ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - France (Ratification: 1981)

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

1. Dans son observation et sa demande directe de 2002, la commission avait noté les nombreuses initiatives prises par le gouvernement pour combattre la discrimination et promouvoir l’égalité de chances et de traitement, sur la base des différents critères visés par la convention. En particulier, elle avait pris note avec intérêt de la loi no 2001-1006 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, qui a modifié le Code pénal et le Code du travail en élargissant les critères de discrimination et les domaines dans lesquels celle-ci est prohibée, en introduisant dans le droit français la notion de discrimination indirecte, en aménageant la charge de la preuve en faveur des salariés victimes de discrimination et en permettant la saisine des syndicats et associations. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les suites données en pratique à ces mesures et sur toute étude évaluant leur impact et les difficultés éventuellement rencontrées.

2. La commission note avec intérêt qu’il a été décidé de donner suite à la recommandation faite par le Haut Conseil à l’intégration en 1998 et reprise en 2003 par la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République (voir paragr. 11 et 12 ci-dessous), tendant à créer une haute autorité indépendante de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. L’autorité aurait compétence pour l’ensemble des discriminations et serait dotée de pouvoirs suffisamment forts pour être en mesure de modifier les pratiques et de faire évoluer les comportements. Elle exercerait un triple rôle de traitement des réclamations et de soutien aux victimes de discriminations; d’information et de préconisation, et d’approfondissement et de diffusion des connaissances. Notant que l’autorité en question devrait être établie au début de 2005, la commission espère que le prochain rapport contiendra des informations sur le travail accompli par cette autorité dans le domaine de l’emploi et sur les résultats obtenus.

Discrimination fondée sur la race et l’ascendance nationale

3. Dans sa précédente observation, la commission avait relevé que les mesures prises jusqu’ici ne semblaient pas être parvenues àéliminer ou réduire les discriminations dans l’emploi fondées sur la race et l’ascendance nationale, et elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur toute étude ou évaluation qui aurait été faite pour déterminer l’étendue et la nature de ces discriminations, ainsi que sur toute nouvelle mesure prise pour faciliter l’intégration des personnes affectées. La commission note, d’après les rapports des diverses instances qui ont réfléchi sur ce sujet depuis 1998, y compris celui de la mission chargée de conseiller le gouvernement sur la création de la nouvelle autorité de lutte contre les discriminations, que le bilan du dispositif de lutte contre les discriminations est «mitigé». S’il existe une abondance de textes législatifs et un foisonnement de structures administratives ou consultatives, et si l’on a maintenant une meilleure connaissance des problèmes existants, les résultats pratiques sont décevants: les discriminations perdurent et s’aggravent même; les actes de discrimination demeurent rarement réprimés et les victimes, principalement des personnes issues de l’immigration extraeuropéenne, éprouvent toujours les plus grandes difficultés à faire valoir leurs droits. Ainsi, alors que le nombre des plaintes pour discrimination a beaucoup augmenté ces dernières années, à la suite notamment de l’ouverture d’une ligne téléphonique gratuite pour les victimes, celles-ci ont été le plus souvent classées sans suite par les parquets, faute de preuve, et le nombre de condamnations demeure peu élevé (29 en 2002).

4. La commission espère que la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité permettra d’obtenir rapidement des résultats concrets dans l’élimination des discriminations, notamment en matière d’emploi. Elle espère en particulier que la future autorité pourra agir efficacement pour aider les victimes de discrimination en matière d’emploi à faire valoir leurs droits et que le prochain rapport contiendra des informations sur ses activités en ce domaine. Elle espère aussi que les mesures de sensibilisation et de formation nécessaires seront prises, en particulier auprès des tribunaux, des employeurs et des syndicats et associations, pour mieux faire connaître, respecter et sanctionner les dispositions légales interdisant la discrimination en matière d’emploi, notamment sur la base de la race ou de l’ascendance nationale. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur l’application pratique des dispositions nouvelles de la loi no 2001-1006 relatives au fardeau de la preuve dans les cas de discrimination.

5. S’agissant des discriminations et des inégalités qui existent dans la pratique, la commission note qu’elles sont maintenant largement reconnues et documentées. D’après le rapport présenté par le gouvernement en mai 2004 sur l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (document CERD/C/430/Add.4), les enfants ou petits-enfants de ceux qui étaient arrivés en France après la seconde guerre mondiale éprouvent les plus grandes difficultés à accéder au marché du travail, alors qu’ils ont passé leur jeunesse en France, qu’ils ont en général acquis la nationalité française, qu’ils ont suivi les cursus éducatifs français et que leur niveau de formation est le plus souvent bien supérieur à celui de leurs parents. Les difficultés les plus graves sont rencontrées au stade de l’embauche, où les candidats portant un nom maghrébin ou africain ont des chances minimes de se voir retenus pour un entretien d’embauche. Le taux de chômage des jeunes diplômés issus de l’immigration serait de quatre à cinq fois plus élevé que celui des autres diplômés. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures qu’il a prises ou qu’il envisage de prendre, en concertation avec les organisations d’employeurs et les syndicats, pour faire cesser ces pratiques discriminatoires à l’embauche et pour promouvoir l’accès de ces jeunes à l’emploi et à la formation.

6. A cet égard, la commission a noté avec intérêt qu’une quarantaine de grandes entreprises ont signé en octobre 2004 une Charte de la diversité, dans laquelle elles s’engagent à mettre en œuvre une politique de non-discrimination et de recherche de la diversitéà toutes les étapes de la gestion des ressources humaines - embauche, formation, avancement et promotion professionnelle -, à sensibiliser leurs dirigeants et leur personnel sur cet engagement, à faire de cette politique un objet de dialogue avec les représentants du personnel et à faire rapport chaque année sur les mesures prises et sur leurs résultats. La commission espère que le prochain rapport contiendra des informations sur les résultats obtenus par cette initiative et sur toute mesure prise pour faire connaître et pour encourager des initiatives similaires visant à changer les pratiques de gestion des ressources humaines des entreprises dans le sens d’une plus grande égalité des chances. La commission souligne qu’il importe que les travailleurs de l’entreprise et leurs représentants soient associés à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation de ces nouvelles pratiques et elle souhaiterait recevoir des informations à ce sujet.

Egalité entre hommes et femmes

7. La commission rappelle que malgré les progrès considérables réalisés au cours des vingt dernières années en ce qui concerne la place de la femme dans le monde du travail, d’importantes inégalités demeurent. D’après un rapport d’un groupe du travail du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle fourni par le gouvernement avec son dernier rapport, les femmes représentent maintenant près de la moitié de la population active, et elles occupent des emplois plus qualifiés. Toutefois, elles restent concentrées dans un nombre restreint de métiers dans le secteur tertiaire. Elles sont moins nombreuses que les hommes à bénéficier de la formation continue. Elles gagnent en moyenne 25 pour cent de moins que les hommes et elles sont plus souvent au chômage et en statut précaire.

8. La commission note, d’après les informations fournies en réponse à ses commentaires précédents, que le gouvernement entend adopter une politique nouvelle en faveur de l’égalité professionnelle et salariale entre hommes et femmes et qu’une concertation s’est engagée avec les partenaires sociaux pour définir des actions cohérentes, pragmatiques et volontaristes en faveur de l’égalité professionnelle. Elle prend note de l’adoption le 8 mars 2004 d’une Charte de l’égalité des hommes et des femmes qui prévoit une série d’actions et d’engagements à réaliser sur trois ans, autour de cinq axes de progrès, dont l’égalité professionnelle et l’articulation des temps de vie pour arriver à un nouvel équilibre des rôles sociaux entre hommes et femmes. La commission espère que le prochain rapport contiendra des informations sur les mesures spécifiques prévues dans cette charte dans ces deux domaines, et sur les résultats pratiques obtenus dans la réduction des inégalités dans l’emploi.

9. La commission relève que de nombreuses études et enquêtes attribuent la persistance de l’écart salarial entre hommes et femmes à la moindre valorisation des compétences féminines dans les grilles salariales des conventions collectives ainsi qu’aux inégalités dans le déroulement des carrières, l’écart se creusant en cours de carrière sous l’effet de système de promotions et de primes plus favorables aux hommes. La commission a noté que le groupe de travail du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle sur la place des femmes dans le dialogue social a reconnu que la participation des femmes au processus de négociation exerce un impact certain sur le contenu des accords, en particulier dans le domaine du temps de travail, de l’égalité professionnelle et de l’articulation de la vie familiale et professionnelle, et qu’une meilleure représentation des femmes dans la négociation pourrait entraîner une adaptation des classifications susceptibles de réduire les écarts salariaux et de favoriser l’accès des femmes à la formation professionnelle. La commission espère que le prochain rapport indiquera les mesures prises ou envisagées par le gouvernement et les partenaires sociaux pour assurer une participation accrue des femmes dans le dialogue social, et en particulier leur représentation dans les instances de négociation ainsi que dans les postes à responsabilités des instances patronales et syndicales.

10. La commission note que les réflexions et travaux en cours pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes accordent une grande place à la question de «l’articulation des temps de vie» ou à«l’articulation de la vie familiale et professionnelle». Elle note que le gouvernement a ratifié la convention no 156 et le prie, dans son prochain rapport, d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour combattre les stéréotypes qui peuvent encore exister concernant la place de la femme au travail.

Discrimination fondée sur la religion

11. La commission a noté que la loi no 65 du 17 mars 2004 et sa circulaire d’application du 18 mai 2004 interdisent le port dans les écoles, collèges et lycées publics de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, sous peine de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’exclusion. D’après l’exposé des principes de la circulaire, la loi a été prise pour assurer l’application du principe constitutionnel de la laïcité, qui repose sur le respect de la liberté de conscience et sur la neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions. Elle vise à permettre à l’école d’accomplir sa mission, qui est de transmettre les valeurs de la République, parmi lesquelles l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité entre les hommes et les femmes et la liberté de chacun, y compris dans son mode de vie, et d’apprendre aux élèves à vivre ensemble, dans le respect de leur diversité. En protégeant les élèves des pressions qui peuvent résulter des manifestations ostensibles des appartenances religieuses, la loi garantit la liberté de conscience de chacun.

12. La commission note que la loi a été adoptée aux termes d’un large débat national, à la demande des chefs d’établissement scolaires soucieux de préserver la neutralité et la sérénité de leurs établissements, que la sanction d’exclusion n’est prononcée qu’à l’issue d’un processus approfondi de dialogue avec l’élève et ses parents, et que la loi fera l’objet d’une évaluation un an après son entrée en vigueur. Tout en appréciant les motivations de la loi, la commission craint toutefois que celle-ci n’ait pour résultat pratique d’écarter certains enfants, en particulier des filles, des écoles publiques pour des raisons liées à leurs convictions religieuses, diminuant ainsi leur capacitéà accéder à l’emploi, contrairement à la convention. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur l’évaluation qui sera faite de l’application de la loi. La commission prie en particulier d’indiquer le nombre des élèves qui auront été exclus des établissements scolaires publics et les mesures qui ont été prises pour faire en sorte que ces élèves bénéficient néanmoins de possibilités adéquates d’éducation et de formation.

En outre, la commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer