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Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

Convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949 - Fédération de Russie (Ratification: 1961)

Autre commentaire sur C095

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Réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution

La commission note qu'à sa 270e session (novembre 1997) le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité désigné pour examiner la réclamation alléguant l'inexécution, par la Fédération de Russie, de la convention présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'0IT par l'Internationale de l'éducation et le Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie.

La commission note que, suite aux recommandations du comité susmentionné, le Conseil d'administration a prié instamment le gouvernement d'assurer la pleine application de la convention et, à cet égard:

i) de prendre toutes les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, pour assurer un paiement rapide des arriérés de salaires dus par les différents budgets de l'Etat, des entreprises et des organisations;

ii) d'améliorer le contrôle du paiement des salaires, notamment par un renforcement des activités de l'inspection du travail;

iii) d'assurer l'application effective de sanctions dissuasives en cas de non-paiement des salaires;

iv) de prendre des mesures spécifiques pour prévenir le détournement à d'autres fins illicites des fonds réservés pour le paiement des salaires;

v) d'assurer que les mesures prises en vue de rembourser les arriérés de salaires ne provoquent pas une violation des autres dispositions de la convention.

Le Conseil d'administration a par ailleurs invité le gouvernement à communiquer des informations détaillées sur toutes les mesures prises ou envisagées conformément aux recommandations susmentionnées et sur la manière dont la situation évolue, et en particulier à indiquer:

i) le nombre des travailleurs affectés, la nature et le montant des salaires dus, et le nombre et la nature des établissements et des entreprises touchés par le non-paiement des salaires, ainsi que le montant des versements déjà effectués;

ii) le nombre des inspections du travail destinées à contrôler le paiement régulier des salaires, le nombre et la nature des infractions constatées, et le nombre et la nature des sanctions infligées, ainsi que des informations similaires sur les procédures pénales liées au non-paiement ou au retard dans le paiement des salaires;

iii) dans quelle mesure les calendriers fixés pour le règlement des arriérés de salaires dans les établissements d'enseignement et dans le secteur du budget public fédéral sont appliqués et de quelle manière ils le sont.

Observations reçues des organisations de travailleurs

Depuis la précédente session de la commission, de nouveaux commentaires ont été reçus des diverses organisations de travailleurs ci-après en ce qui concerne l'application de l'article 12, paragraphe 1, de la convention (paiement régulier du salaire). La Fédération des syndicats indépendants de Russie indique, dans une lettre datée du 21 mars 1997, que la dette salariale totale des entreprises, quel que soit leur régime de propriété, a dépassé le seuil de 50 000 milliards de roubles (soit plus de 9 milliards de dollars E.-U.), exposant ainsi le pays à un risque d'explosion sociale, et que presque tous les syndicats de Russie participeraient à la journée de protestation prévue pour la fin du mois de mars. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines et des industries diverses ont joint à leur lettre du 28 août 1997 une volumineuse documentation établie par la Fédération des travailleurs indépendants des charbonnages de Russie et le Syndicat des travailleurs de la chimie et des industries connexes de Russie contenant non seulement des communications de syndicats sectoriels relatives à la situation des arriérés de salaires dans leur secteur, par exemple la chimie, le bois et les industries connexes et le pétrole et le gaz, mais également les comptes rendus de diverses réunions sur les arriérés de salaires établis par de hauts responsables du gouvernement. Pour ne citer que quelques exemples, le comité central du Syndicat des travailleurs du bois et des industries connexes de Russie indique que les arriérés de salaires ont presque triplé en 1996, passant à 1 523 milliards de roubles; les Syndicats des travailleurs des branches pétrole et gaz de l'industrie et de la construction notent que les arriérés de salaires dans ces branches s'élevaient à 8 100 210 milliards de roubles au 1er février 1997. Le Syndicat des travailleurs de la chimie et des industries connexes de Russie déclare que les arriérés de salaires dans cette branche s'élevaient à 1 362 milliards de roubles et que, dans certains cas, on a constaté que les fonds étaient manipulés par les banques dans l'intérêt de certaines personnes au lieu d'être dépensés pour les besoins des entreprises.

Informations communiquées par le gouvernement

La commission note que le gouvernement a répondu par plusieurs communications. Dans celle reçue en octobre 1997, il indique que le montant total des arriérés de salaires était de 54 300 milliards de roubles au 1er septembre 1997, dont 45 100 milliards (soit 83,5 pour cent) dans le secteur de la production et 8 900 milliards (soit 16,5 pour cent) dans le secteur social (financé par le budget de l'Etat). D'après le gouvernement, si le montant des arriérés de salaires n'a fait qu'augmenter au cours du premier semestre de l'année, une baisse s'est amorcée en juillet (- 738 milliards) et en août (- 204 milliards).

Le gouvernement indique par ailleurs que 81,2 pour cent des arriérés de salaires sont dus au fait que les entreprises et organisations manquent de ressources propres, et les 18,7 pour cent restants à un financement inadapté des budgets à tous les niveaux. Si dans le secteur social 86,7 pour cent des arriérés sont dus à l'insuffisance de financements directs en provenance du budget, le chiffre correspondant n'est que de 5,2 pour cent dans l'industrie. Le total des arriérés du secteur de la production se répartit comme suit: 60,4 pour cent dans l'industrie (8 600 milliards de roubles dans le secteur de l'énergie, dont 3 200 milliards dans les charbonnages), 15,8 pour cent dans la construction, 16 pour cent dans l'agriculture et 7,6 pour cent dans les transports. Dans le secteur social, la plus grosse partie de la dette se répartit ainsi: 48,7 pour cent dans les établissements d'enseignement et 32,5 pour cent dans les services médicaux. Sur environ 96 700 entreprises et organisations qui ont une dette salariale, 50 900 relèvent du secteur de la production et 45 800 du secteur social. Dans une autre communication reçue le 28 novembre 1997, le gouvernement ajoute que les arriérés de salaires dans les établissements d'enseignement ont diminué de 14,1 pour cent par rapport à la période précédente, pour revenir à 4 374 milliards de roubles.

En ce qui concerne les mesures prises pour régler les arriérés de salaires et garantir le paiement des salaires en temps voulu, le gouvernement signale plusieurs décrets et ordonnances présidentiels, une procédure de coopération entre les organes de l'exécutif en vue de l'échange d'informations sur la situation financière des organisations en retard dans le paiement des salaires approuvée le 8 août 1997 par le ministère du Travail et les autres ministères concernés, ainsi qu'un projet d'ordonnance sur les mesures prioritaires à prendre pour régler les arriérés de salaires dans les secteurs de l'économie qui ne sont pas financés par le budget, qui a été communiqué au gouvernement le 24 septembre 1997. Le gouvernement fait état par ailleurs de sommes importantes affectées aux collectivités territoriales à titre d'assistance financière.

S'agissant des mesures de contrôle, le gouvernement déclare qu'au premier semestre de 1997, l'inspection du travail de la Russie a effectué des visites dans plus de 22 000 organisations qui ont permis de constater 14 500 cas de violations flagrantes de la législation sur les salaires. Plus de 20 000 instructions officielles ont été publiées pour remédier à la situation par des audits administratifs des entreprises et organisations, ce qui a abouti au paiement des arriérés de salaires dans plusieurs régions. En application des instructions de la Commission présidentielle extraordinaire provisoire (Protocole du 8 juillet 1997, no 8), l'inspection du travail, avec le concours du ministère des Finances, a enquêté auprès des autorités exécutives fédérales et des collectivités territoriales sur l'utilisation des fonds en provenance du budget fédéral aux fins du paiement des salaires; à cette occasion, des cas d'utilisation frauduleuse ont été constatés dans 27 des collectivités territoriales.

Quant aux sanctions, le gouvernement mentionne dans sa communication de décembre 1996 un projet de loi fédéral instituant une responsabilité pénale en cas de violation grave liée au paiement tardif des salaires, mais aucune autre information n'a été reçue à ce sujet. En ce qui concerne les calendriers de règlement des arriérés de salaires, le gouvernement se borne à signaler dans sa communication d'octobre 1997 que seuls ont été établis ceux qui concernent les établissements d'enseignement, l'industrie du charbon et le secteur scientifique, sans aucune précision sur leur mise en oeuvre.

Conclusions

La commission note qu'en dépit des mesures prises jusqu'à ce jour par le gouvernement rien n'indique une amélioration claire de la situation car la somme des baisses de juillet et août 1997 citées par le gouvernement n'atteint pas 2 pour cent du total des salaires dus au début de septembre 1997.

La commission note que le gouvernement reconnaît, dans sa communication d'octobre 1997, qu'il lui faut prendre une série de mesures, certaines pour répondre à l'urgence, d'autres pour améliorer la situation économique de fond. Il s'agirait notamment de renforcer les contrôles et d'étendre la responsabilité des fonctionnaires au paiement des salaires en temps voulu (inspection du travail et ministère public, participation des syndicats); de garantir l'application de l'ordonnance du 22 février 1997 étendant la responsabilité des représentants de l'Etat qui sont membres des conseils d'administration de sociétés par actions au paiement des salaires en temps voulu, et d'accélérer l'adoption de la loi portant modification du Code des délits administratifs et du Code pénal, qui est devant la Douma (la chambre basse du Parlement). La commission note, toutefois, que cette communication vise davantage à énoncer des principes généraux qu'à donner des informations concrètes et précises sur les mesures prises par le gouvernement.

La commission partage les préoccupations exprimées par le comité institué par le Conseil d'administration sur la gravité de la situation et les conséquences sociales de l'inobservation de l'article 12, paragraphe 1, de la convention. Elle rappelle que le gouvernement est responsable, aux termes des dispositions de la convention, non seulement du paiement régulier des salaires financés directement par les budgets fédéraux, mais aussi du paiement des salaires, conformément aux dispositions de la convention, à tous les travailleurs du pays auxquels des salaires sont payés ou payables. La commission a souligné l'importance des moyens tels que: i) les contrôles; ii) l'application de sanctions destinées à prévenir et à réprimer les violations; iii) la réparation du préjudice subi. Sur ces trois points, l'information fournie jusqu'à ce jour par le gouvernement ne donne pas l'impression que toutes les voies ont été explorées.

En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de s'engager clairement à mettre fin à cette violation de la convention, à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le paiement des salaires en temps voulu et le règlement rapide des arriérés de salaires, et à continuer de communiquer des informations sur ces mesures et leurs résultats. Elle prie le gouvernement de fournir en particulier des informations concrètes sur les contrôles, les sanctions et le règlement des arriérés de salaires, notamment des copies de toute législation pertinente telle que celle qui prévoit l'aggravation des sanctions. La commission prie instamment le gouvernement de donner des renseignements sur toute décision de justice rendue en matière de paiement régulier des salaires.

La commission a précédemment noté que, d'après le gouvernement, un projet de loi a été adopté en vue de modifier le Code du travail sur la question des sanctions prévues en cas de violation de cet instrument, notamment en cas de non-paiement ou de paiement tardif des salaires, et que la Douma avait adopté en troisième lecture une loi sur l'indemnisation du préjudice matériel dû au non-paiement ou au paiement tardif des salaires. En l'absence d'informations, elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer dans son rapport des informations détaillées sur ces textes ou sur des textes similaires.

En l'absence de réponse à la précédente observation qui portait sur d'autres dispositions de la convention telles que l'article 3 (interdiction du paiement sous forme de billets à ordre ou de coupons); l'article 4 (réglementation du paiement en nature); l'article 11 (privilège des salariés en cas de faillite), et l'article 15 (sanction des violations), la commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir non seulement le paiement régulier des salaires, mais aussi l'application de toutes les dispostions de la convention. Elle prie également le gouvernement de communiquer par exemple des extraits de rapports officiels montrant le nombre d'enquêtes réalisées, d'infractions constatées et de sanctions infligées.

Le gouvernement est également prié de se référer aux points soulevés dans la demande directe, identique à la précédente, qui reste sans réponse depuis plusieurs années.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la 86e session de la Conférence et de communiquer un rapport détaillé en 1998.]

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