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Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

Convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949 - Fédération de Russie (Ratification: 1961)

Autre commentaire sur C095

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La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans ses rapports ainsi que des documents joints. La commission note en particulier que le gouvernement n’a toujours pas répondu de façon précise à plusieurs observations formulées par des organisations de travailleurs, dont la commission avait déjà pris note dans ses précédentes observations.

Situation actuelle concernant les arriérés de salaire et retards de paiement

Selon les derniers chiffres communiqués par le gouvernement, le montant total des arriérés de salaire s’élevait à 43 741 millions de roubles au 1er janvier 2000, soit un recul de 33 pour cent par rapport à la même date au cours de l’année précédente. Au 1er avril 2000, le montant total des arriérés de salaire s’élevait à 39 879 millions de roubles et avait donc diminué de 3 686 millions de roubles, soit 8,5 pour cent, depuis le 1er mars 2000. Pendant le mois d’avril 2000, des arriérés de salaire ont encore diminué de 3 pour cent pour s’établir à 38 674 millions de roubles. Le gouvernement indique que la situation s’est améliorée dans 85 territoires constituants. Dans les organisations du secteur social, en particulier, les arriérés de salaire dus à une insuffisance de fonds provenant du budget fédéral ont été réduits, dans 31 régions, et ceux qui sont dus à une insuffisance des fonds provenant des budgets régionaux, dans 80 régions. Dans le secteur scientifique, 80 pour cent du volume total des arriérés dus à une insuffisance de fonds provenant du budget fédéral se répartissent entre les établissements de Moscou, Moskovkaya Oblast, Saint-Pétersbourg, Sverdlovsk Oblast, Voronezh Oblast, Penza Oblast et Krasnoyarsk Krai. Il ressort en outre de l’information fournie par le gouvernement que des arriérés de salaire subsistent dans certains secteurs, en particulier l’industrie (16 107 millions), l’agriculture (7 742 millions), le bâtiment et les travaux publics (5 133 millions), le service public (2 795 millions) et les transports (2 304 millions). La commission prie le gouvernement, en premier lieu, de tout mettre en oeuvre pour redresser la situation dans les organisations de l’Etat, qu’elles soient financées par le budget fédéral ou par les budgets régionaux. Elle le prie en outre de continuer à suivre de près l’évolution de la situation en ce qui concerne le règlement des arriérés de salaire et de faire rapport régulier sur tous développements futurs à cet égard.

Renforcement de l’Inspection fédérale du travail

La commission note que l’Inspection fédérale du travail, les bureaux du Procureur, la police des impôts, l’inspection des impôts ainsi que les services financiers et sociaux ont continuéà coordonner le contrôle des retards de paiement des salaires et la manière dont sont utilisés les crédits budgétaires alloués à cet effet. La commission note qu’en vertu du décret gouvernemental no 1035 du 9 septembre 1999, les divers services du ministère du Travail et de l’Inspection fédérale du travail (y compris les organes territoriaux) ont été réunis et qu’un nouveau département chargé de la supervision et du contrôle de l’application de la législation relative au travail, à la santé et à la sécurité a été créé au sein du ministère du Travail et du Développement social.

Le gouvernement indique que, en 1999, 49 000 entreprises de tout le pays ont été inspectées, ce qui a donné lieu à la délivrance de 32 000 amendes et au paiement d’arriérés de salaire représentant un montant total de 10,5 milliards de roubles. L’Inspection fédérale du travail a verbalisé plus de 6 000 chefs d’entreprise et autres responsables, pour un montant total de 3,7 millions de roubles, et des mesures disciplinaires ont été prises contre 514 dirigeants et autres responsables. Du 1er janvier au 15 avril 2000, les services de l’inspection du travail ont procédéà plus de 10 000 inspections qui ont donné lieu à 6 600 mandats et au remboursement d’arriérés de salaire s’élevant à plus de 1 milliard de roubles; 1 888 chefs d’entreprise et autres responsables ont été verbalisés pour un montant total de 1,08 million de roubles.

La commission est cependant préoccupée par l’affirmation du gouvernement selon laquelle, si les mesures prises par l’inspection du travail ont certes contribuéà rétablir la protection des droits de travailleurs, la violation généralisée de ces droits continue d’être l’une des principales causes des problèmes économiques et sociaux actuels du pays. Le gouvernement affirme en outre que le paiement des salaires est toujours en retard dans la plupart des régions et que le détournement des ressources budgétaires est devenu une pratique courante. Dans bien des cas, les directeurs d’usine, censés rembourser un important volume d’arriérés de salaire et de prestations sociales, préfèrent utiliser l’argent pour accorder des prêts, acquitter les factures de combustible ou les frais de services et de mission.

La commission prend note en particulier de la description détaillée que fait le gouvernement dans son rapport de certains cas de détournement des fonds destinés à payer les salaires des travailleurs, relevés par l’inspection du travail. Dans l’un des cas les plus frappants, l’inspection a découvert que dans une entreprise où les salaires non acquittés de 3 000 travailleurs représentaient 9,1 millions de roubles, y compris les arriérés de 138 travailleurs licenciés qui représentaient 620 000 roubles, la direction a utilisé les fonds disponibles à d’autres fins telles que la réparation de l’appartement du chef de la sécurité, l’achat de meubles, la remise en état de bâtiments administratifs, la construction d’une maison de campagne et le financement d’une équipe de football.

La commission note en outre l’information fournie par le gouvernement sur les résultats d’inspections conduites dans l’industrie du charbon et les établissements d’enseignement. A propos d’inspections sélectives menées dans toutes les régions minières du pays pour vérifier la mise en application de la législation sur la protection du salaire, le gouvernement indique que, dans l’ensemble, aucun cas de détournement n’a été observé, mais que les arriérés de salaire ont augmenté dans certaines entreprises. La commission note cependant que, dans un cas au moins, l’administration d’une compagnie minière a cherchéà réduire le montant des arriérés de salaire en délivrant des billets à ordre pour un montant de 750 000 roubles. La commission souligne que ce genre de pratique contrevient manifestement à la disposition de l’article 3, paragraphe 1, de la convention qui interdit le paiement des salaires sous forme de bons, de coupons ou sous toutes autres formes censées représenter la monnaie ayant cours légal. La commission espère que le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour renforcer les inspections du travail dans ce domaine et prendra, au besoin, les mesures nécessaires pour mettre fin à de telles pratiques (voir également ci-dessous «Autres dispositions de la convention»).

S’agissant des établissements d’enseignement, le gouvernement indique que de nombreuses inspections ont révélé que, d’une manière générale, les crédits affectés au paiement des salaires ont été utilisés à bon escient. Les arriérés de salaire du personnel de l’enseignement ont été réduits de 47 pour cent en 1999 et de 30,6 pour cent de janvier à avril 2000. Au 1er mai 2000, le montant des salaires dus au personnel de l’enseignement se montait à 628 millions de roubles.

Législation et décisions des tribunaux

La commission prend note des récents changements apportés à la législation, notamment l’adoption de la loi no 48-FZ du 15 mars 1999 introduisant dans le Code pénal un nouvel article 145-1, l’adoption du décret gouvernemental no 1035 du 9 septembre 1999 relatif à la supervision et au contrôle par l’Etat du respect de la législation nationale relative au travail, à la sécurité et à la santé ainsi qu’à l’examen en cours du projet de loi fédéral portant modification et complément au Code du travail et du projet de loi fédéral destinéà compléter l’article 855 du Code civil sur le règlement des demandes sur les salaires en tant que créances privilégiées. Elle note également que, lors de sa session du 29 juin 1999, le gouvernement a adopté un calendrier pour le paiement des arriérés de salaire dans toutes les régions et décidé d’en contrôler l’application.

En ce qui concerne le règlement judiciaire des demandes sur les salaires, le gouvernement indique que, selon les données disponibles, le nombre d’affaires dont sont saisis les tribunaux civils à propos du remboursement des créances sur salaire augmente. En 1996, 20,7 pour cent de toutes les affaires portées devant les tribunaux russes concernaient le paiement des arriérés de salaire. Le chiffre correspondant pour 1997 était de 31,9 pour cent et en 1998 de 27,5 pour cent. En 1999, 765 520 décisions de justice ont été rendues à propos de plaintes relatives à la rémunération du travail.

La commission prend note de cette information mais souligne la nécessité d’appliquer strictement des sanctions efficaces pour punir et prévenir les infractions à la législation sur la protection du salaire. A ce propos, elle constate avec surprise que, depuis l’adoption de la loi no 48-FZ du 15 mars 1999, aux termes de laquelle un nouvel article 145-1 a été inséré dans le Code pénal à propos de la responsabilité en matière de défaut de paiement des salaires, aucune décision de justice n’a été prise en vertu de cette nouvelle disposition. Rappelant, comme le gouvernement le mentionne dans son rapport, que les inspections continuent de mettre à jour des violations généralisées et des cas de corruption et de détournement des fonds destinés à payer les salaires, la commission enjoint au gouvernement de poursuivre ses efforts intensifs pour garantir l’application des sanctions et la réparation des préjudices subis.

Tout en prenant note des différentes mesures et améliorations décrites dans les rapports du gouvernement, la commission souhaiterait de nouveau souligner que le problème des arriérés de salaire continue de mettre en échec toute solution immédiate. La commission ne peut qu’insister une fois de plus sur la nécessité de s’attaquer, par une action continue et concertée et avec une détermination sans faille, aux trois principaux aspects du problème, à savoir l’évaluation effective de la situation, l’application de sanctions dissuasives et le dédommagement correct des travailleurs pour les pertes qu’ils ont subies. La commission exhorte donc le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le règlement rapide des arriérés de salaire subsistants et à fournir des informations actualisées sur les résultats des inspections, le nombre et la nature des infractions observées, les sanctions administratives et pénales imposées ainsi que sur toutes décisions de justice pertinentes et les montants des arriérés de salaire effectivement acquittés à la suite de décisions de justice.

Autres dispositions de la convention

La commission prend note de l’information fournie par le gouvernement sur la législation en vigueur permettant d’appliquer les dispositions de la convention ainsi que sur le projet de Code du travail, approuvé par la Douma le 27 octobre 1999. Elle note en particulier que, eu égard aux articles 3 et 4 de la convention, le gouvernement et les organes législatifs envisagent la possibilité d’inclure de nouvelles dispositions dans le projet de Code du travail afin d’aligner davantage la législation nationale sur les exigences de la convention, par exemple, en interdisant expressément le paiement des salaires sous la forme de billets à ordre, de bons ou de coupons et en interdisant également le paiement des salaires sous la forme de boissons alcoolisées, de stupéfiants ou d’autres substances toxiques ou dangereuses, d’armes ou d’autres articles de ce type, et en fixant des conditions précises pour garantir que les prestations en nature servent les intérêts du travailleur et de sa famille et soient correctement évaluées. La commission espère que les propositions ci-dessus seront considérées favorablement et que les articles 128 (garanties de l’Etat pour la rétribution du travail) et 129 (modes de rémunération des travailleurs) du projet de révision du Code du travail seront révisés en conséquence.

En outre, la commission note que le gouvernement a également l’intention d’ajouter au Code du travail un article réglementant le fonctionnement des économats conformément à l’article 7 de la convention, bien qu’à ce jour très peu d’entreprises soient dotées de magasins et de services de ce type et qu’aucune plainte individuelle ou collective ne semble avoir été déposée à ce propos. En ce qui concerne le traitement préférentiel des demandes sur les créances salariales des travailleurs en cas de faillite ou de liquidation judiciaire d’une entreprise (article 11), la commission note qu’en vertu de l’article 855 du Code civil les demandes sur les salaires sont classées au deuxième rang des créances privilégiées, sans aucune restriction concernant les périodes ou les montants en jeu, et que cette priorité devrait être réaffirmée dans le projet de révision du Code du travail à l’étude. Elle prend également note du projet de loi destinéà compléter l’article 855 du Code civil, approuvé par la Douma le 16 juin 1999, en vertu duquel, lorsque des fonds sont versés sur un compte pour le paiement des salaires de personnes au bénéfice d’un contrat de travail, tout paiement fait à partir de ce compte doit être effectué indépendamment de l’ordre de prioritéétabli par la loi. Enfin, en ce qui concerne les paiements des salaires à intervalles réguliers (article 12, paragraphe 1), la commission prend note du nouvel article 234 du projet de Code du travail aux termes duquel, en cas de non-respect des conditions régissant le paiement des salaires, l’employeur est tenu de payer ces salaires avec des intérêts qui ne peuvent être inférieurs à 1/300 du taux en vigueur de la banque centrale pour chaque jour de retard, à partir du premier jour suivant l’expiration de la période réglementaire prévue pour le paiement des salaires en question jusqu’au jour du paiement effectif. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la finalisation du nouveau Code du travail et de lui transmettre copie de la nouvelle législation une fois celle-ci adoptée.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2002.]

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