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Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Bolivie (Etat plurinational de) (Ratification: 1965)

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La commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 29 août 2008, qui concernent des questions d’ordre législatif soulevées antérieurement par la commission ainsi que des menaces de mort dirigées contre le secrétaire exécutif de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et l’attentat à la dynamite contre le siège de la COB de La Paz. A cet égard, la commission note que le gouvernement reconnaît que les faits survenus au siège syndical principal de la COB sont des faits «reprochables», qui ont entraîné des dégâts matériels mais n’ont pas fait de morts. Le gouvernement ajoute que les initiatives qu’il y a lieu de prendre auprès de la Force de lutte contre le crime, qui relève de la police nationale, ont été faites mais que l’enquête n’a pas abouti parce qu’il s’est avéré impossible de trouver les auteurs de ces actes. La commission rappelle à cet égard que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de toutes violences, pressions ou menaces de quelque nature qu’elles soient, à l’égard des dirigeants ou des membres de ces organisations, et qu’il incombe aux gouvernements de garantir le respect de ce principe.

La commission prend note des nouvelles observations de la CSI en date du 26 août 2009, qui ont trait à des questions actuellement à l’examen. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet.

La commission prend note de la nouvelle Constitution politique de l’Etat promulguée le 7 février 2009. La commission note avec satisfaction que les articles 14, 49 et 51 de la nouvelle Constitution reconnaissent de manière universelle le droit syndical et de négociation collective de tous les travailleurs, y compris les travailleurs agricoles, ainsi que l’immunité syndicale des dirigeants syndicaux, et l’article 112 prévoit que les droits reconnus sont d’application directe. La commission note que, selon le gouvernement, l’Etat doit adopter une nouvelle législation conforme à la nouvelle Constitution. La commission note que le gouvernement indique que, en ce qui concerne la liberté syndicale, la nouvelle Constitution a été rédigée en s’inspirant de la convention no 87 et que, de ce fait, nombre des droits syndicaux établis par la législation ont été transformés en droits constitutionnels. Il convient désormais d’en réglementer l’application au moyen de lois expresses. A cet égard, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale élabore actuellement une nouvelle loi du travail en concordance avec la nouvelle Constitution, et les observations de la commission seront prises en considération dans ce processus.

La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, ses commentaires portent sur les questions suivantes:

–      Exclusion des travailleurs agricoles du champ d’application de la loi générale du travail de 1942 (art. 1 de la loi et décret d’application no 224 du 23 août 1943), ce qui prive ces travailleurs des garanties prévues par la convention. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement se réfère à diverses dispositions qui ont conféré de manière progressive à ces travailleurs agricoles les garanties prévues par la convention et il signale que la Chambre des sénateurs du Congrès national est actuellement saisie d’une loi sur les travailleurs agricoles ou ruraux qui a pour objet d’instaurer les conditions et droits des travailleurs agricoles. La commission exprime l’espoir que le projet de loi en question sera adopté dans un proche avenir et qu’il apportera à tous les travailleurs agricoles, qu’ils soient salariés ou à leur propre compte, les garanties prévues par la convention.

–      Déni aux fonctionnaires du droit de se syndiquer (art. 104 de la loi générale du travail). La commission rappelle que, en vertu de l’article 2 de la convention, les fonctionnaires, comme tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix pour la promotion et la défense de leurs intérêts, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations.

–      Obligation d’obtenir l’adhésion de 50 pour cent des travailleurs d’une entreprise pour pouvoir constituer un syndicat quand il s’agit d’un syndicat d’industrie (art. 103 de la loi générale du travail). La commission souligne à cet égard qu’il s’agit là d’un pourcentage bien trop élevé, susceptible à ce titre d’empêcher la constitution de syndicats dans une industrie.

–      Pouvoirs de contrôle étendus de l’inspection du travail sur les activités des syndicats (art. 101 de la loi générale du travail, qui permet aux inspecteurs du travail de participer aux délibérations des syndicats et de contrôler leurs activités). La commission rappelle que l’article 3 de la convention établit le droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion et leurs activités et que les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.

–      Obligation, pour être dirigeant syndical, d’avoir la nationalité bolivienne (art. 138 du décret réglementaire de la loi générale du travail) et d’être un travailleur habituel de l’entreprise (art. 6 c) et 7 du décret-loi no 2565 de juin 1951). De l’avis de la commission, la législation nationale devrait permettre aux travailleurs étrangers d’accéder à des fonctions de dirigeant syndical tout au moins au terme d’un délai raisonnable de résidence dans le pays d’accueil [voir étude d’ensemble de 1994, Liberté syndicale et négociation collective, paragr. 118], et ce indépendamment de l’acquisition de la nationalité. Sont de même contraires à la convention des dispositions qui établissent la nécessité d’appartenir à la profession ou à l’entreprise pour être dirigeant syndical, de telles dispositions risquant de faire obstacle au droit des organisations d’élire librement leurs représentants en empêchant des personnes qualifiées, telles que celles qui travaillent à plein temps pour le syndicat ou qui sont à la retraite, d’exercer des responsabilités syndicales, ou en privant ces organisations de l’expérience de certains dirigeants dans des circonstances où elles n’ont pas dans leurs propres rangs un nombre suffisant de personnes dûment qualifiées [voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 117].

–      Obligation de recueillir les trois quarts des voix des travailleurs pour déclarer la grève (art. 114 de la loi générale du travail et 159 du décret d’application). La commission rappelle qu’imposer de recueillir l’adhésion de plus de la moitié des travailleurs concernés pour pouvoir déclarer la grève est une condition trop rigoureuse, qui pourrait affecter indûment la possibilité de faire grève, notamment dans les grandes entreprises. La commission estime qu’il serait plus adéquat de s’en tenir, dans ce contexte, à une majorité simple des votants, par exemple.

–      Illégalité des grèves générales et des grèves de solidarité, avec sanctions pénales en cas d’infraction (art. 1 et 2 du décret-loi no 2565 et art. 234 du Code pénal). La commission rappelle que l’interdiction générale des grèves de solidarité peut se révéler abusive, surtout quant la grève initiale est elle-même légale et considérant que, comme les grèves générales, les grèves de solidarité constituent des moyens d’action qui doivent rester accessibles aux travailleurs. La commission rappelle en outre qu’un travailleur ayant fait grève d’une manière pacifique ne doit pas être passible de sanctions pénales et qu’ainsi aucune peine de prison ne peut être encourue. De telles sanctions ne sont envisageables que si, à l’occasion de la grève, des violences contre les personnes ou les biens, ou d’autres infractions graves de droit commun sont commises, et ce en application des textes punissant de tels faits.

–      Interdiction de la grève dans les banques (art. 1 c) du décret suprême no 1958 de 1950). La commission rappelle que les services bancaires ne sont pas considérés comme des services essentiels au sens strict du terme (ces derniers étant ceux dont l’interruption mettrait en péril, dans tout ou partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes), dans lesquels la grève peut être interdite ou limitée. Cela étant, la commission rappelle qu’il est possible d’instaurer un service minimum négocié dans les cas où, même s’il est admis qu’une interdiction totale de la grève ne se justifierait pas et sans remettre en cause le droit reconnu à la grande majorité des travailleurs de faire grève, on estime nécessaire d’assurer la satisfaction des besoins essentiels des usagers.

–      Possibilité d’imposer un arbitrage obligatoire par décision du pouvoir exécutif pour mettre fin à une grève, y compris dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (art. 113 de la loi générale du travail). La commission rappelle qu’un système d’arbitrage obligatoire pouvant être imposé par l’autorité du travail peut avoir pour effet, lorsqu’un conflit n’a pas été résolu par d’autres moyens, de restreindre considérablement le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et, notamment, d’imposer de manière indirecte une interdiction absolue de la grève, en contradiction avec les principes de la liberté syndicale. Elle rappelle que l’arbitrage obligatoire conçu pour mettre un terme à un conflit collectif du travail ou à une grève n’est acceptable que lorsque ce sont les deux parties au conflit qui le demandent, ou dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, par exemple dans le cas d’un conflit dans la fonction publique impliquant des fonctionnaires exerçant une fonction d’autorité au nom de l’Etat, ou survenant dans des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en péril, pour tout ou partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes.

–      Possibilité de dissoudre les organisations syndicales par voie administrative (art. 129 du décret réglementaire). La commission rappelle que les mesures de suspension ou de dissolution par l’autorité administrative constituent de graves violations des principes de la liberté syndicale. Elle considère en effet que la dissolution d’organisations syndicales est une mesure qui ne devrait intervenir que dans des cas d’une extrême gravité et, en outre, elle ne devrait pouvoir être ordonnée que comme conséquence d’une décision judiciaire, de manière à préserver pleinement les droits de la défense.

La commission exprime le ferme espoir que, dans le cadre de la réforme législative annoncée, suite à l’adoption de la nouvelle Constitution, il sera tenu compte de la totalité de ses commentaires. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout processus s’inscrivant dans cette démarche et rappelle qu’il peut recourir, au besoin, à l’assistance technique du Bureau s’il le souhaite.

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