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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Bélarus (Ratification: 1956)

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La commission rappelle qu’une commission d’enquête a été instituée par le Conseil d’administration à sa 288e session (novembre 2003) pour examiner une plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT alléguant l’inexécution par le gouvernement du Bélarus de la présente convention et de la convention no 98. La commission note que cette commission d’enquête a achevé ses travaux en juillet 2004 et que son rapport a été soumis au Conseil d’administration du Bureau international du Travail à sa 291e session (novembre 2004).

La commission note également la réponse du gouvernement concernant le rapport de la commission d’enquête en vertu de l’article 29 de la Constitution de l’OIT qui a été notée par le Conseil d’administration à sa 291e session (GB.291/6/1). Dans cette réponse, le gouvernement a indiqué certaines mesures qu’il entend prendre afin de mettre en œuvre les recommandations de la commission et mentionne le besoin d’assistance technique du Bureau à cet égard. La commission note en particulier l’indication du gouvernement selon laquelle il a mis sur pied un groupe spécial d’experts-conseils, incluant des représentants du gouvernement, de syndicats, d’associations d’employeurs, d’organisations non gouvernementales et du milieu académique, pour mener une large révision de l’ensemble du système des relations sociales et de travail. La commission espère que le groupe spécial représentera un large spectre de la société et, en particulier, que la représentation syndicale inclura tous les syndicats de niveau national. Elle prie le gouvernement de spécifier, dans son prochain rapport, la composition de ce groupe spécial et d’indiquer tout progrès réaliséà cet égard.

La commission prend également note des commentaires formulés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et le Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus (CSDB) sur l’application de la convention, dans leurs communications datées respectivement des 24 septembre 2003 et 27 août 2004, et elle prie le gouvernement de faire part de ses observations à ce sujet.

La commission rappelle que, ces dernières années, elle a formulé des commentaires au sujet de l’application de la convention sur les mêmes points que ceux qui sont examinés par la commission d’enquête. Elle note que la commission d’enquête confirme et développe les préoccupations qu’elle et la Commission de l’application des normes de la Conférence ont exprimées à propos de l’application de cette convention fondamentale.

Article 2 de la convention. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier le décret présidentiel no 2 instaurant certaines mesures de réglementation des activités des partis politiques, des syndicats et d’autres associations publiques, ainsi que ses règlements d’application, notamment en ce qui concerne l’exigence d’une adresse légale et d’une représentativité minimale de 10 pour cent des travailleurs au niveau de l’entreprise en vue de constituer les syndicats d’entreprise.

La commission note à cet égard que les conclusions et recommandations de la commission d’enquête confirment l’opinion qu’elle a émise antérieurement, selon laquelle ces règles, telles qu’appliquées, équivalent à une condition d’autorisation préalable pour la constitution de syndicats, ce qui est contraire à l’article 2 de la convention. Elle prend note avec préoccupation des constatations de la commission d’enquête selon lesquelles ces règles n’ont eu un impact que sur les syndicats se situant hors des structures de la Fédération des syndicats du Bélarus (FSB) ou qui sont opposés à sa direction, soulevant ainsi des craintes qu’elles seraient appliquées délibérément pour éliminer certains syndicats. Enfin, elle prend note des conclusions de cette commission au sujet de la Commission nationale d’enregistrement, par laquelle passent apparemment toutes les décisions concernant l’enregistrement, et de la recommandation de la commission d’enquête tendant à ce que, dans un but de transparence en matière de décision et pour garantir que l’enregistrement s’accomplisse comme une formalité administrative plutôt que d’être suspendu à la décision discrétionnaire d’une autorité usant d’un pouvoir arbitraire, cette Commission nationale d’enregistrement soit dissoute.

En conséquence, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de modifier les dispositions pertinentes du décret présidentiel no 2 et de ses règlements d’application de manière à supprimer tout obstacle qui pourrait résulter soit de l’exigence d’adresse légale, soit de l’exigence de représentativité minimale de 10 pour cent des effectifs au niveau de l’entreprise, et de dissoudre la Commission nationale d’enregistrement, de manière à ce que ce décret et son application soient conformes aux dispositions de la convention.

La commission prend note en outre avec une profonde préoccupation des commentaires du CSDB concernant certains projets d’amendement de la loi sur les syndicats préparés par le ministère de la Justice. Selon le CSDB, ces amendements, s’ils viennent àêtre adoptés, alourdiront considérablement les conditions à satisfaire pour l’enregistrement d’un syndicat à divers niveaux. Ainsi, pour l’enregistrement au niveau national, le syndicat devra compter non plus 500 mais 30 000 membres. De plus, le concept de syndicat territorial devrait faire son apparition avec, pour ce type d’organisation, un minimum de 5 000 membres.

La commission rappelle à cet égard que la commission d’enquête a observé avec préoccupation certaines indications du gouvernement selon lesquelles celui-ci remettait en question la représentativité de syndicats tels que la CSDB au sein du Conseil national des questions sociales et de travail. La commission d’enquête a estimé que limiter le dialogue social à une seule fédération syndicale, dont l’indépendance est sujette à caution sur la base de ses constatations, non seulement aurait pour effet de renforcer encore davantage un monopole syndical de fait placé sous le contrôle de l’Etat, mais encore constituerait une atteinte au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, conformément à l’article 2 de la convention.

La commission doit exprimer sa plus profonde préoccupation devant le fait que le gouvernement paraît envisager d’apporter des changements à la législation qui signifieraient la disparition de toute possibilité réelle de pluralisme syndical dans le pays. Effectivement, comme un tel projet aboutirait à garantir que le seul partenaire social représentant les travailleurs dans les organes consultatifs nationaux serait la FSB, dont l’indépendance est mise en cause par la commission d’enquête, la commission estime que ces propositions portent atteinte au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, par le fait qu’elle traite une fédération avec un tel favoritisme et qu’elle la place dans une position si privilégiée que cela influe indûment sur le choix d’une organisation par des travailleurs. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de retirer les projets dont la CSDB a fait état et d’indiquer les progrès réalisés à cet égard.

Article 3. La commission rappelle avoir soulevé, dans ses précédents commentaires, la nécessité de modifier la législation fixant certaines restrictions à l’action revendicative, notamment les articles 388, 390, 392 et 399 du Code du travail, le décret présidentiel no 11 portant diverses mesures d’amélioration des procédures prévues pour la tenue d’assemblées, rassemblements, cortèges et autres manifestations de masse ou actions de piquet, et enfin la loi (de 1993) sur les principes fondamentaux de l’emploi dans la fonction publique.

La commission note que, d’après ce que la commission d’enquête a constaté, la loi sur les activités de masse se substitue à toutes fins utiles au décret présidentiel no 11. Cette loi maintient les restrictions que le décret faisait déjà peser sur les actions collectives et elle permet en outre de dissoudre une organisation à la première infraction à ses dispositions, les auteurs de l’infraction étant, eux, exposés à des poursuites pour infraction au Code administratif et passibles de ce fait d’une mesure de détention administrative. Elle note en outre, d’après les constatations de la commission d’enquête quant à l’application dans la pratique de la loi sur les activités de masse, que les autorités substituent systématiquement et unilatéralement au lieu demandé, un lieu peu connu et peu fréquenté. A ce propos, elle prend note des constatations de la commission d’enquête au sujet de la mesure de détention administrative prise à l’encontre de M. Boukhvostov, alors président du Syndicat des travailleurs de l’industrie de l’automobile et de la machine agricole (STIAM). M. Boukhvostov avait été immédiatement arrêté lorsque, passant outre le refus d’autorisation de manifester sur une place publique à situation centrale et la désignation unilatérale de leur part d’un lieu excentré, il avait mené seul une action de protestation sur cette place publique bien en vue. La commission note en particulier que la commission d’enquête a estimé que cette loi a entraîné dans son application une grave atteinte aux libertés civiles de M. Boukhvostov.

La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la loi sur les activités de masse (de même que le décret no 11, si celui-ci n’a pas encore été abrogé) afin de les rendre conformes au droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’organiser leurs activités librement. Se référant à ses précédents commentaires, elle prie en outre le gouvernement d’indiquer les mesures prises en vue de modifier les articles 388, 390, 392 et 399 du Code du travail ainsi que pour assurer que les salariés de la Banque nationale, qui rentrent actuellement dans le champ d’application de la loi de 1993 sur les principes fondamentaux de l’emploi dans la fonction publique, puissent recourir à l’action revendicative sans s’exposer à des sanctions.

D’une manière plus générale, suite à ses précédents commentaires concernant l’ingérence du gouvernement dans les affaires internes des syndicats, la commission note avec préoccupation que la commission d’enquête a conclu ce qui suit:

Le fait que le gouvernement n’ait pas clairement démenti que des instructions ont étéémises par l’Administration présidentielle en 2000 dans le but d’intervenir dans les affaires intérieures des syndicats; que des instructions ont étéémises en 2001 et qu’en mars 2003 le Président de la République a donné au ministre de l’Industrie deux mois pour régler le problème posé par MM. Fedynitch et Boukhvostov; le rôle joué par le ministère de l’Industrie et les chefs d’entreprises et la création ultérieure du STIB, ainsi que l’implication du président du Comité d’Etat à l’aviation dans le déclin et l’annulation de l’enregistrement du SCTAB, conjugué au changement d’affiliation d’organisations de premier degré affiliées au STIR ou au STIAM; à quoi s’ajoutent les mesures prises à l’encontre de MM. Fedynitch et Boukhvostov, conduisent inévitablement à conclure que le mouvement syndical a fait et continue de faire l’objet d’interventions marquées de la part des autorités gouvernementales. Cette conviction se trouve renforcée par le fait que le gouvernement n’a pas enquêté sur les graves allégations soutenues par les parties plaignantes, pas plus qu’il n’a pris de mesures pour garantir les droits fondamentaux que sont la liberté et l’indépendance des syndicats, comme les organes de contrôle de l’OIT le lui avaient demandéà de nombreuses reprises. La commission conclut que ces interventions ont eu pour effet de vicier l’une des conditions les plus essentielles de la liberté syndicale: l’indépendance des syndicats (voir rapport de la commission d’enquête sur les droits syndicaux au Bélarus, juillet 2004, paragr. 614).

A la lumière de ces conclusions, la commission prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement des mesures, conformément aux recommandations de la commission d’enquête, pour faire connaître publiquement que de tels actes d’ingérence sont inacceptables et seront sanctionnés et pour que le Procureur général, le ministère de la Justice et les greffes des tribunaux aient instruction de veiller à ce que toute plainte de la part d’un syndicat contre une telle intervention extérieure fasse l’objet d’investigations approfondies. Elle prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard.

Articles 5 et 6. La commission rappelle ses précédents commentaires concernant la nécessité de modifier l’article 388 du Code du travail et le décret présidentiel no 8 de mars 2001 relatif à certaines mesures d’amélioration des dispositions applicables à l’acceptation et l’utilisation d’une aide financière à titre gratuit provenant de l’étranger, de manière à rendre l’un et l’autre texte conformes aux articles 5 et 6 de la convention. La commission note que, d’après les constatations de la commission d’enquête, le décret présidentiel no 24 relatif à l’acceptation et l’utilisation d’une aide à titre gratuit provenant de l’étranger a remplacé le décret no 8 du même objet, tout en maintenant les restrictions pesant sur l’utilisation d’une aide gratuite provenant de l’étranger par des organisations, qu’elles soient de travailleurs ou d’employeurs. Dans ses conclusions, la commission d’enquête a estimé qu’une législation qui interdit à un syndicat national ou une organisation nationale d’employeurs d’accepter une aide financière venant, selon le cas, d’une organisation internationale de travailleurs ou d’employeurs, à moins que cette aide n’ait été approuvée par le gouvernement, et qui permet d’interdire une organisation s’il est avéré qu’elle a reçu une telle aide sans l’autorisation prescrite, n’est pas conforme au droit, reconnu aux organisations d’employeurs et de travailleurs, de bénéficier des relations qui peuvent avoir étéétablies avec une organisation internationale de travailleurs ou d’employeurs.

En conséquence, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de modifier l’article 388 du Code du travail, qui interdit à des grévistes de recevoir une aide financière de personnes étrangères, et le décret no 24 susmentionné, de telle sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent effectivement organiser leur administration et leur activité et bénéficier de l’assistance d’organisations internationales de travailleurs et d’employeurs.

A la lumière de ce qui précède et des informations provenant du rapport de la commission d’enquête, la commission estime que toutes ces questions, considérées dans leur ensemble, démontrent l’existence, en droit comme en pratique, de divergences graves et pressantes aux dispositions de la convention telles que la survie de toute forme de syndicalisme indépendant au Bélarus est réellement en danger. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires dans un très proche avenir pour que les travailleurs puissent librement constituer les organisations de leur choix et s’y affilier et pour que ces organisations puissent mener leur action sans intervention de la part du gouvernement.

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