonial, que cette législation ne satisfaisait plus aux critères et aux besoins du nouvel ordre social instauré dans le pays, qu'elle était obsolète et serait prochainement abrogée, la commission espère que cela sera fait maintenant et que le gouvernement communiquera des informations complètes sur les mesures prises en ce qui concerne tant l'abrogation formelle du pouvoir d'imposer un travail obligatoire que les nécessaires interventions complémentaires pour que ceux qui recourent à la coercition lors du recrutement des travailleurs soient strictement punis. Comme l'a signalé le comité établi par le Conseil d'administration, ce suivi apparaît d'autant plus important que l'absence de délimitation nette entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaît tout au long des déclarations du gouvernement au comité, risque de marquer encore davantage le recrutement effectif par les responsables locaux ou militaires.

2. Travail forcé en matière de travaux publics. Dans son observation antérieure, la commission a noté le rapport d'un Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, qui a été soumis à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à sa 49e session, en février-mars 1994 (document E/CN.4/1993/37 du 17 février 1993). Dans son rapport, le Rapporteur spécial se réfère, entre autres, au témoignage de personnes prises comme main-d'oeuvre pour construire des voies ferrées (itinéraire Aungban-Loikaw) et des routes, ou pour débroussailler la jungle au profit de l'armée, indiquant que des centaines de personnes ont été tuées par les militaires lorsque, comme pour les porteurs, elles ne pouvaient plus transporter de charges et continuer à travailler de force. D'après les informations recueillies, il s'agissait de deux grands projets de voies ferrées, d'autres projets de développement du gouvernement à la frontière, notamment entre la Thaïlande et le Myanmar, et de travaux pour l'armée, en particulier dans les zones de conflits des régions de Karen, Karenni, Shan et Mon.

Il a été signalé que les travailleurs mouraient fréquemment par suite de coups répétés, de mauvaises conditions d'hygiène, de manque de nourriture et de l'absence de soins médicaux lorsqu'ils tombaient malade ou étaient blessés et ne pouvaient continuer à travailler. Des témoins ont aussi signalé que certains de leurs amis ou de leurs parents, après avoir travaillé dans les projets de développement à la frontière, étaient morts peu après à la suite des blessures et des maladies contractées durant leur travail.

La commission a prié le gouvernement d'envoyer ses observations au sujet des témoignages détaillés dont fait état le Rapporteur spécial des Nations Unies.

La commission note qu'aucun rapport n'a été communiqué par le gouvernement conformément à l'article 22 de la Constitution sur l'application de la convention; le gouvernement a néanmoins traité ces questions dans sa déclaration écrite et dans une déclaration détaillée complémentaire présentées en mai et en octobre 1993 au comité du Conseil d'administration chargé d'examiner les questions relatives au respect de la convention no 29.

Dans sa déclaration écrite présentée en mai 1993, le gouvernement indique que les affirmations selon lesquelles les autorités du Myanmar recourent au travail forcé pour la construction de voies ferrées, de routes et de ponts sont fausses et se fondent sur des preuves fabriquées par des personnes qui veulent porter atteinte à l'image des autorités du Myanmar et ne comprennent pas les traditions et la culture de son peuple. Au Myanmar, la contribution volontaire de la main-d'oeuvre à la construction des sanctuaires, temples, routes et ponts ainsi qu'au dégagement des sentiers est une tradition qui remonte à des millénaires. Selon une croyance répandue, cette contribution volontaire est un acte noble dont le mérite est source de bien-être personnel et de force spirituelle. Dans les villages et dans les zones frontalières, les hommes de la Tatmadaw (l'armée du Myanmar) et les populations locales ont participé volontairement à la construction de routes et de ponts au cours des quatre dernières années. L'on ne fait pas appel à la coercition. Dans l'histoire du Myanmar, il n'y a jamais eu d'"esclavage". Depuis l'époque des rois du Myanmar, de nombreux barrages, travaux d'irrigations, lacs et entreprises similaires ont été construits avec l'aide de tous les gens de la région. Ceux qui accusent les autorités du Myanmar de recourir au travail forcé révèlent donc une ignorance patente des traditions et de la culture du pays.

Dans sa déclaration détaillée complémentaire, le gouvernement précise que les allégations de recours au travail forcé pour des projets de voies ferrées dans l'Etat méridional de Shan ont trait à la construction de deux sections, de Aungban à Pinlaung et de Pinlaung à Loikaw. Le but de ce projet est de favoriser et de développer un moyen de transport confortable et rapide dans la région en vue de son développement économique et social. Les travailleurs qui ont contribué à ce projet sont tous des volontaires. Le personnel des forces armées (Tatmadaw), soit 18 637 personnes provenant des unités militaires stationnées dans la zone, ainsi que les 799 447 travailleurs venant des 33 circonscriptions et villages de la commune de Aungban et des 46 circonscriptions et villages de la commune de Pinlaung ont volontairement offert leur travail. Quinze engins lourds appartenant au Département des travaux publics et de l'irrigation et aux Entreprises de bois de construction du Myanmar ont été utilisés. En outre, des techniciens et de la main-d'oeuvre des Chemins de fer du Myanmar (organisme d'Etat) ont également offert leurs services. En échange du travail volontairement fourni par la population de la région, le gouvernement a versé une somme globale de 10 millions de kyats (1,6 million de dollars) pour le secteur Aungban-Pinlaung et 10 millions également pour le secteur Pinlaung-Loikaw.

Le gouvernement ajoute que les membres du corps diplomatique à Yangon, qui ont visité le chantier en janvier et en mai 1993, ont été témoins de la contribution purement volontaire de main-d'oeuvre pour la construction de cette voie ferrée. Ils ont rencontré des personnes qui ont contribué à ces travaux et aucune réclamation ne leur a été faite.

Le gouvernement estime, en outre, qu'aux termes de l'article 2, paragraphe 2 e), de la convention la construction de la voie ferrée peut être considérée comme relevant des travaux de village exécutés par et pour les membres de la collectivité dans l'intérêt direct de celle-ci. Avant la construction de ce projet, une consultation libre et spontanée a été organisée avec les membres de la communauté, et le projet a été réalisé avec un enthousiasme spontané de leur part.

La commission prend bonne note de ces indications. En ce qui concerne l'article 2, paragraphe 2 e), de la convention qui exclut du champ d'application de la convention les menus travaux de village, la commission se réfère au paragraphe 37 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé où elle a rappelé les critères qui déterminent les limites de cette exception: il doit s'agir de menus travaux, c'est-à-dire essentiellement des travaux d'entretien; et de travaux de village effectués dans l'intérêt direct de la collectivité et non pas des travaux destinés à une communauté plus large. La construction d'une voie ferrée ne semble répondre ni à l'un ni à l'autre de ces critères, même si la troisième condition est remplie, à savoir que les membres de la communauté ou leurs représentants directs ont le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux.

La commission note en outre que les dispositions de la loi sur les villages et de la loi sur les villes mentionnées au point 1 ci-dessus confèrent à tout chef de larges pouvoirs de réquisitionner les habitants pour l'assister dans l'exécution de ses obligations publiques. En présence de tels pouvoirs, il est difficile de dire que les résidents effectuant un travail à la demande des autorités le font volontairement.

La commission espère donc, en ce qui concerne tant les projets de travaux publics que les services de portage, que les pouvoirs conférés aux autorités aux termes de la loi sur les villages et de la loi sur les villes seront maintenant abrogés et que le gouvernement communiquera des informations complètes sur les mesures prises à cet effet ainsi que sur le suivi mentionné au point 1 ci-dessus.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour le 1er septembre 1995 au plus tard.]

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