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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Inde (Ratification: 1960)

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Discrimination fondée sur l’origine sociale

1. Dans son observation de 2002, la commission se référait à une communication de la CISL datée du 2 septembre 2002 et à la réponse du gouvernement, reçue pendant la session de la commission, le 3 décembre 2002. La commission relève qu’une autre réponse a été reçue le 19 décembre 2002.

2. La communication de la CISL concerne les éboueurs chargés d’enlever les excréments humains et animaux des latrines privées et publiques et des égouts à ciel ouvert. Cette tâche est presque exclusivement accomplie par les Dalits (intouchables): d’après des statistiques gouvernementales, on estime qu’en Inde environ un million de Dalits effectuent ces travaux. Les femmes nettoient chaque jour les latrines publiques, elles enlèvent les excréments avec des balais et de petites plaques de métal et les placent dans des paniers qu’elles transportent sur la tête vers des zones éloignées. Les éboueurs peuvent aussi être employés à des travaux souterrains dans les égouts, à l’enlèvement des excréments dans les systèmes ferroviaires ou à l’enlèvement des animaux morts. Ils travaillent pour les municipalités ou pour des employeurs privés. Ils sont exposés aux formes les plus dangereuses d’infections virales et bactériennes, notamment la tuberculose. Il arrive qu’ils ne reçoivent pas plus de 12 roupies (0,30 dollar E.-U.) par jour, pour un nombre d’heures illimité; parfois, ils ne sont pas payés.

3. D’après la CISL, la répartition du travail fondée sur la caste est un élément essentiel du système de castes. Dans ce système, les Dalits, qui sont considérés comme «pollués» dès la naissance, se voient affectés, par la menace et la contrainte, à des tâches et à des professions considérées comme rituelles et polluantes par d’autres castes, notamment à l’enlèvement des excréments. Le refus d’accomplir ces tâches peut conduire à des violences physiques, à l’exclusion sociale et à l’impossibilité d’accéder à toute autre forme d’emploi. Cette pratique constitue à l’évidence une discrimination fondée sur l’origine sociale telle que définie à l’article 1 de la convention.

4. La CISL estime que, même si une loi a été adoptée en 1993 pour interdire le ramassage manuel des ordures et la construction de latrines sèches et que, dans le cadre d’un plan national du gouvernement, il existe un fonds pour la construction de latrines dotées d’un écoulement d’eau et pour la réadaptation des éboueurs, les Dalits continuent àêtre employés comme éboueurs dans le pays. Sur le plan local, la volonté politique nécessaire à la mise en œuvre de la législation pertinente fait défaut. Les Dalits continuent àêtre employés au ramassage des ordures par l’Etat, les autorités locales, les municipalités et les autorités ferroviaires. Les gouvernements des Etats refusent souvent d’admettre l’existence de cette activité et la présence de latrines sèches sur le territoire relevant de leur autorité, ou prétendent qu’un manque d’approvisionnement en eau les empêche de construire des latrines dotées d’un écoulement d’eau. Il semble également qu’il existe une réticence à poursuivre les personnes qui emploient des éboueurs ou qui construisent des latrines sèches. S’il existe une Commission nationale pour les Safai Karamcharis (nom officiel des personnes affectées au ramassage manuel des ordures), celle-ci n’a qu’un pouvoir consultatif et n’est pas compétente pour se saisir d’affaires ni pour les suivre.

5. La CISL fait valoir que le gouvernement indien n’a pas rempli l’obligation découlant de l’article 2 de la convention (application d’une politique visant àéliminer la discrimination dans l’emploi) ni l’obligation découlant de l’article 3 d) (obligation de suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au contrôle direct d’une autorité nationale). Elle appelle le gouvernement à s’employer à mettre en œuvre intégralement la loi de 1993, et à transmettre des informations sur les poursuites engagées et sur les sanctions appliquées lorsque la loi n’est pas respectée.

6. Dans sa réponse datée du 2 décembre 2002, le gouvernement déclare qu’il fait de la suppression du ramassage manuel des ordures une question prioritaire. Il reconnaît que cette pratique existe encore dans certains secteurs limités, et qu’elle est essentiellement le fait de structures sociales et de coutumes archaïques. Afin de résoudre le problème des latrines sèches, le gouvernement a adopté une législation centrale - la loi de 1993 sur le ramassage manuel des ordures et la construction de latrines sèches (interdiction) entrée en vigueur en 1997, et a fait son possible pour que cette loi soit effectivement appliquée.

7. Le gouvernement renvoie à deux programmes qui visent à transformer les latrines sèches en latrines dotées d’un écoulement d’eau en limitant le coût de l’opération, et à fournir un autre emploi aux éboueurs affranchis - le projet d’assainissement des villes à coût limité et d’affranchissement des éboueurs, financé par le gouvernement central et lancé en 1980-81, et le projet national d’affranchissement des éboueurs et des personnes à leur charge, lancé en mars 1992. Le premier projet a permis d’affranchir 37 430 éboueurs, le deuxième 401 257. Grâce au projet national, 154 767 personnes ont reçu une formation en vue de trouver un autre emploi. De plus, le gouvernement apporte un financement à la Société nationale de développement et d’aide financière en faveur des Safai Karamcharis; depuis sa création (janvier 1997), cette société a aidé 43 764 personnes.

8. Le gouvernement estime que la Commission nationale pour les Safai Karamcharis est dotée de pouvoirs suffisants pour exercer un contrôle efficace sur le gouvernement et conseiller celui-ci, mais nie que ce sont essentiellement les femmes qui effectuent les travaux de ramassage manuel des ordures (selon les estimations officielles, elles ne représenteraient que 35 pour cent de l’ensemble des éboueurs affectés à ces tâches).

9. Dans l’autre réponse du gouvernement, la Commission nationale pour les Safai Karamcharis admet qu’en Inde le ramassage manuel des ordures est encore répandu dans de nombreux endroits. Elle déclare que le gouvernement central et les gouvernements des Etats connaissent le problème et s’efforcent d’éliminer cette pratique inhumaine, et mentionne plusieurs autres projets mis en œuvre par différents ministères du gouvernement central.

10. La commission relève que dans le cadre de la pratique du ramassage manuel des ordures, en général, des personnes appartenant à un groupe social déterminé, connus comme «les Dalits», se voient assigner à ces emplois en raison de leur origine sociale. Cela constitue une discrimination au sens de l’article 1, paragraphe 1 a),de la convention.

11. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’élimination du ramassage manuel des ordures dans le pays est pour lui une question prioritaire. Elle relève que la loi de 1993 sur le ramassage manuel des ordures et la construction de latrines sèches (interdiction) prévoit une peine d’emprisonnement et/ou une amende pour quiconque emploie des personnes pour le ramassage manuel des excréments humains, ou construit ou entretient des latrines sèches. Elle note que depuis plusieurs années, il existe différents projets visant à construire des latrines dotées d’un écoulement d’eau et à affranchir et réinsérer les personnes concernées.

12. La commission note avec préoccupation que malgré ces mesures, le ramassage manuel des ordures reste une pratique répandue dans le pays, et que de nombreux hommes et femmes sont toujours contraints d’accomplir des tâches dégradantes dans des conditions inhumaines pour des raisons tenant à l’origine sociale et aux circonstances économiques, ce qui est contraire à la convention. Elle exprime l’espoir que le gouvernement intensifiera ses efforts pour assurer l’élimination rapide de cette pratique et permettre l’accès des personnes intéressées à des emplois plus décents. Elle prie notamment le gouvernement:

-           de prendre des mesures pour garantir que l’Etat, les autorités locales et les autorités ferroviaires respectent les interdictions prévues dans la loi de 1993 sur le ramassage manuel des ordures et la construction de latrines sèches (interdiction), et que les sanctions prévues en cas de non-respect soient effectivement appliquées (prière d’indiquer le nombre de poursuites engagées et le nombre et la nature des sanctions appliquées);

-           d’évaluer l’efficacité des programmes mis en œuvre pour construire des latrines dotées d’un écoulement d’eau et réinsérer les personnes concernées, en tenant compte des rapports et des recommandations des organes compétents, notamment de la Commission nationale pour les Safai Karamcharis et de la Commission nationale sur les castes et tribus recensées;

-           de lancer et/ou de renforcer les programmes de sensibilisation de la population et les programmes d’éducation et de formation pour les autorités concernées, afin d’encourager une évolution des mentalités et des coutumes sociales, évolution nécessaire à l’élimination de la pratique du ramassage manuel des ordures.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises sur les sujets susmentionnés.

13. La commission relève que la pratique du ramassage manuel des ordures est une des formes des discriminations incessantes subies par les Dalits (intouchables) dans la société indienne. Elle constate avec préoccupation que, malgré l’abolition de «l’intouchabilité» par la Constitution indienne en 1950 et la mise en place, depuis des années, de plusieurs programmes visant à améliorer la situation économique et sociale des Dalits (ou des membres des castes recensées, comme les qualifie la législation pertinente), les progrès sont très lents et des millions d’hommes, de femmes et d’enfants appartenant à ce groupe social continuent àêtre relégués aux tâches subalternes, sans avoir la possibilité d’exercer d’autres emplois. La commission est consciente de l’ampleur du problème et des obstacles auxquels se heurte le gouvernement dans les efforts qu’il déploie pour faire disparaître des conceptions et des pratiques très anciennes. Elle espère toutefois qu’il redoublera d’efforts et prendra d’autres mesures destinées àéliminer la discrimination dans l’emploi et la profession dont sont victimes les Dalits, et à promouvoir l’égalité de chances et de traitement pour ce groupe. Elle espère aussi que le prochain rapport du gouvernement contiendra des informations sur les mesures prises à cette fin, notamment sur les programmes d’éducation.

14. Dans ses précédentes demandes directes, la commission avait cherchéàévaluer l’impact pratique des lois et des programmes mis en œuvre au fil des ans pour réserver un certain nombre de postes de l’administration centrale et de l’administration des Etats, et pour permettre aux membres des castes recensées d’exercer des activités génératrices de revenus. La commission continuera à suivre l’application de ces lois et de ces programmes, et prie le gouvernement de continuer à transmettre des informations sur les résultats obtenus.

Discrimination fondée sur le sexe

15. Dans son observation de 2002, la commission s’était référée aux commentaires de la CISL concernant les discriminations incessantes dont sont victimes les femmes dans l’emploi et la profession - discriminations dont la faible proportion des femmes dans le secteur informel est l’indicateur - et de l’écart important entre les hommes et les femmes en matière d’éducation. La commission avait reconnu que, d’après les résultats provisoires du recensement de 2001, des progrès avaient été réalisés depuis 1991 en vue de promouvoir l’alphabétisation des femmes; elle avait espéré que des mesures supplémentaires seraient prises pour que cette tendance et ces résultats se confirment, et pour s’attaquer au problème de l’écart hommes-femmes en matière d’éducation. Elle avait prié le gouvernement de transmettre des statistiques sur l’inscription scolaire des garçons et des filles établies à partir des résultats finaux du recensement de 2001. La commission avait également prié le gouvernement de lui fournir des informations sur l’état d’avancement de la politique nationale d’autonomisation des femmes de 2001, sur l’organe ou les organes chargés de suivre les projets et les programmes devant permettre aux femmes de l’économie informelle et aux femmes travaillant à leur compte d’acquérir une indépendance économique, et de lui adresser des statistiques sur la part des femmes dans la population active.

16. La commission relève que le dernier rapport du gouvernement ne contient aucune information nouvelle; le gouvernement se contente de signaler que les informations requises, notamment les statistiques du recensement de 2001, seront transmises lorsqu’elles seront disponibles.

17. La commission ne peut qu’espérer que le gouvernement prendra les mesures voulues pour transmettre, dans son prochain rapport, les informations demandées afin de lui permettre d’évaluer les progrès réalisés pour réduire les fortes inégalités hommes-femmes qui subsistent en matière d’accès à l’éducation et à la formation, et en matière d’emploi et de profession.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

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