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Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Iran (République islamique d') (Ratification: 1964)

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1. La commission prend note du rapport détaillé du gouvernement et de la documentation jointe, ainsi que des informations (dont des statistiques) fournies par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1996, et du débat qui s'en est suivi.

2. A l'issue de cette discussion, la Commission de la Conférence a noté dans ses conclusions que le gouvernement est disposé à accepter l'assistance technique du Bureau et elle lui a proposé de demander l'envoi d'une mission de contacts directs dans le pays. Dans son rapport, le gouvernement se déclare désireux de poursuivre avec le Bureau une coopération technique selon diverses orientations: une coopération de toute nature pour le renforcement de la politique nationale concernant les femmes; un séminaire sur les obligations découlant de la convention pour les fonctionnaires nationaux et provinciaux exerçant des responsabilités en rapport avec son application; des mesures de renforcement des mécanismes exécutifs nationaux; des initiatives tendant à l'incorporation explicite des dispositions de la convention dans la réglementation nationale du travail; et un échange de vues avec les membres de la Commission parlementaire chargée des questions de travail sur les obligations découlant de cet instrument. Pour ce qui concerne les contacts directs, le gouvernement n'estime pas que la situation nécessite l'envoi d'une telle mission, à laquelle il est normalement recouru dans des circonstances très particulières. Son opinion repose notamment sur le fait qu'à son avis la Commission de la Conférence, lorsqu'elle est parvenue à cette conclusion, n'avait pas eu le temps d'étudier le rapport détaillé qu'il avait fourni pendant cette réunion et que la présente commission n'a pas, elle non plus, eu l'occasion de le faire. Le gouvernement considère que ses rapports substantiels et, en particulier, les informations concernant les plus récents développements permettront de dissiper la question de l'insuffisance d'informations sur laquelle la suggestion d'une mission de contacts directs était fondée. La commission note que le gouvernement conçoit le recours à l'assistance technique comme le moyen de surmonter des difficultés d'application de la convention. Elle souhaite recevoir, dans le prochain rapport du gouvernement, des informations concernant les contacts établis avec le Bureau à ce sujet. Elle veut croire que toute action entreprise par le gouvernement tiendra compte des commentaires concernant la discrimination sur la base de la religion et du sexe qu'elle développe dans les paragraphes qui suivent. Elle exprime l'espoir que ces activités de coopération technique conduiront le gouvernement à envisager de nouveau la possibilité d'une mission de contacts directs à l'avenir.

3. Dans sa précédente observation, la commission accusait réception d'une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) relative à la discrimination sur le marché du travail sur la base du sexe, de la religion et de l'opinion politique, se réservant d'examiner cette question à sa prochaine session. La CMT, se référant à la discrimination sur la base du sexe, cite des statistiques pour la période 1976-1991 faisant apparaître que, tandis que la population dans son ensemble s'est accrue, la moyenne des femmes actives sur le marché du travail a chuté de 15,94 à 10,73 femmes pour 100 hommes. Selon un rapport publié par le Centre iranien de statistique, en 1994, les établissements industriels n'employaient en moyenne que 5,92 femmes pour 100 hommes. La CMT évoque en particulier l'article 1117 du Code civil, qui permet au mari d'empêcher sa femme d'exercer une profession ou d'occuper un emploi contraire aux intérêts de la famille, à ceux de sa femme, ou à son prestige propre. Se référant à la discrimination sur la base de la religion, la CMT déclare que, dans une "république islamique", toutes les lois et règlements concernant les droits et devoirs individuels et collectifs sont soumis au prisme de la religion, notamment en ce qui concerne les professions et les emplois non accessibles aux femmes. A propos de la reconnaissance par la Constitution d'une religion officielle et de certaines religions "reconnues", la CMT infère que la priorité en matière d'emploi est accordée aux personnes de la religion officielle. Elle cite l'article 8 du Règlement du 24 septembre 1995 concernant le recrutement des employés du ministère de l'Agriculture, qui attribue des salaires plus élevés aux croyants et dévots, terme qui désigne, selon elle, des personnes qui se sont portées volontaires dans les récents conflits armés et ont ainsi prouvé leur fidélité au régime. Elle cite également des offres d'emploi parues dans des journaux, qui demandent des qualifications telles que "la croyance dans l'Islam" et elle allègue que les procédures de recrutement comportent des tests idéologiques. S'agissant de la discrimination sur la base de l'opinion politique, la CMT déclare que la législation du 5 octobre 1995 concernant les concours de recrutement des enseignants et du personnel du ministère de l'Education définit les "critères moraux, religieux et politiques" de recrutement et mentionne les "sympathies à l'égard" de formations et de partis politiques illégaux comme preuve d'incompétence pour le recrutement par ce ministère.

4. La commission note que le gouvernement répond de manière détaillée à la plupart de ces points. En ce qui concerne l'allégation de discrimination sur la base de la religion et de l'opinion politique, il répond, à propos de la législation concernant le recrutement du personnel enseignant par le ministère de l'Education, qu'il convient de noter que les enseignants ont une responsabilité particulière pour l'éducation et l'épanouissement des enfants. La loi en question prescrit: une croyance dans l'islam ou dans toute autre religion officiellement reconnue (christianisme, judaïsme, foi zoroastrienne); l'attachement aux principes islamiques pour les seuls musulmans (c'est-à-dire pas pour les minorités religieuses précitées); l'attachement à la Constitution, y compris aux dispositions prévoyant que le système de gouvernement est une république islamique basée sur le principe du Velayat Faghig (jurisprudence islamique); de ne pas être notoirement connu pour corruption morale; de ne pas avoir de casier judiciaire; de ne pas être toxicomane; et de ne pas être affilié à des groupes ayant été déclarés "illégaux" par les autorités compétentes. Le gouvernement souligne que l'emploi dans le secteur privé n'est soumis à aucune règle énonçant des critères religieux. Cependant, il ne fait pas de commentaires quant à la discrimination manifestée dans les offres d'emploi. Il déclare que le succès de sa politique de non-discrimination est illustré par le fait que le taux de chômage est plus bas parmi les minorités religieuses que dans des moyennes nationales et provinciales (par exemple chez les zoroastriens de la province de Yazd et les chrétiens des provinces d'Isfahan, de Téhéran et de l'Azerbaïdjan occidental). Les autres statistiques évoquées incluent le nombre d'admission à l'université (à la rentrée 1995-96, 39 801 hommes et 21 525 femmes musulmans et de confession non déclarée ont été inscrits, contre 72 hommes et 47 femmes appartenant à d'autres religions). En ce qui concerne l'accès à l'emploi, d'après les statistiques de l'Office public de l'emploi, les non-musulmans ont un taux plus élevé de placement: en 1995, 97,84 pour cent des travailleurs ayant effectivement trouvé un emploi étaient musulmans et 2,16 pour cent étaient non-musulmans, alors qu'il n'y a que 0,5 pour cent de non-musulmans sur l'ensemble de la population. S'agissant de la discrimination alléguée sur la base du sexe, le gouvernement fournit une grande quantité de statistiques récentes, qui seront abordées ci-après et qui semblent indiquer une amélioration de l'accès à l'enseignement et à l'emploi. Quant aux considérations développées par la CMT à propos de l'article 1117 du Code civil, le gouvernement déclare que cet article doit être interprété à la lumière de la Constitution, dont l'article 28 garantit le droit de toute personne de choisir librement une profession, dans des conditions égales d'accès à l'emploi. Il souligne la neutralité en termes de sexe employés ici. A son avis, l'article 1117 apparaît dans la partie du Code qui traite des droits et obligations découlant du mariage, et ne revêt un caractère obligatoire que pour les couples musulmans puisque les articles 6 et 7 du Code civil excluent les non-musulmans du champ d'application de cette partie du Code, du fait qu'ils sont couverts par leur propre code religieux dans le domaine du mariage. En outre, selon l'article 18 de la loi sur la protection de la famille, l'un ou l'autre membre du couple - mari ou femme - ayant un grief lié au choix d'une profession contraire aux intérêts de la famille peut en saisir le tribunal compétent. Le gouvernement souligne que cette approche se situe dans le droit fil des "méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux" mentionnées à l'article 3 de la convention.

5. Discrimination sur la base de la religion. En ce qui concerne ses précédents commentaires concernant les difficultés que rencontrent les personnes d'une confession autre que l'islam, en particulier pour avoir accès à l'enseignement universitaire et aux conseils islamiques du travail, la commission note avec intérêt les explications mentionnées dans le paragraphe précédent concernant les admissions de non-musulmans à l'université. La commission note également les précisions selon lesquelles, en vertu de l'article 178 du Code du travail, les travailleurs ont trois solutions pour leur représentation: ils peuvent constituer des syndicats, élire des représentants des travailleurs ou constituer des conseils islamiques du travail. D'après les statistiques de 1996 contenues dans le rapport du gouvernement, ce libre choix s'est traduit par la création de 112 organisations de travailleurs et 1 277 conseils islamiques du travail et par la désignation de 537 représentants des travailleurs. Elle note en outre que le représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence a indiqué que les membres des minorités religieuses reconnues peuvent appartenir aux conseils islamiques du travail. Le gouvernement souligne que les groupes non reconnus comme minorité religieuse par la Constitution jouissent de tous les droits constitutionnels garantis aux autres citoyens, notamment l'article 23 ("il est interdit de questionner autrui sur ses croyances et nul ne peut être molesté ou réprimandé pour le simple fait d'avoir une croyance donnée"). La commission constate toutefois que les informations données par le gouvernement n'apportent aucune lumière sur l'amélioration de la situation des Baha'is qui, comme indiqué dans les observations adressées au gouvernement depuis un certain nombre d'années, souffrent de discrimination sur la base de leur religion en matière d'accès à l'enseignement et à l'emploi et en matière de conditions d'emploi.

6. Si la commission se félicite que la discussion ayant eu lieu lors de la Conférence a permis d'établir que la directive no M/11/4462 de 1989 était en fait le document abrogeant le précédent, la directive discriminatoire (concernant l'accès des Baha'is aux tribunaux), et que le rapport du gouvernement explique que les plaintes pour discrimination en matière d'emploi peuvent être faites en s'appuyant sur le Code du travail et sont examinées sans aucune référence à la religion du plaignant, la commission reste préoccupée par la situation de cette minorité religieuse. Sa préoccupation est renforcée par le fait que, dans son rapport sur les questions d'intolérance religieuse (document des Nations Unies E/CN.4/1996/95/Add.2 daté du 9 février 1996), le Rapporteur spécial des Nations Unies indique, après s'être rendu dans le pays en décembre 1995, que les Baha'is qu'il a rencontrés se déclarent victimes d'une forte discrimination en matière d'emploi, en particulier quant à l'accès à des postes dans la fonction publique. La commission tient à souligner que, s'il est un fait que des croyances religieuses données peuvent constituer une condition inhérente à certains emplois, tel ne semble pas être le cas pour la plupart des postes dans la fonction publique. Elle invite le gouvernement à se reporter à cet égard à ses commentaires sur les religions d'Etat au paragraphe 41 de son étude spéciale de 1996 sur l'égalité en matière d'emploi et de profession. Elle veut croire que le gouvernement réexaminera la situation des Baha'is dans la pratique et la tiendra informée des améliorations décidées quant aux possibilités qui leur sont offertes en matière d'enseignement et d'emploi.

7. Discrimination fondée sur le sexe. La commission note avec intérêt l'adoption, le 1er mai 1995, de l'amendement à la loi sur les nominations dans l'appareil judiciaire: l'article 5 de cet instrument stipule désormais que "les femmes ayant rang dans l'appareil judiciaire et jouissant des qualifications nécessaires à leur nomination comme juges ... peuvent être admises par le président du pouvoir judiciaire aux charges ou fonctions suivantes: conseiller du tribunal de justice administrative, aux tribunaux civils spéciaux, juges chargés d'enquêtes, aux bureaux d'études juridiques et de rédaction législative, au Département de tutelle des mineurs, et conseiller des départements juridiques et autres départements ayant des postes juridiques". Elle note également que, pour la première fois, une femme a été nommée sous-directeur général de la magistrature de la province de Téhéran et chef de son département de tutelle. Selon le représentant du gouvernement à la Conférence, il existe actuellement 97 femmes occupant des fonctions judiciaires diverses dans l'ensemble du pays.

8. La commission prend note des données détaillées concernant la période 1995-96 fournies par le gouvernement, qui font ressortir que les étudiantes sont de plus en plus nombreuses à s'inscrire aux cours suivis essentiellement par les hommes (19 pour cent dans les sciences techniques et mathématiques, contre un chiffre global de 35 pour cent d'inscrites à des cours universitaires de jour et 31,5 pour cent contre 48,6 pour cent inscrites à des cours du soir), ce qui fait ressortir une progression régulière du nombre des femmes qui s'intègrent dans la population active. Elle prend également note de la copie de la liste des professions interdites aux femmes en vertu de l'article 75 du Code du travail (qui avait été évoquée lors de la discussion au sein de la Commission de la Conférence) et qui recouvre les emplois pénibles et dangereux impliquant une exposition à des facteurs entraînant ou susceptibles d'entraîner des maladies professionnelles. La commission note également les précisions concernant les programmes nationaux tendant à la mise en oeuvre des conclusions de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, dont un grand nombre ont une incidence sur l'application du principe de la convention. Notant qu'une commission nationale présidée par une femme a été constituée au sein du Bureau des affaires féminines pour mettre en oeuvre ces stratégies, la commission prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, des résultats obtenus à l'issue de ces différents programmes.

9. Pendant sa session, la commission a reçu une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 29 novembre 1996 alléguant des discriminations en matière d'emploi. Une copie de cette communication a été transmise au gouvernement afin que celui-ci fasse sur la matière tels commentaires qu'il jugera approprié. La commission attend de recevoir les commentaires du gouvernement à ce sujet et examinera cette question à sa prochaine session.

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