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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Hongrie (Ratification: 1956)

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Article 2, paragraphe 2 c), de la convention.1. Travail de détenus au profit d’entreprises privées. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était référée aux dispositions permettant aux autorités chargées du contrôle de l’application de la loi de conclure des accords portant sur l’emploi de détenus non seulement avec des organismes ou des institutions publics, mais également avec des sociétés privées (art. 101(3) de l’ordonnance no 6/1996 (VII 12) du ministère de la Justice portant application des dispositions concernant les peines de prison et la détention). Elle avait noté que le décret-loi no 11 de 1979 relatif à l’exécution des peines de prison prévoit l’obligation de travailler pour les détenus (art. 33(1)(d)). La commission avait également noté que, si les droits des détenus en matière d’emploi sont régis par les dispositions générales de la législation du travail (sous réserve de certaines adaptations), leur rémunération minimale correspond seulement à un tiers du salaire minimum général (art. 124(2) de l’ordonnance no 6/1996 (VII 12) susmentionnée) et, selon la législation en vigueur, ils n’acquièrent pas de droits à pension.

La commission a pris note du fait que le gouvernement a déclaré de manière répétée dans ses rapports que les détenus sont liés par une relation légale avec l’institution pénitentiaire et ne sont pas directement employés par une tierce partie. En outre, ils accomplissent le travail sous la supervision et le contrôle des organes de la force publique. Elle a également noté que le gouvernement déclare que le principal objectif de l’emploi des détenus est de promouvoir la réadaptation et la réinsertion de ceux-ci dans la société et que le travail accompli par des détenus (y compris le «travail d’intérêt général») est couvert par l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention et ne doit pas, par conséquent, être considéré comme du travail forcé ou obligatoire.

La commission a rappelé que l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit expressément que des détenus soient concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Ainsi, l’exception du champ d’application de la convention prévue par cet article pour le travail pénitentiaire obligatoire ne s’étend pas au travail effectué par des détenus pour des employeurs privés, même sous la supervision et le contrôle de l’autorité publique. Selon cette disposition de la convention, le travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention seulement si deux conditions sont satisfaites, à savoir: i) que ledit travail ou service s’effectue sous la supervision et le contrôle d’une autorité publique; et ii) que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. La commission a toujours indiqué clairement que ces deux conditions sont cumulatives, c’est-à-dire que le fait que le détenu reste à tout moment sous la supervision et le contrôle d’une autorité publique ne dispense pas en soi le gouvernement de satisfaire à la deuxième condition, à savoir que l’individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. La commission a donc demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la convention sur ce plan, par exemple en prévoyant que tout détenu qui travaille pour une société privée doit le faire de son plein gré sans avoir été soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque et, compte tenu du caractère captif de cette main-d’œuvre, bénéficier de garanties quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi qui doivent se rapprocher d’une relation d’emploi libre.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique à nouveau que, selon la législation et la pratique nationales, il n’existe de contrat qu’entre les organismes économiques de l’administration pénitentiaire et les sociétés privées, tandis que les détenus, qui ont l’obligation d’accomplir un travail en prison, n’ont une relation qu’avec lesdits organes économiques de l’administration pénitentiaire. Néanmoins, la législation du travail générale est applicable en ce qui concerne leurs conditions de travail (avec certaines adaptations). Il ressort des exemples de contrats (communiqués par le gouvernement) conclus entre les organismes économiques de l’administration pénitentiaire et les sociétés privées que ces organismes s’engagent à fournir de la main-d’œuvre pénitentiaire pour des opérations de production qui sont organisées conformément aux descriptifs d’emploi et aux instructions, de même qu’aux normes habituelles de qualité, de l’entreprise privée, laquelle fournit également toutes les matières premières et équipements nécessaires et assure la formation des travailleurs. L’entreprise privée acquitte également un loyer pour les locaux mis à disposition aux fins de la production ainsi qu’une «redevance pour la main-d’œuvre louée». Il est spécifiquement mentionné que l’entreprise privée assure continuellement le contrôle de la production au moyen de ses spécialistes techniques, que l’organisme économique de l’administration pénitentiaire se conformera aux instructions données par l’entreprise privée et que les parties contractantes conviennent qu’elles coopéreront pendant la durée d’effet de l’«accord de louage de main-d’œuvre». Le gouvernement réitère néanmoins que les détenus restent à tout moment sous la supervision et le contrôle du personnel de l’organisme économique de l’administration pénitentiaire, conformément aux dispositions de la convention.

A cet égard, la commission attire l’attention du gouvernement sur les explications concernant la portée des termes «concédé ou mis à la disposition de» développées aux paragraphes 56 à 58 et 109 à 111 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, et souligne que ces termes ne couvrent pas simplement les situations dans lesquelles les détenus sont «employés» par des entreprises privées ou réduits à un état de servitude par rapport à cette entreprise mais aussi aux situations dans lesquelles les entreprises n’ont pas une absolue discrétion sur le travail accompli par le détenu, du fait qu’elles sont limitées en cela par les règles fixées par l’autorité publique. La commission renvoie également au paragraphe 106 de son étude d’ensemble de 2007, dans lequel elle souligne que l’interdiction de concéder ou mettre des détenus à la disposition d’entités privées revêt un caractère absolu. Elle ne se limite pas au travail qui s’effectuerait hors de l’établissement pénitentiaire mais s’applique également au travail qui s’effectue dans des ateliers gérés par des entreprises privées à l’intérieur de cet établissement.

Tout en notant que le gouvernement indique que, conformément à la première des conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, le travail s’effectue «sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques», la commission observe qu’en ce qui concerne la deuxième condition, à savoir que l’individu «ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées», les contrats de louage de main-d’œuvre pénitentiaire conclus avec des entreprises privées en Hongrie correspondent à tous égards à ce qui est expressément interdit par l’article 2, paragraphe 2 c), à savoir que l’individu est «concédé» à une entreprise privée. Il est dans la nature même de tels accords de louage (ou «accords de louage de main-d’œuvre», selon les termes employés dans les exemples de contrats communiqués par le gouvernement) de comporter des obligations réciproques entre les autorités pénitentiaires (ou leurs services économiques) et l’entreprise privée.

Se référant aux explications développées aux paragraphes 59-60 et 114 à 120 de son étude d’ensemble de 2007, la commission souligne à nouveau que le travail de détenus pour le compte d’entreprises privées ne peut être considérée comme compatible avec l’interdiction explicite de la convention que si les garanties nécessaires ont été prévues pour garantir que ces détenus acceptent volontairement ce travail, sans avoir été soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme prescrit à l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Dans ces circonstances, le travail de détenus pour le compte d’entreprises privées ne relève pas du champ d’application de la convention puisque aucune contrainte n’est exercée. La commission a toujours estimé qu’en raison de la situation de captivité de cette main-d’œuvre le consentement formel des détenus à travailler pour le compte d’entreprises privées, que ce soit dans la prison ou hors de celle-ci, est nécessaire. De plus, étant donné qu’un tel consentement est exprimé dans un contexte de privation de liberté et sans véritable alternative, certains facteurs sont nécessaires pour authentifier le caractère libre et éclairé d’un tel consentement. La commission rappelle que l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du travail accompli est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, tant sur le plan de la rémunération (sous réserve d’éventuelles retenues ou cessions) que celui de la sécurité sociale et des conditions de sécurité et de santé au travail. De plus, pour déterminer le caractère libre et éclairé du consentement, d’autres facteurs pouvant être pris en considération comme des avantages objectifs et mesurables que le détenu tire de l’accomplissement même du travail (par exemple l’acquisition de nouvelles qualifications que le détenu pourra utiliser après sa libération; l’offre de poursuivre le même travail après sa libération; ou encore l’opportunité de travailler en groupe dans un environnement contrôlé permettant au détenu de développer sa capacité de travailler en équipe).

La commission note avec intérêt que le gouvernement déclare dans son rapport que, dans le cadre de l’élaboration d’une modification importante du décret-loi no 11 de 1979 relatif à l’exclusion des peines, les dispositions de la convention sont prises en considération, et elle exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises pour s’assurer qu’un consentement libre et éclairé est exigé du détenu pour un travail réalisé pour le compte d’entreprises privées, que ce soit dans la prison ou hors de celle-ci, et que ce consentement est exempt de toute menace d’une peine quelconque et est authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre et par les autres facteurs objectifs et quantifiables évoqués ci-dessus. La commission demande au gouvernement de communiquer le texte de la législation pénitentiaire révisé dès que celle-ci aura été adoptée.

2. Travail «d’intérêt général» effectué par des détenus mis à la disposition d’entités privées. Dans ses précédents commentaires, la commission s’est référée à certaines dispositions du Code pénal relatives au travail «d’intérêt général». Ce travail, qui constitue une sanction pénale, s’accomplit sans privation de liberté mais peut être remplacé par une peine d’emprisonnement si la personne condamnée ne satisfait pas aux obligations liées à la prestation dudit travail (art. 49 et 50 du Code pénal). La commission avait noté que, conformément aux indications données par le gouvernement, un tel travail d’intérêt général doit présenter une utilité pour la collectivité, et l’employeur (qui peut être une institution publique mais aussi un organisme privé à but lucratif) est tenu de respecter les conditions de sécurité et d’assurer aux intéressés les mêmes conditions de travail que celles dont bénéficient les travailleurs employés dans le cadre d’un contrat.

La commission prend note des indications du gouvernement concernant la Stratégie nationale de prévention de la délinquance et l’adoption de la décision gouvernementale no 1036/2005 (IV.21) relative aux tâches à réaliser en 2005-06 dans ce domaine, notamment le lancement de programmes spéciaux concernant les personnes condamnées à un travail d’intérêt général.

La commission avait noté précédemment que le gouvernement avait indiqué à cet égard dans son rapport que les personnes condamnées souscrivent volontairement à ce travail, étant libres de choisir entre les deux sanctions. Se référant aux considérations développées au point 1 ci-dessus de la présente observation en ce qui concerne l’interdiction contenue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention ainsi qu’aux explications développées aux paragraphes 123 à 128 de son étude d’ensemble de 2007, la commission exprime l’espoir que le gouvernement indiquera dans son prochain rapport la manière dont est assuré le libre choix entre les deux sanctions. Prière également d’indiquer si, dans le cadre du processus de rédaction de la nouvelle législation pénitentiaire, il est prévu d’exiger le libre consentement des personnes condamnées pour travailler pour le compte d’un employeur privé. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique des programmes spéciaux de mise en œuvre du travail d’intérêt général, notamment la liste des associations ou institutions autorisées à recourir à cette main-d’œuvre et des exemples concrets des travaux effectués dans ce cadre.

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