National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir
1. La commission prend note de la discussion ayant eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en juin 1997, à l'issue de laquelle cette instance a décidé d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport et de le signaler comme un cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée. Elle prend également note du rapport détaillé que le gouvernement a présenté à la suite de cette discussion. Elle prend note par ailleurs du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan présenté à la 53e session de la Commission des droits de l'homme (mars 1997, document des Nations Unies E/CN.4/1997/58) et de la résolution 1997/59 adoptée par cette instance lors de cette session. Enfin, elle prend note d'une communication reçue de la Confédération mondiale du travail (CMT) le 23 octobre 1997 et transmise au gouvernement le 17 novembre 1997 pour tous commentaires qu'il voudra faire. (Cette communication complète celle que la CMT avait faite en 1996, qui avait été prise en considération dans la précédente observation et pour laquelle une réponse figurait dans le rapport du gouvernement.)
Informations dont la commission est saisie
2. Depuis plusieurs années, la commission traite des allégations selon lesquelles des pratiques d'esclavage et des pratiques similaires persisteraient, aussi bien dans les régions sous contrôle du gouvernement que dans les régions du sud du pays en proie à un conflit armé. Se fondant sur les informations communiquées par le Rapporteur spécial des Nations Unies et sur un grand nombre d'informations provenant de sources indépendantes reçues par la CMT et discutées par la Commission des droits de l'homme et ses organes subsidiaires, la commission avait pris note, dans sa précédente observation, "des accusations d'imposition illégale et généralisée de travail forcé, avec la caution ou les encouragements du gouvernement, (qui) sont portées depuis des années par le Rapporteur spécial et rejetées en bloc par le gouvernement". Elle s'était déclarée "profondément préoccupée par le fait que le gouvernement n'a pas fait suivre d'effets son engagement réitéré de ne ménager aucun effort pour mettre un terme aux pratiques de travail forcé chaque fois que de telles pratiques sont avérées".
3. Les informations dont la commission est saisie recouvrent des allégations détaillées selon lesquelles les Forces populaires de défense (FPD), alliées au gouvernement, ont procédé à des enlèvements et se livrent au trafic de femmes et d'enfants, dans le cadre d'une guerre civile sévissant dans le sud du pays. Selon ces allégations, des officiers des forces gouvernementales sont parfois impliqués dans ces actes. Il y est également question de sévices sexuels infligés à des femmes et à des enfants réduits en esclavage. Le gouvernement lui-même reconnaît dans son dernier rapport, comme il l'a fait antérieurement, que des enlèvements à vaste échelle sont commis par des forces rebelles échappant à son contrôle et que des enfants sont incorporés de force dans ces groupes armés ou bien contraints de servir de porteurs de munitions et d'approvisionnement pour les rebelles (voir ci-après). Ces allégations sont à replacer dans un contexte général dans lequel, comme le dit le Rapporteur spécial des Nations Unies, "l'ensemble des droits de l'homme reconnus par les Nations Unies font l'objet de violations continues de la part d'agents du gouvernement du Soudan ou de personnes ayant partie liée et travaillant avec lui de façon notoire" et "des membres des différentes parties au conflit sévissant dans le sud du Soudan et dans les Monts Nouba, qui n'appartiennent pas aux forces gouvernementales du Soudan ni à ses affiliés, sans aucune considération pour la sécurité personnelle, la liberté ou la vie de l'individu, se sont rendus coupables de toute une série d'atrocités contre des citoyens soudanais se trouvant dans les zones contrôlées par eux".
4. Le rapport intitulé "Slavery in Sudan", publié par Anti-Slavery International (mai 1997) et communiqué par la CMT, indique que les principaux auteurs de prises d'esclaves sont des milices armées gouvernementales des tribus Rezigat et Mesriya des régions limitrophes du Kordofan et du Darfour, des membres des FPD, certains officiers de l'armée régulière étant eux aussi impliqués. En général, les esclaves sont capturés à l'occasion de razzias opérées par ces groupes sur des villages, les captifs étant ensuite vendus ou négociés à de petits trafiquants qui, en général, n'en gardent que quelques-uns. C'est ainsi que plusieurs milliers d'esclaves sont retenus captifs, même s'il n'y a pas d'indices qu'il s'agit d'un vaste marché organisé d'esclaves.
Le rapport gouvernemental
5. Dans son plus récent rapport, le gouvernement déclare, pour compléter sa communication à la Commission de la Conférence, qu'une commission spéciale d'investigation a été constituée par le ministère de la Justice par effet d'une ordonnance du 4 février 1996, pour enquêter sur les cas de disparitions forcées et involontaires qui, indique-t-il, s'élèvent à 249. Le 5 mars 1996, le décret no 2 a étendu ce mandat à des enquêtes sur les cas d'esclavage, de servitude, de commerce d'esclaves et pratiques similaires et, le 21 mai 1996, le décret no 3 a étendu la composition de cette instance à des délégués non gouvernementaux, de sorte que sa présidence puisse être confiée au président de l'organisme soudanais pour les droits de l'homme, qui est une ONG. Le rapport, reçu en septembre 1997, donne des détails sur trois inspections sur le terrain effectuées entre juillet 1996 et janvier 1997, qui ont nécessité chacune de quatre à dix jours. Cette commission a recouru également à d'autres moyens pour recueillir des informations, notamment à une campagne publique avertissant la population de sa disponibilité et même de sa volonté de recueillir des informations. Le gouvernement déclare que cette commission est parvenue aux conclusions suivantes:
a) Région des Monts Nouba: allégations d'esclavage et de commerce d'esclaves, y compris d'utilisation d'enfants nubiens comme domestiques d'officiers, et allégations d'utilisation d'esclaves nubiens dans des exploitations agricoles de personnes proches du gouvernement. La commission n'a recueilli aucun élément confirmant l'existence de telles pratiques. Les domestiques nubiens rencontrés sont tous des salariés déclarés percevant un salaire. Il n'a été recueilli aucun élément concernant des exploitations agricoles publiques ou privées sur lesquelles des Nubiens seraient contraints de travailler.
b) Régions de Bahr el Djebel et de Junqali: allégations d'enlèvements d'un grand nombre d'enfants par des forces du camp gouvernemental des villages proches de la ligne de chemin de fer Babanusa-Wau en 1993 et transfert de 27 scolaires de cette région dans la région de El Gezira en mai 1996. La commission a conclu que les scolaires avaient été transférés volontairement, à des fins pédagogiques, avec le consentement de leurs parents et sous le contrôle des autorités. S'agissant des allégations d'enlèvements d'enfants, la commission n'a reçu aucune plainte de la part de nationaux, et les témoignages recueillis réfutent ces allégations.
6. Le gouvernement déclare que les problèmes qui existent effectivement se rapportent non pas à de l'esclavage en tant que tel mais plutôt, comme il l'a indiqué antérieurement, à des conséquences de conflits entre tribus nomades de l'ouest du Soudan et du Kordofan-sud et, plus précisément, entre elles et la tribu Dinka du Bahr el Gazal, à propos des pâturages et des points d'eau. Comme il l'a déjà déclaré, il s'agit de prises d'otages, dans le cadre de conflits localisés, qui ne sont pas assimilables à de l'esclavage. Il ajoute que des groupes de rebelles sont responsables de la disparition d'enfants parce qu'ils enlèvent ces enfants et les incorporent de force dans leurs unités et que, parfois, des enfants disparaissent temporairement parce qu'ils sont contraints de transporter les munitions de ces unités rebelles. Il déclare que ces actes ne relèvent pas de sa responsabilité parce que les zones en question échappent à son contrôle. Il a néanmoins pris de nombreuses initiatives pour mettre un terme à la guerre civile et a même signé, en avril 1997, un traité de paix comportant diverses garanties sur le plan des droits de l'homme avec certaines des tribus en cause.
Commentaires de la commission
7. La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement, la CMT et autres ONG sur les formes de travail forcé et d'esclavage ayant cours dans le pays. Elle note également que le gouvernement a demandé l'assistance technique du BIT, comme suite à la recommandation de la Commission des normes de la Conférence en juin 1997, mais que, comme la demande portait sur la fourniture de véhicules pour l'usage de la commission d'enquête, le Bureau avait répondu que d'autres formes d'assistance seraient sans doute à envisager même si le type d'aide matérielle demandée n'était pas à exclure dans le contexte d'un accord d'assistance plus large.
8. La commission constate les profondes contradictions entre les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies ainsi que divers organismes non gouvernementaux dignes de foi, confirmées par les communications de la Confédération mondiale du travail et, d'autre part, les propres conclusions du gouvernement, établies par sa commission spéciale d'enquête. Les conclusions selon lesquelles aucune partie du territoire contrôlé par le gouvernement ne connaîtrait de problème de travail forcé ou de travail obligatoire sont profondément différentes des autres sources d'informations disponibles. La commission rappelle les allégations persistantes d'imposition illégale et généralisée de travail forcé, avec la caution ou les encouragements du gouvernement. Elle incite donc le gouvernement à reprendre ses investigations sur les allégations formulées et à fournir des informations précises sur ses conclusions dans son prochain rapport. Elle le prie également de prendre des mesures effectives pour assurer le respect de la convention et de faire rapport sur les mesures concrètes qui auront été adoptées, en donnant notamment des informations sur toute affaire portée en justice, le nombre des condamnations prononcées et des sanctions prises.
9. En ce qui concerne les cas de travail forcé dans les zones échappant au contrôle effectif du gouvernement, la commission note que, selon les informations communiquées, des efforts sont déployés pour parvenir à un règlement pacifique de la guerre civile qui fait rage actuellement. Elle exprime l'espoir que ces efforts seront prochainement couronnés de succès et que des mesures immédiates et efficaces seront prises dans ces zones dès que le gouvernement sera en mesure de le faire afin que les obligations découlant de la présente convention soient appliquées.