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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Mauritanie (Ratification: 1961)

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La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement. Elle prend également note de la loi no 2004-017 du 6 juillet 2004 portant Code du  travail.

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs et des employeurs sans distinction d’aucune sorte de constituer des organisations et de s’y affilier sans autorisation. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des observations de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) et de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), présentées sous l’empire de l’ancien Code du travail, selon lesquelles aucun syndicat ne pouvait  exister et fonctionner sans une autorisation préalable. La CLTM soutenait en effet que plus de 100 dossiers étaient bloqués au niveau des greffes du Procureur de la République depuis l’adoption de la loi no 93-038 ayant instauré le pluralisme syndical. La commission avait alors demandé au gouvernement de fournir des informations précises à cet égard. Dans son rapport, le gouvernement indique qu’à sa connaissance aucun dossier de constitution de syndicats n’est entre les mains des autorités compétentes. Il rappelle que toute entrave à la liberté syndicale est passible des peines applicables en matière d’entrave à la liberté de travail.

La commission prend note des informations données par le gouvernement. Elle note à ce sujet que le nouveau Code du travail prévoit, en vertu des articles 274 à 277, une procédure applicable à la constitution des syndicats et unions de syndicats. Selon cette procédure, un syndicat a l’obligation de déposer ses statuts auprès des autorités compétentes dont le Procureur de la République près du tribunal du ressort. Ces autorités délivrent un accusé de réception et, dans les deux mois suivant l’accusé de réception du dépôt des statuts entre ses mains, le Procureur informe le syndicat de ses conclusions. Si les statuts ont été régulièrement déposés et estimés conformes à la loi, le procureur délivre un récépissé d’enregistrement. Dans le cas contraire, il notifie au syndicat son refus de délivrer le récépissé d’enregistrement. Le syndicat  n’acquiert la personnalité morale et la capacité juridique qu’à partir de la délivrance du récépissé d’enregistrement. Enfin, si à l’expiration du délai de deux mois, le procureur n’a pas informé le syndicat de sa décision ou lui a notifié une décision de refus de délivrance du récépissé d’enregistrement, les représentants du syndicat peuvent saisir le tribunal de la wilaya en vue d’obtenir une décision judiciaire valant délivrance du récépissé d’enregistrement.

La commission note que, par rapport à l’ancien Code du travail, la procédure d’acquisition de la personnalité prévue par le nouveau Code fixe des délais précis et est sujette, en ultime instance, au contrôle des tribunaux. La commission prie le gouvernement de lui signaler tout refus de délivrance du récépissé d’enregistrement. Par ailleurs, notant que la procédure de constitution des syndicats est également applicable aux modifications des règles internes des organisations syndicales, la commission prie le gouvernement de porter à sa connaissance tout rejet de modification en vertu de cette procédure.

Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leur gestion et leur activité librement sans ingérence des autorités publiques. 1. La commission note que l’article 278 du nouveau Code du travail étend la procédure de constitution des syndicats aux changements intervenus dans leur administration ou direction. Cette disposition a donc pour effet de soumettre lesdits changements aux décisions positives soit du procureur, soit des tribunaux et comporte, ainsi, de sérieux risques d’ingérence des autorités publiques dans l’organisation et le fonctionnement des syndicats et unions de syndicats. La commission  prie le gouvernement de modifier l’article 278 afin de permettre que tout changement intervenu dans l’administration ou la direction d’un syndicat puisse prendre effet dès que les autorités compétentes en auront été saisies et sans que leur approbation soit nécessaire.

2. Dans ses précédents commentaires, la commission avait soulevé la question de l’accès des  travailleurs étrangers aux fonctions de dirigeant syndical. La commission note avec satisfaction qu’aux termes de l’article 273 du nouveau Code du travail les membres chargés de l’administration ou de la direction d’un syndicat professionnel peuvent être des travailleurs étrangers, s’ils justifient de l’exercice en République islamique de Mauritanie de la profession défendue par le syndicat pendant cinq années consécutives au moins.

3. Dans ses précédents commentaires, la commission avait rappelé que, depuis de nombreuses années, elle attirait l’attention du gouvernement sur les restrictions au droit de grève figurant dans l’ancien Code du travail et notamment sur le renvoi d’un conflit collectif à l’arbitrage obligatoire dans des situations dépassant le cadre des services essentiels au  sens strict du terme ou ne pouvant être considérées comme constituant une crise nationale aiguë. La commission constate que le nouveau Code du travail maintient le recours à l’arbitrage obligatoire. En effet, selon l’article 362, la grève est illicite lorsqu’elle intervient soit pendant la médiation, d’une durée maximum de cent vingt jours, soit après la notification de la décision du ministre du Travail de recourir à l’arbitrage dans les conditions fixées par l’article 350 ou bien après que la sentence arbitrale ait été rendue par le conseil d’arbitrage. La commission note à ce titre que, selon l’article 350, le ministre du Travail peut décider de soumettre un conflit collectif à l’arbitrage en toute opportunité compte tenu, notamment, des circonstances et des répercussions du conflit et s’il estime que la grève est préjudiciable à l’ordre public ou contraire à l’intérêt général. Aux termes de l’article 355, la sentence arbitrale est sans appel mais elle est susceptible d’un recours en cassation. L’article 356 prévoit que  la sentence arbitrale n’ayant pas fait l’objet d’un recours en cassation et l’arrêt de la Cour suprême sont exécutoires.

La commission rappelle que l’interdiction ou la limitation du droit de grève par le biais de l’arbitrage obligatoire ne peut se justifier que dans le cas: 1) des services essentiels au sens strict du terme, soit ceux dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; 2) d’une crise nationale aiguë, et ce pour une durée limitée, et seulement dans la mesure nécessaire pour faire face à la situation. Les circonstances présidant au recours à l’arbitrage obligatoire par le ministre du Travail telles qu’elles sont inscrites à l’article 350 vont au-delà des restrictions compatibles avec la convention. La commission demande donc instamment au gouvernement de limiter l’interdiction de la grève par le biais de l’arbitrage obligatoire aux services essentiels et aux situations de crise nationale aiguë. La commission note à cet égard que, s’agissant des services essentiels au sens strict du terme, le gouvernement pourrait avoir recours à  l’arrêté du 6 juin 2004, qui fixe la liste des établissements considérés comme services essentiels pour la population, aux fins de la réquisition de personnel en vertu de la loi no 70-029 du 23 janvier 1970. Enfin, s’agissant de l’interdiction de la grève pendant toute la durée de la médiation, la commission rappelle qu’il est possible d’exiger l’épuisement des procédures de médiation et de conciliation avant le déclenchement de la grève, à condition que les procédures ne soient pas si complexes ou n’entraînent des délais si longs qu’une grève licite devienne impossible en pratique ou soit privée de toute efficacité (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 171). La commission note que le délai maximum de cent vingt jours paraît trop long à cet égard et prie le gouvernement de le réduire.La commission prie le gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées afin de modifier l’article 362 en vue de garantir le droit des organisations de travailleurs d’exercer le droit de grève afin de défendre et de promouvoir les intérêts professionnels de leurs membres conformément à l’article 3.

La commission soulève un certain nombre d’autres points portant sur des dispositions du nouveau Code du travail dans une demande adressée directement au gouvernement.

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