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Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Bangladesh (Ratification: 1972)

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La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, ainsi que la déclaration faite par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en juin 1998 et de la discussion qui a suivi. La commission prend également note des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1862 (306e, 308e et 311e rapports).

La commission rappelle que ses commentaires antérieurs portent depuis plusieurs années sur les divergences suivantes entre la législation nationale et les dispositions de la convention:

-- l'exclusion du droit d'association des personnes assurant des fonctions de direction et d'administration;

-- les restrictions au droit d'association des fonctionnaires;

-- les restrictions portant sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions syndicales;

-- l'étendue du contrôle extérieur pouvant être exercé dans les affaires internes des syndicats;

-- l'obligation pour un syndicat de réunir "30 pour cent" des travailleurs d'une entreprise pour pouvoir être enregistré et continuer à l'être;

-- le déni du droit de se syndiquer aux travailleurs des zones franches d'exportation; et

-- les restrictions au droit de grève.

De plus, la commission note que le Comité de la liberté syndicale a attiré son attention, dans le contexte du cas no 1862, sur l'impossibilité d'enregistrer un syndicat à l'échelon national ou d'enregistrer un syndicat comprenant des travailleurs de différents établissements appartenant à différents employeurs (voir 306e rapport, paragr. 103).

Fonctions de direction et d'administration

Dans ses précédentes observations, la commission avait formulé des commentaires sur l'exclusion de la définition du terme "travailleurs" des personnes exerçant des fonctions de direction ou d'administration, les privant ainsi du droit d'association défini à l'article 3(a) de l'ORP. Dans sa dernière observation, elle avait pris note des deux principales associations du secteur public créées par ces travailleurs et mentionnées par le gouvernement, et avait prié le gouvernement de fournir des informations plus précises quant au nombre et à l'importance d'autres associations, y compris celles du secteur privé. La commission avait également demandé au gouvernement d'indiquer les dispositions législatives garantissant aux personnes exerçant les fonctions de direction et d'administration dans le secteur privé le droit de créer des associations.

La commission note la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence selon laquelle, bien que ces travailleurs ne peuvent bénéficier du droit d'association dans le cadre de l'ORP, ils ont la possibilité de créer des associations pour la défense de leurs droits et de leurs intérêts en vertu de l'article 38 de la Constitution du Bangladesh qui prévoit que tout citoyen a le droit de créer une association ou un syndicat, sous réserve des restrictions prévues par la loi afin de préserver la morale et l'ordre public. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu'il n'existe aucune restriction juridique s'appliquant aux personnes exerçant des fonctions de direction et d'administration dans le secteur privé, et précise que plusieurs banques et compagnies d'assurances possèdent des associations regroupant ce type de personnes afin de défendre leurs intérêts. Le gouvernement fait également état d'un nombre d'associations dans le secteur public et indique qu'il existe également le même type d'associations que pour le secteur privé, mais l'information concernant leur nombre et leur importance n'est pas disponible à ce jour.

La commission prend note de la référence du gouvernement à l'article 38 de la Constitution, et demande au gouvernement de fournir davantage d'informations sur la nature du droit d'association prévu par la Constitution, y compris sur les restrictions existantes et le recours que les travailleurs peuvent exercer en cas de violation de leur droit constitutionnel. Puisque l'article 38 de la Constitution ne s'applique qu'aux "citoyens", la commission prie le gouvernement d'indiquer comment les non-citoyens qui exercent des fonctions de direction et d'administration peuvent se prévaloir du droit d'association. La commission espère également obtenir des informations concernant le nombre et l'importance des associations, des secteurs public et privé, qui ont été créées dans le but de promouvoir les intérêts des travailleurs exerçant des fonctions de direction et d'administration.

Droit d'association des fonctionnaires

La commission note que le gouvernement maintient sa position selon laquelle la législation concernant les fonctionnaires est en conformité avec les dispositions de la convention. Selon la déclaration d'un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence, bien que les fonctionnaires ne soient pas couverts par l'ORP, ils bénéficient tout de même du droit d'association pour promouvoir leurs intérêts, et ce en vertu de la Constitution. La commission note également que le gouvernement indique que les questions concernant l'exclusion des travailleurs de l'imprimerie de l'office de la monnaie seront soumises à un comité de révision qui a déjà entrepris une révision du Code du travail. La commission rappelle que le gouvernement fournit les mêmes commentaires depuis plusieurs années, et exprime de nouveau le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises dans un proche avenir pour garantir à tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, le droit de s'organiser, et elle prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès à cet égard.

La commission avait également exprimé sa préoccupation en ce qui concerne le Règlement de 1979 sur la conduite des fonctionnaires au service de l'Etat qui limite le droit de publication des fonctionnaires. A cet égard, le gouvernement indique que les fonctionnaires peuvent publier tout article sur des sujets culturels, sportifs, scientifiques ou liés au développement du travail dans tout journal ou revue sans autorisation préalable; ils peuvent également publier sur tout autre sujet avec l'autorisation préalable de l'autorité compétente, en vertu des articles 21 et 22 du Règlement sur la conduite des fonctionnaires. La commission note que très peu de sujets peuvent faire l'objet de publication de la part des fonctionnaires et qu'ils ne comprennent pas, entre autres, les questions syndicales, ce qui empêche la libre circulation de l'information, des idées et des opinions.

La commission souligne de nouveau que des mesures imposant un contrôle préalable sur le contenu des publications syndicales sont contraires au droit des organisations de travailleurs d'organiser leur administration et leurs activités et de formuler leurs programmes sans ingérence de la part des pouvoirs publics. Elle demande donc au gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour rendre ce Règlement conforme aux dispositions de la convention.

Restriction sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions dans un syndicat

Dans ses précédents commentaires, la commission avait attiré l'attention sur certaines dispositions qui limitaient de façon excessive le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants. En particulier, la commission avait noté que l'article 7-A(1) b) de l'ORP interdit à toute personne n'appartenant pas ou n'ayant pas appartenu à un établissement ou à un groupe d'établissements d'être membre ou dirigeant d'un syndicat dans un tel établissement ou groupe d'établissements. En outre, l'article 3 de la loi no 22 de 1990 modifiant ladite ordonnance prévoit qu'un travailleur licencié pour inconduite ne peut pas devenir délégué syndical.

Un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence a indiqué qu'un travailleur licencié pour faute pourrait chercher à se venger de la direction de l'entreprise, ce qui serait susceptible de troubler le déroulement des activités syndicales ainsi que la paix sociale et la productivité. Dans son rapport, le gouvernement précise qu'il estime que les dispositions en question ne nécessitent pas de modification. La commission attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'une telle législation comporte toutefois le risque d'une ingérence de l'employeur par le biais d'un licenciement de membres d'un syndicat ou de dirigeants syndicaux pour exercice d'activités syndicales légitimes avec, pour conséquence (ou même pour intention), d'empêcher ces travailleurs d'exercer à nouveau la fonction de dirigeant syndical.

La commission maintient sa position selon laquelle l'article 7-A(1) b) de l'ORP et l'article 3 de la loi no 22 de 1990 sont contraires au droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier ces dispositions pour les mettre en conformité avec la convention. Dans le contexte de l'article 7-A(1) b), la commission rappelle au gouvernement qu'elle ne s'oppose pas à ce que des conditions d'appartenance soient exigées pour certains dirigeants syndicaux, à condition qu'une proportion raisonnable de dirigeants soient exemptés de telles conditions d'appartenance.

Contrôle externe

Dans ses précédents commentaires, la commission avait constaté que les pouvoirs conférés au greffier des syndicats par l'article 10 de la réglementation de 1977 sur les relations du travail l'habilitant à s'introduire dans des locaux syndicaux, examiner les documents, etc., n'étaient pas soumis à un contrôle judiciaire. Le gouvernement indique dans son rapport que les pouvoirs conférés au greffier des syndicats d'examiner les documents s'exercent afin d'assurer que les statuts des organisations sont respectés et afin de fournir une protection adéquate concernant les biens syndicaux. Le gouvernement indique que la législation prévoit qu'en vertu de l'article 10(2) de l'ORP le greffier doit obtenir l'autorisation du tribunal du travail avant d'entamer des procédures pénales contre des syndicats qui auraient violé la loi. Le gouvernement conclut en expliquant que "il est clair que les pouvoirs conférés au greffier sont soumis à un contrôle judiciaire". La commission regrette que, bien qu'elle ait précédemment prié le gouvernement d'indiquer les dispositions qui permettent ce contrôle judiciaire, le gouvernement s'est limité à citer l'article 10(2) de l'ORP qui prévoit que le greffier doit déposer une demande au tribunal du travail avant d'annuler l'enregistrement d'un syndicat. La commission note que la disposition à laquelle fait référence le gouvernement ne limite aucunement les pouvoirs du greffier de s'introduire dans les locaux syndicaux et d'examiner des documents et ne soumet pas les étapes de la vérification du greffier à un contrôle judiciaire. Notant une fois de plus qu'il ne semble pas qu'il y ait de limite aux pouvoirs du greffier en vertu de l'article 10 de s'introduire dans les locaux syndicaux et d'examiner les documents, etc., et que ces pouvoirs ne sont pas soumis à un contrôle judiciaire, la commission prie le gouvernement d'abroger cette disposition afin de la mettre en conformité avec la convention.

Exigences concernant l'enregistrement

La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle formule des commentaires sur des dispositions de l'ORP qui ne sont pas conformes à l'article 2 de la convention, à savoir qu'elles prévoient qu'aucun syndicat ne peut être enregistré à moins de réunir 30 pour cent au minimum de l'effectif total des travailleurs occupés dans l'établissement ou le groupe d'établissements considéré (art. 7(2) et 10(1)g)). De plus, la non-conformité de ces dispositions avec la convention a été soulevée par le Comité de la liberté syndicale (voir cas no 1862, 306e rapport, paragr. 102). La commission note également que le Comité de la liberté syndicale a soulevé d'autres problèmes tels que l'absence de toute disposition légale permettant l'enregistrement d'un syndicat à l'échelon national dont les travailleurs sont employés par plusieurs employeurs et l'existence d'un jugement refusant l'enregistrement à un syndicat comprenant des travailleurs de différents établissements appartenant à différents employeurs (voir 306e rapport, paragr. 103). La commission note à cet égard que le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix implique le libre choix des travailleurs de la structure syndicale et de l'affiliation aux syndicats.

Le gouvernement affirme de nouveau que les articles 7(2) et 10(1)g) sont en conformité avec la convention et indique que l'exigence "permet un contrôle sur la multiplicité des syndicats qui est sans aucun doute contre-productive pour les travailleurs". Toutefois, la commission note que, selon la déclaration d'un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence, le gouvernement est en train de considérer l'adoption de mesures concernant ces dispositions dans un proche avenir. La commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront adoptées dans un proche avenir afin que les dispositions relatives à l'enregistrement soient mises en conformité avec l'article 2 de la convention.

Zones franches d'exportation

La commission note que les amendements proposés par la Commission nationale sur la législation du travail (NLLC), auxquels le gouvernement a fait référence dans ses précédents rapports afin d'étendre les dispositions de l'ORP et d'autres instruments pertinents aux travailleurs des zones franches d'exportation, n'ont toujours pas été adoptés, mais en plus, il ressort du dernier rapport du gouvernement que cette question a été soumise de nouveau pour étude à la Commission de révision du Code du travail, qui est un organe différent. Le gouvernement indique également dans son rapport que les restrictions concernant la liberté syndicale dans les zones franches d'exportation sont des mesures temporaires justifiées par la situation nationale, le niveau de développement et les circonstances spécifiques au Bangladesh. La commission estime qu'un droit aussi fondamental que le droit d'association ne devrait pas être dénié aux travailleurs, même de façon temporaire, et que cela constitue une violation de l'article 2 de la convention. De plus, la commission estime que la loi sur les zones franches d'exportation, qui prévoit que l'ORP ne s'applique pas à ces zones, ne peut être considérée comme une mesure temporaire puisqu'elle a été adoptée en 1980. Compte tenu de la violation grave de ce droit fondamental, la commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires afin de garantir que les travailleurs des zones franches d'exportation puissent bénéficier de tous les droits contenus dans la convention.

Restrictions au droit de grève

Dans ses précédents commentaires, la commission avait rappelé les inquiétudes que lui inspirent, depuis un certain nombre d'années, plusieurs dispositions de l'ordonnance sur les relations professionnelles (ORP) limitant l'exercice du droit de grève et autres formes d'action revendicative d'une manière qui n'est pas conforme au principe de la liberté syndicale. Ces inquiétudes concernent en particulier: 1) la règle nécessitant l'accord des trois quarts des effectifs d'une organisation de travailleurs pour déclarer la grève (art. 28); 2) la possibilité d'interdire qu'une grève ne se prolonge au-delà de trente jours (art. 32(2)), et de l'interdire à tout moment si elle est jugée contraire à l'intérêt national (art. 32(4)) ou si elle concerne un "service d'utilité publique" (art. 33(1)); et 3) la nature des sanctions pouvant être prises -- qui incluent des peines d'emprisonnement -- en cas de participation à une action revendicative déclarée illégale (art. 57, 58 et 59). La commission note la déclaration faite par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence selon laquelle les dispositions mentionnées ci-dessus ont été examinées par la NLLC et que le rapport de cette dernière est toujours à l'étude par le gouvernement. La commission note avec intérêt la déclaration ultérieure du représentant gouvernemental selon laquelle le gouvernement accueillerait volontiers l'assistance technique du BIT concernant l'application de la convention.

La commission note les indications du gouvernement selon lesquelles les pouvoirs d'interdiction de la grève ne sont utilisés que dans les cas de crise nationale, conformément aux principes de la commission. La commission note que, bien que les restrictions au droit de grève ne peuvent être imposées qu'en cas de crise nationale, les dispositions législatives permettent l'imposition de telles restrictions dans des cas beaucoup plus larges; ces dispositions devraient donc être amendées afin de les mettre en conformité avec les exigences de la convention. La commission rappelle que, bien qu'elle considère que le droit de grève puisse faire l'objet de restrictions dans le cadre d'une situation de crise nationale aiguë, ces restrictions doivent se limiter aux véritables situations de crise, comme celles qui se développent en cas de conflit grave, d'insurrection ou de catastrophe naturelle et elles doivent être pour une durée limitée et seulement dans la mesure nécessaire pour faire face à la situation (voir étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 152). La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier la législation pour garantir que les restrictions au droit de grève n'interviennent que dans les cas précités.

La commission note avec regret qu'aucun progrès n'a été accompli par le gouvernement afin de mettre sa législation en plus grande conformité avec les exigences de la convention et que ce dernier continue de déclarer que sa législation est en conformité avec la convention et ce, malgré les commentaires répétés de la commission à ce sujet. En outre, selon des informations disponibles au BIT, il apparaît que les activités syndicales dans les secteurs bancaires du Bangladesh auraient été interdites depuis janvier 1998. De plus, de nombreuses demandes d'enregistrement par des syndicats des secteurs du textile, de la métallurgie et de l'industrie du vêtement auraient été refusées pour des motifs injustifiés. A cet égard, la commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations concernant ces graves allégations.

La commission prie le gouvernement de modifier sa législation en tenant compte des commentaires qu'elle a formulés ci-dessus et demande au gouvernement de la tenir informée de tout progrès à cet égard. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement, après avoir déclaré qu'il accueillerait volontiers l'assistance technique du BIT concernant l'application de la convention, acceptera en fait cette assistance dans un proche avenir.

La commission adresse en outre une demande directe au gouvernement.

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