ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 1969)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 2018)

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

La commission avait pris note du rapport soumis par le gouvernement en 1996, parvenu trop tard pour être examiné à sa précédente session. Elle prend note d'autres informations concernant la mise en oeuvre du Programme international de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants (IPEC), auquel le gouvernement collabore depuis plusieurs années et avec lequel il a renouvelé récemment son protocole d'accord.

Dans ses précédents commentaires, la commission centrait son attention sur les problèmes d'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine par la pornographie et la prostitution, ainsi que dans les usines, ateliers et autres lieux de travail. Elle a examiné les problèmes persistants d'inspection du travail, d'application de la législation pénale et du travail, d'insuffisance des sanctions à l'encontre des employeurs en cas d'infraction à la législation. Elle a également évoqué la nécessité de développer le système éducatif. Elle a fait valoir à de nombreuses reprises que le travail forcé d'enfants constitue la forme la plus abjecte de travail forcé et que cette pratique doit être combattue énergiquement et réprimée sévèrement. Elle a souligné l'importance d'une action concrète et efficace contre ce phénomène, qui est très largement répandu en Thaïlande.

Législation et politique

La commission prend note avec intérêt des mesures positives prises par le gouvernement, certaines en coopération avec l'IPEC et d'autres institutions internationales, pour se doter d'une législation et mettre en place un cadre politique national cohérent afin de régler cette question. Constatant encore bien peu de résultats concrets, la commission encourage néanmoins le gouvernement à persévérer dans cette voie et appliquer de manière effective la politique qu'il a décidée. Les informations disponibles conduisent à soulever un certain nombre de questions.

La commission se félicite de l'adoption fin 1996, après réception du rapport, de la loi sur la prévention et la répression de la prostitution. Cet instrument punit celui qui sert d'intermédiaire ou induit autrui par tromperie à se livrer à la prostitution à l'intérieur comme à l'extérieur du Royaume, les peines les plus sévères étant prévues lorsque le délit concerne des personnes de moins de 15 ans, ou bien des personnes de plus de 15 ans mais de moins de 18 ans (art. 9). Les parents ou tuteurs qui ont connaissance ou pourraient avoir connaissance du fait que leur protégé est soumis à la prostitution seront passibles de sanctions (art. 10). Des dispositions sont prévues pour déchoir de l'autorité parentale ou tutoriale toute personne ayant agi dans le but de soumettre une personne mineure à la prostitution (art. 13). La commission note qu'une commission pour la protection des mineurs et leur épanouissement professionnel devait être constituée au niveau central et à celui des provinces pour mettre la loi en application, et que cette commission a pris plusieurs mesures axées sur la coordination des diverses institutions, notamment de la police, des parquets, des tribunaux et des fonctionnaires de l'aide sociale. Le gouvernement a également pris des mesures pour que cette législation soit connue du public.

La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures pratiques prises pour faire appliquer chacune des dispositions de cette législation (laquelle vise sans ambages la prostitution forcée d'enfants), et de faire connaître les résultats obtenus sur un plan concret, en précisant notamment le nombre de poursuites engagées et de sanctions prises.

La commission note que le gouvernement apporte aussi des informations sur le projet de loi portant protection du travail, texte qui tendrait à relever l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail à un niveau plus élevé que les 13 ans actuels. Notant qu'il s'agit là toujours d'un projet, la commission prie le gouvernement de la tenir informée dans son prochain rapport de tout progrès réalisé à cet égard.

La commission note également que le huitième Plan national de développement économique et social de la Thaïlande (1997-2001) prend en considération le cas des enfants en situation particulièrement difficile et mentionne 12 indicateurs de développement et d'amélioration. Ces indicateurs recouvrent plusieurs points se rapportant à la convention, notamment la nécessité d'alourdir les peines à l'encontre des exploiteurs d'enfants.

Application des lois

a) Inspection. La commission a rappelé à de nombreuses reprises qu'il est nécessaire que l'inspection du travail et la police fassent respecter la législation réprimant le travail obligatoire des enfants. Elle note qu'une assistance a été accordée, dans le cadre de l'IPEC, à la formation d'inspecteurs du travail et de fonctionnaires de police en matière de travail forcé des enfants. Selon les informations contenues dans le rapport, en 1995, des inspections ont été réalisées dans 49 623 des quelque 291 931 entreprises du pays et, sur ce chiffre, 373 se sont révélées coupables de recourir au travail d'enfants. Le nombre de personnes ainsi concernées s'élevait à 2 264 364, dont 12 avaient moins de 13 ans, 1 322 entre 13 et 15 ans, et 5 252 entre 15 et 18 ans. On constate ainsi une augmentation du nombre des inspections de quelque 14 000 par rapport à la période précédente avec, concurremment, une diminution de 95 pour cent du nombre des enfants de moins de 13 ans découverts au travail, toujours par rapport à la période précédente.

Le gouvernement n'a pas donné les informations demandées par la commission dans sa précédente observation quant à la nature des établissements inspectés. On ne dispose toujours d'aucune indication quant au nombre de cas traités par la police (laquelle peut agir dans un domaine échappant juridiquement à l'inspection du travail), et le gouvernement se borne à mentionner à cet égard que la division de répression du crime a constitué un centre de coordination pour la prévention et la répression de la prostitution et du travail des enfants. La commission prie le gouvernement de fournir ces informations dans son prochain rapport. Elle se doit de souligner que toutes les informations dont on dispose révèlent que le nombre d'enfants soumis à un travail forcé dans des établissements relevant de la juridiction soit de l'inspection du travail, soit de la police, restent très élevées. Elle prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour centrer l'action sur ces établissements les plus susceptibles de recourir au travail forcé d'enfants.

La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle a suggéré au gouvernement d'envisager l'affectation de fonctionnaires de police féminines aux enquêtes concernant des femmes et des enfants. Elle se réjouit de constater que, selon le rapport, il en est désormais ainsi par effet de l'ordonnance no 514/2537 du 13 mai 1994 du Département de la police.

b) Poursuites. La commission avait profondément déploré l'absence d'informations sur les poursuites, condamnations ou autres sanctions en rapport avec le travail d'enfants. Le gouvernement indique dans son dernier rapport le nombre total des poursuites engagées dans des affaires mettant en cause des enfants de moins de 18 ans, mais les statistiques plus détaillées font ressortir qu'au cours de la seule période couverte (juillet-octobre 1995) il n'a été engagé aucune poursuite pour délit de contrainte d'enfants à la prostitution ou à la pornographie, ou d'autres formes d'exploitation d'enfants. Rappelant que le gouvernement situe, selon ses propres chiffres, le nombre d'enfants prostitués entre 20 000 et 40 000 et que de nombreuses estimations sont bien plus élevées, la commission exprime fermement l'espoir que des mesures effectives seront prises à cet égard et que le prochain rapport contiendra des informations à ce sujet.

c) Sanctions. La commission avait profondément déploré que les sanctions prévues par la loi pour diverses infractions à la législation nationale visées par la convention, ainsi que la manière de les appliquer, ne semblent pas conformes au principe énoncé à l'article 25 de la convention, selon lequel le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et les sanctions imposées par la loi seront réellement efficaces et strictement appliquées. La commission note que le gouvernement précise dans son rapport que diverses sanctions ont été renforcées et qu'il donne des explications sur la manière dont ces sanctions peuvent être appliquées.

En ce qui concerne la faculté d'infliger des amendes en lieu et place de poursuites, la commission note que, selon les explications du gouvernement, cette faculté est utilisée dans les affaires de travail d'enfants pour accélérer la procédure et procurer une certaine compensation pécuniaire aux victimes. Rien n'indique dans le rapport de quelle manière et avec quelle fréquence ce pouvoir est utilisé, quel est son effet dissuasif ni quel est le montant des compensations versées aux victimes. La commission prie donc le gouvernement de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport. Elle réitère ses préoccupations quant à la conformité de ce type de sanctions pécuniaires avec le principe de sanctions pénales.

D'une manière plus générale, la commission se déclare préoccupée par le fait que, sans considération de la nature et du niveau théorique des sanctions prévues par la loi, le rapport ne dit pas grand-chose quant au recours effectif à ces sanctions pour décourager et réprimer le travail forcé des enfants.

Mesures préventives

a) Eveil de la conscience de la société. Le gouvernement fournit d'abondantes informations sur les efforts déployés pour mettre en garde les enfants et le public en général contre les manoeuvres tendant à amener les enfants au travail forcé par la tromperie et la contrainte, et pour faire connaître les organismes pouvant apporter une aide, surtout dans la région nord-est du pays. Il précise également les mesures de coordination de l'action entre les diverses instances gouvernementales ainsi qu'entre ces dernières et les instances non gouvernementales s'efforçant de résoudre ce problème, notamment les syndicats. Elle relève que cette action a été menée, pour l'essentiel, en coopération avec l'IPEC et encourage le gouvernement à poursuivre dans cette voie et à communiquer les informations sur les efforts entrepris.

b) Education. La commission note que l'objectif du gouvernement reste de porter à neuf années la scolarité obligatoire qui est actuellement de six années, de manière à faire disparaître l'un des principaux facteurs à l'origine du travail des enfants, notamment du travail forcé des enfants. Elle note que diverses mesures ont été prises pour développer les moyens pédagogiques dépassant le niveau de la scolarité obligatoire, notamment par la création d'établissements et de bourses. La commission incite le gouvernement à oeuvrer le plus rapidement possible dans cette voie. Elle souhaiterait entre-temps qu'il précise dans son prochain rapport les effectifs et pourcentages d'enfants effectivement scolarisés, aux différents âges, ainsi que les progrès accomplis dans le sens de l'augmentation de ces effectifs au fil des ans.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer