National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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1. Exploitation du travail des enfants domestiques dits «restaveks». Depuis de nombreuses années, la commission formule des commentaires sur les conditions de travail des enfants domestiques, désignés en créole par le terme «restavek» du français «rester avec». Un rapport soumis au Groupe de travail des formes contemporaines d’esclavage de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et les commentaires concordants reçus en 2002 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI), et de la Coordination syndicale haïtienne (CSH) décrivent la pratique des «restaveks». Aux termes de cette pratique, des familles pauvres placent ou vendent leurs enfants dans des familles citadines, généralement plus aisées, pour y travailler en tant que domestiques en échange du logement, de la nourriture et de l’éducation. Dans les faits, beaucoup de ces enfants sont victimes d’exploitation; ils sont obligés de travailler de longues heures sans rémunération; ils sont victimes de discrimination par rapport aux autres membres de la famille; ils sont mal logés, mal nourris et parfois victimes de mauvais traitements; très peu d’entre eux sont scolarisés (selon la CISL, seulement 20 pour cent des «restaveks» vont à l’école et moins de 1 pour cent atteint le niveau secondaire). Par ailleurs, il a été souligné que même si le placement d’enfants dans les familles pour être employés en tant que domestiques n’est autorisé par le Code du travail (art. 341) qu’à partir de 12 ans, beaucoup d’enfants sont placés avant d’avoir atteint cet âge.
La commission a souligné que le travail domestique effectué par les enfants ne relève pas nécessairement du travail forcé. Toutefois, la commission a réitéré sa préoccupation face aux conditions d’exploitation dont sont victimes les enfants employés en tant que domestiques dans le cadre d’une relation de totale dépendance. Compte tenu notamment des conditions dans lesquelles leur travail peut être exécuté, de leur jeune âge et de leur impossibilité de quitter l’emploi et la famille dans laquelle ils ont été placés, ce travail peut relever de la définition du travail forcé donnée par la convention. La commission a demandé au gouvernement de répondre à ces allégations et elle l’a invité à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre un terme à la situation des enfants «restaveks» et à fournir des informations sur les mesures prises pour garantir l’application effective des dispositions répressives en vigueur en la matière.
La commission note que, dans ses observations finales concernant Haïti, publiées en mars 2003 (document CRC/C/15/Add.202), le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies s’inquiète profondément de la situation des enfants placés en domesticité. Le comité note avec préoccupation que ces enfants – des filles pour la plupart – sont contraints de travailler de longues heures dans des conditions difficiles et sans aucune rétribution et sont soumis à des mauvais traitements et à diverses violences, y compris des violences sexuelles. Le comité recommande notamment la mise en place d’une stratégie globale.
La commission note que, dans ses deux derniers rapports, le gouvernement réaffirme son engagement à protéger les enfants vulnérables et notamment les enfants domestiques. Il confirme que, dans les faits, les enfants placés dans les familles vivant dans les grandes villes avec l’espoir d’être bien nourris et d’avoir l’opportunité d’aller à l’école se retrouvent souvent dans les familles qui vivent dans la précarité et sont au contraire mal traités, battus et violentés. Le gouvernement s’est engagé à renforcer l’Institut du bien-être social et de recherche (IBESR) qui, au cours de ces dernières années, a pu encadrer un nombre considérable d’enfants victimes de viol et de maltraitance en domesticité. Le gouvernement se réfère également à certaines actions ponctuelles qu’il a menées, telles que:
– la validation en octobre 2006 d’un Plan national de protection;
– la réalisation en 2007 de plusieurs activités de formation des cadres du ministère des Affaires sociales et du Travail, qui interviennent dans le domaine de la protection de l’enfant;
– l’abrogation du chapitre IX du Code du travail consacré aux «enfants en service» par la loi relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants, du 5 juin 2003;
– le programme «Education pour tous» qui entend toucher les enfants vulnérables, notamment ceux des familles pauvres des zones rurales qui étaient placés en domesticité dans les grandes villes en quête de scolarisation, afin que ces derniers trouvent une école au niveau de leur localité.
La commission note avec intérêt que la loi de 2003 citée ci-dessus interdit les abus et violences de toutes sortes contre les enfants, de même que leur exploitation, y compris les travaux qui, de par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils sont exercés, sont susceptibles de nuire à la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant. La commission note également qu’en abrogeant le chapitre IX du Code du travail relatif aux enfants en service la loi a supprimé l’article 341 qui permettait de confier un enfant, dès l’âge de 12 ans, à une famille pour être employé à des travaux domestiques. La loi a également abrogé les dispositions du Code du travail relatives à l’obligation pour les familles d’accueil d’obtenir un permis auprès de l’IBESR et de se conformer aux conditions fixées par cet institut. Désormais, en vertu de l’article 3 de la loi, un enfant peut être confié à une famille d’accueil dans le cadre d’une relation d’aide et de solidarité. Il doit être traité comme un membre de la famille et jouir des mêmes privilèges et des mêmes prérogatives que les autres enfants de la famille. Enfin, tout signalement d’enfant abusé ou maltraité est adressé au ministère des Affaires sociales qui pourra saisir l’autorité judiciaire compétente (art. 4 de la loi).
Le gouvernement indique par ailleurs qu’il ne peut fournir de données exhaustives et qu’il fera son possible pour combler le déficit d’informations et de documentation dans son prochain rapport.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. La commission est consciente des difficultés économiques auxquelles le pays est confronté et elle prend note de la volonté réaffirmée du gouvernement de protéger les enfants vulnérables, et notamment les enfants domestiques. Elle espère que, comme il s’y est engagé dans son dernier rapport, le gouvernement sera en mesure de fournir des informations sur les mesures concrètes adoptées pour lutter contre l’exploitation dont sont victimes de nombreux enfants placés dans les familles ainsi que sur le Plan national de protection adopté en 2006. A cet égard, la commission souhaiterait que le gouvernement communique des informations détaillées sur les points suivants:
– Mesures prises pour estimer l’ampleur et les caractéristiques du phénomène. La commission considère que le terme général «restaveks» recouvre des situations diverses et qu’il convient de mieux cerner le phénomène du travail domestique des enfants pour pouvoir y apporter des réponses efficaces. La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur le nombre d’enfants domestiques placés dans des familles d’accueil en indiquant leur âge et notamment le pourcentage des enfants qui, sans avoir atteint l’âge minimum d’admission à l’emploi, sont employés à des travaux domestiques.
– Mesures prises pour garantir que des visites de contrôle sont régulièrement menées au sein des familles d’accueil. La commission souhaiterait que le gouvernement précise comment dans la pratique les autorités s’assurent que les familles d’accueil n’exploitent pas les enfants qui leur sont confiés (autorités compétentes, types de contrôles effectués, etc.).
– Mesures prises pour garantir l’imposition de sanctions en cas d’exploitation du travail domestique des enfants. La commission souhaiterait que le gouvernement précise dans quelle mesure les infractions constatées donnent lieu à des enquêtes et, le cas échéant, sont renvoyées devant les juridictions compétentes: tribunaux du travail ou juridictions pénales en fonction de la gravité de l’infraction constatée. La commission constate que la loi de 2003 précitée ne prévoit pas de sanctions à l’encontre des personnes qui seraient à l’origine des abus, violences, mauvais traitements ou traitements inhumains qu’elle interdit. La commission souligne à ce sujet le caractère dissuasif que doivent revêtir les sanctions imposées pour exaction de travail forcé. Elle rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention les sanctions imposées doivent être réellement efficaces et effectivement appliquées. La commission souhaiterait que le gouvernement indique si des procédures ont été intentées contre les personnes qui exploiteraient le travail domestique des enfants et, le cas échéant, les sanctions imposées. En outre, la commission souhaiterait que le gouvernement communique des informations sur les mesures prises ou envisagées pour protéger, assister et réinsérer les enfants qui seraient victimes d’exploitation.
2. Traite des personnes, y compris des enfants. La commission note que la loi de 2003 relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants cite, parmi les exemples de situations relevant des mauvais traitements, traitements inhumains ou de l’exploitation, la vente et le trafic d’enfants ainsi que l’offre, le recrutement, le transfert, l’hébergement, l’accueil ou l’utilisation d’enfants aux fins d’exploitation sexuelle, de prostitution ou de pornographie.
La commission note que dans les observations finales du Comité des droits de l’enfant, citées ci-dessus, ce dernier est vivement préoccupé par le nombre de cas de traite d’enfants au départ d’Haïti vers la République dominicaine. Il note qu’une fois séparés de leur famille les enfants concernés sont contraints à mendier ou à travailler sur le sol dominicain. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur ce phénomène et sur les mesures prises pour le combattre.
Par ailleurs, la commission a pris connaissance du rapport de la Mission de recherche du Secrétariat général de l’Organisation des Etats américains (OEA) sur la situation de la traite et du trafic des personnes en Haïti, septembre 2006. Cette mission a conclu que «l’analyse des données quantitatives et qualitatives montre une tendance vers la systématisation de la traite et du trafic des personnes en Haïti. Cette tendance s’explique par la détérioration de la situation socio-économique et politique du pays au cours de ces dernières années qui empêche d’apporter une réponse effective aux besoins primaires de la population, et ouvre la voie à la montée de toutes les formes d’exploitation humaine et d’activités économiques illicites.» La commission souhaiterait que le gouvernement communique des informations sur les mesures prises pour combattre la traite des personnes vers la République dominicaine et les autres pays voisins tant sur le plan législatif (adoption d’un texte incriminant la traite des personnes) et judiciaire (appréhension et sanction des coupables) que sur le plan de la sensibilisation de l’opinion publique et en particulier les personnes exposées à ce risque.