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Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 1961)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 2016)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Esclavage et pratiques analogues. La commission prend note du rapport du gouvernement et des commentaires communiqués par la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM).

Depuis de nombreuses années, tant cette commission que la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail examinent attentivement la question de l’esclavage et de ses séquelles en Mauritanie, en particulier les pratiques de travail forcé pouvant être imposées dans ce contexte. Dans ses derniers commentaires, la commission avait noté qu’à la demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence le gouvernement avait accepté la visite d’une mission d’investigation en mai 2006. La commission avait relevé avec intérêt que la mission avait constaté un certain nombre de développements positifs témoignant de l’engagement du gouvernement à combattre l’esclavage et ses séquelles, qui n’étaient plus considérés comme une question taboue. Elle avait également noté l’indication du gouvernement selon laquelle les recommandations formulées par la mission d’investigation devraient être prises en compte dans la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Sur la base de ces recommandations et des informations communiquées par le gouvernement, la commission avait demandé à ce dernier de prendre des mesures supplémentaires en ce qui concerne le renforcement du dispositif législatif; l’application effective de la législation; et la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage.

a)Législation applicable. Dans ses précédents commentaires, la commission avait souligné le caractère lacunaire de la législation. Elle avait exprimé l’espoir que, comme l’avait recommandé la mission d’investigation, le gouvernement prendrait les mesures nécessaires en vue d’adopter un texte incriminant les pratiques esclavagistes et en définissant les éléments constitutifs précisément, de manière à permettre aux juridictions de l’appliquer aisément. La commission note l’adoption par l’Assemblée nationale, le 9 août 2007, de la loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. Dans l’exposé des motifs, le Premier ministre a relevé que l’effort normatif jusque-là entrepris n’avait pas atteint son objectif; les textes adoptés n’ayant pas prévu «de qualification explicite du phénomène ni son incrimination et sa répression dans une mesure qui tienne compte de son inhumanité». La commission note avec satisfaction que cette loi définit, incrimine et réprime les pratiques esclavagistes. L’article 2 de la loi définit l’esclavage comme l’exercice de l’un des attributs du droit de propriété ou l’ensemble de ceux-ci sur une ou plusieurs personnes. La loi distingue le crime d’esclavage des délits d’esclavage. Constitue un crime d’esclavage, passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 500 000 à 1 000 000 d’ouguiyas, le fait de réduire autrui en esclavage, ou d’inciter à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d’une personne à sa charge ou sous sa tutelle pour être réduite en esclave (art. 4). Les articles 5 à 13 définissent et répriment les différents délits d’esclavage. Parmi ces délits, la commission note en particulier que «quiconque s’approprie les biens, les fruits et les revenus résultant du travail de toute personne prétendue esclave ou extorque ses fonds est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 200 000 ouguiyas». Constituent également des délits d’esclavage notamment le fait de porter atteinte à l’intégrité physique d’une personne prétendue esclave et le fait de priver un enfant prétendu esclave de l’accès à l’éducation. La commission relève en outre avec intérêt que les Walis, Hakems, chefs d’arrondissement, officiers ou agents de police judiciaire qui ne donnent pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes portées à leur connaissance sont passibles d’une peine de prison et d’une amende (art. 12). Enfin, les associations des droits de l’homme sont habilitées à dénoncer les infractions à la loi et à assister les victimes, ces dernières bénéficiant de la gratuité de la procédure judiciaire (art. 15).

b)Application effective de la législation. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que jusqu’alors les juridictions nationales n’avaient jamais été saisies d’une action en justice alléguant des pratiques relevant du travail forcé ou de l’esclavage et que les victimes rencontraient des difficultés pour être entendues et faire valoir leurs droits, tant au niveau des autorités relevant de la force publique que de l’autorité judiciaire. Elle avait noté les directives données, d’une part, par le ministre de l’Intérieur aux Walis, Hakems et chefs d’arrondissements afin de faire respecter la loi, traiter les cas dont ils auraient connaissance avec la rigueur requise et soumettre à la justice les cas relevant de leur compétence et, d’autre part, par le ministre de la Justice au parquet afin de se rendre systématiquement sur place lorsqu’une allégation concernant les séquelles de l’esclavage était portée à sa connaissance et d’enquêter.

La commission considère que la loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, dans la mesure où elle définit précisément les éléments constitutifs du crime et des délits d’esclavage, pourra être utilisée plus aisément par les autorités de poursuite et les autorités judiciaires. La commission estime qu’il est indispensable que cette loi fasse l’objet d’une large publicité auprès de ces autorités ainsi que de la population en général. Il est en effet essentiel que tant les victimes que les auteurs de ces pratiques réalisent que le climat a changé. La commission note à cet égard que le gouvernement se réfère dans son rapport à «la mobilisation de tous les médias officiels et privés en vue de la démystification de cette problématique et la sensibilisation des populations sur la gravité de la pratique esclavagiste, le frein qu’elle porte à la cohésion nationale et au développement socio-économique du pays».

La commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour assurer la publicité des dispositions de cette nouvelle loi de manière à favoriser la compréhension de la nature criminelle de l’esclavage et ses séquelles ainsi que des conséquences qui en découlent. Cette sensibilisation devrait s’étendre aux autorités publiques ainsi qu’au public en général. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet égard.

La commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention les Etats qui ratifient la convention ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales prévues par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour s’assurer que, d’une part, les victimes reçoivent la protection requise pour être en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, les enquêtes sont diligentées de manière rapide, efficace et impartiale; les dispositions de la loi relatives à l’assistance des victimes et celles permettant de poursuivre les autorités qui ne donnent pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes qui sont portées à leur connaissance contribueront certainement à atteindre cet objectif. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute décision de justice rendue en application de la loi portant incrimination de l’esclavage et des pratiques esclavagistes. L’adoption de la loi constitue un premier pas important pour combattre l’esclavage, le défi réside maintenant dans l’application effective de cette législation de manière à s’assurer que ceux qui sont responsables de la persistance de l’esclavage sont effectivement condamnés et que des sanctions dissuasives leur sont infligées.

c)Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. La commission avait noté que le Conseil des ministres avait adopté, en juillet 2006, le principe de l’élaboration, dans le cadre d’une approche participative, d’une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage et qu’un comité interministériel avait été mis en place à cet effet en octobre 2006. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’adoption et la mise en œuvre de cette stratégie. Dans son dernier rapport, le gouvernement ne précise pas si cette stratégie a été effectivement adoptée. La commission relève cependant que le gouvernement indique qu’il s’attèlera à trouver les moyens et les mécanismes permettant de traiter les séquelles de l’esclavage à travers un plan national fixant des objectifs suivant des priorités définies englobant les secteurs de l’Etat concernés (enseignement, justice, communication, agriculture, hydraulique, jeunesse et sports). Le plan sera évalué régulièrement jusqu’à ce que ceux qui souffrent des séquelles du phénomène rattrapent le cortège de la construction, de l’égalité et de la justice. Le gouvernement se réfère à la mise en place d’une politique nationale volontariste impliquant tous les Mauritaniens et rejetant l’exclusion en donnant la priorité aux citoyens les plus démunis et les plus vulnérables, en vue de leur insertion dans la vie active. Le gouvernement mentionne, à cet égard, la nécessité de favoriser et appuyer l’émergence d’activités génératrices de revenus au profit des personnes vulnérables et ayant été victimes des séquelles de l’esclavage; de favoriser l’accès des plus pauvres et des plus vulnérables à l’enseignement professionnel en vue de faciliter leur accès à l’emploi; de favoriser, dans les agglomérations rurales pauvres, la création d’infrastructures de base (barrages, écoles, puits) en vue d’assurer une meilleure prise en charge de leurs problèmes essentiels.

La commission prend note de ces informations. Elle souhaiterait que le gouvernement indique si une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage ou un plan national d’action ont été effectivement adoptés et, le cas échéant, qu’il en communique copie, et qu’il précise les activités menées par le comité interministériel qui avait été établi à cette fin. La commission prie, en outre, le gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur les mesures concrètes qu’il a prises ou qu’il entend prendre dans le cadre de la stratégie ou du plan national adopté. A cet égard, il conviendrait que tous les acteurs appelés à jouer un rôle dans la lutte contre l’esclavage et ses séquelles – notamment les forces de police et de maintien de l’ordre, l’appareil judiciaire, l’inspection du travail et la société civile, y compris la commission nationale des droits de l’homme et les autorités religieuses – soient parties prenantes dans cette stratégie et que la nécessité de mener des actions de sensibilisation aux niveaux national, régional et local, ciblant l’ensemble des acteurs ci-dessus mentionnés, soit prise en compte. La commission souhaiterait que le gouvernement indique de quelle manière les programmes de lutte contre la pauvreté ciblent spécifiquement les communautés au sein desquelles le phénomène lié à l’esclavage et ses séquelles est connu et perdure, ceci afin d’éviter que ces personnes vulnérables soient de nouveau victimes de ces pratiques.

Enfin, comme la mission d’investigation, la commission avait souligné qu’il était important de disposer de données fiables permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène de l’esclavage et ses caractéristiques. Elle avait espéré que le gouvernement pourrait entreprendre une étude qui permettrait de mieux orienter les actions devant être menées par les pouvoirs publics et de cibler les populations et les zones géographiques concernées. La commission relève que le PNUD et la Commission européenne ont accepté de mobiliser les financements pour la réalisation de cette étude et ont proposé au gouvernement des termes de référence, ceci en concertation avec le Bureau, qui met son assistance technique à disposition du gouvernement. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout développement intervenu à cet égard.

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