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Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Australie (Ratification: 1932)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Australie (Ratification: 2022)

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La commission a noté les informations complètes et détaillées communiquées par le gouvernement dans ses rapports reçus en novembre 1999 et en septembre et novembre 2000, dans ses déclarations à la Commission de la Conférence sur l’application des normes en 1999 et en 2001 et dans une lettre en date du 27 juin 2001, ainsi que la discussion sur le respect de la convention en Australie qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1999.

Article 25 de la convention. La commission note avec intérêt dans les rapports du gouvernement que la loi fédérale portant modification du Code pénal (esclavage et servitude sexuelle) de 1999 (la loi sur l’esclavage), qui est entrée en vigueur le 21 septembre 1999, traite du commerce international, croissant et lucratif, de personnes aux fins d’exploitation sexuelle et contient de nouvelles dispositions relatives à l’esclavage, à la servitude sexuelle et au recrutement par des moyens mensongers; pour ces délits, un individu est passible d’une peine de prison de longue durée et une personne morale d’une amende de 9,9 millions de dollars australiens au maximum. Le gouvernement ajoute qu’il coopère avec les pays pertinents sur la manière de faire respecter la nouvelle législation pour ce qui concerne les activités transfrontières.

La commission attend avec intérêt que le gouvernement communique les informations sur l’application pratique de la nouvelle loi fédérale et sur l’adoption de la législation complémentaire prévue aux niveaux des Etats et des territoires, ainsi que sur les autres aspects de droit et de pratique concernant la traite de personnes, que la commission a évoqués dans son observation générale au titre de la convention, publiée en 2001.

Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphes 1 et 2 c). Dans sa précédente observation concernant la privatisation des établissements pénitentiaires et du travail pénitentiaire en Australie, la commission a rappelé que le travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si les deux conditions suivantes sont remplies: le travail ou service doit être exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et la personne ne doit pas être concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. La commission a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer que tous les prisonniers travaillant pour le compte d’entreprises privées proposent leurs services de leur propre initiative, sans faire l’objet d’aucune pression ou menace de sanction et, compte tenu de leur condition de main-d’oeuvre captive, sous réserve de garanties quant aux salaires et autres conditions d’emploi proches de celles d’une condition de travail en liberté.

La commission note que, dans sa lettre en date du 27 juin 2001, le gouvernement a retiré l’affirmation qu’il avait faite au cours du débat général à la Commission de la Conférence en 2001 et qui est reflétée au paragraphe 99 du rapport général de la commission, selon laquelle la Conférence internationale du Travail de 1930 avait accepté, plutôt que rejeté, la proposition tendant à ce que les entrepreneurs privés qui étaient payés par le gouvernement pour exécuter des services publics soient traités sur le même pied que les institutions publiques et ne puissent faire l’objet d’allégations de travail forcé. Néanmoins, de l’avis du gouvernement, cela ne retranche rien à ce qui subsiste dans sa déclaration devant la Commission de la Conférence et à sa position finale selon laquelle la gestion privée d’établissements pénitentiaires n’était pas envisagée par la Conférence de 1930. A cet égard, la commission renvoie aux explications fournies cette année dans son observation générale au titre de la convention.

Il ressort du rapport du gouvernement que la situation nationale n’a guère évolué en droit et en pratique au cours de ces dernières années en ce qui concerne le travail des détenus pour le compte d’entreprises privées. D’après le rapport du gouvernement reçu en novembre 2000, l’administrateur d’une prison privée (dans le Victoria) «n’est rien de plus qu’un agent du commissaire (aux services d’exécution des peines) chargé d’organiser les travaux pour aider à la réinsertion des détenus». Entre-temps, le «Code de pratique pour le développement d’entreprises d’exécution des peines», adopté en juillet 1997 par une résolution des ministres des services d’exécution des peines des Etats et des territoires, traite essentiellement de l’accès au marché et de l’impact sur l’industrie, mais ne comporte aucune référence aux droits, salaires ou conditions de travail des détenus.

En juin 2000, il n’existait pas de prisons administrées par des groupes privés dans la juridiction fédérale et celles de Tasmanie, du Territoire du Nord et du Territoire de la Capitale australienne, alors qu’il existait des prisons privées dans le Victoria, la Nouvelle-Galles du Sud, le Queensland et l’Australie-Méridionale.

En Australie-Occidentale, la première prison en gestion privée de cet Etat devait être achevée en septembre 2000 et administrée sous contrat par la Corrections Corporation of Australia (CCA), un fournisseur privé de services pénitentiaires, mais toujours sous le contrôle du ministère de la Justice. D’après le gouvernement, la création d’un établissement pénitentiaire privé n’introduirait aucune forme de travail forcé au sens de la convention.

Pour l’Etat du Victoria, le gouvernement a signalé en novembre 2000 que les détenus étaient tenus de travailler dès lors qu’ils avaient été reconnus coupables et condamnés et qu’ils avaient moins de 65 ans, qu’ils soient détenus dans une prison du secteur public ou du secteur privé. Si un détenu refusait de se conformer à une consigne de travail, l’administrateur de la prison était autoriséà lui infliger une sanction, par exemple une amende, et le détenu était susceptible de repasser à un régime de surveillance plus stricte dans une autre unité pénitentiaire.

Le premier contrat portant sur une prison en propriété et gestion privée dans le Victoria a été accordéà la CCA pour le Metropolitan women’s correctional centre (MWCC) dans le Deer Park près de Melbourne, dont l’entrée en service officielle est survenue en août 1996. Le gouvernement du Victoria est intervenu pour prendre le contrôle du MWCC en octobre 2000 après que la CCA ait manqué de résoudre un certain nombre de problèmes liés aux activités dans l’établissement, et le 2 novembre 2000 le gouvernement a annoncé qu’un accord avait été passé avec la CCA pour le transfert du MWCC en propriété et gestion publiques.

Les deux autres prisons du secteur privé dans l’Etat du Victoriaétaient le Fulham Correctional Centre du Victoria oriental, administré par l’Australasian Correctional Management pty. Ltd. (ACM) et la prison de Port Phillip près de Melbourne, une prison de sécurité maximale administrée par les services d’exécution des mesures pénales du groupe 4, ces deux établissements ayant été inaugurés en 1997. En 1998, le taux de rémunération dans les prisons privées avait été signalé comme étant de 6,5 ou 7,5 dollars australiens par jour, alors que le taux journalier minimum est de près de 75 dollars australiens pour les travailleurs employés en liberté. En 2000, le gouvernement a signalé des taux salariaux journaliers appliqués depuis avril 1998, compris entre 5,5 et 8,25 dollars australiens (en fonction du degré de responsabilité, de la complexité et des exigences de la tâche à accomplir, des compétences requises et/ou des heures de travail) pour les détenus employés dans les établissements en gestion des secteurs tant public que privé. Les détenus n’ont pas droit à la plupart des prestations de sécurité sociale, à l’exception des allocations familiales, et les enfants conservent le droit aux prestations de soins de santé.

En outre, en ce qui concerne les détenus obligés de travailler dans des ateliers en gestion privée, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons d’Etat du Victoria, le gouvernement a indiqué que le secrétaire au Département de la justice peut, pour le compte et au nom de la Couronne, passer un accord avec toute personne susceptible, par ses fonctions, d’assurer la gestion d’entreprises pénitentiaires et des chantiers du secteur pénitentiaire; aucune information sur la pratique actuelle n’a été communiquée.

Dans la Nouvelle-Galles du Sud, le seul établissement en gestion privée est le Junee Correctional Centre, administré par ACM. «Tous les détenus sont censés participer de manière positive à toutes les activités du programme, y compris au programme de travail correctionnel, dans le cadre de leur réinsertion, et ils le font généralement sur la base d’une gamme de privilèges et de sanctions.» Aucune information sur les niveaux de salaires actuels ni sur les prestations de sécurité sociale ou autres conditions d’emploi n’a été fournie, sauf que les programmes sont censés se conformer au principe et à l’esprit de toutes les normes de sécurité et de santé au travail.

En Australie-Méridionale, les prisonniers condamnés sont tenus de travailler selon ce que décide l’administrateur, en vertu de la loi de 1982 sur les services d’exécution des mesures pénales. Cette loi couvre les détenus des prisons administrées par des opérateurs privés. Le contrat de gestion d’une prison privée pour la prison Mont Gambier exige que des services soient fournis pour aider les prisonniers à acquérir les moyens et compétences nécessaires pour trouver leur place sur le marché du travail après leur libération. Ce même contrat prévoit de manière détaillée une comptabilité séparée de tous les fonds accumulés grâce aux activités de travail et la distribution de tous les bénéfices entre les projets d’aménagement et de bien-être au profit des détenus à la prison; les projets communautaires et oeuvres de bienfaisance à l’échelle locale; les oeuvres caritatives de soutien aux victimes; le Département des services d’exécution des mesures pénales pour ce qui concerne les frais de pension et de logement des détenus, le solde étant conservé par le gérant «comme incitation à offrir de plus en plus de possibilités intéressantes et à générer des revenus valables». Aucune indication n’est fournie au sujet du niveau des paiements versés aux prisonniers pour le travail accompli. Les prisonniers «reçoivent une allocation plutôt qu’un salaire», laquelle «peut varier en fonction du niveau de compétence et d’aptitude et en fonction du comportement général du prisonnier» et «vise à encourager la réinsertion plutôt que la dimension commerciale de la politique du travail». Tous les prisonniers ont droit à une prestation de base; ceux qui reçoivent uniquement cette prestation de base sont ceux qui ont refusé tout net de travailler, un tel refus étant contraire à la loi sur les services d’exécution des mesures pénales. Les prisonniers sont tenus de travailler environ six heures par jour; aucune information n’a été communiquée concernant d’autres conditions de travail ou quelque couverture de sécurité sociale.

Le Queensland compte deux centres d’exécution des peines en exploitation privée, le Centre Arthur Gorrie et le Centre Borallon, qui fonctionnent sous mandat du Département des services d’exécution des mesures pénales. Alors que le gouvernement déclare qu’il n’existe pas de mesure dissuasive ou sanction pour forcer les prisonniers à travailler, le «refus de travailler est considéré comme le refus de participer pleinement au processus de réinsertion autogéré», et «l’attitude au travail fait partie du processus d’administration de la peine». Les niveaux de rémunération sont compris entre 2,04 et 3,99 dollars australiens par jour pour des postes non qualifiés à qualifiés, avec une prime d’encouragement allant jusqu’à 100 pour cent du taux de base et un plafond global de 55,86 dollars australiens par semaine. En moyenne, les détenus travaillent six heures par jour, cinq jours par semaine. Tous les coûts afférents au logement, à la nourriture, à la santé, aux soins dentaires et à la fourniture de toute une série de possibilités d’épanouissement et d’éducation sont pris en charge par l’Etat. Il n’est versé aux détenus aucune prestation de sécurité sociale. Sous réserve de contraintes physiques imposées par mesure de sécurité, tous les centres d’exécution des peines sont tenus d’observer les dispositions légales de sécurité et de santé au travail. La réparation des accidents du travail ne s’applique pas aux détenus, mais une «prestation de confort» pour l’achat d’articles essentiels tels que le dentifrice et le savon est versée aux détenus qui sont dans l’incapacité de travailler.

La commission a pris bonne note de ces indications. Se référant à nouveau aux explications figurant dans son observation générale de cette année au titre de la convention, la commission espère que le gouvernement réalisera que la privatisation du travail pénitentiaire transgresse les conditions spécifiques prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention pour l’exemption du travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de la convention. Pour être compatible avec la convention, le travail en milieu pénitentiaire privatisé exige donc le libre consentement des travailleurs concernés; dans le cas d’une main-d’oeuvre captive n’ayant pas d’autre accès au libre marché du travail, le «libre» consentement à une forme d’emploi se présentant de prime abord comme contraire à la lettre de la convention doit être corroboré par des conditions d’emploi non tributaires de la situation captive, donc proches de celles d’une relation de travail libre.

Aucune de ces conditions ne semble être réunie à ce jour en Australie, où le travail des détenus pour des entreprises privées (de même que pour des établissements publics) est obligatoire, comme dans le Victoria ou, en tout cas, un critère «dans le processus d’administration de la peine» comme dans le Queensland, et où les taux salariaux des détenus pour ce travail sont disproportionnés par rapport aux taux fixés par sentence arbitrale, même en tenant compte des déductions éventuelles pour le gîte et le couvert, et les prisonniers qui travaillent sont privés des prestations de sécurité sociale et des indemnités en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour assurer le respect de la convention et que le gouvernement sera bientôt en mesure de faire état de mesures prises à cet effet.

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