National Legislation on Labour and Social Rights
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1. Se référant à ses précédents commentaires concernant la privatisation des prisons et le travail effectué par les prisonniers, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport pour la période du 1er juillet 1993 au 31 mai 1996, parvenu trop tard pour être examiné à sa présente session. Elle prend également note des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) dans une communication reçue le 31 octobre 1996, concernant la situation des gens de maison étrangers travaillant en Grande-Bretagne au domicile d'employeurs étrangers. Enfin, elle prend note d'une communication du TUC reçue le 19 novembre 1996 au sujet de l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire par des sociétés privées, ainsi que des observations du gouvernement à ce sujet reçues le 9 décembre 1996.
I. Prisonniers travaillant pour des sociétés privées
A. Exigences de la convention (article 2, paragraphe 2 c))
2. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire ne se situe en dehors du champ d'application de la convention qu'à la double condition "que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques" et en outre "que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Ainsi, le fait que le prisonnier reste en tout temps sous la surveillance et le contrôle d'autorités publiques ne dispense pas en soi de remplir la seconde condition, à savoir que l'individu ne doit pas être "concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées".
3. Pour ce qui est de ce dernier point, la commission a souligné dans de précédents commentaires au titre de la convention que les dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), ne sont pas limitées au cas où un lien juridique s'établit entre le prisonnier et l'entreprise, mais couvrent également les situations où un tel lien juridique n'existe pas. Elle avait également noté qu'il est caractéristique du régime de la concession que le prisonnier soit "concédé" à une société privée en vertu d'un contrat conclu entre l'autorité pénitentiaire et cette société. Ainsi, la relation triangulaire dans laquelle le travail d'un prisonnier fait l'objet d'un contrat entre l'autorité pénitentiaire et la société privée correspond exactement à ce que l'article 2, paragraphe 2 c), qualifie d'incompatible avec la convention, dès lors que le prisonnier est obligé de travailler.
4. Dans sa précédente observation concernant le respect de la convention au Royaume-Uni, la commission avait rappelé que, comme elle l'a indiqué au paragraphe 98 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, les dispositions de la convention de 1930 interdisant que la main-d'oeuvre pénale soit concédée ou mise à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées portent non seulement sur le travail effectué en dehors de l'établissement pénitentiaire, mais s'appliquent également au travail dans des ateliers que des entreprises privées font fonctionner à l'intérieur des prisons, et que, a fortiori, l'interdiction couvre tout travail organisé par des prisons à gestion privée.
5. Au paragraphe 97 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission a relevé que, dans certains pays, on accorde à certains prisonniers la possibilité d'accepter volontairement, surtout pendant la période qui précède leur libération, un emploi au service d'un employeur privé, sous réserve de certaines garanties quant au paiement d'un salaire normal et à la couverture de sécurité sociale, au consentement des syndicats, etc. A cet égard, la commission note que le gouvernement indique, dans ses observations reçues le 9 décembre 1996, que "dans les très rares cas lorsqu'un prisonnier effectue un travail directement pour un employeur extérieur (ce qui peut se produire par exemple pendant une certaine période préparatoire à la libération d'une personne purgeant une peine de longue durée), l'intéressé le fait sur une base volontaire", la commission a estimé que, s'il existe les garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement un emploi, sans être soumis à des pressions ou à la menace d'une sanction quelconque, un tel emploi ne tombe pas sous le coup des dispositions de la convention.
6. Comme la commission l'a indiqué à de nombreuses reprises, ce n'est que lorsqu'il s'accomplit dans le cadre d'une relation d'emploi libre que le travail pour des sociétés privées peut être considéré comme compatible avec l'interdiction expresse de l'article 2, paragraphe 2 c). Cela exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé et, compte tenu des circonstances de ce consentement, il doit y avoir des garanties supplémentaires couvrant les éléments essentiels d'une relation de travail, y compris un niveau de rémunération et une couverture de sécurité sociale correspondant à une relation de travail libre, pour que l'emploi échappe au champ d'application de l'article 2, paragraphe 2 c), qui interdit de façon inconditionnelle que des personnes obligées d'accomplir du travail pénitentiaire soient concédées ou mises à la disposition de sociétés privées.
B. La législation et la pratique nationales
7. La commission note plusieurs modifications apportées ces dernières années à la législation et la réglementation nationales concernant les prisons et le travail dans les prisons, ainsi qu'à la pratique; elle constate qu'aucune mesure n'a été prise à ces occasions pour tenir compte des exigences de la convention.
a) Concession de prisons et d'ateliers pénitentiaires à des privés
8. Dans ses précédents commentaires, la commission abordait l'article 84 de la loi de 1991 sur la justice pénale, en vertu duquel le secrétaire d'Etat peut se mettre en rapport avec un entrepreneur privé pour la gestion de tout établissement pénitentiaire qui: a) a été créé avant l'entrée en vigueur de cet article, et b) est destiné aux personnes en détention préventive. Ces deux restrictions ont été levées par des ordonnances prises en 1992 et 1993 et la commission a pu constater qu'à la prison de Blakenhurst (qui a été concédée le 26 mai 1993 à "UK Detention Service", société résultant de l'association "Mowlen Alpina" et de "Corrections Corporations of America"), le contrat conclu avec les administrateurs privés prévoit que les personnes jugées et condamnées sont tenues de participer au travail et à des programmes de formation professionnelle, tandis que les personnes en détention préventive ont la faculté d'y participer si elles le désirent et sont incitées à le faire.
9. La commission note que l'article 84 de la loi de 1991 a été modifié par l'article 96 de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public et que l'article 84 (1) de cette loi de 1991 a désormais la teneur suivante:
Le secrétaire d'Etat peut conclure un contrat avec une autre personne pour la fourniture ou la gestion (ou la fourniture et la gestion) par cette dernière, ou (si le contrat le prévoit), pour la gestion par des sous-traitants de cette personne, de toute prison ou partie d'une prison.
L'article 84(4) tel que modifié dispose:
Dans cette partie -- les termes "prison privatisée" s'entendent d'une prison ou partie d'une prison pour la gestion de laquelle un contrat en vertu du présent article est en vigueur; le terme "contractant", dans le contexte d'une prison privatisée, s'entend de la personne ayant contracté avec le secrétaire d'Etat pour sa gestion; et le terme "sous-traitant", dans le contexte d'une prison privatisée, s'entend de la personne qui a traité avec le contractant pour la gestion de la prison ou d'une partie de celle-ci.
10. La commission note qu'en vertu de l'article 85(1) de la loi de 1991 sur la justice pénale:
En lieu et place d'un gouverneur (governor), toute prison privatisée aura -- a) un directeur, qui sera un responsable de la garde des prisonniers désigné par le contractant et expressément agréé par le secrétaire d'Etat aux fins du présent article; et b) un contrôleur, qui sera un fonctionnaire de Sa Majesté, désigné par le secrétaire d'Etat; ...
Les fonctions respectives du directeur et du contrôleur sont précisées aux articles 85(2) et (4) et 85 de la même loi, avec les modifications qui en résultent pour la loi de 1952 sur les prisons.
11. Selon l'article 85(2), lu conjointement à l'article 87 de la loi de 1991, la plupart des fonctions que la loi de 1952 sur les prisons confère au gouverneur d'une prison sont exercées, dans une prison privatisée, par le directeur: ainsi, l'article 13(1) de la loi de 1952 prévoyait que "tout prisonnier est réputé être placé juridiquement sous la garde du gouverneur de la prison ...", et l'alinéa 2 "le prisonnier se trouve juridiquement placé sous garde tant qu'il se trouve en prison, dès qu'il est amené en prison ou lorsqu'il est transféré d'une prison et tandis qu'il travaille ...". L'article 87(4) de la loi de 1991 sur la justice pénale dispose que, dans le contexte d'une prison privatisée, la référence susmentionnée au "gouverneur" à l'article 13(1) de la loi de 1952 sur les prisons se conçoit comme une référence au "directeur" (qui est désigné par le contractant).
12. Selon l'article 85(4) de la loi de 1991:
Le contrôleur doit être investi des fonctions qui peuvent lui être conférées par le règlement des prisons et doit avoir pour mission -- a) d'exercer son contrôle sur la gestion de la prison par et au nom du directeur et de faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat; et b) d'enquêter sur toute allégation visée sous la partie concernant les personnels chargés des missions de garde à l'intérieur des prisons et de faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat.
13. En vertu de l'article 85(5) de la loi de 1991, tel que modifié par l'article 101(1) de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public:
Le contractant et tout sous-traitant de celui-ci sont l'un et l'autre tenus de faire tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir (soit en donnant des instructions au personnel de la prison, soit autrement) pour faciliter l'exercice par le contrôleur de toutes les fonctions mentionnées à l'alinéa (4) ci-avant ou conférées par celui-ci.
14. La commission note que, selon les indications données par le gouvernement dans son rapport, le contrat conclu par le secrétaire d'Etat et le contractant énonce les obligations du contractant de manière détaillée, et que la supervision et le contrôle du secrétaire d'Etat aux affaires intérieures s'exercent par l'intermédiaire du directeur (désigné par le contractant et expressément agréé par le secrétaire d'Etat) et le contrôleur (fonctionnaire de Sa Majesté désigné par le secrétaire d'Etat, en concertation avec le Conseil des visiteurs et l'Inspecteur en chef des prisons de Sa Majesté). Le gouvernement explique que:
Si l'un des rôles d'un contrôleur d'une prison privatisée consiste à s'enquérir et décider des mesures disciplinaires à l'encontre d'un prisonnier, ce rôle n'est pas limité à cette fonction. Les attributions du contrôleur, en vertu de l'article 85(4) de la loi de 1991 sur la justice pénale, consistent à exercer un contrôle sur la gestion de la prison et à faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat ainsi qu'à enquêter sur toute allégation contre le personnel de surveillance et faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat. L'article 88 de la loi prévoit l'intervention du secrétaire d'Etat dans le cas où le directeur n'exerce plus un contrôle effectif sur la prison.
Le gouvernement conclut que "le secrétaire d'Etat conserve ainsi des fonctions de contrôle considérables, et un très haut degré de supervision de la part de l'Etat continue de s'exercer sur les prisons privatisées".
b) Caractère obligatoire du travail accompli par les prisonniers condamnés dans toute prison
15. La commission note qu'en vertu de l'article 28(1) du règlement des prisons de 1964 (S.I.1964/388) "un prisonnier condamné est tenu d'accomplir un travail utile au maximum dix heures par jour et des dispositions seront prises pour permettre aux prisonniers de travailler, autant que possible, hors de leur cellule et en association des uns avec les autres". Aux termes du paragraphe 5 de la même règle "un détenu qui n'a pas été condamné a la possibilité, s'il le souhaite, de travailler comme s'il était un prisonnier condamné".
16. La commission note que ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des prisons, qu'elles soient administrées par l'Etat ou gérées (en tout ou en partie) par des contractants privés aux termes d'un contrat conclu avec le secrétaire d'Etat conformément à l'article 84 de la loi de 1991 sur la justice pénale, tel que modifié par l'article 96 de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public.
17. La commission note en outre qu'en vertu de la règle 4(1) du règlement des prisons de 1964, telle que modifiée par le règlement (modificateur) (no 2) des prisons de 1995, "chaque prison doit définir des systèmes de privilèges, approuvés par le secrétaire d'Etat et adaptés aux différentes catégories de prisonniers, incluant des arrangements par lesquels l'argent gagné par les prisonniers en prison peut être dépensé par eux à l'intérieur de cette même prison". Selon le paragraphe 3 de cette même règle, "les systèmes de privilèges visés au paragraphe 1 peuvent inclure les arrangements par lesquels de tels privilèges peuvent être accordés aux prisonniers seulement dans la mesure où ils ont satisfait ou continuent de satisfaire à certaines normes concernant le comportement ou l'accomplissement de leur travail ou de toute autre activité".
18. La commission rappelle que, comme elle l'a indiqué au paragraphe 21 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, il a été précisé lors de l'examen du projet d'instrument par la Conférence, que la "peine" dont il est question à l'article 2, paragraphe 1, de la convention ne doit pas revêtir forcément la forme d'une sanction pénale mais qu'il peut s'agir également de la privation de quelque droit ou avantage.
19. Ainsi, le travail en prison est obligatoire au sens de la convention en vertu aussi bien de la règle 28(1) que des arrangements visés à la règle 4(3) du règlement de 1964 sur les prisons, tel que modifié.
20. Rémunération. La commission a pris note des informations concernant la rémunération des prisonniers travaillant pour des sociétés privées. Dans son rapport, le gouvernement indique que "l'administration pénitentiaire continue d'examiner les modalités permettant d'obtenir une implication du secteur privé dans l'emploi des prisonniers qui serait plus directe et qui offrirait aux prisonniers engagés dans ces activités la possibilité de percevoir des rémunérations sensiblement plus élevées". La commission note que, selon le rapport de l'inspecteur en chef des prisons sur la prison de Blakenhurst, publié en octobre 1994, "les taux de rémunération toutes catégories confondues se situent en moyenne à 8 livres par semaine, mais que dans les ateliers, où s'applique la rémunération à la pièce ou à la vacation, les détenus peuvent s'attendre à gagner entre 15 et 17 livres par semaine. Des taux de rémunération encore plus élevés ont été relevés pour un certain nombre de détenus employés à la cuisine." Selon les commentaires du TUC reçus le 19 novembre 1996, les statistiques gouvernementales concernant cette même prison "révèlent que la plus haute rémunération hebdomadaire s'élève au total, primes comprises, à 14,50 livres pour les serveurs des réfectoires, les détenus travaillant dans les gymnases, au jardinage, pour la peinture ou pour l'entretien percevant la rémunération la plus basse de 10 livres". A titre de comparaison, la commission note également que, selon une brochure officielle intitulée "Britain 1996", établie par l'Office central d'information, les gains hebdomadaires moyens dans le pays s'élèvent à 272 livres pour les travailleurs manuels et à 372 livres pour les travailleurs non manuels.
C. Commentaires du TUC
21. Dans sa communication reçue le 19 novembre 1996, le TUC souligne que, si la possibilité pour les prisonniers de travailler est capitale pour la réinsertion, le travail des prisonniers doit s'accomplir dans le cadre défini par la convention. Le TUC reste d'avis que la convention interdit l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire par les sociétés privées, sauf si les conditions suivantes sont remplies:
-- la relation contractuelle doit être entre la société et le prisonnier, et non entre la société et la prison;
-- le consentement du prisonnier doit être véritable et librement donné, ce qui présuppose des garanties concernant le salaire;
-- l'employeur doit verser des cotisations d'assurances sociales comme pour les autres travailleurs;
-- le consentement du prisonnier, que ce soit pour entreprendre ou pour continuer ce travail, ne doit pas résulter de menaces de sanctions telles que la perte d'une remise de peine;
-- la législation du travail et la réglementation d'inspection du travail doivent s'appliquer.
22. Le TUC déclare en outre que:
La gestion au quotidien des prisons est assurée par des sociétés privées. Le secrétaire d'Etat a fait nettement savoir à plusieurs reprises, à la suite de troubles dans des prisons ou d'évasions de prisonniers, qu'il n'est pas responsable de la gestion au quotidien des prisons, qu'elles soient publiques ou privées. Les condamnés peuvent être obligés à travailler en droit britannique. Les directeurs de prisons à gestion privée sont désignés par le contractant (privé) et agréés par le secrétaire d'Etat, mais toute activité exercée par les prisonniers ne peut être placée sous la surveillance ou le contrôle d'un ministre. Le droit, pour le contrôleur d'une prison privatisée, qui est désigné par le secrétaire d'Etat, d'intervenir si un directeur perd le contrôle d'une prison n'équivaut pas à une surveillance effective de l'Etat sur le travail accompli par les prisonniers dans ces prisons.
23. Selon le TUC:
Il est inexact de dire que les prisonniers ne sont pas mis à disposition de sociétés privées, même si les opérations de travail sont supervisées par du personnel pénitentiaire employé par l'administration pénitentiaire publique contrairement à des gardes de sécurité privés dans les prisons privatisées, lorsque des prisonniers produisent des biens pour des sociétés privées qui les vendent sur le marché, leur travail est manifestement mis à la disposition de ces sociétés. La jurisprudence de l'OIT dit clairement que, au nombre des critères retenus pour dire si le travail pénitentiaire pour le compte d'une société privée est compatible avec les termes de la convention, on retient le critère selon lequel toute relation d'emploi doit être conclue entre le prisonnier lui-même et la société et doit être librement conclue. Le prisonnier ne peut être concédé par la prison pour travailler pour une société privée.
24. Enfin, le TUC considère que:
Les informations communiquées par le gouvernement quant à la rémunération des prisonniers font ressortir clairement que ceux-ci ne perçoivent pas le taux prévu pour le travail considéré, même lorsqu'ils accomplissent un travail pour le compte de sociétés privées ou pour le compte de contractants privés gérant une prison. (...) Le TUC s'oppose à l'exploitation d'une main-d'oeuvre pénitentiaire bon marché par des sociétés privées et à la sous-enchère qu'elle entraîne par rapport aux salaires normaux versés aux travailleurs hors des prisons ou le remplacement de leur emploi par cette main-d'oeuvre pénitentiaire bon marché. Cette pratique débouche sur une exploitation et sur une concurrence déloyale. De l'avis du TUC, il convient d'y mettre un terme.
D. La réponse du gouvernement
25. La commission note que, selon les communications reçues le 9 décembre 1996:
Le gouvernement a pris note des commentaires du TUC concernant son dernier rapport sur l'application de cette convention et, en particulier, au sujet de la question des prisonniers qui travaillent pour des sociétés privées. Il a examiné l'avis du TUC selon lequel la relation d'emploi doit être entre le prisonnier et l'employeur plutôt qu'entre la prison et l'employeur, mais il conçoit que cela ne s'applique que lorsque le prisonnier est de force mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées.
De l'avis du gouvernement:
Une telle situation n'a cependant jamais existé au Royaume-Uni, même lorsque la prison est gérée par un contractant privé. Il en est ainsi parce que, lorsque le travail pénitentiaire est donné par des sociétés privées, le contrat est conclu entre l'administration pénitentiaire et la société. La relation du prisonnier n'est pas avec la société privée mais avec la prison. Tout travail dans les prisons du Royaume-Uni est effectué sous la surveillance et le contrôle d'une autorité publique. Les prisons gérées par des sociétés privées sous contrat avec l'administration pénitentiaire sont surveillées par des fonctionnaires opérant sur place -- les contrôleurs -- et sont soumises à d'autres formes de contrôle et de surveillance publics.
Le gouvernement conclut que "leur travail ne rentre donc pas dans la définition du travail forcé donnée à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention".
26. Le gouvernement indique en outre que:
La loi sur les gains des prisonniers, qui s'applique aux prisonniers percevant un "salaire amélioré", dans le cadre des systèmes de salaire amélioré, donne comme l'une des définitions d'un tel système le fait que le prisonnier doit être volontaire. Il ne peut être tenu d'y participer.
E. Conclusions de la commission
27. La commission a pris note des avis contradictoires du gouvernement et du TUC quant au degré de surveillance et de contrôle des autorités publiques sur le travail effectué dans les prisons ou dans des parties de prisons qui sont concédées à des sociétés privées, gérées par un personnel désigné par ces dernières et parfois sous-traitées par elles-mêmes à d'autres particuliers ou sociétés privées. Elle note que, comme indiqué aux paragraphes 2 et 3 ci-avant, même l'existence d'une surveillance et d'un contrôle publics effectifs ne dispenserait pas de l'obligation de remplir la condition distincte énoncée à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention, qui exige que le prisonnier "ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Les fonctions de contrôle conservées par le secrétaire d'Etat, fonctions auxquelles le gouvernement se réfère, ont pour but de garantir le respect par le contractant privé des termes du contrat conclu, c'est-à-dire d'un contrat qui, en lui-même, est en contradiction avec les exigences de la convention, dans la mesure où du travail pénitentiaire obligatoire est utilisé par un contractant privé ou son sous-traitant.
28. En ce qui concerne le système du "salaire amélioré" mentionné par le gouvernement et auquel le prisonnier ne peut être tenu de participer, la commission note que ce système fonctionne dans le cadre défini par la règle 28 du règlement de 1964 sur les prisons et ne fait pas disparaître le caractère obligatoire du travail pénitentiaire pour les condamnés.
29. Pour assurer le respect de la convention, il convient soit d'abroger les dispositions permettant la concession des prisons à des privés, soit de reconnaître aux personnes qui y sont incarcérées les droits et garanties visés aux paragraphes 5 et 6 ci-dessus.
30. Consentement librement donné. La commission note que, dans les prisons et ateliers pénitentiaires concédés à des privés, il apparaît particulièrement difficile de créer les conditions d'une relation d'emploi basée sur le consentement librement donné. Ceci présupposerait en premier lieu la suppression de l'obligation de travailler fondée sur les règles 28(1) et 4(3) du règlement de 1964 sur les prisons, ou une dérogation à cette obligation. Cependant, même si le directeur d'une prison privatisée, désigné par le contractant privé, n'avait pas plus le droit de forcer un prisonnier à travailler, le directeur et la société qui l'emploie auraient toujours intérêt à pouvoir disposer du travail du prisonnier. La commission rappelle à nouveau que la "menace d'une peine" visée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention peut revêtir la forme de la perte de droits ou de privilèges. Puisque le directeur qui gère la prison pour le compte d'un concessionnaire privé a aussi juridiquement la garde du prisonnier, il apparaît à la fois indispensable et très difficile de garantir que l'acceptation ou non par le prisonnier d'un travail pour le concessionnaire privé ou son sous-traitant n'a aucune incidence sur ses conditions d'incarcération et ses chances de remise de peine ou de libération anticipée.
31. La commission espère que les mesures nécessaires seront prises, tant sur le plan de la législation nationale que sur celui de la pratique, pour garantir que tout travail de prisonniers pour des sociétés privées s'effectue dans les conditions d'une relation d'emploi librement consentie: absence de toute forme de contrainte découlant de la situation du condamné; existence d'un contrat de travail entre le prisonnier et la société privée qui l'emploie (qu'il s'agisse du concessionnaire gérant la prison ou une partie de la prison ou d'un sous-traitant ou de toute autre société privée, et quel que soit le travail (tâches ancillaires, services, travail en atelier); et conditions normales sur le plan du taux de rémunération, de la sécurité sociale et de la sécurité et de la santé des travailleurs.
32. La commission espère que le gouvernement fournira des informations complètes sur les mesures prises pour rendre la législation nationale ainsi que la pratique en ce qui concerne les prisons privatisées conformes à la convention, ainsi que sur toute mesure prise pour veiller à ce que la position du TUC soit prise en considération par les autorités lorsqu'elles négocient des contrats avec des sociétés privées qui impliquent l'utilisation d'une main-d'oeuvre pénitentiaire. La commission prie également le gouvernement de communiquer copie des contrats conclus avec les sociétés privées pour ce qui est de l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire.
II. Gens de maison venant de l'étranger
33. En ce qui concerne les commentaires du TUC concernant la situation des gens de maison venus de l'étranger, travaillant en Grande-Bretagne au service d'employeurs étrangers, la commission adresse une demande directe au gouvernement.