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Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - France (Ratification: 1981)

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La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport datant d’octobre 2005.

1. Dans son observation de 2004, la commission a poursuivi son dialogue avec le gouvernement sur les mesures prises et les résultats obtenus dans la pratique pour éliminer la discrimination fondée sur la race et l’ascendance nationale, et pour réduire les inégalités qui continuaient d’exister entre hommes et femmes dans l’emploi et la profession. Ayant noté que l’existence de discriminations et d’inégalités était maintenant largement reconnue et documentée (voir le document CERD/C430/Add.4, 13 mai 2004), la commission avait fait bon accueil aux nombreuses initiatives, en cours ou envisagées, du gouvernement et des partenaires sociaux qui allaient dans le sens des dispositions de la convention. Ces initiatives comprenaient en particulier la décision de créer une haute autorité chargée de lutter contre la discrimination et de promouvoir l’égalité, l’adoption de la Charte de la diversité en octobre 2004, en vertu de laquelle des entreprises s’engagent à mettre en œuvre une politique de non-discrimination et à rechercher la diversité dans la gestion des ressources humaines, et l’adoption en mars 2004 de la Charte nationale de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

2. La commission prend note avec intérêt la loi no 2004-1486 de décembre 2004 qui porte création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Il s’agit d’une autorité administrative indépendante dont les membres sont nommés par les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et par le Conseil économique et social. La commission note que l’Autorité crée auprès d’elle un comité consultatif permettant d’associer à ses travaux des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toutes autres personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité. La Haute Autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations prohibées par la loi, pour assister les victimes de discrimination dans la constitution de leur dossier et pour proposer la résolution amiable des différends portés à sa connaissance par voie de médiation. Sa mission centrale étant de promouvoir l’égalité, l’Autorité peut aussi mener des actions de communication, de sensibilisation et d’information, et favoriser la mise en œuvre de programmes de recherche et de formation dans ce domaine. La Haute Autorité peut aussi identifier et reconnaître formellement les bonnes pratiques professionnelles et soutenir les initiatives de tous organismes privés ou publics qui visent à promouvoir l’égalité. La commission espère que la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité permettra d’obtenir rapidement des résultats pratiques pour éliminer la discrimination, en particulier dans l’emploi, et que le prochain rapport du gouvernement contiendra des informations à ce sujet. La commission saurait aussi gré au gouvernement de fournir copie du rapport annuel de la Haute Autorité et de toute recherche ou autre documentation de l’Autorité ayant trait à l’application de la convention.

Discrimination fondée sur la race et l’ascendance nationale

3. Dans son observation précédente, la commission avait noté que, malgré l’abondance de textes législatifs et le foisonnement de structures administratives ou consultatives, et même si l’on avait désormais une meilleure connaissance des problèmes existants, les résultats pratiques étaient décevants et que les discriminations perduraient et s’aggravaient même; les actes de discrimination continuaient d’être rarement réprimés et les victimes, principalement des personnes issues de l’immigration extra-européenne, éprouvaient toujours les plus grandes difficultés pour faire valoir leurs droits. La commission avait pris note que les enfants ou petits-enfants de ceux qui étaient arrivés en France après la deuxième guerre mondiale éprouvent les plus grandes difficultés à accéder au marché du travail, alors qu’ils ont passé leur jeunesse en France, qu’ils ont en général acquis la nationalité française et qu’ils ont suivi les cursus éducatifs français. La commission avait noté que les difficultés les plus graves étaient rencontrées au stade de l’embauche, où les candidats portant un nom maghrébin ou africain avaient des chances minimes d’être retenus pour un entretien d’embauche. On supposait que le taux de chômage des jeunes diplômés issus de l’immigration était de quatre à cinq fois plus élevé que celui des autres diplômés. La commission avait demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour faire cesser les pratiques discriminatoires à l’embauche et pour promouvoir l’accès de ces jeunes à l’emploi et à la formation. Elle avait exprimé l’espoir que la nouvelle Haute Autorité serait en mesure d’aider effectivement les victimes de discrimination dans l’emploi à faire valoir leurs droits.

4. La commission note qu’en septembre 2005 un récent rapport qui avait été commandé par le ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement constate qu’au stade de l’embauche l’origine ethnique est un handicap spécifique, quel que soit le niveau d’études ou de qualifications du candidat. Ce rapport indique que les évolutions sont particulièrement lentes en ce qui concerne la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances, et qu’il faut passer des intentions aux actes pour lutter contre la discrimination et promouvoir l’égalité. A cette fin, le rapport contient plusieurs propositions: développement des outils permettant la prise de conscience; formation des acteurs intéressés; mesure de la diversité qui permettra de mieux connaître les personnels de l’entreprise; et réforme nécessaire des procédures de recrutement et de gestion des ressources humaines.

5. La commission note avec intérêt que le nombre des entreprises qui ont signé la Charte de 2004 de la diversité est passé de 40 à 170. La commission note que le gouvernement appuie activement la diffusion de la Charte et la mise en œuvre d’outils et de procédures pour aider les acteurs économiques intéressés à mener à bien leurs programmes d’action pour la diversité. En outre, la commission note que d’autres mesures sont prises pour promouvoir la diversité et l’égalité à l’échelle de l’entreprise, en particulier pour ce qui est de l’origine ethnique, mesures qui comprennent les initiatives prises dans le cadre du programme européen EQUAL, auquel ont participé la Direction de la population et des migrations et le Fonds d’action et de soutien pour l’immigration et la lutte contre les discriminations.

6. La commission estime que les récents événements survenus dans le pays relancent le débat sur l’urgence de lutter contre l’exclusion sociale et la discrimination ethnique et raciale dont est victime la population immigrante en France, et de prendre des mesures pour promouvoir son intégration dans le marché du travail. La commission espère que le gouvernement sera en mesure, dans son prochain rapport, de démontrer que des progrès importants ont été accomplis grâce aux mesures susmentionnées. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures actives et effectives pour modifier les pratiques en matière de ressources humaines et de recrutement, pour accroître l’égalité de chances dans l’emploi et la profession, et pour promouvoir la diversité sur le marché du travail, ainsi que le respect et la tolérance à l’égard des différentes communautés qui vivent et travaillent en France. La commission souligne l’utilité d’associer les travailleurs et leurs représentants à la définition, la mise en œuvre et l’évaluation de ces mesures. Elle demande des informations sur ce sujet. Etant donné le rôle que la Haute Autorité joue en matière d’information, de sensibilisation et de formation sur les questions relatives à l’égalité, la commission espère aussi que la Haute Autorité prendra les mesures nécessaires dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les tribunaux, les employeurs, les syndicats et les associations, afin de faire mieux connaître et appliquer les dispositions législatives qui interdisent la discrimination dans l’emploi, notamment au motif de la race ou de l’ascendance nationale, et pour que les infractions soient sanctionnées plus effectivement.

Egalité entre hommes et femmes

7. La commission rappelle son observation précédente dans laquelle elle avait demandé au gouvernement de l’informer sur les résultats pratiques obtenus pour réduire les inégalités entre hommes et femmes dans l’emploi, en particulier pour lutter contre la ségrégation professionnelle et l’emploi précaire, et pour favoriser l’accès des femmes à la formation continue. La commission prend note des informations que le gouvernement a fournies en 2005 à propos de l’application de la Charte nationale de l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment de la création du label Egalité et de la présentation d’un guide de bonnes pratiques qui vise à aider les entreprises et l’administration à promouvoir l’égalité et la diversité dans l’emploi et la profession. La commission prend aussi note avec intérêt de l’accord-cadre entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et le Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE), qui a été conclu en janvier 2005 afin de promouvoir l’accès des femmes au marché du travail, en particulier dans les secteurs où elles sont sous-représentées. La commission demande au gouvernement des informations, y compris des données statistiques récentes ventilées par sexe, sur la mesure dans laquelle ces initiatives ont permis d’accroître la participation des femmes à la formation professionnelle et dans l’emploi non précaire, ainsi que dans les professions où elles sont sous-représentées, y compris les postes à responsabilités.

8. La commission rappelle que les conventions collectives peuvent jouer un rôle essentiel dans la promotion de l’égalité et qu’il est important que les femmes participent à la négociation, en raison de l’effet de leur participation sur le contenu de ces accords. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement reconnaît qu’il faut une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel, dans les conseils de prud’hommes et dans les instances paritaires de la fonction publique. La commission prend note avec intérêt du projet de loi (no 139, Sénat) adopté le 12 juillet 2005 qui porte sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ce projet de loi comprend des dispositions qui visent à accroître la proportion de femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques et dans les mécanismes en place de formation professionnelle. La commission prend aussi note avec intérêt de l’adoption de l’Accord national interprofessionnel de 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui confirme la responsabilité qu’ont les partenaires sociaux de promouvoir l’égalité dans la formation et l’orientation professionnelles, le recrutement et la mobilité verticale, et de prendre des mesures pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés qui affectent l’emploi des femmes. Notant que l’Accord national interprofessionnel constitue un cadre pour de futures négociations à l’échelle des secteurs ou des entreprises, la commission demande au gouvernement d’indiquer comment, dans la pratique, les objectifs de l’accord sont incorporés dans les conventions collectives conclues ultérieurement à l’échelle de la branche ou de l’entreprise, et si les mesures prises permettent de réduire les inégalités entre hommes et femmes. La commission espère que le projet de législation et l’accord contribueront à accroître la participation des femmes au dialogue social. Elle demande au gouvernement d’indiquer quelles autres mesures pratiques les organisations de travailleurs et d’employeurs et le gouvernement prennent à cet égard.

Discrimination fondée sur la religion

9. La commission rappelle que la loi no 65 du 17 mars 2004 et sa circulaire d’application du 18 mai 2004 interdisent le port dans les écoles, collèges et lycées publics de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, sous peine de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’exclusion. La commission note que, au cours de l’année scolaire 2003-04, seuls 600 élèves environ ont refusé d’observer la loi mais que, après un dialogue avec les parents et les élèves, ce nombre a été ramené à une centaine. La commission note que, au début de l’année scolaire 2004-05, le nombre des procédures disciplinaires engagées a été comparable et que les conseils de discipline ont prononcé 47 exclusions définitives. Les recteurs ont été saisis de 39 recours contre les décisions d’exclusion prononcées par les conseils de discipline. Vingt-huit élèves ont saisi les tribunaux administratifs de demandes tendant à l’annulation des décisions des recteurs. Les tribunaux ont rejeté 26 de ces requêtes. Dans son observation précédente, la commission avait noté que la sanction d’exclusion n’était prononcée qu’à l’issue d’un processus approfondi de dialogue avec l’élève et ses parents. Toutefois, la commission avait craint que celle-ci ait pour résultat pratique d’écarter certains enfants, en particulier des filles, des écoles publiques pour des raisons liées à leurs convictions religieuses, diminuant ainsi leur capacité d’accéder à l’emploi, ce qui va à l’encontre de la convention. Afin d’évaluer dans quelle mesure la loi no 65 du 17 mars 2004 et sa circulaire d’application du 18 mai 2004 ne nuisent pas à la capacité des filles de trouver un emploi à l’avenir, ce qui serait contraire à la convention, la commission demande au gouvernement des informations sur: 1) toute décision judiciaire ou administrative relative à l’application de la législation susmentionnée; 2) le nombre respectif de garçons et de filles qui ont été définitivement expulsés en application de la loi susmentionnée; et 3) les mesures prises pour veiller à ce que les élèves qui ont été expulsés aient néanmoins la possibilité appropriée d’accéder à l’éducation et à la formation.

La commission soulève certains autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

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