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Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Türkiye (Ratification: 2001)

Autre commentaire sur C182

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Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note de la communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ainsi que de celle de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) concernant certaines allégations de non-application de la convention. La commission note les informations fournies par le gouvernement dans son rapport. Elle le prie de bien vouloir fournir des informations sur les points suivants.

Article 3 de la convention. Alinéa a). Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Vente et traite d’enfants en vue d’une exploitation sexuelle à des fins commerciales. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté l’indication de la CISL selon laquelle la Turquie est un pays de transit et de destination d’enfants victimes de la traite. Ces enfants sont originaires des pays suivants: Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, République de Moldova, Roumanie, Fédération de Russie, Ouzbékistan et Ukraine. La CISL avait ajouté que la Turquie est un pays de transit, principalement pour les enfants d’Asie centrale, d’Afrique, du Moyen-Orient et de l’ex-République yougoslave de Macédoine, pour être acheminés vers des pays d’Europe. De plus, la CISL précisait que ces enfants sont contraints à la prostitution ou soumis à une servitude pour dettes.

La commission avait noté que l’article 201 (b) de l’ancien Code pénal disposait que commet une infraction quiconque réduit une personne en esclavage ou à un état comparable dans le but de bénéficier du travail d’autrui ou d’un service de domestique (alinéa 1) ou recrute, enlève ou transfère une personne de moins de 18 ans d’un lieu à un autre pour la soumettre à une contrainte ou l’enfermer dans l’un des objectifs visés à l’alinéa 1 (alinéa 3). En outre, la commission avait noté que, dans ses observations finales sur le rapport initial du gouvernement en juillet 2001, le Comité des droits de l’enfant avait recommandé au gouvernement de continuer à prendre des mesures pour prévenir et combattre toutes les formes d’exploitation économique des enfants, y compris leur exploitation sexuelle à des fins commerciales (CRC/C/15/Add.152, paragr. 62). Elle avait donc prié le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour assurer que les personnes de moins de 18 ans ne puissent faire l’objet d’une traite à destination de la Turquie à des fins d’exploitation sexuelle et avait prié également le gouvernement d’indiquer les mesures efficaces prises ou envisagées pour soustraire de la prostitution les enfants victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale.

La commission note l’information communiquée par le gouvernement dans son rapport selon laquelle le nouveau Code pénal (loi no 5237 du 26 septembre 2004) prévoit des nouvelles dispositions concernant notamment la traite et l’exploitation sexuelle des enfants, dont la prostitution des enfants, ainsi que des sanctions plus sévères pour ces crimes. La commission prie en conséquence le gouvernement de s’assurer que les personnes qui s’adonnent à la traite d’enfants à des fins d’exploitation économique ou sexuelle soient traduites en justice et pour que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur soient infligées. A cet égard, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application des sanctions dans la pratique, en communiquant, entre autres, des rapports concernant le nombre de condamnations. Enfin, elle demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures efficaces prises ou envisagées pour retirer les enfants victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’assurer leur réadaptation et leur intégration sociale.

Alinéa c). Utilisation, recrutement ou offre d’un enfant aux fins d’activités illicites. Incitation ou utilisation d’un enfant pour la mendicité. La commission avait noté les indications de la CISL selon lesquelles le travail forcé en Turquie revêt également la forme d’une contrainte des enfants à la mendicité ou au travail dans les rues. Elle avait noté que l’article 545 du Code pénal interdit l’utilisation d’enfants «de moins de 15 ans» à des fins de mendicité et qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution nationale le travail forcé est interdit. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour que la législation nationale interdise l’utilisation, le recrutement ou l’offre de personnes de moins de 18 ans aux fins d’activités illégales, notamment de mendicité. La commission note avec satisfaction que l’article 229 du nouveau Code pénal interdit l’utilisation des enfants à des fins de mendicité et prévoit une peine de un à trois ans d’emprisonnement. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application des sanctions dans la pratique, en communiquant, entre autres, des rapports concernant le nombre de condamnations.

Article 5. Mécanismes de surveillance. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté l’indication de la CISL selon laquelle le gouvernement coopère depuis 1992 avec le BIT/IPEC, les partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales pour éliminer le travail des enfants. La CISL avait déclaré cependant qu’il n’apparaît pas que les inspecteurs du travail contrôlent le secteur agricole ou l’économie urbaine informelle, secteurs qui sont précisément ceux qui emploient le plus d’enfants.

La commission note avec intérêt les informations détaillées communiquées par le gouvernement sur les activités des inspecteurs du travail. Elle note notamment que la Direction de l’inspection du travail a effectué un grand nombre d’inspections tant d’un point de vue de la sécurité et de la santé au travail que de l’inspection administrative. Ces inspections ont été réalisées dans les secteurs agricole, des pêches, de la foresterie ainsi que dans les industries de réparation d’automobiles, de chaussures et de vêtements. La commission note en outre l’information du gouvernement selon laquelle 770 familles qui insistaient pour faire travailler leurs enfants dans les rues malgré les interventions de la Direction générale des services sociaux et de la protection de l’enfance (SHÇEK) ont été traduites en justice. De ce nombre, 130 familles ont été condamnées à des peines. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’action déployée par l’inspection du travail, notamment le nombre de lieux de travail contrôlés chaque année, les constatations faites, l’ampleur et la nature des infractions mettant en cause des enfants travaillant dans des conditions assimilables aux pires formes de travail des enfants, notamment dans le secteur agricole et dans l’économie urbaine informelle.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques. Enfants vivant ou travaillant dans la rue. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté l’indication de la TISK selon laquelle les enfants qui travaillent dans les rues ne sont pas enregistrés et travaillent dans des conditions dangereuses, sans protection. Ces enfants courent le risque de devenir sans domicile fixe. La commission avait noté également l’indication de la CISL selon laquelle près de 10 000 enfants travailleraient dans les rues à Istanbul et près de 3 000 à Gaziantep. La CISL précisait que ces enfants sont en majorité des garçons (près de 90 pour cent, selon l’évaluation rapide effectuée par le BIT/IPEC à propos du travail des enfants dans les rues d’Adana, Istanbul et Diyarbakir, nov. 2001, p. 36) et se répartissent en deux catégories. La première est celle des enfants qui parcourent les rues la journée pour vendre toutes sortes d’articles (notamment des gommes à mâcher ou de l’eau); ces enfants rentrent chez eux le soir. L’autre catégorie est celle des enfants qui travaillent et vivent dans la rue. Ils font de la récupération et du tri dans les décharges et s’adonnent souvent à la drogue, à la délinquance de rue et à la violence entre eux. La CISL ajoutait que le gouvernement a ouvert 28 centres ayant pour vocation d’aider les enfants qui travaillent dans les rues. En outre, la commission avait noté que, selon l’évaluation rapide effectuée par le BIT/IPEC, les enfants des rues qui travaillent ont de 7 à 17 ans, leur âge moyen s’établissant à 12 ans. L’étude révélait également que 17 pour cent de ces enfants sont allés à l’école primaire mais que 55 pour cent d’entre eux ne sont pas scolarisés. De plus, d’après le rapport du BIT/IPEC du 28 août 2003 (Aide au Cadre national de politiques et du Programme assorti de délai sur les pires formes de travail des enfants en Turquie, pp. 48 à 51), la SHÇEK fournit une assistance aux enfants dans le besoin et à leurs familles. La commission avait incité le gouvernement à poursuivre ses efforts de réinsertion des enfants des rues se livrant à des travaux dangereux.

La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le nombre d’enfants pris en charge par les centres de l’enfance et de la jeunesse relevant de la SHÇEK s’élève à plus de 41 000. Les enfants ont bénéficié des services dispensés par ces centres, notamment de la façon suivante: 1 893 enfants ont été scolarisés; 6 902 enfants ont été réinsérés dans les écoles par l’aide sociale; 12 012 enfants sont retournés dans leur famille; 7 038 enfants ont bénéficié de l’aide sociale; 3 475 enfants dépendants de substances psychotropes ont été orientés vers les unités sanitaires de traitement spécialisé. La commission note également que le gouvernement est conscient de la problématique des enfants vivant et travaillant dans les rues. Ainsi, une circulaire émise par le Premier ministre de la Turquie a été publiée dans la Gazette officielle du 25 mars 2005. Dans cette circulaire, il y est indiqué que des mesures doivent être prises pour venir en aide aux enfants travaillant et vivant dans les rues des plus grandes provinces du pays, ainsi que sur la problématique de la migration.

La commission note également les informations du gouvernement selon lesquelles le Programme pour l’élimination du travail des enfants dans les rues commerciales dans 11 provinces (Adana, Ankara, Bursa, Çorum, Diyarbakir, Gaziantep, Istanbul, Izmir, Kocaeli et Şanliurfa), mis en œuvre dans le Cadre national de politiques et du Programme assorti de délai (PAD), a débuté en décembre 2004. L’objectif du programme est d’empêcher que les enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail, de les retirer de ces formes de travail et de les orienter vers des programmes d’enseignement. La commission note en outre que, selon les informations disponibles au BIT, le programme bénéficiera directement à plus de 6 700 garçons et filles. De ce nombre, 2 700 seront retirés des pires formes de travail des enfants et 4 000 seront empêchés d’être engagés dans un travail. De plus, parmi ces 6 700 enfants, environ 6 000 seront orientés vers un programme de formation professionnelle ou de réintégration dans les écoles du système scolaire. Les 700 enfants restants seront pris en charge par différents centres de santé physique et psychologique. En outre, la commission note que le nombre estimé d’enfants qui bénéficieront indirectement de ce programme est estimé à 6 000. La commission considère que les enfants vivant dans la rue sont particulièrement exposés aux pires formes de travail des enfants. Elle prie le gouvernement de continuer ses efforts pour assurer que les mineurs de moins de 18 ans qui vivent et travaillent dans la rue, n’effectuent pas de travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à leur santé, à leur sécurité ou à leur moralité. En outre, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’impact du programme mentionné ci-dessus et les résultats obtenus.

Article 8. Coopération et assistance internationales. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’élimination du travail des enfants est inscrite tant dans l’Acte de partenariat avec l’Union européenne en vue de l’accession (19 mai 2003) que dans le Programme national pour l’adoption de l’acquis communautaire (PNAA) en date du 24 juillet 2003. Elle avait noté également que la question des pires formes de travail des enfants est inscrite dans les priorités à court terme du partenariat en vue de l’accession (2003-04), où il est stipulé que les efforts en la matière doivent être poursuivis (Elimination des pires formes de travail des enfants en Turquie, Union européenne, mars 2004, p. 4). Notant l’absence d’information à cet égard, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures de coopération ou d’assistance prises ou envisagées avec l’Union européenne ou avec d’autres pays en vue d’éliminer les pires formes de travail des enfants, notamment la traite des enfants à des fins d’exploitation économique ou sexuelle.

La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement portant sur certains autres points précis.

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