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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 81) sur l'inspection du travail, 1947 - France (Ratification: 1950)

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Faisant suite à ses commentaires antérieurs, la commission prend note des rapports du gouvernement reçus au BIT les 23 novembre 2007 et 8 septembre 2008, ainsi que des informations complémentaires reçues en janvier 2008, au sujet des points soulevés successivement par la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) en 2002 et par le Syndicat national unitaire - Travail Emploi Formation (SNU-TEF (FSU)) entre 2005 et 2006.

Elle prend également note du rapport annuel de l’inspection du travail pour 2006.

Développements structurels. La commission prend note avec intérêt de la désignation en 2006 de la Direction générale du travail (DGT) du ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, en qualité d’autorité centrale de l’inspection du travail, ainsi que de la création par décret no 2007-279 du 2 mars 2007 du Conseil national d’inspection du travail (CNIT) chargé de contribuer à assurer «l’exercice des missions et garanties de l’inspection du travail telles qu’elles sont notamment définies par les conventions nos 81 et 129 de l’OIT».

Articles 20 et 21 de la convention. Rapport annuel sur le fonctionnement de l’inspection du travail. La commission note avec satisfaction la qualité du rapport annuel visé par ces dispositions. Outre des développements détaillés et de nombreux tableaux statistiques sur chacun des sujets visés par l’article 21, ce rapport contient également des commentaires prospectifs.

La commission note avec un intérêt particulier, en relation avec une préoccupation exprimée par la CGT-FO, l’inclusion dans le rapport annuel d’inspection de données très détaillées, sur la base de nombreux critères, sur les causes des accidents du travail et des cas de maladie professionnelle, ainsi que sur les mesures prises dans un certain nombre de domaines pour en réduire de manière significative la fréquence (s’agissant notamment des accidents de trajet, de ceux causés par des grues et des maladies liées à l’amiante, à des agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, ou encore aux peintures d’avion).

Article 10. Effectif et composition du personnel d’inspection du travail au regard des missions liées au développement et à la complexité de la législation. La commission note avec intérêt que le plan de modernisation de l’inspection du travail prévoit une augmentation significative des effectifs et une amélioration des qualifications des agents d’inspection entre 2006 et 2010 (240 inspecteurs, 420 contrôleurs et 40 ingénieurs et médecins supplémentaires). La commission saurait gré au gouvernement de préciser la répartition du personnel d’inspection formé et recruté en application de ce plan, par grade et par fonction, au regard de l’exercice des fonctions définies par les dispositions de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la convention.

Articles 6 et 18. Appui des pouvoirs publics et de la justice aux agents d’inspection exposés à des agressions physiques et à des menaces. La commission note avec intérêt le signal positif donné par le jugement du 9 mars 2007 condamnant à une peine de trente années d’emprisonnement un exploitant agricole, auteur du meurtre, en 2004, de deux agents de contrôle dans l’exercice de leurs fonctions. Selon le gouvernement, le soutien des autorités aux agents de contrôle est désormais inscrit comme un axe majeur du plan de développement et de modernisation de l’inspection (dans ses aspects juridiques, judiciaires et psychologiques), l’autorité centrale d’inspection étant par ailleurs fortement impliquée dans les travaux menés sur ce thème par le Comité international des hauts responsables de l’inspection du travail (CHRIT).

Articles 3, paragraphes 1 et 2, 5 a), 6, 12, 15 c) et 17. Fonctions additionnelles confiées aux inspecteurs du travail. Mobilisation des ressources et incompatibilité au regard des méthodes de contrôle et des objectifs poursuivis. S’agissant de l’association de l’inspection du travail, en vertu du décret du 12 mai 2005 et de diverses circulaires ultérieures, aux opérations de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre de séjour, et dont le SNU-TEF (FSU) affirme qu’elle constitue une violation de la convention, le gouvernement reproche au syndicat de faire une interprétation restrictive de celle-ci. Il se réfère, quant à lui, à l’article 31 de la Convention de Vienne de 1973 sur le droit des traités, en vertu duquel un traité doit être interprété «[…] à la lumière de son objet et de son but», et estime en conséquence qu’il n’y a pas opposition mais articulation entre la logique de protection des travailleurs au travail et la logique de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre de travail. Le gouvernement se réfère également au point de vue exprimé par la commission dans son étude d’ensemble de 2006 sur l’inspection du travail, selon lequel il appartient notamment à l’inspection du travail de veiller à ce que les conditions de la conclusion et de l’exécution de la relation de travail soient conformes aux normes applicables, s’agissant notamment de catégories de travailleurs vulnérables, telles que les jeunes ou certaines personnes handicapées (paragr. 76). La commission se doit de préciser à cet égard que cette position est sous-tendue par l’idée selon laquelle c’est en raison d’une vulnérabilité liée à des critères physiques, mentaux ou psychologiques que l’emploi de ces personnes est considéré par l’article 3, paragraphe 1 a), de la convention comme une matière faisant partie des conditions de travail et relevant du domaine de compétence légale de l’inspection du travail. S’agissant du contrôle des dispositions relatives à l’emploi clandestin ou illégal, il ressort du paragraphe 77 de l’étude d’ensemble précitée que ni la convention no 81 ni la convention no 129 ne contiennent de dispositions prévoyant l’exclusion de quelque travailleur que ce soit de la protection de l’inspection du travail en raison du caractère irrégulier de sa relation de travail. Hormis l’exception concernant l’emploi de travailleurs vulnérables, tels que notamment ceux évoqués ci-dessus, les missions de l’inspection du travail telles que définies par ces deux conventions visent à assurer des conditions de travail conformes aux prescriptions légales pertinentes, ainsi que la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession et non la régularité de leur emploi. D’ailleurs dans une même vision, le rapport annuel d’inspection du travail pour 2005 présente les activités dans le domaine de l’emploi comme ne relevant pas de la compétence de l’inspection du travail au sens de la convention no 81 (deuxième partie, III, p. 31) et le rapport pour 2006 précise que les questions couvertes par l’expression «conditions de travail» concernent les conditions et le milieu dans lesquels le travail est exercé (p. 61). Rappelant que la fonction principale de l’inspection du travail n’est pas d’assurer l’application du droit de l’immigration et soulignant que les ressources humaines et les moyens des services d’inspection ne sont pas extensibles, la commission a constaté que la proportion des activités d’inspection consacrées aux conditions de travail semble être amoindrie par rapport à celle des activités visant à contrôler la régularité du statut des travailleurs au regard du droit de l’immigration (paragr. 78 de l’étude d’ensemble précitée). Il ressort du rapport du gouvernement que, pour la seule année 2007, l’inspection du travail a participé au plan de lutte contre le travail illégal à hauteur de 31 000 contrôles. Le SNU-TEF (FSU) fait grief au gouvernement d’associer les inspecteurs du travail à des opérations conjointes visant à repérer et à interpeler, sur le lieu de leur travail, des étrangers en situation illégale au regard du droit de séjour. Selon les circulaires pertinentes, qu’il s’agisse d’employeurs ou de salariés, la mesure administrative principale qui leur est appliquée est la reconduite à la frontière, avec pour conséquence en ce qui concerne les travailleurs le déni de leurs droits liés à leur condition de salariés, en contradiction avec l’objectif de protection de l’inspection du travail et avec la législation nationale, selon laquelle l’infraction d’emploi illégal n’est, en soi, opposable qu’au seul employeur, les travailleurs concernés étant, en principe, considérés comme des victimes (art. L.314‑6‑1 du Code du travail). Estimant au paragraphe précité de son étude d’ensemble que, pour être compatible avec l’objectif de protection de l’inspection du travail, la fonction de contrôle de la légalité de l’emploi doit avoir pour corollaire le rétablissement des droits garantis par la législation à tous les travailleurs, la commission a préconisé la prudence quant à la collaboration entre l’inspection du travail et les autorités en charge de l’immigration (paragr. 161). Elle note à cet égard que la circulaire interministérielle no 21 du 20 décembre 2006 limite la portée de la coopération de l’inspection du travail à la mesure nécessaire à la mise en œuvre effective des droits des salariés employés illégalement, qu’elle se réfère expressément à l’article 17 de la convention relatif à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intenter ou de recommander des poursuites et précise que la notion de «compétence» pour l’inspection du travail renvoie principalement à la mise en œuvre effective des droits des salariés employés illégalement. Elle invoque en outre «les éclairages complémentaires et concordants à cet égard» de l’étude d’ensemble précitée. La commission voudrait toutefois faire observer que le fait que les inspecteurs soient embrigadés et dirigés par des fonctionnaires dépendant d’organes publics autres que leur autorité centrale, telle que définie par l’article 4 de la convention, pour la réalisation d’opérations conjointes dont le but est incompatible avec l’objectif de l’inspection du travail, constitue une transgression du principe d’indépendance inscrit dans la convention (article 6) et vide de son sens le droit de libre décision évoqué ci-dessus ainsi que le principe du traitement confidentiel de la source des plaintes (article 15 c)). Cela entraîne en outre une limitation importante des prérogatives des inspecteurs en matière d’initiative et de réalisation des contrôles dans les établissements (article 12, paragraphe 2 c) i) et ii)) et subordonne l’exécution des propres priorités de l’autorité centrale d’inspection du travail à celle des autorités de lutte contre l’immigration clandestine.

La circulaire interministérielle no 10 du 7 juillet 2008, communiquée par le gouvernement avec son rapport, ordonne la reconduction en 2008 des opérations conjointes de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre et le travail dissimulé. Tout en faisant référence aux principes rappelés par la circulaire du 20 décembre 2006, elle énonce néanmoins que l’organisation de ces opérations conjointes s’inscrit dans l’activité des services d’inspection du travail sous l’égide des comités opérationnels de lutte contre le travail illégal et recommande que l’implication des services d’inspection du travail dans l’action interministérielle de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre soit forte, «visible et identifiée». Or la commission relève que le SNU-TEF (FSU) s’est indigné du rôle imposé à l’inspection du travail et à ses agents dans l’exécution d’opérations menées «au faciès», dans «une logique purement policière», et a fourni une documentation volumineuse à l’appui de ses allégations, dont des articles de presse ainsi que des déclarations d’associations d’inspecteurs et de contrôleurs motivant leur refus de ce qu’ils désignent comme des dérives très graves au regard de l’objectif de l’inspection du travail. Le syndicat s’est référé à titre d’exemple de bonne pratique à cet égard à un pays européen dans lequel la fonction de contrôle de l’emploi illégal a été transférée de l’inspection du travail à une autre autorité publique, les inspecteurs ayant ainsi été rétablis dans leurs fonctions principales telles que définies par la convention. La commission saurait gré au gouvernement de fournir des informations lui permettant d’apprécier la manière dont il est assuré, conformément à l’article L. 341‑6‑1 du Code du travail, que les travailleurs étrangers en situation irrégulière bénéficient de la même protection de l’inspection du travail que les autres travailleurs et de fournir, dans la mesure du possible, des statistiques pertinentes (nombre de plaintes soumises et de condamnations d’employeurs à régulariser leur situation au regard de leurs obligations patronales, et état des procédures d’exécution de telles décisions).

La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures visant à ce que les pouvoirs des inspecteurs d’entrer dans les établissements assujettis à leur contrôle ne soient plus détournés à l’effet de l’exécution d’opérations conjointes de lutte contre l’immigration clandestine. Elle le prie de prendre, conformément à l’article 5 a) de la convention, des mesures favorisant la collaboration des services chargés de la lutte contre l’immigration clandestine avec l’inspection du travail. Ces services pourraient en effet lui notifier les cas d’immigrés clandestins interpelés en dehors d’un lieu de travail mais qui sont engagés dans une relation de travail couverte au titre de cette convention. Les inspecteurs du travail seraient aussi en mesure d’assurer leur protection conformément aux pouvoirs qui leur sont conférés en vertu de la convention et du Code du travail.

En outre, la commission adresse directement au gouvernement une demande concernant d’autres points.

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