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Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Convention (n° 95) sur la protection du salaire, 1949 - Fédération de Russie (Ratification: 1961)

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La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son dernier rapport.

1. Situation actuelle concernant les arriérés de salaires. Le gouvernement déclare que, bien que le montant total des arriérés de salaires soit en diminution constante, le problème du paiement différé du salaire continue de se poser de manière aiguë et touche 7,3 millions de travailleurs, employés dans quelque 44 200 entreprises. Selon l’Institut national de statistique (Goskomstat) les dettes au titre de salaires s’élèvent à 29,9 milliards de roubles (approximativement 1 milliard de dollars E.-U.), qui se répartissent entre 24,9 milliards pour le secteur industriel, 4,2 milliards pour le secteur des services sociaux et 0,8 milliard pour les autres branches. Ce sont principalement la construction, l’agriculture, les transports et les services publics qui continuent de connaître ces retards de paiement du salaire. Les principales raisons de la détérioration de la situation sont le non-paiement des produits ou services reçus par les consommateurs, la grave pénurie de fonds pour l’acquisition des matières premières et des pièces de rechange et le recours largement répandu au troc pour le règlement des dettes. S’agissant du secteur public, le gouvernement déclare que des secteurs comme l’enseignement et la santé font l’objet d’une attention particulière et que, dans la plupart des cas, les dettes salariales ont été entièrement liquidées ou bien la durée des retards a été réduite à deux semaines. Le gouvernement ajoute cependant que, dans certaines zones comme la République de Sakha-Yakoutie, le territoire de Krasnoyarsk et les régions d’Irkoutsk, Kemerovo et Kamtchatka, la situation sur le plan des salaires ne s’est pas améliorée, et des ressources supplémentaires venant du budget fédéral sont constamment nécessaires.

2. Evolution sur le plan de la législation. Le gouvernement indique que les garanties offertes par la législation en termes de protection du droit des travailleurs à leur rémunération restent parfois inopérantes. Il se réfère par exemple à l’article 145.1 du Code pénal, dans sa teneur modifiée, qui prévoit des poursuites pénales à l’égard de tout chef d’entreprise, d’établissement ou d’organisation en cas de non-paiement des salaires imputable à la cupidité ou un autre intérêt personnel, et il souligne que les tribunaux ont eu beaucoup de mal à démontrer la causalité entre le paiement tardif de salaires et des motifs personnels propres au chef d’entreprise.

Le gouvernement exprime néanmoins l’espoir que les mesures strictes introduites par le nouveau Code du travail - loi fédérale no 197-FZ du 31 décembre 2001 - en ce qui concerne la protection des salaires permettront de réduire le phénomène du retard du paiement du salaire en accélérant la liquidation de l’encours des arriérés. Le gouvernement se réfère en particulier à l’article 131 du Code du travail, qui limite à 20 pour cent la part du salaire pouvant être payée en nature; à l’article 142, qui permet à un travailleur de suspendre la prestation de ses services si le paiement de son salaire prend plus de quinze jours de retard; et à l’article 235, qui prévoit des intérêts à la charge de l’employeur pour chaque jour de retard.

3. Mesures d’exécution. Le gouvernement déclare que les services fédéraux d’inspection du travail continuent de mener des contrôles assez étendus, pour veiller au paiement régulier des salaires et à l’emploi approprié des fonds publics à cette fin. Le gouvernement affirme que, au cours de la période sous rapport, quelque 54 700 contrôles ont été opérés, 29 900 injonctions émises et plus de 5,3 milliards de roubles d’arriérés de salaires recouvrés. Il donne en outre un aperçu des infractions touchant aux salaires les plus caractéristiques que les contrôles de l’inspection du travail aient révélées au grand jour: taux de rémunération inférieurs aux taux minima, malversations portant sur la masse salariale, paiement supplémentaire ou anticipé de salaires à certains travailleurs malgré l’existence par ailleurs d’arriérés de salaires et, enfin, non-paiement de la rémunération des congés. Le gouvernement fournit enfin une liste de chefs d’entreprise ayant été condamnés à des amendes administratives allant de 2 500 roubles (environ 90 dollars E.-U.) à 5 000 roubles pour des violations flagrantes de la législation du travail touchant à la protection du salaire.

La commission estime que, près de dix ans après avoir ouvert l’examen de la situation des arriérés de salaires dans le pays, le problème fondamental - le défaut d’application de la convention dans la pratique - demeure. La commission prend note des efforts continus du gouvernement tendant à mettre un terme à cette situation inacceptable, ainsi que des résultats positifs obtenus à certains égards. Elle relève cependant que certaines pratiques continuent de sévir de manière inquiétante, le gouvernement admettant une «gravité persistante de la situation en matière de salaires». La commission est particulièrement préoccupée de constater que, comme le gouvernement l’indique dans son rapport, les arriérés de salaires ne sont pas toujours imputables à des problèmes de trésorerie ou à d’autres impossibilités matérielles qui feraient que l’entreprise ne pourrait pas honorer ses obligations financières, mais plutôt à la volonté malveillante de certains gérants ou dirigeants, qui détournent les fonds destinés aux salaires et les dirigent vers d’autres utilisations. A cet égard, la commission souhaite se référer au paragraphe 507 de son étude d’ensemble de 2003 sur la protection du salaire, où elle estime qu’«il existe des entreprises qui décident d’affecter à d’autres fins les fonds qui auraient dû être utilisés pour le paiement des salaires de leurs employés. Il n’est pas alors admissible que les Etats, par leurs services de contrôle, ne réagissent pas vigoureusement et efficacement afin de se conformer à la convention et de mettre fin ainsi à un abus caractérisé.» En conséquence, la commission prie le gouvernement d’intensifier sa campagne tendant à empêcher que le phénomène du paiement retardé du salaire ne devienne cyclique ou endémique; de combattre effectivement la démonétisation de l’économie et le recours à des substituts de la monnaie légale; et de faire respecter rigoureusement la législation du travail en présence de phénomènes particulièrement tenaces de non-respect. Elle saurait gré au gouvernement de continuer de communiquer des informations précises sur l’évolution de la situation et sur toute autre mesure prise en vue d’assurer l’application de la convention, notamment en ce qui concerne l’imposition de sanctions véritablement dissuasives, proportionnelles à la gravité des infractions et susceptibles de produire des résultats tangibles, c’est-à-dire une réduction appréciable du nombre de travailleurs qui pâtissent de retards dans le paiement de leurs salaires.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2006.]

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