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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 81) sur l'inspection du travail, 1947 - Colombie (Ratification: 1967)

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La commission prend note du rapport du gouvernement, des commentaires formulés par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) le 31 août 2007 et ce qui concerne principalement la convention (no 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, ainsi que des réponses du gouvernement communiquées au BIT par lettre du 21 février 2008, en tant qu’elles concernent l’application de la présente convention. La commission relève par ailleurs la communication par la CUT, le 28 janvier 2008, d’un rapport d’évaluation et de propositions pour la mise en œuvre de l’accord tripartite intitulé «Les droits des travailleurs et la liberté syndicale en Colombie», également signé par la Confédération générale des travailleurs démocratiques (CGTD), la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et la Confédération des retraités de Colombie (CPC), ainsi que les informations fournies en réponse par le gouvernement le 9 juin 2008. La commission note enfin les commentaires formulés le 19 août 2008 par la Confédération générale du travail (CGT) qui portent sur les mêmes points que ceux soulevés dans le rapport d’évaluation susmentionné, et que le BIT a transmis au gouvernement le 19 septembre 2008.

Selon les syndicats cosignataires du rapport précité, les droits des travailleurs sont violés non seulement par un grand nombre d’employeurs du secteur privé, mais également par de nombreuses entreprises étatiques, en particulier pour ce qui est de l’obligation d’affiliation de leurs salariés à la sécurité sociale. Ils estiment que des mesures, telles que la fusion du ministère du Travail dans un autre ministère, également chargé de la santé, ainsi que la surcharge de travail imposée aux inspecteurs du travail déjà en nombre insuffisant, ont eu pour conséquence d’affaiblir l’administration du travail et d’empêcher les inspecteurs d’exercer leurs fonctions principales par des contrôles d’établissements, la fourniture aux employeurs et aux travailleurs d’informations et de conseils techniques, ou encore le rapport aux autorités compétentes des insuffisances de la législation relative aux conditions de travail et à la protection des travailleurs. Les syndicats affirment que cette situation a également pour effet de ralentir considérablement le traitement des plaintes et de favoriser la perpétration par les employeurs de violations continues et répétées de cette législation. Estimant que les établissements commerciaux sont le lieu d’un nombre très élevé d’infractions, ils souhaiteraient que l’inspection du travail les inclue dans son champ de compétence pour l’application de cette convention.

Les syndicats dénoncent par ailleurs le recours généralisé à la relation de travail dans le cadre de coopératives de travail associé (CTA), qui constituent, de leur point de vue, une stratégie frauduleuse de la part des entreprises pour échapper aux obligations découlant d’une relation de travail salarié. Ces coopératives, de même que certains contrats de prestation de services, contrats civils ou commerciaux, présenteraient l’avantage, y compris pour l’Etat, de mettre à disposition une main-d’œuvre bon marché, n’entraînant aucun des coûts ni aucune des obligations patronales liés à l’existence d’un contrat de travail salarié. Elles n’impliquent notamment aucune des obligations liées à l’exercice du droit syndical, comme l’obligation de négociation collective ou encore l’exercice du droit de grève. Présentées par la législation comme une forme libre et volontaire d’association, ces coopératives ne seraient en fait qu’une solution imposée à d’anciens salariés licenciés pour leur permettre de continuer à percevoir un revenu. En effet, le rapport mentionne spécifiquement des cas de CTA et de sous-traitance dans divers secteurs, dont l’industrie textile et de confection, qui génèrent une part substantielle des exportations du pays et dans lesquels les femmes constituent la majeure partie de la main-d’œuvre, principalement à Bogotá et dans le secteur métropolitain du département d’Antioquia. Les femmes créent de petites entreprises familiales, qui agissent comme sous-traitants des grandes entreprises «maquilas» et produisent des articles destinés à l’exportation dans des microateliers ou dans leur propre maison, dans des conditions extrêmement précaires (pas de salaire minimum, de sécurité sociale, de durée légale du travail, ni donc de rétribution des heures supplémentaires).

Les syndicats réclament: i) que le ministère du Travail soit rétabli et l’inspection du travail renforcée; ii) que les mécanismes de contrôle de l’évasion des cotisations de sécurité sociale soient renforcés et l’affiliation des travailleurs à l’assurance-maladie encouragée; iii) que l’exclusion de la ratification de la partie II de la convention (relative aux établissements commerciaux) soit levée; iv) que le projet de modèle d’inspection du travail élaboré avec l’appui de l’USAID-Colombie soit adopté en consultation avec les centrales syndicales; v) que le gouvernement veille à ce que, légalement, aucune entreprise étatique ne puisse plus recourir aux CTA pour établir des relations de travail; vi) qu’un projet de loi établissant un cadre légal pour le fonctionnement des coopératives, suivant les orientations inscrites dans la recommandation (nº 193) de l’OIT sur la promotion des coopératives, 2002, soit discuté avec les partenaires sociaux; vii) qu’une législation du travail qui garantisse des droits et soit en conformité avec les conventions de l’OIT soit élaborée en consultation avec les partenaires sociaux; viii) que le contrat de travail soit rétabli comme base de la relation de travail pour mettre fin au rôle d’intermédiaire joué par les CTA et d’autres formes de travail excluant toute relation d’emploi.

La CUT observe que si, en vertu de l’article 125 de la Constitution nationale et de la loi no 909 de 2004, les inspecteurs du travail sont des fonctionnaires publics faisant partie des cadres de la carrière administrative et dont les postes doivent être pourvus par concours, la plupart des inspecteurs actuellement en exercice ont été nommés provisoirement, faute d’organisation de concours. En effet, dans une demande directe adressée au gouvernement en 2001, la commission avait noté que, pour des raisons économiques, le recrutement de fonctionnaires avait été gelé et que, pour pallier l’insuffisance des effectifs d’inspecteurs du travail, le gouvernement avait été contraint de recourir à l’emploi d’agents contractuels pour l’exercice des mêmes fonctions. La commission l’avait en conséquence prié de tenir le BIT informé de toute évolution de la situation, notamment quant au statut et au nombre d’inspecteurs déjà en exercice, de même qu’en ce qui concerne le statut et le nombre d’agents contractuels faisant office d’inspecteurs. Le gouvernement n’avait pas cru devoir le faire en dépit des demandes répétées de la commission.

Dans son observation de 2007, la CUT déplorait également les conditions de travail difficiles des inspecteurs du travail, notamment l’insuffisance des équipements et matériels de bureau, que ce soit dans la capitale ou dans les principales villes du pays, ainsi que le manque généralisé de moyens et de facilités de transport nécessaires aux déplacements professionnels.

Il ressort des informations fournies par le gouvernement dans son rapport ainsi que des informations disponibles sur le site Internet du ministère de la Protection sociale qu’un certain nombre de mesures devraient contribuer au renforcement du système d’inspection du travail à la faveur de la mise en œuvre du programme USAID-Midas («plus d’investissements pour le développement alternatif durable») et de l’assistance du Bureau.

Articles 6, 9 et 10 de la convention. Renforcement des effectifs et des qualifications du personnel d’inspection. Statut des agents d’inspection. S’agissant du nombre d’inspecteurs du travail, la commission note que, selon le gouvernement, il est prévu de recruter, entre 2008 et 2010, 207 fonctionnaires d’inspection, dont des juristes, des économistes et des ingénieurs, pour renforcer l’effectif des 746 inspecteurs en exercice. Elle note par ailleurs qu’il est prévu d’améliorer les compétences des inspecteurs du travail au moyen de formations spécifiques. La commission prend bonne note de ces informations et prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des précisions sur les modalités de recrutement des nouveaux agents d’inspection, ainsi que sur leur statut et leurs conditions de service, au regard des exigences de l’article 6 de la convention. Elle lui saurait gré d’indiquer notamment si des concours ont été ouverts pour les nouveaux postes à pourvoir dans tout le pays et de fournir tout document ou tout texte juridique pertinent.

Articles 11 et 12, paragraphe 1 c) iv). Conditions matérielles de travail et facilités de transport des inspecteurs du travail. La commission note que le gouvernement reconnaît l’insuffisance des facilités de transport à la disposition des inspecteurs pour leurs déplacements professionnels et qu’il se déclare conscient de la nécessité de les renforcer. Elle le prie de fournir des précisions sur l’évolution des conditions de travail des inspecteurs du travail (nombre, répartition géographique, occupation et état des bureaux; matériel de bureau, moyens de communication; équipements permettant des investigations techniques; facilités et moyens de transport, modalités de remboursement de leurs frais de déplacement professionnel et autres dépenses accessoires).

Article 3, paragraphe 2. Fonctions additionnelles confiées aux inspecteurs du travail. A propos de la multiplicité des fonctions confiées aux inspecteurs du travail et de leur impact sur l’exécution de leurs fonctions principales, la commission note qu’une étude sur la charge de travail des directions territoriales a été réalisée dans le cadre du projet pour l’amélioration du système d’inspection du travail. La commission note avec intérêt que le gouvernement envisage la possibilité, dans le cadre des réformes législatives à venir, de redistribuer à d’autres fonctionnaires certaines des missions attribuées aux inspecteurs du travail et d’établir un mécanisme de conciliation spécialisé. La commission espère que le gouvernement ne manquera pas d’informer le BIT des mesures mises en œuvre afin d’assurer que les inspecteurs du travail consacrent à l’avenir la majeure partie de leur temps de travail à l’exercice de leurs fonctions principales et, en priorité, aux visites d’inspection, et espère que le résultat de telles mesures se reflétera dans les statistiques pertinentes.

Article 5 b). Nouvelles modalités d’inspection des conditions de travail avec la collaboration des partenaires sociaux. La commission note que 18 accords dits «d’amélioration» ou «de gestion» ont été conclus en 2007 entre les employeurs et les travailleurs, sous la supervision et avec le suivi des inspecteurs dans certains secteurs d’activité, dont la construction, les transports et les entreprises de sécurité. Le gouvernement ayant indiqué que ces accords ont pour objectif un plus grand respect des obligations respectives des employeurs et des travailleurs, la commission le prie de fournir des précisions sur leur contenu ainsi que sur les modalités pratiques de leur exécution ou d’en envoyer des copies au BIT.

Article 18. Sanctions appropriées et effectivement appliquées. En ce qui concerne la lutte contre l’évasion des cotisations de sécurité sociale, le gouvernement annonce que l’inspection du travail disposera d’outils d’information, tels que le formulaire unique pour le recouvrement intégré de toutes les cotisations dues par les entreprises, les employeurs ou les travailleurs indépendants aux organismes gestionnaires de la sécurité sociale et aux entités parafiscales (PILA). La commission saurait gré au gouvernement de communiquer des informations sur l’impact de l’introduction de cette procédure au regard de l’exécution des obligations liées à la sécurité sociale. Elle le prie par ailleurs de communiquer des informations chiffrées sur les infractions constatées et les sanctions imposées pour non-respect des obligations relatives à la sécurité sociale.

Coopératives de travail associé (CTA), sous-traitance et précarisation des conditions de travail. Selon le gouvernement, le concept de CTA aurait en effet entraîné la prolifération d’entités dans lesquelles les relations de travail sont conclues en violation de la législation du travail, l’assouplissement abusif des conditions de travail ayant porté préjudice au concept même de coopérative et à la finalité de ce type d’organisation. Il signale précisément des cas où des entrepreneurs ont licencié leurs travailleurs et créé des coopératives dans lesquelles ces derniers étaient invités à s’engager, ainsi que d’autres cas de contournement par les entreprises de leurs obligations patronales par la création de CTA, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Le gouvernement indique toutefois que des mesures ont été prises pour redresser la situation, notamment au regard de la couverture sociale, par l’instauration de contrôles adéquats. Il invoque à cet égard le décret no 4588 de 2006 sur l’organisation, le fonctionnement et l’inspection des CTA. Au cours du dernier trimestre de 2007 et du premier semestre de 2008, 875 coopératives et 22 précoopératives se seraient conformées aux dispositions du décret susmentionné. En 2007, 113 sanctions ont été prononcées pour un montant total de 268 453 400 pesos à l’encontre de coopératives agissant en tant qu’intermédiaires, ou d’entreprises temporaires de services, pour évasion de cotisations à la sécurité sociale, et 16 sanctions pour un montant de 291 821 800 pesos ont été prononcées à l’encontre de précoopératives. Pour le gouvernement, la constitution de CTA doit s’analyser comme un moyen légitime et efficace de création d’emplois, profitable notamment aux chômeurs, aux personnes déplacées et aux marginaux ainsi qu’aux entreprises en difficulté ou en cours de restructuration. Le gouvernement prévoit la mise en œuvre d’un système d’information sur les coopératives comprenant des données relatives à l’ensemble des coopératives et précoopératives de travail associé du pays, conformément au décret no 4588 susmentionné et aux dispositions qui le modifient et le complètent, afin d’éviter un recours abusif à la forme coopérative.

La commission appelle l’attention du gouvernement sur le paragraphe 133 de son étude d’ensemble sur l’inspection du travail de 2006 au sujet du sens et de la portée de l’article 3, paragraphe 1 c), de la convention qui prévoit que les inspecteurs du travail doivent porter à la connaissance de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes. Du point de vue de la commission, la détérioration des conditions de travail d’un grand nombre de travailleurs, dont une grande partie est constituée de femmes, justifierait amplement que les inspecteurs du travail soient chargés d’une mission d’enquête sur la réalité des relations de travail existant entre les donneurs d’ordre ou les destinataires des biens et services produits par les CTA et les travailleurs des CTA. Les abus et déficiences préjudiciables à ces derniers pourraient ainsi être identifiés et conduire à une amélioration de la législation existante sur les conditions de travail et la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession. La commission espère qu’une telle mission sera rapidement confiée aux inspecteurs du travail afin de permettre une avancée du droit, et son adaptation aux nouvelles réalités du monde du travail, telles que les rapports de subordination des CTA à l’égard des entreprises pour lesquelles elles produisent des biens et services en dehors de tout contrat de travail. Le gouvernement est prié de communiquer des informations à ce sujet, accompagnées d’une copie de tout texte donnant effet à l’article 3, paragraphe 1 c), de la convention.

La commission prie en outre le gouvernement de faire part au BIT de sa position au sujet des suggestions des syndicats sur la question.

Article 14. Notification aux inspecteurs du travail des accidents du travail et des cas de maladie professionnelle. A plusieurs reprises, la commission a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour faire porter effet à cet article de la convention. Aucune information pertinente n’ayant été communiquée à cet égard, elle le prie instamment de prendre des mesures assurant l’application en droit et dans la pratique de cette disposition importante de la convention, condition indispensable au développement d’une politique de prévention des risques professionnels. Elle espère vivement que des informations pertinentes sur ce point seront communiquées avec le prochain rapport du gouvernement.

Article 13. Prévention en matière de sécurité et de santé au travail dans les activités à hauts risques. Des informations disponibles au BIT font état de graves accidents du travail survenus dans l’industrie minière aux cours des dernières années, en particulier d’accidents mortels qui se sont produits en février 2007 dans les mines de charbon San Roque et La Preciosa en Sardinata, département du Norte de Santander et à Gámeza, département de Boyacá. Le gouvernement ayant annoncé qu’il sera donné priorité à la prévention des risques professionnels par un ciblage des activités et établissements à hauts risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, la commission le prie d’indiquer les mesures prises dans ce sens. Elle le prie de préciser notamment si des mesures visant à identifier les facteurs de risque responsables des accidents susvisés ainsi que les moyens permettant de les éliminer ont été prises. Le cas échéant, le gouvernement est prié de communiquer toute information à ce sujet. Si tel n’est pas le cas, la commission demande instamment au gouvernement de prendre rapidement des mesures assurant la protection des travailleurs concernés contre les risques d’accidents graves et d’en tenir le BIT dûment informé.

Article 15 c). Principe de confidentialité de la source des plaintes. La commission constate une fois de plus que le gouvernement n’a pas fourni les informations demandées au sujet de l’existence d’une base légale visant à garantir le respect par les inspecteurs du travail du principe de confidentialité de la source des plaintes. Elle demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre des mesures visant à compléter rapidement la législation, de manière à ce que la confidentialité relative aux plaintes soit garantie afin de mettre les travailleurs à l’abri des représailles, d’en tenir le BIT informé et de lui communiquer tout texte ou projet de texte pertinent.

Articles 20 et 21. Rapport annuel d’inspection. L’attention du gouvernement est appelée une nouvelle fois sur l’obligation pour l’autorité centrale d’inspection du travail de publier et de communiquer au BIT, conformément à l’article 20 de la convention, un rapport annuel d’activité contenant les informations requises par chacun des alinéas a) à g) de l’article 21. La commission espère vivement que le gouvernement ne manquera pas de prendre, à la faveur de la coopération internationale en cours pour le renforcement de l’inspection du travail, les mesures nécessaires permettant de faire porter pleinement effet à ces articles de la convention. Elle lui saurait gré de communiquer en tout état de cause des informations sur tout développement dans ce sens, y compris sur les problèmes éventuellement rencontrés.

En outre, la commission adresse directement au gouvernement une demande sur d’autres points.

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