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Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - France (Ratification: 1981)

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Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT). La commission note avec intérêt l’abrogation par la loi no 2008-596 du 25 juin 2008 du dispositif de contrat «nouvelles embauches» (CNE), qui faisait l’objet d’une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT alléguant le non-respect de la convention no 111 et de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982. Elle note également que, selon les informations fournies par le gouvernement, tous les CNE qui étaient en cours ont été requalifiés en contrats à durée indéterminée.

Non-discrimination et égalité de chances et de traitement. Evolution de la législation. La commission prend note avec intérêt de l’amendement de l’article 1 de la Constitution, par la loi du 23 juillet 2008, et de l’adoption de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations qui réalise et complète la transposition de cinq directives européennes et modifie, entre autres, le Code du travail. L’article 1 de la Constitution prévoit désormais explicitement que «la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales». En outre, suite à l’adoption de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008, le Code du travail renvoie à la définition de la discrimination directe et indirecte dans l’emploi donnée par cette même loi (art. L.1132-1 et L.1134-1) et inclut des dispositions précisant les conditions dans lesquelles des différences de traitement sont possibles sans faire obstacle au principe d’interdiction de la discrimination (art. L.1133-2 et L.1142-2). La loi, qui s’applique à toutes les personnes publiques ou privées, y compris à celles qui exercent une activité indépendante, précise également que l’injonction de discriminer constitue une discrimination et contient des dispositions relatives à la protection des victimes et des témoins d’actes discriminatoires contre toute mesure de rétorsion, à la charge de la preuve et au harcèlement moral ou sexuel. Prenant note de ces informations, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de l’article 1 de la Constitution et des dispositions de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 dans la pratique.

Discrimination fondée sur la race et l’ascendance nationale. La commission note qu’en 2009 «l’origine» reste le motif de discrimination le plus souvent invoqué dans les réclamations concernant l’emploi reçues par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et qu’un pourcentage important des délibérations de cette institution concerne aussi ce motif. Elle note également que, selon un rapport publié en novembre 2010 par l’Institut national de statistique et des études économiques couvrant une période allant de 2005 à 2008 (France – Portrait social 2010), en moyenne 86 pour cent des hommes français âgés de 16 à 65 ans, et 74 pour cent des femmes, ont un emploi quand leurs deux parents sont français de naissance alors que le taux d’emploi des hommes est de 65 pour cent, et de 56 pour cent pour les femmes, lorsque au moins un de leurs parents est immigré et originaire d’un pays du Maghreb. L’étude souligne toutefois que ces disparités ne sont pas entièrement dues à la discrimination mais rappelle que de récentes enquêtes ont montré l’existence de discriminations fondées sur «l’origine» lors du recrutement.

La commission prend note des informations fournies par le gouvernement en ce qui concerne la sensibilisation et la formation des acteurs publics et privés à la prévention des discriminations, notamment du service public de l’emploi, des entreprises de travail temporaire, des chambres consulaires qui gèrent l’apprentissage, des entreprises avec lesquelles des partenariats ont été signés et des organisations syndicales. Dans son rapport, le gouvernement fait également état des actions de prévention réalisées par les commissions pour la promotion de l’égalité de chances et la citoyenneté au niveau départemental et mentionne l’existence de contrats de ville dans lesquels la lutte contre les discriminations raciales a été inscrite. La commission note que le gouvernement déclare à cet égard que l’appropriation de la lutte contre les discriminations par les acteurs locaux reste encore très largement à faire. S’agissant plus particulièrement de la lutte contre la discrimination à l’embauche subie par les jeunes issus de l’immigration, le gouvernement précise que des actions ont été menées autour de trois axes: l’accompagnement des jeunes vers l’emploi, notamment par le biais de parrainages, d’un appui à la création d’entreprises ou encore du développement de l’apprentissage; la sensibilisation des entreprises à la nécessité de diversifier leur recrutement; ainsi que la lutte contre le déclassement professionnel en recherchant une meilleure adéquation entre diplôme et niveau d’emploi pour les personnes diplômées de l’enseignement supérieur.

Soulignant le rôle particulièrement important des organisations de travailleurs et d’employeurs dans la promotion de l’égalité dans l’emploi et la profession, la commission note que l’accord interprofessionnel relatif à la diversité dans l’entreprise, qui a été signé en 2006 par les partenaires sociaux et rendu obligatoire en 2008, prévoit la mise en œuvre d’actions axées notamment sur l’engagement des dirigeants des entreprises, la sensibilisation et la lutte contre les stéréotypes. La commission note en outre qu’en mai 2009 un programme d’action et des recommandations pour la diversité et l’égalité de chances a été élaboré par le Commissaire à la diversité et à l’égalité de chances et qu’il contient une liste d’actions à entreprendre afin de promouvoir l’égalité de chances, notamment en matière d’éducation et d’emploi. Elle note enfin qu’il ressort des observations finales du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) que la France prépare un plan national de lutte contre le racisme (CERD/C/FRA/CO/17-19, 27 août 2010, paragr. 9). La commission espère que ce plan comprendra un volet sur l’emploi et la profession, y compris l’éducation et la formation professionnelle, élaboré en collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs et prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.

La commission prend également note du rapport de l’experte indépendante des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités, suite à sa visite en France en septembre 2007. Constatant que les membres de minorités sont confrontés à des discriminations raciales graves, elle a émis un certain nombre de recommandations, telles que la nécessité de prévoir des peines plus lourdes pour qu’elles soient suffisamment dissuasives en cas de pratiques discriminatoires et l’importance de mettre en œuvre des politiques volontaristes pour contrer les effets d’une discrimination persistante (A/HRC/7/23/Add.2, 4 mars 2008, paragr. 78 et 79). En outre, le CERD a constaté avec regret dans ses observations finales que, «malgré les politiques récentes engagées en matière de lutte contre la discrimination raciale dans les domaines du logement et de l’emploi, les personnes issues de l’immigration ou de groupes ethniques … continuent d’être victimes de stéréotypes et de discriminations de toutes sortes qui font obstacle à leur intégration et à leur progression à tous les niveaux de la société française» (CERD/C/FRA/CO/17-19, 27 août 2010, paragr. 13).

Compte tenu de ces constats, tout en prenant note des nombreuses mesures et dispositifs mis en place, aux niveaux central et local, pour lutter contre la discrimination fondée sur la race, l’ascendance nationale ou l’origine ethnique, la commission est préoccupée par le fait que ces mesures ne semblent pas produire d’effets suffisants et demande au gouvernement de renforcer son action afin de lutter de manière effective contre la discrimination fondée sur la race ou l’ascendance nationale et de promouvoir de manière active l’égalité dans l’emploi et la profession. La commission prie le gouvernement de fournir des données statistiques permettant d’évaluer l’impact des mesures de promotion de l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi, y compris dans l’éducation et la formation professionnelle, sans distinction de race ou d’ascendance nationale. Le gouvernement est également prié de fournir des informations plus particulièrement sur les points suivants:

i)     toute mesure prise afin de promouvoir la tolérance et le respect entre toutes composantes de la population et de lutter contre les stéréotypes et préjugés persistants dont sont victimes les personnes issues de l’immigration ou les membres de groupes ethniques, y compris dans les départements et régions d’outre-mer;

ii)    les suites réservées au programme d’action et aux recommandations du Commissaire à la diversité et à l’égalité de chances en matière d’emploi et de profession;

iii)   les mesures prises pour lutter contre les discriminations fondées sur la race, l’ascendance nationale et l’origine ethnique dans l’emploi, dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme;

iv)    les actions entreprises par les partenaires sociaux pour mettre en œuvre l’accord interprofessionnel sur la diversité dans l’entreprise rendu obligatoire en 2008 et promouvoir la négociation collective sur ce thème.

Promotion de l’égalité de chances et de traitement dans la fonction publique. La commission note qu’une Charte pour la promotion de l’égalité dans les trois fonctions publiques a été signée en décembre 2008 par le ministre chargé de la fonction publique et le président de la HALDE. Cette charte a notamment pour objectif de mettre en œuvre des conditions de recrutement adaptées aux besoins sans discriminer, de dynamiser les parcours professionnels, de sensibiliser et former les agents de l’administration et de diffuser de bonnes pratiques. La commission note que le premier bilan de la mise en œuvre de la charte, tel qu’il ressort du rapport annuel sur l’état de la fonction publique (Politiques et pratiques 2009-10), permet de mettre en évidence une progression de la mobilisation des ministères et l’amorce d’un dialogue social, une ouverture dans l’accès à la fonction publique, notamment grâce à l’installation de diverses classes préparatoires intégrées (CPI) et au développement de dispositifs de tutorat, et quelques bonnes pratiques pour encourager les évolutions professionnelles. Le bilan établi met également en lumière une mobilisation moindre, s’agissant de la gestion des ressources humaines ou de l’accès à la formation, ainsi que des faiblesses concernant la mise en place de diagnostics sur les inégalités existantes et de dispositifs d’alerte. La commission note que, selon les recommandations formulées par la HALDE sur cette question, il importe de poursuivre et d’accentuer les efforts entrepris, plus particulièrement en ce qui concerne l’information et la formation des personnels afin de les aider à identifier les situations potentiellement discriminatoires, et pour ce qui est de l’identification des sources de discrimination, des moyens nécessaires pour vérifier l’objectivité des décisions, de l’accompagnement des victimes de discrimination et du suivi de l’ensemble des mesures prises. Le gouvernement indique aussi que des allocations pour la diversité destinées aux personnes préparant un concours (catégories A et B) et qu’un dispositif (le pacte) permettant d’offrir à des jeunes peu qualifiés une formation en alternance en vue d’un emploi de catégorie C ont également été mis en œuvre. La commission note également que, dans son rapport, l’experte indépendante des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités considère que le secteur public doit donner l’exemple en matière d’égalité et que des stratégies plus performantes doivent être mises en œuvre pour accroître le nombre de personnes issues de l’immigration dans le service public, y compris dans la police, la fonction publique et le système judiciaire, et que ces efforts doivent faire l’objet d’une évaluation sur la base des résultats obtenus (A/HRC/7/23/Add.2, 4 mars 2008, paragr. 86). Notant les efforts entrepris non seulement pour lutter contre la discrimination mais également pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement dans la fonction publique, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre de ces mesures et dispositifs, y compris de la charte de 2008, ainsi que de tout plan d’action adopté en faveur de l’égalité professionnelle, les obstacles rencontrés et l’évaluation des résultats de l’ensemble de ces mesures sur l’accès de tous à la fonction publique sans discrimination fondée sur les motifs interdits par la législation nationale et la convention, en fournissant les données statistiques appropriées.

Par ailleurs, la commission prend note des observations communiquées en mai 2010 par le Syndicat national des chercheurs scientifiques et le Syndicat national autonome des sciences concernant le dispositif de réorientation professionnelle, suite à une restructuration, prévu par la loi no 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Les organisations syndicales soulignent le caractère potentiellement discriminatoire dudit dispositif qui permettrait, au sein de la fonction publique, des changements d’emploi, voire d’employeur, sans concours. Tout en prenant note de la réponse du gouvernement reçue en novembre 2010, selon laquelle le dispositif de réorientation professionnelle est basé sur un dialogue permanent entre l’administration et l’agent concerné, la commission lui demande de veiller à ce que la mise en œuvre de ce dispositif en cas de restructuration dans la fonction publique ne donne pas lieu à des pratiques discriminatoires, telles que prohibées par la législation et la convention.

Discrimination fondée sur la religion. Dans ses commentaires précédents, la commission priait instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’application de la loi no 65 du 17 mars 2004 et de sa circulaire d’application du 18 mai 2004 concernant l’interdiction de porter des signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, sous peine de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’exclusion de ces établissements. En l’absence de réponse du gouvernement sur ce point, la commission se voit dans l’obligation de reformuler sa demande et le prie à nouveau de fournir des informations plus particulièrement sur les points suivants:

i)     toute décision administrative ou judiciaire relative à l’application de la législation susmentionnée;

ii)    le nombre de garçons et de filles qui ont été expulsés de l’école en application de la loi susmentionnée;

iii)   les mesures prises pour veiller à ce que les élèves qui ont été expulsés aient néanmoins une possibilité d’accéder à l’éducation et à la formation.

La commission prie également le gouvernement de veiller à ce que l’application de cette loi n’ait pas pour effet de diminuer les chances des filles de trouver un emploi à l’avenir.

La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

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