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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Maroc (Ratification: 2001)

Autre commentaire sur C182

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La commission prend note du premier rapport du gouvernement. Elle prend également note d’une observation adressée par la CISL le 4 juin 2003, qui a été transmise au gouvernement. Le gouvernement a répondu le 9 septembre 2003. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les points suivants.

Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants

Alinéa a). Esclavage ou pratiques analogues. 1. Vente et traite d’enfants. La commission note que la CISL indique qu’il est largement rapporté qu’un trafic international existe, des jeunes filles étant envoyées au Moyen-Orient et en Europe pour travailler comme prostituées. La commission note que l’article 467-1 du Code pénal modifié punit toute personne qui vend ou qui achète un enfant de moins de 18 ans. La commission note en outre que le gouvernement indique que la loi no 24-03, qui modifie et complète certains articles du Code pénal, comporte certaines innovations en ce qui concerne l’enfant. Toujours selon le gouvernement, la loi no 24-03 introduit la notion de traite d’enfants et prévoit des sanctions très lourdes en cas de vente et d’achat d’enfants de moins de 18 ans. La commission rappelle au gouvernement que, aux termes de l’article 3 a) de la convention, la vente et la traite des enfants, non seulement à des fins d’exploitation économique, mais également à des fins d’exploitation sexuelle, notamment de prostitution, sont considérées comme l’une des pires formes de travail des enfants. La commission prend note de l’adoption de cette nouvelle loi et prie le gouvernement de fournir une copie de ce texte.

2. Travail forcé ou obligatoire. La commission note, selon l’affirmation de la CISL, qu’aux termes de la loi le travail forcé obligatoire est interdit, mais que le gouvernement n’applique pas cette interdiction efficacement. La CISL affirme que le travail domestique dans des conditions de servitude est courant au Maroc, et que la pauvreté oblige certains parents à vendre leurs enfants, parfois seulement âgés de six ans, comme domestiques. Pour seize heures de travail par jour, les parents reçoivent en moyenne 7 dollars E.-U. par semaine. La CISL indique qu’une autre pratique est la servitude dans des conditions d’adoption, qui est socialement acceptée mais non réglementée par le gouvernement. Aux termes de cette pratique, des familles adoptent des jeunes filles et les utilisent comme servantes. A cet égard, la CISL affirme qu’il est nécessaire d’adopter une réglementation spécifique interdisant la servitude domestique. La commission note la réponse du gouvernement selon laquelle l’article 10 du nouveau Code du travail, adopté en septembre 2003 et promulgué le 6 mai 2004, interdit expressément le travail forcé et prévoit des sanctions très lourdes à l’encontre des contrevenants aux dispositions de cet article. Le gouvernement indique les dispositions applicables, parmi lesquelles l’article 467-2 du Code pénal qui prévoit que quiconque exploite un «enfant de moins de 15 ans» pour l’exercice d’un travail forcé fait office d’intermédiaire pour l’exploitation d’un enfant pour un travail forcé ou provoque cette exploitation est puni. L’article 467-2, alinéa 2, du Code pénal dispose que l’on entend par travail forcé tout acte tendant à forcer un enfant à exercer un travail interdit par la loi ou à commettre un acte préjudiciable à sa santé, à sa sûreté ou à ses mœurs.

La commission note que l’article 10 du Code du travail dispose que le travail forcé est interdit. La commission note cependant que cette interdiction s’applique seulement aux «salariés». La commission prie le gouvernement d’indiquer comment les enfants en dehors d’un emploi salarié sont protégés contre le travail forcé. Notant en outre que l’article 467-2 du Code pénal interdit le travail forcé seulement aux enfants de moins de 15 ans, la commission rappelle que l’interdiction du travail forcé en vertu de l’article 3 a) de la convention s’applique à tous les «enfants de moins de 18 ans». La commission prie en conséquence le gouvernement d’indiquer toute mesure prise ou envisagée afin d’interdire dans la législation le travail forcéà tous les enfants de moins de 18 ans, y compris le travail forcé des enfants dits «adoptés».

Alinéa b). Utilisation, recrutement ou offre d’un enfant à des fins de prostitution. La CISL affirme que des cas de prostitution forcée sont fréquemment rapportés dans certaines régions du Maroc, en particulier dans les villes où il y a beaucoup de touristes, de même que près des villes où se trouvent d’importantes installations militaires. La commission note l’information contenue dans la communication du gouvernement selon laquelle l’article 497 du Code pénal punit quiconque excite, favorise ou facilite habituellement la débauche ou la corruption de mineurs de 18 ans, de l’un ou l’autre sexe. Elle note que l’article 498 du Code pénal punit quiconque sciemment: 1) d’une manière quelconque, aide, assiste ou protège la prostitution d’autrui ou le racolage en vue de la prostitution; 2) sous une forme quelconque, partage les produits de la prostitution d’autrui ou reçoit des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution; 3) vit avec une personne se livrant habituellement à la prostitution; 4) embauche, entraîne ou entretient même avec son consentement une personne même majeure en vue de la prostitution, ou la livre à la prostitution ou à la débauche; 5) fait office d’intermédiaire, à un titre quelconque, entre les personnes se livrant à la prostitution ou à la débauche et les individus qui l’exploitent ou rémunèrent la prostitution ou la débauche d’autrui. La commission note également que le rapport du gouvernement fait référence à la loi no 24-03 publiée le 15 janvier 2004, qui a intégré des dispositions prévues par le protocole facultatif à la Convention des droits de l’enfant sur la pornographie et la prostitution infantile. Elle prie le gouvernement de fournir une copie de cette loi.

Article 6Programmes d’action en vue d’éliminer les pires formes de travail des enfants. La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement selon laquelle depuis le lancement du programme IPEC/Maroc, d’importants programmes ont étéélaborés et mis en œuvre. En particulier, il existe un programme intégré pour la mobilisation contre le travail des enfants à Khénifra, qui a notamment pour objectif le retrait des enfants du travail; un programme de lutte contre le travail des enfants à Salé, visant à la sensibilisation contre le travail précoce, l’amélioration des conditions de vie et le retrait d’enfants au travail avec le soutien financier à leurs familles; la contribution à l’élimination du travail des enfants par le biais de la promotion de la loi sur l’obligation de la scolarisation; un programme d’alphabétisation et de formation professionnelle des jeunes dans la ville de Tanger qui a pour objectif d’assurer une formation professionnelle pour les enfants à risque de travailler; la contribution à l’élimination du travail des enfants dans la province d’El Haouz, par un programme de scolarisation et de réalisation de cours de soutien pour les enfants à risque de travailler ainsi que le retrait des enfants de leur milieu de travail; un programme Carton Rouge au travail des enfants, ayant pour objectif la sensibilisation contre le travail des enfants. La commission note que, selon le rapport du gouvernement, au cours de l’année 2002 et le premier semestre 2003, il résulte de ces programmes que 1 310 enfants ont été retirés du travail avec un soutien financier pour 150 familles, et que l’opinion publique a été sensibilisée à ce problème. La commission note en outre, selon le rapport d’IPEC de juin 2004, que l’objectif est qu’à la fin du projet au moins 5 000 enfants soient retirés des pires formes de travail des enfants, et que les services de réhabilitation soient disponibles dans 40 villages cibles.

La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la mise en œuvre de ces programmes d’action, ainsi que sur leur impact pour protéger et retirer les enfants victimes du travail forcé, de la vente et de la traite, ainsi que de l’exploitation sexuelle.

Article 7, paragraphe 1Sanctions. La commission note que des mesures répressives ont été prises en vue d’assurer le respect des dispositions donnant effet à la présente convention. La commission note en effet que l’article 467-1 du Code pénal modifié punit de l’emprisonnement de deux à dix ans, et d’une amende de 5 000 à 2 000 000 de dirhams toute personne qui vend ou qui achète un enfant de moins de 18 ans. L’article 467-2 du même Code précise que quiconque exploite un enfant de moins de 15 ans pour l’exercice d’un travail forcé fait office d’intermédiaire pour l’exploitation d’un enfant pour un travail forcé ou provoque cette exploitation est puni d’un emprisonnement d’un à trois ans, et d’une amende de 5 000 à 20 000 dirhams. L’alinéa 2 du même article indique que l’on entend par travail forcé tout acte tendant à forcer un enfant à exercer un travail interdit par la loi ou à commettre un acte préjudiciable à sa santé, à sa sûreté ou à ses mœurs. La commission note en outre que l’article 497 du Code pénal tel que modifié dispose qu’est passible d’une peine de deux à dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 120 à 5 000 dirhams quiconque excite, favorise ou facilite la débauche de mineurs de 18 ans. L’article 498 punit de l’emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de 20 000 à 200 000 dirhams, quiconque sciemment, notamment: 1) d’une manière quelconque, aide, assiste ou protège la prostitution d’autrui ou le racolage en vue de la prostitution; 2) embauche, entraîne ou entretient, même avec son consentement, une personne même majeure en vue de la prostitution, ou la livre à la prostitution ou à la débauche; 3) fait office d’intermédiaire, à un titre quelconque, entre les personnes se livrant à la prostitution ou à la débauche, et les individus qui exploitent ou rémunèrent la prostitution ou la débauche d’autrui. L’article 499 du même Code ajoute que les peines édictées à l’article précédent sont portées à l’emprisonnement de deux à cinq ans et à une amende de 500 à 20 000 dirhams lorsque le crime a été commis à l’égard d’un mineur de 18 ans. La commission note encore que l’article 501 du Code pénal punit de l’emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 500 à 20 000 dirhams quiconque reçoit habituellement une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution à l’intérieur d’un hôtel, pension, débit de boissons, club, cercle, dancing ou lieu de spectacles ou leurs annexes, ouvert au public ou utilisé par le public et dont il est le détenteur, le gérant ou le préposé. Les mêmes peines sont applicables à toute personne qui assiste lesdits détenteurs, gérants ou préposés. L’article 501 précise que, dans tous les cas, le jugement de condamnation doit ordonner le retrait de la licence dont le condamnéétait bénéficiaire et qu’il peut, en outre, prononcer la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application de ces sanctions dans la pratique.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé

Alinéa b). Soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. La commission note que, dans son deuxième rapport périodique de février 2003, soumis au Comité des droits de l’enfant, le gouvernement indique que la protection de l’enfance contre toute forme d’exploitation sexuelle ne se limite pas à l’élaboration des textes de loi, et qu’il prend acte d’initiatives destinées à sensibiliser le public à la menace que représente l’exploitation sexuelle pour les enfants, et plus spécialement pour ceux d’entre eux qui sont les plus vulnérables, tels que les enfants des rues, les enfants abandonnés et les enfants domestiques. La commission note également que le gouvernement, dans les réponses écrites qu’il a adressées au Comité des droits de l’enfant (CRC/C/Q/MOR/2, p. 21) en mai 2003, indique qu’il est très difficile d’évaluer l’importance de l’exploitation sexuelle des enfants, et ce pour de multiples raisons, en particulier parce que ce sujet était relativement tabou. La commission note que le gouvernement précise qu’actuellement un réel intérêt est portéà la question, et que le Maroc a été le premier pays arabo-musulman à avoir accédéà la demande du rapporteur spécial sur la traite des enfants, la prostitution et la pornographie impliquant les enfants pour visiter le Maroc. La commission note également que le Maroc, sous l’égide du Secrétariat d’Etat chargé de la famille, de la solidarité et de l’action sociale, a entamé le processus d’élaboration d’un plan d’action national global luttant contre l’exploitation sexuelle des enfants, s’articulant autour des axes suivants: la prévention, la protection, la réhabilitation, la réinsertion, ainsi que le renforcement de l’arsenal juridique et l’enrichissement du cadre institutionnel.

La commission note que le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales (CRC/C/15/Add.211, paragr. 62), se félicite de ce que l’Etat partie a organisé le Forum arabo-africain contre l’exploitation sexuelle des enfants pour préparer la Conférence de Yokohama, mais demeure préoccupé par l’importance de l’exploitation sexuelle dans l’Etat partie. La commission note en effet que, dans le cadre de la préparation du second congrès sur la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, qui s’est tenu à Yokohama en décembre 2001, une conférence régionale préparatoire arabo-africaine au congrès a eu lieu en octobre 2001 au Maroc. Cette conférence réunissait les représentants de 65 pays, dont le Maroc. La commission note que le rapport sur la situation de l’exploitation sexuelle des enfants dans la région MENA (Moyen-Orient/Afrique du Nord) indique (p. 3) qu’il est très difficile d’évaluer l’importance de l’exploitation sexuelle des enfants dans les pays concernés, pour un certain nombre de raisons, et que les données recueillies par la police et la justice ne reflètent qu’une partie de la réalité. Au Maroc, en 1999, 102 cas de maltraitance sexuelle ont été répertoriés, 69 cas en 2000 et 210 cas au cours du premier trimestre 2001, les filles représentant environ les deux tiers. La commission note également, selon le même rapport (p. 5), qu’en ce qui concerne la pornographie enfantine, le tourisme sexuel, l’usage des nouvelles technologies (Internet), il n’existe aucune donnée, et que ces formes d’exploitation sexuelle sont considérées comme inexistantes dans la région. Le rapport précise que la flambée de l’industrie du sexe, le recours aux nouvelles technologies de l’information et leur impact sur la commercialisation massive mondiale des enfants comme objets sexuels ne semblent pas préoccuper les pays de la région. La commission note encore qu’une ligne de téléphone vert a été instaurée, accessible aux enfants victimes d’abus (rapport, p. 7). Elle note en outre, selon le même rapport (p. 8), que l’association ENAKHIL vient en aide aux enfants victimes de violences sexuelles ou se livrant à la prostitution. Cette conférence s’est conclue par l’adoption de la Déclaration de Rabat, aux termes de laquelle les pays présents se sont engagés àélaborer et à mettre en œuvre des plans d’action pour prévenir et éradiquer l’exploitation sexuelle des enfants. La commission prie le gouvernement de l’informer des mesures efficaces prises dans un délai déterminé pour prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants de l’exploitation sexuelle et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale.

Alinéa e). Tenir compte de la situation particulière des filles. Petites bonnes. La commission note que la CISL, dans ses observations, indique qu’une pratique courante est l’emploi des enfants, en particulier des fillettes, comme domestiques. Elle indique qu’on estime le nombre des enfants qui travaillent comme domestiques à 50 000. Environ 13 000 fillettes de moins de 15 ans sont employées comme servantes à Casablanca. La CISL affirme que 80 pour cent de ces servantes viennent des zones rurales et sont analphabètes, que 70 pour cent d’entre elles ont moins de 12 ans, et 25 pour cent moins de 10 ans. La maltraitance physique et psychologique est souvent présente chez les enfants travaillant comme domestiques.

La commission note également que, selon le rapport de la mission sur la question de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, menée par la rapporteuse spéciale au Royaume du Maroc en mars 2000 (E/CN.4/2001/78/Add.1, paragr. 10), plusieurs ministères et organismes des Nations Unies, ainsi que la plupart des ONG, avec lesquels la rapporteuse spéciale a eu des contacts, ont confirmé que les sévices dont sont souvent victimes les filles employées comme servantes ou «petites bonnes» est l’un des problèmes les plus graves que rencontrent les enfants marocains. Dans la plupart des cas, ces filles sont envoyées par leurs parents qui vivent dans des zones rurales, dans les grandes villes (principalement à Casablanca, Marrakech, Rabat, Mekhnès, Tanger, Agadir, Fès) pour travailler comme domestiques. La commission note qu’une fois qu’elles sont chez leur employeur ces filles sont extrêmement exposées à l’exploitation. La commission note que les résultats d’une enquête publique présentés dans le cadre d’une journée d’étude et de réflexion organisée en 1996 par la Ligue marocaine pour la protection de l’enfance, en collaboration avec l’UNICEF, ont montré que, pour 72 pour cent des filles, le travail commençait à 7 heures et, pour 65 pour cent d’entre elles, il se terminait après 23 heures. La rapporteuse spéciale est particulièrement préoccupée par la vulnérabilité de ces filles aux sévices physiques et sexuels. Les ministères des Droits de l’homme et des Affaires étrangères et la Commission parlementaire des affaires sociales ont confirmé qu’il y avait de nombreux cas de viol et de maltraitance (paragr. 18 et 19). La commission note que le Comité des droits de l’enfant a pris note dans ses observations finales en juillet 2003 (CRC/C/15/Add.211, paragr. 60) des efforts déployés par le Maroc pour combattre le travail des enfants, mais s’est montré extrêmement préoccupé par la situation des domestiques, essentiellement des filles (petites bonnes) qui travaillent dans des conditions très difficiles et sont victimes de sévices. Le Comité des droits de l’enfant a recommandé au Maroc de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire obstacle et mettre fin à la pratique de l’emploi d’enfants comme domestiques, en mettant au point une stratégie de grande ampleur, notamment en organisant des débats et des campagnes de sensibilisation, en fournissant des conseils et un soutien aux familles les plus vulnérables et en s’attaquant aux causes fondamentales du phénomène.

La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures efficaces prises ou envisagées dans un délai déterminé afin de protéger les jeunes filles domestiques de moins de 18 ans contre les pires formes de travail des enfants.

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